CA Paris, 1re ch. H, 29 janvier 2008, n° ECEC0814185X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Union française des orthoprothésistes
Défendeur :
Président du Conseil de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Penichon
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Mouillard
Avoué :
SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocat :
Me du Parc
Le 28 décembre 2004, le ministre chargé de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le syndicat professionnel l'Union Française des Orthoprothésistes (UFOP) et par plusieurs entreprises sur le marché de la fourniture d'orthoprothèses.
L'offre d'orthoprothèses émane, en 2004, d'environ 170 entreprises privées, dont seule une vingtaine a les moyens de répondre aux appels d'offres des hôpitaux, cette activité représentant environ 5% du chiffre d'affaires du grand appareillage. Les orthoprothésistes sont réunis au sein de l'UFOP, syndicat représentant environ 98 % de la profession.
Les orthoprothèses sont définies au titre II, chapitre 7, de la liste des produits et prestations remboursables par l'assurance maladie (LPPR) comme "l'ensemble des méthodes et des pratiques qui ont pour but de suppléer par un artifice matériel à une fonction organique déficiente. Ce terme général s'applique aussi bien aux appareils de prothèse qui ont pour but de remplacer un segment de membre ou un membre entier amputé qu'aux appareils d'orthopédie destinés à corriger une déviation, à soutenir un membre déficient ou à compenser certaines lésions fonctionnelles". Il existe deux catégories de matériels : le petit appareillage (PAO) et le grand appareillage (GAO).
La demande d'orthoprothèses émane, de fait, du médecin prescripteur. Le patient, qu'il soit hospitalisé ou non, n'en finance pas directement l'acquisition;
- s'il n'est pas hospitalisé, il choisit son orthoprothésiste, qui fait une demande d'entente préalable à la caisse d'assurance maladie en joignant la prescription médicale. Après accord de l'organisme de prise en charge, l'orthoprothésiste peut fabriquer et délivrer l'appareillage puis le facturer audit organisme qui le règle directement (tiers payant);
- s'il est hospitalisé, c'est l'hôpital qui installe l'appareillage. Le coût de ce dernier s'ajoute aux prestations d'hôpital et est intégré au budget global de l'hôpital, lui-même financé par l'assurance maladie.
Conformément à l'article L. 165-1 du Code de la sécurité sociale, le remboursement par l'assurance maladie du GAO externe est subordonné à l'inscription des appareillages sur la LPPR (anciennement tarif interministériel des prestations sanitaires-TIPS). Les orthoprothésistes sont tenus de facturer aux patients non hospitalisés leurs prestations au prix fixé par arrêté pour tous les articles inscrits à la LLPR. Dans d'autres cas (prestations marginales ou atypiques, procédure d'agrément n'ayant pas abouti, demandes de devis dans le cadre d'ententes préalables...), les orthoprothésistes doivent calculer leurs propres prix et établir une demande d'entente préalable aux caisses de sécurité sociale sur devis. Enfin, la demande de grands appareillages non inscrits sur la LPPR s'exprime notamment dans le cadre de marchés publics des hôpitaux, qui lancent des appels d'offres où les prix sont libres.
Il est donc possible de définir trois types de marchés de produits ou services distincts : les marchés de fourniture d'orthoprothèses aux patients non hospitalisés inscrites à la LPPR, les marchés de fourniture d'orthoprothèses aux patients non hospitalisés non inscrites à la LPPR et les marchés de fournitures d'orthoprothèses aux hôpitaux.
Les différents éléments recueillis lors de l'enquête administrative, qui a débuté le 28 octobre 2003 et a donné lieu à des visites et saisies dans les bureaux de l'UFOP et de dix prothésistes, ont fait apparaître tout d'abord que l'UFOP avait adressé des consignes à ses adhérents pour la fixation de leurs prix. Elle leur a régulièrement diffusé, pour les aider dans le calcul des devis à adresser aux caisses d'assurance maladie pour le GAO, hors LPPR, des modalités de calcul du prix des appareillages comportant deux feuillets : l'un présentant la méthode à suivre et l'autre le prix horaire de main d'œuvre ainsi que l'actualisation selon la variation de l'indice de la main d'œuvre des industries mécaniques et électriques.
