CCE, 10 juillet 2007, n° 2008-92
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Concernant un régime d'aides d'État de l'Italie en faveur du secteur de la navigation en Sardaigne C 23-96 (NN 181/95) et C 71-97 (N 144/97)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles, considérant ce qui suit:
1. PROCÉDURE
(1) Par lettre du 24 juin 1996 (1), la Commission a communiqué aux autorités italiennes sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE (ex article 93, paragraphe 2) en ce qui concerne un régime d'aides illégal mis en place par la région Sardaigne en faveur des entreprises de navigation souhaitant construire, acquérir, transformer, modifier ou réparer des navires (ci-après dénommé "régime d'aides initial").
(2) À la suite de l'ouverture de la procédure, le gouvernement italien a présenté ses observations à la Commission par lettre du 31 octobre 1996 (DG VII - Transports A/23443). Les autorités sardes, quant à elles, ont présenté leurs observations par lettres du 11 octobre 1996 (DG VII - Transports A/21870) et du 22 janvier 1997. Aucune observation n'a été présentée par d'autres États membres ou des tiers dans le délai d'un mois suivant la publication de la décision d'ouvrir la procédure. Il importe toutefois de noter qu'un certain nombre de tiers ont présenté des observations après l'expiration de ce délai.
(3) Le 21 octobre 1997, la Commission a adopté la décision 98-95-CE, qui établit l'incompatibilité du régime d'aides en question avec le Marché commun (2). Cette décision a été communiquée aux autorités italiennes le 12 novembre 1997 [SG (97) D/9375].
(4) Par lettre du 14 novembre 1997, la Commission a informé les autorités italiennes de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE (ex article 93, paragraphe 2) en ce qui concerne la loi régionale sarde n° 9 du 15 février 1996 portant modification du régime d'aides initial mis en place en faveur des entreprises de navigation (3). Les autorités italiennes ont présenté leurs observations le 16 janvier 1998 (DG VII - Transports A/1221) et le 23 décembre 1997 (DG VII - Transports A/144). Aucune observation n'a été présentée par d'autres États membres ou des tiers dans le délai d'un mois suivant la publication de la décision d'ouvrir la procédure.
(5) Par arrêt du 19 octobre 2000, la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt République italienne et Sardegna Lines - Servizi Marittimi della Sardegna S.p.A. c/ Commission des Communautés, affaires jointes C-15-98 et C-105-99) (4) a annulé la décision 98-95-CE pour insuffisance de motivation en ce qui concerne l'existence de l'altération des échanges communautaires. (6) À la suite d'une lettre de la Commission du 23 novembre 2006 (D 2006 224962) dans laquelle étaient demandées des informations aux autorités italiennes, une réponse a été envoyée par courrier électronique le 8 mars 2007 (TRENA/26193).
2. DESCRIPTION DE LA MESURE
2.1. Le régime initial
(7) À la suite d'une plainte déposée en 1993, la Commission a eu connaissance d'un régime d'aides mis en place par la région Sardaigne en faveur des entreprises de navigation souhaitant construire, acquérir, transformer ou réparer des navires. Il s'agissait en particulier de prêts et de crédits-bails à conditions préférentielles, qui n'étaient accordés initialement qu'à des entreprises dont le siège social, le domicile fiscal et le port d'enregistrement étaient situés en Sardaigne.
La loi régionale n° 20 du 15 mai 1951 modifiée par la loi n° 15 du 11 juillet 1954
(8) Le régime en question a été mis en place par la loi régionale sarde n° 20 du 15 mai 1951 (ci-après dénommée "loi n° 20-1951"), modifiée ultérieurement par les lois régionales n° 15 du 11 Juillet 1954 (ci-après dénommée "loi n° 15-1954") et n° 11 du 4 juin 1988 (ci-après dénommée "loi n° 11-1988"). La loi n° 20-1951, modifiée par la loi n° 15-1954, prévoyait la création d'un fonds pour l'octroi de prêts aux entreprises de navigation ayant l'intention de construire, d'acquérir, de transformer ou de réparer des navires. Ces prêts ne pouvaient être octroyés qu'à des entreprises dont le siège social, le domicile fiscal et le port d'enregistrement étaient situés en Sardaigne.
(9) Les prêts ne pouvaient pas dépasser 20 % de l'investissement dans le cas de travaux de construction, de transformation ou de réparation pour lesquels le demandeur avait déjà reçu une aide en vertu du droit national applicable à l'époque. Lorsque le demandeur n'avait bénéficié d'aucune aide en vertu de la législation nationale, les prêts ne pouvaient pas dépasser 60 % de l'investissement.
(10) Selon la loi n° 20-1951, les intérêts, commissions et autres charges liées aux prêts ne pouvaient dépasser annuellement 4,5 % du montant du prêt lorsque l'entreprise bénéficiaire avait déjà bénéficié d'une aide en vertu du droit national, et 3,5 % dans tous les autres cas (soit une réduction moyenne du taux d'intérêt de 10 à 12 points de pourcentage). Le capital devait être remboursé en douze tranches annuelles au maximum, à partir de la troisième année suivant l'entrée en service du navire pour lequel le prêt avait été octroyé.
La loi régionale n° 11 du 4 juin 1988
(11) Les articles 99 et 100 de la loi n° 11-1988 avaient modifié considérablement le régime d'aides, mais ces modifications n'avaient pas été notifiées à la Commission. Le régime d'aides modifié constituait donc une aide non notifiée.
