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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 20 octobre 2006, n° 05-04972

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gonzalez

Défendeur :

Expertises Diagnostics et Mesures (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wallon

Conseillers :

M. Regimbeau, Mme Calot

Avoués :

SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod

Avocats :

Mes Barbier, Pruvost

TGI Nanterre, 6e ch., du 26 mai 2005

26 mai 2005

En décembre 2003, Fernando Gonzalez s'est rapproché de la société EDM qui recherchait des candidats pour exercer, dans le cadre d'un contrat de franchise, l'activité d'expert en certification technique immobilière.

Un document d'information pré-contractuel (DIP) lui a été remis contre la signature d'un engagement de confidentialité valant accusé réception dudit document daté du 8 décembre 2003.

Le 31 décembre 2003, Fernando Gonzalez signait avec la société EDM un contrat de franchise lui concédant le droit d'exploiter dans l'arrondissement de Toulon (département du Var) un centre d'expertise en certification technique immobilière sous l'enseigne "Européenne de Métré - EDM" en utilisant le concept global développé par EDM et le savoir spécifique mis au point par celle-ci afin de servir la clientèle actuelle, potentielle et future.

Confronté à d'importantes difficultés l'empêchant de démarrer toute activité qu'il considère comme la conséquence des graves manquements de la société EDM et des insuffisances et inexactitudes du DIP, Fernando Gonzalez a saisi le Tribunal de grande instance de Nanterre qui, par jugement du 26 mai 2005, l'a débouté de ses demandes, a constaté la résiliation du contrat souscrit le 31 décembre 2003 par le requérant à effet du 22 août 2004, a débouté la SARL Européenne de Mètre de sa demande reconventionnelle et a laissé à la charge de chaque partie ses propres dépens.

Fernando Gonzalez a interjeté appel de cette décision le 23 juin 2005.

Vu les dernières conclusions signifiées le 28 août 2006 aux termes desquelles Fernando Gonzalez demande à la cour de:

- réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société EDM de sa demande reconventionnelle,

- statuant à nouveau,

- prononcer ou constater la nullité du contrat souscrit le 31 décembre 2003,

- subsidiairement,

- prononcer ou constater la résiliation à effet du 22 août 2004 du contrat souscrit le 31 décembre 2003,

- en toute hypothèse,

- condamner la société EDM à lui payer la somme de 162 373,50 euro avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2004, date de la mise en demeure avec anatocisme annuel courant de la date de la délivrance du présent exploit par application de l'article 1154 du Code civil, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

- condamner la société EDM à lui payer la somme de 20 000 euro à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la première instance et la somme de 10 000 euro sur le même fondement pour l'instance d'appel,

- condamner la société EDM aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Lissarrague Dupuis Boccon-Gibod, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Aux motifs que:

• le contrat est nul pour vice du consentement résultant du défaut de respect du délai de 20 jours, du défaut d'information sur les compétences requises, du défaut d'information sur la problématique du métier et les évolutions réglementaire en cours, du défaut d'information pré-contractuelle sincère et suffisante,

• le contrat est nul pour défaut de cause en raison de l'absence d'enregistrement de la marque EDM à l'INPI au moment de la signature du contrat, de l'absence de définition et de transmission d'un savoir-faire spécifique,

• le franchiseur n'a pas respecté ses obligations en ce qui concerne l'obligation d'assurance responsabilité civile,

• subsidiairement, la résiliation du contrat doit être constatée aux torts et griefs de la société EDM qui n'a pas respecté ses engagements contractuels,

• la demande reconventionnelle de la société EDM ne peut qu'être rejetée dans la mesure où il n'a pu exercer son activité par la faute du franchiseur.

