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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. D, 5 septembre 2007, n° 06-04639

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Duchesne (SA)

Défendeur :

Beaufils (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Mauri

Conseillers :

M. Armingaud, Mme Bresdin

Avoué :

SCP Divisia-Senmartin

TGI Perpignan, du 15 juin 2004

15 juin 2004

Par acte d'huissier en date du 18 juin 2003, Monsieur Jean-André Beaufils et Madame Denise-Hélène Brunet épouse Beaufils ont fait citer la société TV Direct Distribution aux droits et obligations de laquelle se trouve aujourd'hui la SA Duchesne, aux fins de la voir condamner, au visa de l'article 1134 du Code civil à payer à Monsieur Beaufils la somme de 177 744,90 euro augmentée des intérêts de droit compter de la date de délivrance de l'assignation au titre de l'engagement de la défenderesse à remettre les gains promis ainsi que de la pratique déloyale consistant à faire penser à ce consommateur âgé alors de 88 ans par des écrits équivoques la perspective d'un gain important à seule fin de l'inciter à passer commande. Il a sollicité en outre une somme de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En réponse, la société Duchesne a demandé au tribunal de constater qu'elle a respecté les obligations souscrites, qu'il n'existe aucun engagement ferme de versement d'un prix à la charge de la société D. Duchesne, de débouter Monsieur Beaufils de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de recevoir la société Duchesne en sa demande reconventionnelle et de lui allouer la somme de i euro à tire de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 1 525 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement en date du 15 juin 2004, le Tribunal de grande instance de Perpignan a, au visa des articles 1371 et 1153 du Code civil, condamné la société D. Duchesne à payer à Monsieur Beaufils la somme de 87 684,90 euro outre les intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2003 et jusqu'à parfait paiement, outre 1 300 euro sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; rejeté toute demande plus ample ou contraire à la décision ; dit n'y avoir lieu à EP ; condamné Duchesne aux dépens.

La SA D. Duchesne, appelante, demande à la cour de :

Vu l'article 16 NCPC, constater que les premiers juges ont soulevé d'office le fondement quasi-contractuel sans inviter les parties à présenter leurs observations, en conséquence, prononcer la nullité de la décision ; A titre subsidiaire, vu les articles 1371, 1134 et 1382 du Code civil et L. 121-36 et suivants du Code de la consommation, vu les pièces visées, recevoir la concluante en son appel et y faisant droit, infirmer le jugement déféré, constater que la société Duchesne a bien mis en évidence l'aléa existant dans l'opération promotionnelle, constater qu'aucune faute ne peut être mise à la charge de la société D. Duchesne, qui a par ailleurs souscrit à ses obligations, constater qu'il n'existe aucun engagement ferme de versement d'un prix, aucun engagement contractuel, à la charge de la SA Duchesne ; A titre infiniment subsidiaire, vu l'article 1371 du Code civil, constater qu'il n'existe aucun engagement ferme de versement d'un prix, aucun engagement contractuel, à la charge de la société Biotonic ; Débouter les époux Beaufils de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; Recevoir la société Biotonic en sa demande reconventionnelle, dire que les époux Beaufils ont introduit une procédure abusive, les condamner à 1 euro de dommages-intérêts ainsi qu'à 1 525 euro au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens.

Elle fait valoir à titre principal, que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en soulevant d'office, sans réouverture des débats, le moyen de droit tiré du fondement quasi-contractuel de la demande; Subsidiairement après une analyse du jeu et du matériel publicitaire, elle réitère l'absence de comportement fautif et d'engagement de sa part, en soulignant que le caractère éventuel du gain est toujours mis en avant; que dans le cadre des jeux proposé par la société Duchesne, la règle du pré-tirage au sort ne peut être considérée comme un engagement ferme de paiement d'un prix. De plus, selon elle, elle n'a pas commis de faute dans l'organisation de ses opérations promotionnelles puisque les dispositions du Code de la consommation ont été parfaitement respectées et que le client était informé de l'existence de l'aléa à savoir la règle du pré-tirage. En outre, elle invoque la notion de bonne foi et de bonne compréhension du jeu par un client moyen selon un arrêt du 28 juin 1995 de la Cour de cassation : selon elle, en faisant semblant d'ignorer qu'il s'agissait d'un jeu promotionnel, les époux Beaufils font preuve de mauvaise foi ou d'une naïveté hors du commun.

Monsieur et Madame Beaufils, assignés et réassignés devant la cour par actes d'huissier en date des 15 décembre 2004 et 16 novembre 2006 transformé en procès-verbal de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, n'ont pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture est en date du 11 avril 2007.