(12) Les conditions prévues par la loi n° 20-1951 concernant l'octroi d'une aide aux entreprises bénéficiaires avaient été complétées par les conditions suivantes : "a) que l'entreprise ait établi durablement, dans l'un des ports de la région, son siège principal et effectif, son siège administratif et son port d'enregistrement ainsi que, le cas échéant, ses principaux entrepôts, dépôts et équipements accessoires;
b) que tous les navires que possède l'entreprise soient inscrits dans les circonscriptions maritimes de la région;
c) que l'entreprise utilise les ports de la région comme centre de ses activités de transport maritime, en y faisant aussi normalement escale dans le cadre de ses activités, et qu'en cas d'exploitation de services réguliers, ceux-ci aient leur tête de ligne ou comportent une ou plusieurs escales périodiques dans l'un de ces ports;
d) que l'entreprise s'engage à radouber ses navires dans les ports de la région dès lors que les chantiers navals sardes disposent des capacités nécessaires, sauf cas de force majeure, exigences inévitables en matière d'affrètement ou contraintes économiques ou temporelles évidentes;
e) que, en ce qui concerne les équipages des navires de jauge brute supérieure à 250 tonneaux, l'entreprise s'engage à constituer un équipage particulier comprenant toutes les catégories de marins nécessaires à la bonne marche du navire pour lequel l'aide est demandée, en ne faisant appel qu'à des marins inscrits au rôle de service général du port d'immatriculation, et à choisir le personnel d'équipage tant général que spécialisé sur ce rôle, les seules limitations à cet égard étant celles prévues sur l'emploi des gens de mer."
(13) La loi n° 11-1988 a également créé la possibilité pour les autorités sardes de subventionner les coûts d'un crédit-bail lorsque les entreprises de navigation ont choisi cet instrument de financement plutôt qu'un prêt. Cette subvention est égale à la différence entre le coût actuel de l'emprunt calculé selon le taux d'intérêt de référence commerciale applicable aux entreprises de navigation en Italie, et le coût de l'emprunt de la même somme calculé au taux de 5 % (ce qui correspond à une bonification d'intérêts moyenne d'environ 10 points de pourcentage).
(14) À l'expiration du contrat, le navire subventionné peut être acheté par le locataire pour une somme égale à 1 % du prix d'achat. Les autorités italiennes font valoir (dans leur lettre du 5 juin 1988 et leur réplique du 1er juillet 1998) qu'aucun crédit-bail n'a été souscrit en vertu de la loi n° 11-1988.
(15) Selon les informations dont dispose la Commission, le montant total des prêts accordés depuis l'entrée en vigueur du régime d'aides initial s'élève à 12 697 450 000 lires (soit environ 6,5 millions d'euro). Le dernier financement aurait été décidé en décembre 1991.
(16) Dans leur dernière lettre, datée du 8 mars 2007, les autorités italiennes prétendent que les financements octroyés conformément à la loi de 1988 ont concerné l'achat de navires dont la jauge brute oscille entre 24 et 138 tonneaux; ces navires auraient été destinés principalement à des activités de cabotage sur un marché qui, à l'époque, n'était pas encore ouvert à la concurrence.
2.2. Les doutes soulevés quant au régime d'aides initial faisant l'objet de la procédure C 23-96
(17) En ouvrant cette procédure le 24 juin 1996, la Commission a émis, sur la base des informations dont elle disposait, de sérieux doutes sur la compatibilité de l'aide avec le Marché commun pour les raisons suivantes:
- le régime d'aides contenait des dispositions établissant une discrimination fondée sur la nationalité : pour bénéficier de l'aide, les entreprises devaient employer des marins sardes à bord de leurs navires,
- le régime était contraire au principe de la liberté d'établissement: pour bénéficier de l'aide, les entreprises devaient - notamment - avoir établi leur siège social en Sardaigne,
- le régime prévoyait des aides destinées à promouvoir les investissements dans les navires, aides dont les modalités étaient susceptibles d'enfreindre le droit communautaire.
2.3. Le régime modifié par la loi n° 9 du 15 février 1996
(18) Pour rendre la loi n° 20-1951 compatible avec le droit communautaire et les directives applicables, les autorités régionales ont, par la loi régionale n° 9 du 15 février 1996 (ci-après dénommée "loi n° 9-1996"), modifié le régime d'aides initial comme suit:
a) les éléments de discrimination fondés sur la nationalité ont été supprimés;
b) une nouvelle condition sur la base de laquelle une préférence sera accordée aux moyens de transport innovants et de haute technologie a été introduite;
c) des modifications techniques ont été réalisées: la durée des prêts/crédits-bails ne pouvait pas dépasser douze ans et ceux-ci devaient être inférieurs à 70 % des coûts anticipés, le plafond étant fixé à 40 milliards de lires (soit environ vingt millions d'euro) par navire; l'aide était octroyée sous la forme d'une bonification d'intérêts équivalents à la différence entre le taux d'amortissement calculé selon le taux de référence des prêts accordés au secteur de la navigation en Italie et celui calculé à un taux de 36 % du même taux de référence;
d) un système a été mis en place pour vérifier que l'aide n'était pas octroyée deux fois (par les autorités nationales et les autorités régionales) pour les mêmes prêts/crédits-bails.