Selon un compte rendu de réunion du bureau du directeur de l'UPOP du 20 octobre 2003, ce syndicat les a également informés du refus d'inscription des prothèses myoélectriques dans la LPPR, en leur précisant que seules des prises en charge sur devis étaient possibles et qu'il tenait à leur disposition des fiches de calcul de prix. Le mode de calcul est le même que celui utilisé par l'UFOP dans les dossiers en vue de l'inscription des types de prothèses à la LPPR, qui a été validé par les services de la direction de la Sécurité sociale du ministère des Affaires sociales et de l'Intégration, le 8 octobre 1991.
Par ailleurs, dans plusieurs circulaires, l'UFOP a rappelé à ses adhérents son hostilité de principe aux remises sur le tarif TIPS en vigueur concernant les appels d'offres des hôpitaux.
Dans sa circulaire du 27 octobre 1998 relatif à l'appel d'offres de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP), le président de l'UFOP indiquait : " Notre intérêt professionnel commun est de défendre le tarif opposable. A cet égard, il est souhaitable que vous transmettiez à l'UFOP copie du feuillet de votre réponse à l'appel d'offres relatif aux remises."
Par circulaire du 14 novembre 2001 relative aux appels d'offres des hôpitaux " concernant le grand appareillage orthopédique région Pays de Loire ", le président de l'UFOP rappelait à ses adhérents que la position du syndicat sur le sujet des remises était "sans équivoque compte tenu du contexte économique, législatif et réglementaire en vigueur, tout type de remise sur le tarif est contraire aux engagements conventionnels avec l'assurance maladie et néfaste à l'intérêt des patients et de la collectivité. Seule une concurrence peut intervenir sur la qualité de la prestation et le service."
Dans une circulaire du 24 juillet 2002, l'UFOP se prononçait à nouveau en ce sens et préconisait de "respecter strictement le tarif officiel de remboursement lors des soumissions d'offres aux hôpitaux ". Relevant que cette consigne n'était pas toujours respectée, l'UFOP poursuivait : " A l'heure où nos instances de tutelles se montrent opposées au principe d'une réévaluation annuelle de la nomenclature du grand appareillage, nous tenons à souligner l'extrême danger des pratiques de remises aux hôpitaux. L'existence de ces remises est, en effet, un argument imparable pour appuyer le refus de réévaluation des appareils, voire aboutir à des diminutions du prix limite de vente et du tarif de prise en charge..."
La revue mensuelle n° 11 de ce syndicat parue au mois de juillet 2002 indiquait notamment : "Le Bureau [directeur] a souligné à nouveau l'extrême danger pour l'intérêt général de la profession de pratiquer des ristournes. Une recommandation a été adressée à tous les adhérents."
Le compte rendu d'une réunion de l'UFOP tenue le 6 novembre 2002 mentionnait à propos d'un appel d'offres des hôpitaux de Lyon, dont le règlement de consultation n'affectait au prix qu'un coefficient mineur, qu'il s'agissait d'un " exemple encourageant dans la démarche soutenue depuis plusieurs années par l'UFOP pour éviter au GAO d'être mis sur le même plan que les produits de série, dont la fourniture en lots importants permet d'accepter des réductions de prix ".
Les pièces saisies dans les locaux de l'UFOP ont montré enfin que ce syndicat avait été destinataire des plaintes des adhérents à l'encontre des orthoprothésistes qui ne suivaient pas ces consignes et qu'il les avait instruites en réclamant des explications aux mis en cause. Il s'agit en particulier des appels d'offres du centre hospitalier de Pau (dénonciation de l'entreprise Novortho du 3 mai 2000 pour des rabais allant jusqu'à 30 %), du CHU de Toulouse (dénonciation par la société Proteor de remises de 12 % pratiquées par la société Lagarrigue), du CHU de Dijon (dénonciation de l'entreprise Chechillot) et du CHU d'Angers (pratiques des sociétés Proteor et Orthomaine).
L'envoi de ces consignes, qui avaient pour objet d'orienter la stratégie de prix des adhérents, a eu l'effet escompté dans certaines villes. Ainsi pour les appels d'offres des hôpitaux pour lesquels il est habituel que l'essentiel des orthoprothésistes n'offrent pas de remises (Paris, Lyon et Marseille), les candidats ont adapté leur comportement, créant une situation de blocage. Ainsi le groupe Lagarrigue a adapté sa politique de rabais en fonction de la concurrence locale, se montrant offensif sur certains marchés (remises de 12 % pour le CHU de Toulouse, de 20 % pour les hôpitaux de Nice, de 28 % pour le CHU de Bordeaux et de 20 % pour l'hôpital d'Angoulême) tandis qu'il restait en retrait sur d'autres (appel d'offres de l'APHP pour lequel il n'y a pas eu d'offres de remises) ; les entreprises Béteille, Bontoux et Orthopédie provençale n'ont pas offert de rabais alors que les entreprises Marcenac-Ducros et Proteor (agence de Montpellier) se sont disputé plusieurs lots du CHU de Montpellier. Proteor, en revanche, n'a pas proposé de rabais lors des appels d'offres du CRU de Nice, de l'APHP et des Hospices civils de Lyon. L'agence Lecante de Nice a dérogé à la position de principe du groupe en proposant des rabais au CHU de Nice.
