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Décisions

CCE, 12 septembre 2007, n° 2008-145

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide d'État C 54/2006 (ex N 276/2006) que la Pologne se propose d'accorder à Bison-Bial SA

CCE n° 2008-145

12 septembre 2007

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations (1) conformément aux articles susvisés, considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) Le 4 mai 2006, la Pologne a notifié l'aide à la restructuration qu'elle se propose d'accorder à la société Bison-Bial SA (ci-après dénommée "Bison-Bial").

(2) Par lettre du 13 juin 2006, la Commission a demandé à la Pologne de lui communiquer certaines informations manquantes, que les autorités polonaises lui ont transmises le 13 juillet 2006. Par lettre du 29 août 2006, la Commission a demandé des informations complémentaires. Les autorités polonaises ont répondu par lettres datées des 18 septembre, 20 octobre et 3 novembre 2006.

(3) Par lettre du 20 décembre 2006, la Commission a informé la Pologne qu'elle avait décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'égard de l'aide en question. La décision de la Commission concernant l'ouverture de la procédure prévue par l'article 88, paragraphe 2, du traité CE a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur la mesure d'aide en cause.

(4) Les autorités polonaises ont présenté leurs observations par lettre du 23 janvier 2007. La Commission n'a pas reçu d'observations de tiers.

(5) Le 28 mars, une réunion a été organisée avec des représentants des autorités polonaises et de Bison-Bial. La Commission a ensuite demandé des informations complémentaires, par lettre du 17 avril 2007, à laquelle les autorités polonaises ont répondu le 15 mai 2007.

2. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DES MESURES D'AIDE

2.1. Entreprise concernée

(6) Bison-Bial est une grosse société qui produit des fixations pour machines-outils, telles que des mandrins de tours, des dispositifs de serrage et de bridage, des appareils de fraisage et des porte-outils. Elle a été constituée en 1948 comme entreprise d'État. En 1997, l'État a cédé 53 % des actions de Bison-Bial à la société privée Metalexport sp. z o.o., devenue Mex-Holding sp. z o.o. en 2004. À la fin de 2006, le Trésor public détenait 18 % des actions de Bison-Bial; les autres actionnaires étaient des entités privées. Entre 2000 et 2006, les effectifs de l'entreprise ont été ramenés de 1 680 travailleurs à 950.

(7) En 2004, la part de la société sur le marché polonais des éléments destinés aux machines-outils s'élevait à 17 %, ce qui ne représente que 20 % de la production de Bison-Bial car la société produit principalement pour l'exportation (en 2004, 30 % de sa production était destinée au marché américain, 15 % à l'Italie, 7 % aux pays de l'Europe de l'est, Russie comprise, et 5 % à la Grande- Bretagne). La société distribue la majorité des produits qu'elle exporte par l'intermédiaire de sociétés appartenant au groupe Mex-Holding: Toolmex Corporation aux États- Unis, Mexpol GmbH en Allemagne, Toolmex Polmach au Royaume-Uni ou Italmex SA en Italie.

(8) La part de Bison-Bial sur le marché européen est estimée à 1,3 %. D'un point de vue géographique, le marché des produits fabriqués par Bison-Bial est de dimension au moins européenne, et potentiellement mondiale. Le secteur de la production des éléments pour machines outils, tels que ceux fabriqués par Bison-Bial, connaît une situation de surcapacité sur le plan tant européen que mondial.

(9) La société est implantée dans une région admissible au bénéfice d'aides en application de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE.

2.2. Difficultés rencontrées par l'entreprise

(10) Les difficultés rencontrées par Bison-Bial ont débuté en 2001, année au cours de laquelle la société a enregistré des pertes s'élevant à 24 millions PLN. Parmi les principales causes de ces difficultés financières, la Pologne évoque:

- l'appréciation du zloty par rapport au dollar américain (30 % des ventes sont destinées aux États-Unis);

- la mauvaise situation financière de l'ensemble du groupe et le non-remboursement d'un emprunt de 16 millions PLN par la société mère;

- un recul des ventes à l'étranger lié à une stagnation du marché aux États-Unis et en Europe de l'ouest après septembre 2001.