2.4. Les doutes exprimés dans le cadre de la procédure C 71-97
(19) Dans sa décision du 14 novembre 1997, la Commission, tout en notant que le régime d'aides notifié ne contenait plus de dispositions discriminatoires contraires au droit d'établissement, exprimait de sérieux doutes sur la compatibilité des modifications avec le Marché commun pour les raisons suivantes:
- risque de conflits avec les règles communautaires sur la construction navale en vigueur à cette époque (5),
- incompatibilité du régime d'aides avec les orientations qui s'appliquaient à l'époque en matière d'aides d'État aux transports maritimes (6),
- existence d'aides illégitimes à l'exploitation, attribuées sous forme de prêts à conditions préférentielles pour l'achat de navires.
2.5. La décision 98-95-CE de la Commission
(20) Dans la décision 98-95-CE, la Commission, sans se prononcer sur les modifications apportées ultérieurement, qualifiait d'aides d'État les aides octroyées au titre du régime initial pour les raisons suivantes : a) les entreprises bénéficiaires sont exonérées d'une charge financière qu'elles devraient normalement supporter (taux d'intérêt du marché et autres frais accessoires pour les prêts et les crédits-bails); b) cette charge est financée par des ressources publiques (provenant en particulier des autorités régionales); c) l'aide est sélective (et réservée au secteur de la navigation); d) l'aide a un effet sur les échanges entre États membres.
(21) En ce qui concerne le point d), la Commission a noté dans sa décision d'ouvrir la procédure que "plus de 90 % des marchandises provenant des États membres sont transportées par mer vers la Sardaigne et que plus de 90 % des marchandises provenant de Sardaigne sont transportées par mer vers les États membres". En outre, 65 % du trafic touristique (passagers et véhicules) entre les États membres et la Sardaigne sont gérés par des compagnies de navigation. La Commission faisait en outre observer que, dans leurs observations, les autorités italiennes n'ont pas contesté ces chiffres, ni d'ailleurs la qualification d'aide d'État du régime d'aides en cause, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
(22) Eu égard à ce qui précède, la Commission concluait:
a) que l'aide financière octroyée conformément à la loi n° 11-1988 constituait une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu article 87, paragraphe 1);
b) que l'aide avait été octroyée en violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (article 88, paragraphe 3); et
c) qu'aucune des dérogations prévues à l'article 92 ne pouvaient s'appliquer en l'espèce.
La Commission avait dès lors enjoint l'Italie de récupérer les aides illégales octroyées au titre du régime d'aides de 1988 (article 2).
2.6. L'arrêt du 19 octobre 2000 et ses conséquences juridiques
(23) Par arrêt du 19 octobre 2000, la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt République italienne et Sardegna Lines - Servizi Marittimi della Sardegna S.p.A. c/ Commission des Communautés, affaires jointes C-15-98 et C-105-99) (7) a annulé la décision 98-95-CE pour insuffisance de motivation en ce qui concerne l'existence d'une distorsion des échanges communautaires.
(24) La Cour a constaté que la Commission, en se limitant à affirmer que l'aide est sélective et réservée au secteur de la navigation en Sardaigne, que plus de 90 % du transport de marchandises entre le continent et la Sardaigne s'effectuent par mer et que 65 % des transports touristiques (passagers avec voitures) sont assurés par des compagnies de navigation, n'a pas fourni d'éléments concernant la concurrence entre les entreprises maritimes sardes et celles établies dans les autres États membres. Selon la Cour, la Commission n'avait pas pris en compte, à cet égard, le fait que le cabotage avec les îles de la Méditerranée était exclu jusqu'au 1er janvier 1999 de la libéralisation des services de transport maritime à l'intérieur des États membres.
(25) Enfin, la Cour relevait que la Commission, tout en constatant que le régime d'aides aux armateurs sardes contrevenait aux principes fondamentaux de la liberté d'établissement et de l'interdiction de discriminations fondées sur la nationalité, ne s'appuyait pas sur cette violation pour prouver la distorsion des échanges entre États membres.
(26) L'arrêt du 19 octobre 2000 a entraîné la réouverture de la procédure formelle d'examen lancée par la décision du 24 juin 1996. Dès lors, il appartient à la Commission d'adopter une nouvelle décision finale.
(27) En plus d'adopter une nouvelle décision à la suite de l'annulation de la décision 98-95-CE par la Cour, la Commission doit se prononcer sur la modification apportée au régime par la loi n° 9-1996 et qui fait l'objet de la procédure d'examen ouverte le 14 novembre 1997. Bien qu'elle ait décidé à l'époque d'examiner séparément les deux régimes, la Commission doit procéder, dans la présente décision, à un examen conjoint des deux régimes pour en apprécier la portée globale.
3. OBSERVATIONS DE L'ITALIE
3.1. Observations sur le régime d'aides initial présentées dans le cadre de la procédure C 23-96
(28) Dans le cadre de la procédure C 23-96, les autorités italiennes informaient la Commission, par lettre du 31 octobre 1996, des modifications qu'elles avaient apportées au régime d'aides initial pour le rendre, selon elles, compatible avec le droit communautaire. La principale modification était l'adoption de la loi régionale n° 9-1996, qui supprimait les dispositions discriminatoires fondées sur la nationalité ainsi que les dispositions contraires à la liberté d'établissement. Elles informaient également la Commission de la mise en place d'un mécanisme de contrôle visant à éviter que les aides ne soient octroyées deux fois (par les autorités nationales et par les autorités régionales).