Le 29 septembre 2006, des griefs ont été notifiés à l'UFOP, sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Il était reproché à ce syndicat :
- concernant la fourniture d'orthoprothèses inscrites à la LPPR aux patients non hospitalisés, d'avoir proposé à ses adhérents une méthode tendant, à partir des coûts de main d'œuvre et des coûts de matière première, d'une part, à déterminer, par application de coefficients destinés à tenir compte d'autres types coûts, les tarifs de responsabilité et le prix maximum des appareillages inscrits sur le TIPS (devenu la LPPR) et, d'autre part, à fixer la marge des orthoprothésistes;
- concernant la fourniture d'orthoprothèses non inscrites à la LPPR aux patients non hospitalisés, d'avoir incité ses adhérents à utiliser la même méthodologie tarifaire que celle proposée aux pouvoirs publics pour la tarification des produits dont l'inscription à la LPPR est demandée;
- concernant la fourniture d'orthoprothèses aux hôpitaux dans le cadre d'appel d'offres, d'avoir, de 1998 à 2004, de manière constante, adressé des recommandations à ses adhérents pour qu'ils n'octroient pas de remises à ces derniers sur les tarifs de la LLPR et mis en place un système de surveillance des adhérents ne suivant pas les consignes, en se faisant communiquer les offres remises.
Par décision n° 07-D-05 du 21 février 2007 le Conseil de la concurrence, après avoir écarté les deux premiers griefs, a considéré, sur le troisième, que l'UFOP avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et lui a infligé une sanction de 125 000 euro assortie d'une obligation de publication dans le "Quotidien du médecin" et le "Journal de l'orthopédie". Il a estimé que les consignes et les prises de position de ce syndicat tendaient à une harmonisation des prix dans un domaine où les pouvoirs publics avaient fait le choix de laisser jouer la concurrence.
LA COUR,
Vu le recours en réformation formé le 20 mars 2007 par l'Union française des orthoprothésistes (UFOP) contre cette décision;
Vu le mémoire déposé le 27 avril 2007 par l'UFOP à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réponse du 8 novembre 2007, par lequel ce syndicat demande à la cour de :
- dire qu'il n'a pas enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en ce qui concerne la fourniture d'orthoprothèses aux hôpitaux dans le cadre d'appels d'offres;
- réformer, en conséquence, la décision entreprise et prononcer sa décharge de toute sanction pécuniaire;
- "constatant l'exécution par l'UFOP de la publication mise à sa charge, et exigée nonobstant l'exercice d'une voie de recours, mettre à la charge de l'UFOP l'obligation de faire publier à ses frais, dans le mois de la notification, l'arrêt à intervenir : le dispositif dudit arrêt ainsi que les motifs venant à son soutien";
- condamner l'Etat français au paiement d'une somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamner l'Etat français aux dépens d'appel;
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence, en date du 19 septembre 2007,
Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, en date du 17 septembre 2007,
Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience;
Ouï à l'audience publique du 11 décembre 2007, en leurs observations orales, le conseil de l'UFOP qui a été mis en mesure de répliquer, les représentants du Conseil de la concurrence et du ministre de l'Economie ainsi que le Ministère public;
Sur ce,
Sur les pratiques de recommandations tarifaires dans le cadre de marchés publics
Considérant que l'UFOP, qui ne conteste pas avoir recommandé à ses adhérents de ne pas accorder de remise aux hôpitaux qui les consultaient, fait valoir pour sa défense qu'elle ne s'est adressée qu'à ses adhérents, et pour les inciter à demander le respect d'une marge, par ailleurs, reconnue par l'autorité publique elle-même comme raisonnable et compatible avec les exigences de la profession, en particulier au regard des impératifs de qualité qui s'imposent en cette matière ; qu'elle fait valoir que la marge dégagée par les professionnels sur les orthoprothèses est réduite, que le prix pratiqué serait déficitaire - donc prohibé - au-delà d'une remise de 5 %, et que les contraintes induites par les réductions de prix risque d'entraîner l'élimination de toutes les petites structures de fabrication et la création d'un quasi-monopole de quelques gros fabricants, contraire à une saine concurrence ; qu'elle ajoute qu'aucune économie d'échelle ne peut être attendue de la