Vu les dernières conclusions signifiées le 28 juillet 2006 aux termes desquelles la société Expertises Diagnostics et Mesures EDM demande à la cour de:

- dire et juger que le contrat de franchise EDM signé le 31 décembre 2003 avec Monsieur Gonzalez n'est affecté d'aucun vice du consentement ni d'aucun défaut de cause,

- dire et juger que le contrat de franchise EDM signé le 31 décembre 2003 avec Monsieur Gonzalez doit être résilié du fait de celui-ci à effet du 22 août 2004,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles,

- statuant à nouveau,

- condamner Fernando Gonzalez à lui verser les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts:

* 64 500 euro HT au titre du manque à gagner sur la zone concédée sur la base de l'estimation réalisée par Madame Mauleon/Adim et qui est pleinement transposable à Monsieur Gonzalez,

* à défaut, les minimums contractuels de 27 000 euro HT au titre de l'absence de perception des redevances mensuelles, et 7 500 euro HT au titre de l'absence de perception des redevances pour la publicité nationale,

* 30 000 euro au titre de l'atteinte à l'image du réseau EDM;

- en tout état de cause

- condamner Fernando Gonzalez à lui payer la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Aux motifs que:

• l'appelant ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice du consentement ayant reçu toutes les informations nécessaires compte tenu de la réglementation de l'époque ; le DIP était explicite quant au profil des candidats recherchés ; une formation interne et externe a été assurée pour compléter l'aptitude des franchisés à exercer l'activité de certification technique immobilière,

• le profil et l'expérience professionnelle de Monsieur Gonzalez étaient appropriés pour intégrer le réseau de la franchise EDM puisqu'il avait exercé durant plusieurs années une activité d'agent immobilier et de marchand de biens,

• elle ne peut être tenue pour responsable de l'absence d'assurance responsabilité civile car elle a bien présenté le franchisé à son courtier; les difficultés apparues début 2004 sont dues à une modification de la position des assureurs ; en outre le franchisé n'a pas retourné au courtier le questionnaire de souscription s'interdisant de ce fait l'obtention de toute police d'assurance,

• la cause du contrat est établie par l'existence d'une marque régulièrement déposée, la réalité d'un savoir-faire mis à la disposition des franchisés,

• le comportement de Monsieur Gonzalez lui a causé un préjudice important dont elle demande réparation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2006.

Motifs

- Sur la nullité du contrat pour vice du consentement

Conformément à l'article L. 330-3 du Code de commerce, le document d'informations pré-contractuelles que le franchiseur est tenu de remettre à son futur cocontractant préalablement à la signature du contrat de franchise doit comporter des informations sincères qui permettent à celui-ci de s'engager en connaissance de cause. Ce document, dont le contenu est fixé par décret précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. Le document d'informations pré-contractuelles ainsi que le projet de contrat sont communiqués 20 jours minimum avant la signature du contrat.

Même en cas de non-respect de l'obligation légale d'information édictée par l'article susvisé, le juge ne peut annuler le contrat sans rechercher si le défaut d'information a eu pour effet de vicier le consentement du contractant.

Il appartient à Fernando Gonzalez de rapporter la preuve d'un vice du consentement et non à la société EDM de prouver que le consentement n'a pas été vicié même si le non-respect de l'obligation légale d'information était établi.

A supposer que la date de remise du document d'informations pré-contractuelles soit erronée et que le délai de 20 jours n'ait pas été respecté, ce manquement ne peut constituer une cause de nullité du contrat dans la mesure où il n'est pas soutenu qu'il ait vicié le consentement du franchisé, étant observé que celui-ci a accepté de dater du 8 décembre 2003 l'accusé de réception de ce document et que dès le 19 décembre, il confirmait son intérêt pour la conclusion d'un contrat de franchise en proposant la date du 29 décembre.

Il ressort du document d'informations pré-contractuelles que la société EDM présente l'historique de son fonctionnement, qu'elle détaille très complètement ses activités en donnant toutes les explications sur chacune d'entre elles, en précisant le rôle du technicien EDM pour chaque activité, qu'elle présente les dirigeants et intervenants, qu'elle définit le profil souhaité, décrit le réseau en mentionnant qu'il s'agit d'une création récente et que les premiers franchisés ont été intégrés à compter du 1er octobre 2003, indique les principales conditions juridiques du contrat de franchise et son coût, présente l'état du marché global et donne le mode opératoire pour réaliser une étude de marché locale, mentionne les formations nécessaires, leur durée et leur coût.