(29) Par lettres du 11 octobre 1996 et du 22 janvier 1997, les autorités régionales justifiaient la nécessité des mesures résultant des modifications de la loi n° 9-1996, notamment par les conditions économiques difficiles de la Sardaigne, région relevant de l'"objectif n° 1".
3.2. Observations sur le régime d'aides modifié présentées dans le cadre de la procédure C 71-97
(30) Pour ce qui est des observations présentées dans le cadre de la procédure C 71-97, les autorités italiennes affirmaient tout d'abord qu'il était impossible de connaître la réglementation communautaire à laquelle faisait référence la Commission dans sa décision d'ouvrir la procédure d'enquête, au motif que le règlement (CE) n° 3094-95 du Conseil (8), modifié par le règlement (CE) n° 1904-96, ainsi que les orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime de 1997 avaient été publiés après l'adoption de la loi n° 9-1996.
(31) Deuxièmement, l'Italie soulignait que les mesures prévues par la loi n° 9-1996 n'avaient pas été mises en œuvre et qu'aucun engagement financier n'avait été pris à l'égard de tiers. L'Italie soutenait de surcroît que les mesures prévues étaient nécessaires pour pallier l'absence d'économies d'échelle dans le secteur du transport maritime de marchandises et de passagers dans une région insulaire telle que la Sardaigne.
(32) En conclusion, les autorités italiennes se déclaraient prêtes à modifier le texte législatif et à se conformer à toute la réglementation communautaire en vigueur.
4. APPRÉCIATION DE L'AIDE
4.1. Appréciation du régime initial applicable entre 1988 et 1996
Existence d'une nouvelle aide d'État illégale
(33) La Commission considère que les autorités italiennes ont manqué à l'obligation qui leur incombait au titre de l'article 88, paragraphe 3, du traité (ex article 93, paragraphe 3) en ne notifiant pas le régime d'aides en faveur des entreprises immatriculées en Sardaigne et désireuses de construire, d'acquérir, de transformer, de modifier ou de réparer des navires. En effet, même si le régime a été mis en place avant l'entrée en vigueur du traité, la loi n° 11-1988 a modifié considérablement le régime d'aides créé par les lois n° 20-1951 et n° 15-1954. En conséquence, les modifications introduites en 1988 auraient dû être notifiées à la Commission et constituent de nouvelles aides non notifiées. Cette qualification n'a d'ailleurs pas été contestée par les autorités italiennes dans leurs observations présentées à la suite de l'ouverture de la procédure le 24 juin 1996 et est donc maintenue dans la présente décision.
(34) La Commission constate que la mesure examinée constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. En effet, les entreprises sardes ont bénéficié de taux d'intérêt réduits par rapport aux taux du marché et de la réduction des autres frais accessoires pour les prêts et les crédits-bails. Celles-ci ont donc bénéficié de l'exonération d'une charge financière qu'elles auraient normalement dû payer. La Commission observe que cette charge a été financée par des ressources publiques et que l'aide était sélective parce qu'elle était réservée à des entreprises du secteur de la navigation établies en Sardaigne.
(35) La Commission note en outre que la mesure affecte les échanges intracommunautaires. Le régime mis en place par les autorités italiennes concerne en effet les entreprises de navigation sardes en général, qui réalisent soit des activités du cabotage, soit des transports internationaux. S'il est vrai que le règlement (CEE) n° 3577-92 (9), qui a libéralisé le marché des services maritimes de cabotage à l'intérieur de la Communauté, a exclu la libéralisation du cabotage avec les îles de la Méditerranée jusqu'au 1er janvier 1999, il est vrai également que ce règlement n'exclut pas de son champ d'application l'altération des échanges sur le marché des services maritimes entre différents États membres, notamment la France, l'Espagne et l'Italie continentales. À cet égard, il convient de constater que l'aide en question ne se limitait pas au cabotage, c'est-à-dire aux services maritimes effectués dans les eaux territoriales italiennes, libéralisé le 1er janvier 1999, mais concernait aussi les entreprises de navigation sardes qui assuraient des services de transport maritime internationaux, libéralisés dès 1986 (10), et qui pouvaient donc entrer en concurrence avec d'autres opérateurs communautaires.
(36) Il ressort en effet des données dont dispose la Commission (11) qu'il existait notamment, entre 1992 et 1997, un trafic maritime de navires marchands (et de navires de croisière), au départ et à l'arrivée des ports sardes, vers et en provenance d'autres destinations communautaires et extracommunautaires. En particulier, il convient de signaler l'existence d'une compagnie française, qui opérait depuis Toulon vers la Sardaigne, et de deux sociétés italiennes, qui opéraient depuis la Corse vers la Sardaigne. Ces faits montrent que les échanges de services internationaux de transport maritime entre l'Italie et certains États membres ont été affectés à cette période (1988-1996).
(37) Dans leur dernière lettre, datée du 8 mars 2007, les autorités italiennes affirment que les financements octroyés sur la base de la loi n° 11-1988 concernaient "l'achat d'embarcations de jauge brute comprise entre 24 et 138 tonneaux"; ces navires auraient été destinés principalement à des activités de cabotage sur un marché qui, à l'époque, n'était pas ouvert à la concurrence. Toutefois, il apparaît, dans au moins deux cas, que le régime a été appliqué en vue de l'achat de navires transbordeurs destinés au transport de passagers et de véhicules automobiles entre la Sardaigne et le continent, qui pouvaient faire concurrence à d'autres opérateurs nationaux et communautaires. Les autorités italiennes ont affirmé ne disposer d'aucune donnée sur le trafic de passagers et de marchandises entre la Sardaigne et le reste de l'Italie, d'une part, et entre la Sardaigne et d'autres États membres, d'autre part, pour la période en question.