procédure d'appel d'offres, les orthoprothèses destinées à des patients par nature différents ne pouvant être fabriquées en série, et estime en conséquence n'être pas sortie de son rôle en mettant ses adhérents en garde contre les risques économiques susceptibles de résulter d'une politique de rabais ; qu'elle souligne enfin, qu'à partir du moment où des rabais sont consentis dans le cadre des appels d'offres, ceux-ci ne peuvent avoir pour effet que de réduire en deçà du seuil normal de 5 % le résultat des entreprises concernées, ce qui aurait pour effet indirect de provoquer un relèvement de la tarification annuellement actualisée par la CEPS en fonction des résultats nets moyens des membres de la profession tant et si bien " qu'il s'agit d'un simple jeu de vases communicants entre deux sources de financement qui dépendent, l'une et l'autre, de la Sécurité sociale ";
Mais considérant que, si un organisme professionnel peut diffuser des informations destinées à aider ses membres dans l'exercice de leur activité, l'aide qu'il leur apporte ainsi ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de les détourner d'une appréhension directe de leur stratégie commerciale qui leur permette d'établir leurs prix de manière indépendante ; que les arguments économiques soulevés par l'UFOP quant aux conséquences engendrées par les remises sur la préservation de la marge et sur la concurrence ne sauraient servir de justification au détournement du mécanisme de mise en concurrence retenu par les pouvoirs publics;
Qu'en l'espèce, l'UFOP a admis avoir demandé à ses adhérents de ne pas accorder de remises aux hôpitaux ; qu'elle leur a adressé de nombreuses circulaires et recommandations pour les dissuader de formuler des offres à des prix inférieurs à ceux fixés par les TIPS et leur a, en outre, demandé, dans le but de surveiller les prix proposés, de lui donner copie des réponses qui avaient été déposées, ainsi dans une circulaire du 27 octobre 1998 : " Notre intérêt est de défendre le tarif opposable; à cet égard il est souhaitable que vous transmettiez à l'UFOP copie du feuillet de votre réponse à l'appel d'offres relatif aux remises " ;
Qu'il ressort également de l'enquête que ces consignes ont été respectées par de nombreux orthoprothésistes, qui n'ont pas proposé des prix inférieurs à ceux qui étaient recommandés ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le Conseil a considéré que les consignes syndicales adressées par l'UFOP à ses adhérents et ses prises de position dans le cadre des appels d'offres avaient eu pour objet d'orienter la stratégie de prix des adhérents et pour effet d'empêcher certains hôpitaux d'obtenir des remises;
Considérant que l'UFOP objecte encore que ne saurait lui être reprochée la collecte d'informations auprès de ses membres dès lors que c'est à elle qu'il appartient de négocier, avec les organismes sociaux, les inscriptions à la LPPR, ou encore des revalorisations de tarifs et qu'elle doit, pour ce faire, disposer d'informations sur " la situation en amont " ; qu'elle fait valoir que c'est à tort qu'a été évoquée, dans la décision, l'utilisation de données relatives aux appels d'offres à des fins de sanctions de ses membres, la lecture des pièces 139 à 141 révélant seulement qu'elle entendait prononcer des sanctions contre des adhérents ayant manqué aux règles déontologiques en contournant, à des fins concurrentielles, les exigences de la nomenclature par l'utilisation de références inexactes;
Considérant, toutefois, que ce n'est pas la seule collecte d'informations que le Conseil de la concurrence a sanctionnée mais la mise en place d'un système de surveillance destiné à garantir l'application des recommandations syndicales ; qu'ainsi qu'il a été dit, et contrairement à ce qui est soutenu dans le mémoire, les investigations relatées par le Conseil de la concurrence sur les appels d'offres du centre hospitalier de Paix, du CHU de Toulouse, du CHU de Dijon et du CHU d'Angers montrent que l'UFOP a recueilli les plaintes des opérateurs observant les consignes syndicales à l'encontre de ceux qui ne les respectaient pas, puis les a instruites en demandant des explications aux entreprises concernées ; qu'elle a également encouragé une politique de délation à l'encontre des entreprises ne respectant pas ses consignes et n'a pas hésité à s'adresser directement aux établissements hospitaliers concernés ; qu'ainsi le délégué régional de l'UFOP a adressé, le 21 février 2003, une lettre au CHU de Dijon indiquant : "dans le cadre du syndicat unique des orthoprothésistes, l'UFOP dont je fais partie et dont je suis le délégué régional (...), nous avions souhaité au niveau national que, dans le cadre des marchés publics, aucune réduction ne soit faite sur la fourniture de prothèses et d'orthèses, et nous étions fermes sur ce point. Visiblement, un de nos confrères en a jugé autrement";