MOTIFS

Sur la demande en nullité du jugement

Attendu que conformément à l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables en donnant ou restituant aux faits et actes litigieux, leur exacte qualification;

Attendu en l'espèce que le tribunal a qualifié l'engagement ferme de verser un prix, d'engagement quasi contractuel en vertu de l'article 1371 du Code civil alors que Monsieur Beaufils avait invoqué les dispositions de l'article 1134 du Code civil dans son acte introductif d'instance ; que la société Duchesne s'était défendue sur l'existence d'un tel engagement et avait conclu dans le dispositif de ses conclusions du 5 décembre 2003 en demandant au tribunal de constater qu'il n'existait aucun engagement ferme de versement d'un prix à la charge de la société D. Duchesne;

Attendu ainsi qu'il ne peut pas être reproché au premier juge d'avoir méconnu les dispositions de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile et la demande en annulation du jugement déféré doit être rejetée comme non fondée;

Sur le fond du litige

Attendu qu'il n'est pas discuté par l'appelante qu'elle a adressé à Monsieur Beaufils les différents bulletins de participation relatifs aux jeux visés dans l'acte introductif d'instance ; que dans les documents concernant le premier d'entre eux, le jeu n° 306, il est fait mention sur le bon de participation d'une option :

"OUI, je commande. Prière de m'envoyer le règlement concerné à l'adresse ci-dessous. NON, je décide de ne pas commander et renonce de ce fait à L"'ENVOI DU CHEQUE DE 15 244,90 euro EN RECOMMANDE" en tant que règlement prévu" ; qu'une telle subordination de la perception du gain à la passation d'une commande, est contraire aux dispositions de l'article L. 121-36 du Code de la consommation selon lesquelles les opérations publicitaires ne peuvent être pratiquées que si elles n'imposent aux participants aucune contrepartie financière ni dépense sous quelque forme que ce soit;

Attendu que la manipulation du vocabulaire et de la graphie par la société TV Direct Distribution ont nécessairement conduit Monsieur Beaufils à croire qu'il était définitivement attributaire des gains annoncés dans cette loterie ; qu'en effet, en caractère gras, parfois de couleur, imprimés de manière à accrocher immédiatement l'attention, les gains ont été présentés comme certifiés, garantis ou encore confirmés officiellement ; que l'annonce des gains de Monsieur Beaufils, maintes fois répétée en des termes univoques dans les différents documents n'a pas été sérieusement remise en cause par un règlement du jeu qui était imprimé de façon illisible en tous petits caractères et qui n'apparaissait pas correspondre à l'opération commerciale en cause ; qu'en effet, le règlement faisait mention de ce qu'il s'agissait d'un jeu gratuit sans obligation d'achat alors que selon le bon de participation l'absence de commande emportait renonciation au gain de 15 244,90 euro;

Attendu ainsi qu'il y a lieu de s'en tenir à l'engagement ferme de verser la somme de 15 244,90 euro pris par la société TV Distribution ; que par ce fait purement volontaire, la société TV Direct Distribution s'est engagée à délivrer les gains annoncés ; qu'elle doit donc être condamnée à verser cette somme à Monsieur Beaufils qui a suivi les instructions en retournant son bon de participation et en commandant des produits, diligences qui n'ont pas été contestées par la société D. Duchesne ni en première instance ni en appel;

Attendu en revanche que pour les jeux suivants, la documentation a été modifiée ; qu'en effet, la mention contraire aux dispositions légales précitées, de renonciation à la perception du gain en l'absence de passation d'une commande, a disparu au profit d'un traitement prioritaire de la réponse si le bulletin de participation est joint à la commande ; que si les documents publicitaires produits peuvent, de prime abord, susciter l'illusion d'un gain immédiat, cette illusion est immanquablement diminuée par une lecture normalement attentive du règlement de jeu mentionnant, sans être contredit par le bulletin de participation, qu'il s'agit d'un jeu sans obligation d'achat soumis à aléa; que la preuve n'est pas rapportée d'un engagement ou d'une faute de la société TV Distribution aux droits et obligations de laquelle se trouve la SA D. Duchesne pour les jeux visés dans l'assignation, autres que le jeu n° 306 ainsi qu'il a été jugé ci-dessus;

Attendu dans ces conditions que le jugement est réformé et la société D. Duchesne est condamnée à payer à Monsieur Beaufils la somme de 15 244,90 euro au titre du jeu n° 306 avec rejet du surplus des demandes comme non fondées ; qu'en application des dispositions de l'article 1153 du Code civil, la somme de 15 244,90 euro portera intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2003, date de l'assignation;

Attendu que la société D. Duchesne ne rapporte pas la preuve que la procédure aurait dégénéré en abus ni l'existence d'un préjudice qui en serait résulté pour elle; que le jugement est confirmé sur le rejet de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que la société D. Duchesne est condamnée aux dépens ; qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile devant la cour;

Par ces motifs, LA COUR, Réforme la décision entreprise, Rejette la demande en annulation du jugement, Constate l'existence d'un engagement de versement d'un prix de 15 244,90 euro pour le jeu n0 306 auquel Monsieur Beaufils a participé ; Condamne la société D. Duchesne à payer à Monsieur Jean-Marie Beaufils la somme de 15 244,90 euro avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2003, Rejette le surplus des demandes comme non fondées, Confirme pour le surplus la décision entreprise, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la société D. Duchesne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.