(38) Il est à noter, en outre, que le règlement (CEE) n° 3577-92 sur le cabotage n'excluait pas non plus l'existence d'une concurrence entre entreprises sur le marché des transports maritimes entre la Sardaigne et la péninsule italienne avant le 1er janvier 1999, du fait que les compagnies étrangères avaient le droit d'assurer des services de cabotage maritime en Italie, en immatriculant leurs navires dans cet État membre, sans pouvoir bénéficier toutefois du régime d'aides réservé aux armateurs sardes. Par la suite, ce régime a eu pour effet de décourager les entreprises de navigation d'autres États membres d'ouvrir des filiales en Italie pour assurer des services de cabotage maritime avec la Sardaigne, étant donné qu'elles n'auraient de toute façon pas pu bénéficier de l'aide en question et qu'elles auraient dû affronter la concurrence d'opérateurs qui eux, en revanche, pouvaient en bénéficier.
Inapplicabilité des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3
(39) Aucune des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3 (ex article 92, paragraphes 2 et 3) ne peut s'appliquer pour les raisons exposées ci-après.
(40) Les autorités italiennes affirment que l'aide aurait été nécessaire pour permettre le développement d'une région caractérisée par des conditions économiques difficiles.
(41) Bien que la Sardaigne soit une région admissible aux aides régionales, la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité ne peut pas s'appliquer puisque les aides en question n'étaient pas destinées à promouvoir le développement régional, mais se limitent à favoriser les seules entreprises de navigation. En effet, les autorités italiennes n'ont pas suffisamment démontré en quoi le régime d'aides en faveur des entreprises maritimes sardes aurait permis le développement de la région conformément à la réglementation communautaire applicable à cette époque, c'est-à-dire à la communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), aux aides régionales (12). Même si la région Sardaigne figure sur la liste des régions proposées aux fins de l'article 92, paragraphe 3, point a) (voir annexe I de ladite communication), il n'a pas été démontré que la mesure était nécessaire en tant qu'aide à l'investissement initial ou à la création d'emplois, ni qu'elle pouvait être considérée comme une aide au fonctionnement, limitée dans le temps et destinée à compenser des désavantages particuliers ou permanents de la région, en permettant un développement durable et équilibré sans engendrer de surcapacité dans le secteur en question.
(42) En outre, la communication affirme que toute aide régionale doit respecter les orientations communautaires prévues pour certains secteurs industriels tels que celui de la construction navale, ce qui n'est pas le cas du régime d'aides en question, comme cela sera démontré plus loin.
(43) L'aide ne peut donc pas bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point a).
(44) La dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), relative aux aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques, ne peut pas non plus s'appliquer puisque le régime en question ne respecte pas les orientations communautaires en vigueur entre 1988 et 1996. La réglementation en vigueur à l'époque, c'est-à-dire l'annexe I, chapitre II, des orientations de 1989 sur les aides d'État aux compagnies de navigation (13), subordonnait en effet l'octroi de ces aides à la condition qu'il n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Le paragraphe 7 des orientations précitées dispose que "l''intérêt commun serait servi par des mesures qui visent essentiellement à maintenir des navires sous le pavillon communautaire, c'est-à-dire en luttant contre la tendance à l'utilisation de pavillons de pays tiers, notamment par l'amélioration des équipements technologiques et, ensuite, par l'engagement du plus grand nombre possible de marins communautaires à bord de ces navires". En l'espèce, les autorités italiennes n'ont pas fourni d'informations suffisantes pour prouver que le régime initial de la région Sardaigne pouvait être justifié par l'amélioration de la sécurité des navires ou la protection de l'emploi de marins communautaires.
(45) En outre, l'annexe I, chapitre II, paragraphe 6, des orientations précitées de 1989 sur les aides d'État aux compagnies de navigation prévoyaient que les aides pouvaient être versées à ces dernières pour la construction, la transformation ou la réparation de navires à la condition que leur montant ne dépasse pas les plafonds prévus par la réglementation communautaire et notamment la directive 87-167-CEE du Conseil du 26 janvier 1987 concernant les aides à la construction navale (14), à laquelle ont succédé la directive 90-684-CEE du Conseil (15) et le règlement (CE) n° 3094-95 du Conseil (16). L'article 4 de la directive 87-167-CEE est libellé comme suit : les aides à la production en faveur de la construction et de la transformation navales peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun, à condition que le montant total de l'aide octroyée pour un contrat ne dépasse pas en équivalent-subvention un plafond maximal commun exprimé en pourcentage de la valeur contractuelle avant aide, ci-après dénommé "plafond".
(46) À cet égard, il appartient aux autorités nationales de garantir le respect de la réglementation communautaire concernant les aides aux chantiers navals à laquelle la Commission ne peut pas déroger. Étant donné que le respect de la réglementation communautaire constitue, à l'évidence, une condition de compatibilité des aides en question, l'État membre doit le démontrer en fournissant "tous les éléments de nature à permettre à [la Commission] de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont remplies" (arrêt de la CJCE dans l'affaire C-364-90, Italie c/Commission, points 20 et suivants, Rec. 1993, p. I-2097).