Le profil est ainsi défini : "homme ou femme de plus de 30 ans ayant des qualités de rigueur, d'observation et de communication développées, capable de suivre des [sic] travail communes aux salariés et aux franchisés de EDM afin de garantir l'uniformité et la constance des prestations effectuées par le réseau EDM, capable de concilier indépendance de son entreprise et intégration à un réseau, bien entendu l'esprit d'entreprendre est un élément indispensable, une culture bâtiment sera un atout fort utile".

Certes la définition du profil met l'accent sur les nécessaires capacités de chef d'entreprise plus que sur l'aspect technique des compétences. Toutefois, la simple lecture de la description de chacune des activités permet à tout candidat d'avoir une connaissance suffisante des qualités requises pour déterminer s'il est en mesure de s'engager dans ce secteur d'activité. En outre, l'attention du candidat est attirée sur l'évolution de la formation dans ce secteur d'activité et sur la nécessité de justifier de compétences suffisantes pour bénéficier d'une assurance par le paragraphe suivant : "Les nouveaux entrants dans la profession sont mieux formés. Par exemple depuis le 1er janvier 2003, il est nécessaire d'avoir obtenu un certificat de compétence afin de pouvoir effectuer des repérages de produits et matériaux contenant de l'amiante. De plus les compagnies d'assurances vérifient également les compétences des nouveaux techniciens souhaitant exercer cette activité avant de les assurer... Cette évolution permanente se constate tant en ce qui concerne les formations et compétences exigées que les types de contrôles à effectuer lors d'une mutation immobilière."

S'agissant en l'espèce d'une reconversion professionnelle puisque Fernando Gonzalez exerçait jusqu'en avril 2003 les fonctions de manager du développement commercial chez Volkswagen Finance, même s'il avait eu, 15 ans plus tôt, une activité d'agent immobilier et de marchand de biens, une formation s'imposait.

Cette formation était proposée et a été suivie avec succès par Fernando Gonzalez. Bien qu'il soutienne que l'admission aux différentes formations dispensées par des organismes extérieurs à la société EDM était soumise à des pré-requis dont il ne pouvait justifier, il a pu suivre d'abord une formation de base lui permettant d'acquérir le niveau exigé à titre de pré-requis puis les formations techniques. Pour chaque stage suivi, il a obtenu une attestation mentionnant un contrôle des connaissances satisfaisant. Il ne justifie nullement que ces formations étaient insuffisantes pour lui permettre d'exercer son activité.

Il a également bénéficié d'une formation interne dans divers domaines de l'expertise technique immobilière et a reçu plusieurs supports de cours ainsi que des manuels de travail.

Le fait que la société EDM ait rectifié, au cours de l'année 2004 et des années suivantes, la définition du profil du candidat au contrat de franchise n'est pas de nature à établir qu'elle a volontairement dissimulé à Fernando Gonzalez des éléments essentiels au succès de l'entreprise. Elle a amélioré le document d'informations pré-contractuelles en tenant compte de l'évolution du secteur d'activité et de la position nouvelle des assureurs, conséquence d'une augmentation substantielle du nombre des sinistres.

La société EDM a communiqué les renseignements sur l'état du marché global. La loi ne met pas à la charge du franchiseur une étude du marché local, il appartient au franchisé de procéder lui-même à une analyse d'implantation précise. La société EDM a fourni au franchisé un mode opératoire pour réaliser une étude de marché locale de nature lui à permettre de juger de l'opportunité de son investissement et de calculer ses risques. Aucun grief ne peut être retenu à l'encontre du franchiseur de ce chef.

Faute de pièce justificative suffisante (une simple carte de visite ne pouvant justifier de la rupture d'un contrat ni de la disparition d'une agence), il ne peut être reproché à la société EDM d'avoir caché à Fernando Gonzalez la disparition d'une agence dans le secteur géographique qui lui était concédé.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Fernando Gonzalez de sa demande en nullité du contrat pour vice du consentement.

- Sur la nullité du contrat pour défaut de cause

Un contrat de franchise doit comporter la mise à disposition du franchisé par le franchiseur d'un nom commercial, de sigles et symboles, d'une marque ainsi que d'un savoir-faire et d'une collection de produits ou services offerts de manière originale et spécifique et exploités suivant des techniques commerciales uniformes préalablement expérimentées et constamment mises au point et contrôlées.