Qu'ainsi, en diffusant largement des consignes relatives aux prix de vente et en organisant des échanges réguliers d'informations entre entreprises en situation de concurrence dans le cadre de marchés publics, tout en assurant une surveillance du montant des offres présentées, la requérante a, en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce, mis en œuvre des pratiques ayant pour objet et pour effet de faire obstacle aux mises en concurrence organisées par les établissements hospitaliers, notamment publics, causant ainsi une atteinte directe à la liberté de fixation des prix en fonction des spécificités de l'entreprise et un préjudice grave à la collectivité, en augmentant artificiellement les coûts de revient des hôpitaux, le caractère anticoncurrentiel de ces pratiques ayant été encore renforcé par le fait qu'elles étaient accompagnées d'un dispositif de contrôle des offres de ses adhérents;
Sur la sanction,
Considérant que l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient ainsi qu'à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées, et que, si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euro;
Considérant que l'UFOP demande à la cour de réduire la sanction prononcée à son encontre au regard du rôle de liaison essentiel qu'elle remplit entre les organismes sociaux et le monde des patients bénéficiaires d'orthoprothèses et fait valoir qu'il ne peut être retenu que le dommage à l'économie a été d'une particulière gravité pour des fonds publics puisque le respect de ses recommandations " ne pouvait avoir d'autre effet que celui de conduire l'Etat au respect des prix qu'il avait lui-même fixés, ceci sans que la notion de marchés hospitaliers, à laquelle il est fait référence, ne puisse avoir pour effet d'en modifier l'une quelconque des composantes ";
Considérant, toutefois, que les ententes ou actions concertées portant sur les prix pratiqués par des concurrents causent une atteinte grave à l'ordre économique en ce qu'elles faussent les règles de la concurrence dans les marchés publics - instaurées afin de garantir les sincérité des appels d'offres et la bonne utilisation des fonds publics -, en altérant l'indépendance des offres et en éliminant la concurrence par les prix;
Qu'en l'espèce, les pratiques, qui ont consisté en une harmonisation autoritaire des prix assortie d'un dispositif de contrôle, dans un secteur où les pouvoirs publics avaient fait le choix de laisser jouer la libre concurrence, ont eu pour effet, ainsi que l'a retenu le Conseil au terme d'une analyse dont la cour adopte les motifs, de priver les établissements hospitaliers de remises significatives, l'économie qui aurait été faite en l'absence des consignes données par l'UFOP pouvant être évaluée à la somme de 500 000 euro ; qu'elles ont été d'autant plus graves qu'elles ont perduré de 1998 à 2004;
Considérant que le montant des cotisations annuelles reçues par l'UFOP s'est élevé à 228 335 euro en 2000, 244 095 euro en 2001, 234 225 euro en 2002, 241 150 euro en 2003, 250 450 euro en 2004 et 251 540 euro en 2005 ; que cet organisme dispose, par ailleurs, de réserves sous forme de trésorerie ou de placements de plus de 300 000 euro ; que c'est à juste titre également que la décision retient que, dès lors que les pratiques commises par le syndicat ont porté sur l'activité professionnelle de ses membres, il y a lieu de prendre en compte les capacités économiques de ces derniers, l'UFOP ayant la possibilité de lever auprès d'eux les fonds nécessaires au paiement de la sanction pécuniaire qui lui est infligée;
Qu'ainsi, en prononçant une sanction d'un montant de 125 000 euro et la mesure de publication susmentionnée, le Conseil de la concurrence a fait une juste application de l'article L. 464-2 du Code de commerce;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours n'est pas fondé;
Par ces motifs, Rejette le recours formé par l'UFOP contre la décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-05 du 21 février 2005; Rejette sa demande formée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne l'UFOP aux dépens.