(47) Comme les autorités italiennes n'ont pas fourni d'informations sur le fait que le montant total de l'aide octroyée respecte le plafond prévu à l'article 4 de la directive 87-167-CEE (17) et, en l'absence de toute autre information sur la conformité de la mesure initiale avec la directive précitée ou l'article 5 du règlement (CE) n° 3094-95 (18), la Commission est forcée de conclure que les aides ne sont pas conformes non plus aux règles sur la construction navale (19).
(48) En outre, ces dérogations ne peuvent pas être invoquées pour autoriser un régime d'aides contraire aux principes généraux du traité. En effet, la Commission considère que le régime d'aides aux armateurs sardes est incompatible avec le droit communautaire du fait que plusieurs conditions supplémentaires introduites par la loi n° 11-1988 enfreignaient les principes fondamentaux de la liberté d'établissement (article 52) et de l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité (article 6 et article 48, paragraphe 2).
(49) En effet, en violation de l'article 52 du traité, le régime d'aides exigeait de la société bénéficiaire qu'elle soit non seulement établi en Sardaigne, mais aussi que son siège administratif et ses activités de transport maritime, ainsi que, le cas échéant, ses principaux entrepôts, dépôts et équipements accessoires soient situés durablement dans l'un des ports de la région. Le régime prévoyait en outre que tous les navires de l'entreprise bénéficiaire (et non seulement ceux bénéficiant d'un prêt au titre du régime) devaient être immatriculés en Sardaigne.
(50) En outre, ainsi qu'il résulte de l'article 99, point e), de la loi n° 11-1988 et de l'arrêt de la Cour de justice du 19 octobre 2000 (point 19), dans le cas des navires de jauge supérieure à 250 tonneaux, l'entreprise devait employer un contingent minimal de marins figurant au rôle du port sarde d'immatriculation du navire. La compagnie bénéficiaire était donc tenue d'employer un pourcentage déterminé de marins locaux, même si d'autres marins étaient aptes à effectuer les tâches prévues, en violation du principe interdisant toute discrimination fondée sur la nationalité. Il en résulte que l'aide en question est contraire aux principes fondamentaux du droit communautaire.
4.2. Appréciation du régime initial modifié par la loi n° 9 du 15 février 1996 en vigueur depuis 1996
Existence d'une aide d'État
(51) La Commission considère que le régime modifié par la loi n° 9-1996 constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, pour les raisons suivantes : a) les entreprises bénéficiaires sont exonérées d'une charge financière qu'elles devraient normalement payer (taux d'intérêt préférentiels et facilités concernant les autres frais accessoires pour les prêts et crédits-bails); b) cette charge reste financée par des ressources publiques; c) l'aide est sélective du fait qu'elle reste réservée à des entreprises du secteur de la navigation; et d) la mesure affecte les échanges entre États membres du fait que le régime modifié concerne les entreprises de navigation souhaitant acquérir, construire et transformer des navires destinés au transport de marchandises et de passagers au départ et à destination de la Sardaigne et d'autres îles sardes. En effet, comme il a été expliqué plus haut, les entreprises pouvant bénéficier de l'aide n'opèrent pas sur le seul marché du cabotage, libéralisé à partir du 1er janvier 1999, mais aussi sur le marché des transports maritimes internationaux, libéralisé dès 1986 (20). Dans tous les cas, il ne fait aucun doute que ce régime, dans la mesure où il est encore en vigueur, continue d'influer sur la concurrence dans un secteur totalement libéralisé depuis 1999.
(52) D'après les informations transmises par les autorités italiennes en octobre 1996 et en janvier 1997, aucun bénéficiaire n'a reçu d'aide au titre de la loi n° 9-1996. Étant donné que ces aides n'ont pas été octroyées par le passé, la Commission considère qu'il n'est pas nécessaire d'évaluer, dans la présente décision, la compatibilité avec les règles communautaires en vigueur à l'époque. Toutefois, comme ces aides pourraient être octroyées à l'avenir, il est nécessaire d'en vérifier la compatibilité avec les règles communautaires en vigueur, à savoir les orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime de 2004 (21) (ci-après dénommées "orientations communautaires de 2004").
Incompatibilité du régime modifié
(53) Le régime d'aides modifié ne contient plus de dispositions discriminatoires fondées sur la nationalité ou contraires au principe d'établissement. La Commission estime toutefois que le régime modifié ne répond pas aux conditions établies par les orientations communautaires de 2004 et ne peut pas bénéficier des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, points a) et c), pour les raisons exposées ci-après.
(54) En effet, aux termes du paragraphe 5 des orientations communautaires de 2004, les aides au renouvellement de la flotte tendent généralement à fausser la concurrence. En l'espèce, la Commission considère que les aides en question ne s'inscrivent pas dans une réforme structurelle destinée à réduire les capacités globales et qu'elles ne visent pas non plus à améliorer les équipements à bord des navires ou à promouvoir l'utilisation de navires plus sûrs. À cet égard, le fait que, selon le régime d'aides modifié, les aides soient destinées à des modes "de transport innovants et de haute technologie" ne permet pas d'évaluer, en l'absence de toute définition de ces technologies et des dépenses y afférentes, la portée de la modification introduite.