Il résulte des pièces versées aux débats que contrairement à ce que soutient Fernando Gonzalez la marque Européenne de Mètre était bien enregistrée à l'INPI depuis 1998 ainsi que le logo "EDM groupe financière Duval" (dépôt du 12 septembre 2003) qui figure sur le contrat de franchise du 31 décembre 2003 comme sur l'accusé réception du document d'information pré-contractuel. La société a procédé au dépôt d'une nouvelle marque et d'un nouveau logo en 2005.

Comme l'ont justement relevé les premiers juges, la société EDM justifie d'un savoir-faire préalablement expérimenté puisqu'elle a mis au point un logiciel "intranet EDM" lui permettant de gérer en temps réel les activités d'une agence et de connaître l'ensemble de l'activité du réseau et exerce son activité dans plusieurs agences depuis 1998. Elle a également élaboré un livret d'accueil destiné aux franchisés pour leur apporter des informations d'ordre général et plusieurs manuels de travail relatifs au domaine administratif ou technique. Tous ces documents sont remis au franchisé pour l'aider à exercer son activité. Il est également prévu une assistance technique systématique au début de l'activité puis selon les besoins.

En mettant à la disposition des franchisés son expérience en matière de diagnostics immobiliers rassemblée sous forme de recueils fournis et mis à jour périodiquement pour tenir compte de l'évolution des connaissances techniques et du marché et ses acquis en matière de gestion sous forme d'un logiciel original, la société EDM justifie d'un savoir-faire original et substantiel.

La demande en nullité du contrat pour défaut de cause a été à bon droit rejetée.

- Sur la résiliation du contrat

Fernando Gonzalez invoque à l'appui de sa demande en résiliation du contrat de franchise aux torts de la société EDM le non-respect de son obligation de fournir une assurance responsabilité professionnelle nécessaire à l'exercice de l'activité franchisée.

Aux termes du contrat litigieux, la société EDM s'est engagée à présenter au franchisé son courtier d'assurance et à le faire bénéficier pour sa première année d'activité d'une assurance responsabilité civile du même type que celle souscrite par EDM et dans des conditions financières identiques à 10 % près.

Il n'est pas contesté que Fernando Gonzalez a été présenté au courtier de la société EDM.

Il est établi qu'au début de l'année 2004, les différentes compagnies d'assurance engagées sur le marché de la certification immobilière ont remis en cause les contrats responsabilité civile professionnelle suite à un taux de sinistre important et ont modifié leurs exigences notamment quant aux compétences des assurés. Pendant plusieurs mois, les nouveaux contrats n'ont pas été souscrits paralysant ainsi l'activité des professionnels.

La société EDM a subi cette situation comme les autres entreprises ayant une activité de même nature.

Fernando Gonzalez n'ignorait pas la volonté des assureurs de vérifier les compétences des nouveaux techniciens avant de les assurer (mention dans le document d'information pré-contractuel).

Dès le 4 juin 2004, le cabinet Heux & Associes, courtier en assurance, demandait à Monsieur Gonzalez de lui retourner le questionnaire proposition accompagné des attestations et certifications pour le soumettre à l'assureur. Aucun document n'a été transmis par le franchisé au courtier qui n'a pu solliciter l'assureur.

C'est en vain que Fernando Gonzalez soutient que le courtier lui aurait indiqué que sa demande d'assurance ne pourrait aboutir alors qu'il n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de cette prétention. La cour observe qu'un autre franchisé a pu obtenir une police d'assurance qui lui avait été dans un premier temps refusée.

Aucun manquement aux obligations contractuelles ne peut être retenu de ce chef.

Fernando Gonzalez a procédé à la résiliation unilatérale du contrat à ses risques et périls. Faute d'établir un manquement de la société EDM à ses obligations contractuelles, les premiers juges ont justement constaté que la résiliation du contrat lui est imputable ce qui rend sans objet sa demande en réparation des préjudices subis.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a rejeté les demandes en dommages-intérêts présentées par la société EDM qui ne sont pas justifiées.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Laisse à chaque partie la charge de ses dépens.