(55) La Commission considère que le régime ne peut pas non plus être qualifié d'aide régionale au sens du paragraphe 6 des orientations communautaires régionales. En effet, bien que la Sardaigne soit une région défavorisée, les autorités italiennes n'ont pas suffisamment prouvé que la région tirera un avantage du régime en question (chapitre 5, paragraphe 4, des orientations communautaires de 2004), ni que le régime est conforme aux règles communautaires sur les aides régionales en vigueur (22).
(56) En outre, la Commission considère que, pour les raisons déjà exposées, le régime d'aides porte préjudice aux économies des autres États membres et fausse la concurrence entre États membres dans une mesure contraire à l'intérêt commun (chapitre 2 des orientations communautaires de 2004).
(57) La Commission observe en outre que, conformément aux orientations communautaires de 2004, les éventuelles aides aux investissements doivent être conformes aux dispositions communautaires applicables dans le secteur de la construction navale, c'est-à-dire au règlement (CE) n° 1540-98 (23). Il convient de noter que l'article 3, paragraphe 1, de ce règlement dispose: "Jusqu'au 31 décembre 2000, les aides à la production en faveur de contrats de construction et de transformation navales, mais pas de réparation navale, peuvent être jugées compatibles avec le Marché commun, à condition que le montant total de toutes les formes d'aide accordée pour un contrat donné (y compris l'équivalent-subvention de toute aide accordée à l'armateur ou à des tiers) ne dépasse pas, en équivalent-subvention, un plafond maximal commun exprimé en pourcentage de la valeur contractuelle avant aide [...]". Étant donné que l'Italie n'a pas fourni d'informations sur le fait que le montant total de toutes les formes d'aide accordée pour un contrat donné ne dépasse pas, en équivalent-subvention, un plafond maximal commun exprimé en pourcentage de la valeur contractuelle avant aide, force est de constater que la mesure ne respecte pas l'article 3, paragraphe 1.
(58) En outre, l'article 3, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1540-98 dispose : "Les aides accordées sous forme de facilités de crédit bénéficiant d'un soutien public à des armateurs ou des tiers nationaux et étrangers pour la construction ou la transformation de navires peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun et ne sont pas prises en considération dans le plafond, si elles respectent la résolution du conseil de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) du 3 août 1981 (arrangement de l'OCDE concernant les crédits à l'exportation de navires) ou tout accord modifiant ou remplaçant ledit arrangement ". La Commission dispose toutefois d'informations indiquant que les aides prévues par le régime modifié respectent la résolution du conseil de l'OCDE du 3 août 1981.
(59) Aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 1540-98, les aides à l'innovation aux entreprises existantes de construction, de transformation et de réparation navales peuvent être jugées compatibles avec le Marché commun jusqu'à une intensité maximale de 10 % brut, à condition qu'elles se rapportent à l'application industrielle de produits et de procédés qui soient véritablement et fondamentalement nouveaux, c'est-à-dire non encore utilisés commercialement par d'autres opérateurs du secteur dans la Communauté, et qui représentent un risque sur le plan technologique ou industriel. Ces aides doivent, en outre, se limiter à couvrir les dépenses en faveur des investissements et des activités de développement directement et exclusivement liés à la partie innovante du projet et leur montant et intensité doivent être limités au minimum indispensable, compte tenu du degré de risque associé au projet. Or, comme il déjà été indiqué plus haut, le fait que, selon le régime d'aides modifié, les aides soient destinées à des modes "de transport innovants et de haute technologie" ne permet pas d'évaluer, en l'absence de toute définition de ces technologies et des dépenses correspondantes, la portée de la modification introduite. La Commission doit donc conclure que le régime d'aides modifié ne satisfait pas non plus aux règles sur la construction navale.
(60) Enfin, les dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), ne peuvent pas être appliquées puisqu'il revient aux autorités nationales de garantir le respect de la réglementation communautaire sur les aides aux entreprises navales, à laquelle la Commission ne peut pas déroger. Étant donné que le respect de la réglementation communautaire constitue, à l'évidence, une condition de compatibilité des aides en question, l'État membre doit le démontrer en fournissant tous les éléments de nature à permettre à la Commission de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont remplies.
Conclusions
(61) En conclusion, le régime d'aides initial appliqué entre 1988 et 1996 est illégal et incompatible avec le Marché commun.
(62) Il en résulte que le montant de l'aide sous forme de prêts (soit, au total, 12 697 450 000 lires) accordés à des conditions préférentielles au titre de la loi régionale n° 11-1988 doit être restitué par les bénéficiaires selon les procédures et les dispositions du droit italien. Puisqu'aucune subvention n'a été versée sous forme de crédit-bail, il n'y a pas lieu d'en ordonner la récupération.
(63) Les aides à récupérer comprennent les intérêts qui courent à compter de la date à laquelle les aides ont été mises à disposition des bénéficiaires, jusqu'à la date de leur récupération.
(64) Étant donné que la Commission n'a pas été en mesure de quantifier directement l'élément d'aide et le montant total de l'aide à récupérer auprès de chaque bénéficiaire, il appartient aux autorités italiennes de déterminer ces éléments et de communiquer à la Commission les sommes à récupérer auprès de chaque bénéficiaire.
(65) En ce qui concerne le régime d'aides modifié par la loi n° 9-1996, en vigueur depuis 1996, la Commission constate qu'aucune aide n'a été versée à partir de cette date, mais conclut que ce régime constitue une aide d'État incompatible avec le Marché commun. Comme aucune subvention n'a été versée à ce titre, il n'y a pas lieu d'ordonner sa récupération,
A arrêté la présente décision:
Article premier
L'aide d'État sous forme de prêts et de crédits-bails accordés aux entreprises de navigation en vertu de la loi n° 20 du 15 mai 1951 de la région Sardaigne, modifiée par la loi n° 11 du 4 juin 1988, est incompatible avec le Marché commun.
Article 2
1. L'Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires l'aide visée à l'article 1er, déjà mise illégalement à leur disposition et correspondant à la différence entre le montant total que les bénéficiaires auraient payé pour les intérêts et les frais accessoires aux conditions normales de marché pratiquées à la date de souscription du prêt, et le montant total des intérêts et des frais accessoires effectivement payés par les bénéficiaires eux-mêmes.
2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. L'aide à récupérer comprend les intérêts, qui courent depuis la date de versement de l'aide aux bénéficiaires jusqu'à la date de sa récupération.
3. Pour les prêts encore en cours à la date de la notification de la présente décision, l'Italie veille à ce que leur reliquat soit soldé par l'emprunteur dans les conditions normales du marché.
Article 3
Le régime d'aides d'État sous forme de prêts et de crédits-bails, prévu en faveur des entreprises de navigation par la loi n° 20 du 15 mai 1951 de la région Sardaigne, modifiée par la loi régionale n° 9 de 1996, est incompatible avec le Marché commun.
Article 4
L'Italie supprime le régime d'aides visé aux articles 1er et 3.
Article 5
L'Italie informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.
Article 6
La République italienne est destinataire de la présente décision.
Notes
(1) C 23-96 (NN 181/95), JO C 368 du 6.12.1996, p. 2.
(2) JO L 20 du 27.1.1998, p. 30.
(3) C 71-97 (N 144/97), JO C 386 du 20.12.1997.
(4) Recueil 2000, p. I-08855.
(5) Directive 90-684-CEE du Conseil du 21 décembre 1990 concernant les aides à la construction navale (JO L 380 du 31.12.1990) et règlement (CE) n° 3094-95 du Conseil du 22 décembre 1995 relatif aux aides à la construction navale (JO L 332 du 30.12.1995), modifié par le règlement (CE) n° 1904-96 (JO L 251 du 3.10.1996).
(6) Mesures financières et fiscales relatives à l'exploitation des navires immatriculés dans la communauté, SEC(89) 921 final du 3 août 1989, et orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime (JO C 205 du 5.7.1997).
(7) Recueil 2000, p. I-08855.
(8) Voir note 5 de bas de page.
(9) Règlement (CEE) n° 3577-92 du Conseil du 7 décembre 1992 concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime), JO L 364 du 12.12.1992, p. 7.
(10) Règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil du 22 décembre 1986 portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers, JO L 378 du 31.12.1986.
(11) Données enregistrées par la capitainerie du port d'Olbia.
(12) Communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), aux aides régionales, notamment le chapitre I, paragraphe 6 (JO C 212 du 12.8.1988), modifiée en 1990 et en 1994 (JO C 163 du 4.7.1990 et JO C 364 du 20.12.1994).
(13) SEC(89) 921 final du 3 août 1989.
(14) JO L 69 du 12.3.1987, p. 55.
(15) JO L 380 du 31.12.1990, p. 1.
(16) JO L 332 du 30.12.1995, p. 1. Règlement modifié par le règlement (CE) n° 1904-96 (JO L 251 du 3.10.1996, p. 5).
(17) L'article 4 est libellé comme suit: les aides à la production en faveur de la construction et de la transformation navales peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun, à condition que le montant total de l'aide octroyée pour un contrat ne dépasse pas en équivalent subvention un plafond maximal commun exprimé en pourcentage de la valeur contractuelle avant aide, ci-après dénommé "plafond".
(18) Paragraphe 1 : les aides à la construction ou à la transformation navales, à l'exclusion de la réparation, qui sont accordées à des armateurs ou à des tiers sous forme de prêts et de garanties de l'État peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun si elles respectent les dispositions de l'arrangement de l'OCDE sur les crédits à l'exportation de navires ou de tout accord modifiant ou remplaçant cet arrangement. [...]. Paragraphe 3 : les aides accordées par un État membre à ses armateurs ou à des tiers dans cet État pour la construction ou la transformation de navires ne peuvent fausser ou menacer de fausser la concurrence entre les chantiers de cet État membre et ceux d'autres États membres à l'occasion de la passation de commandes.
(19) D'ailleurs, en ce qui concerne l'application des règles sur la construction navale, il convient de noter, comme l'a déclaré l'avocat général dans ses conclusions (points 34-38), que, bien qu'une aide à la construction navale puisse comporter une aide aux armateurs, la Commission a correctement considéré le régime d'aides de 1988 comme une aide aux armateurs ne devant être examinée qu'à la lumière de l'obligation moins onéreuse établie par le traité, du fait que les autorités italiennes ont manqué à l'obligation de notification visée à l'article 11 de la directive précitée.
(20) Règlement (CEE) n° 4055-86 du Conseil du 22 décembre 1986 portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers, JO L 378 du 31.12.1986.
(21) Communication de la Commission C(2004)43 - Orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime, JO C 13 du 17.1.2004.
(22) Lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2007-2013, JO C 54 du 4.3.2006, p. 13.
(23) Règlement (CE) n° 1540-98 du Conseil du 29 juin 1998 concernant les aides à la construction navale, JO L 202 du 18.7.1998.