(11) Ces circonstances, combinées au coût élevé des crédits sur le marché, ont provoqué d'importants problèmes de liquidités, qui se sont traduits par des retards dans le règlement des dettes. En 2002, quatre banques ont exigé le remboursement immédiat de crédits. Bison-Bial n'était pas en mesure de rembourser les dettes en cours, parmi lesquelles les salaires, ce qui a provoqué l'arrêt de l'usine de production pendant 4 mois. En conséquence, les ventes ont reculé de moitié (91 millions PLN en 2001, 48 millions PLN en 2002) et l'exercice s'est clôturé sur une perte nette de 74,8 millions PLN.

(12) Les difficultés de Bison-Bial sont allées de pair avec une détérioration de la situation de la société mère (Mex- Holding sp. z o.o). En 2002, l'ensemble du groupe affichait des pertes s'élevant à 75,8 millions PLN. Depuis, la situation s'est améliorée, mais le groupe enregistre encore des pertes et son capital propre est négatif.

(13) En 2003, la société a ramené ses pertes à 8,5 millions PLN et en 2004, elle a réalisé un bénéfice de 5,1 millions PLN. Selon les autorités polonaises, ce redressement est lié au début de la restructuration de Bison-Bial. La mise en œuvre des premières mesures de restructuration a conduit à une augmentation des ventes, à une diminution des coûts et à l'annulation d'une partie de la dette. En conséquence, en 2005 et 2006, la société a dégagé des bénéfices, respectivement de 20 millions PLN et de 12,5 millions PLN.

(14) Malgré les bénéfices réalisés, Bison-Bial reste confronté à des difficultés. Les pertes d'exploitation accumulées depuis 2001 ont conduit à un endettement important. En 2004, la valeur des actifs était estimée à 57 millions PLN, tandis que la dette atteignait 115,7 millions PLN. En d'autres termes, le capital propre était négatif. À la fin de 2006, il l'était encore, mais l'écart ne s'élevait plus qu'à 26 millions PLN. L'analyse effectuée par la Commission montre que, sans aide, la société sera déclarée en faillite dans un avenir proche car elle ne sera plus en mesure de rembourser certaines dettes immédiatement exigibles.

Restructuration

(15) Bison-Bial a élaboré un plan de restructuration portant sur les années 2003-2009. Celui-ci prévoit principalement une restructuration financière, ainsi qu'une restructuration des actifs et de l'emploi. La restructuration financière, qui a débuté en 2003, prévoyait le remboursement de dettes anciennes sur la base d'accords conclus avec des créanciers privés, l'annulation d'une partie des dettes privées et publiques, ainsi que le remboursement du reste de la dette à l'égard de créanciers publics au moyen d'un emprunt qui devait être accordé par l'Agence de développement industriel (ci-après dénommée "ARP"), un organisme appartenant à l'État.

(16) En 2004, la société a conclu des accords pour le remboursement de ses dettes à l'égard des banques et de ses travailleurs et a accepté une transaction judiciaire avec ses autres créanciers privés.

(17) La restructuration opérationnelle a débuté en 2001. La société a réduit ses effectifs, qui sont passés de 1 680 travailleurs en 2000 à 1 144 en 2001, puis à 925 en 2005. À l'issue de la période de restructuration, il est prévu que leur niveau s'établisse à 800 personnes. Ainsi, les effectifs auront été réduits de 52 % par rapport à leur niveau de 2000 et de 30 % par rapport à celui de 2001.

(18) En ce qui concerne la restructuration des actifs, Bison-Bial prévoit de céder des actifs inutiles, de changer d'implantation et de vendre les terrains sur lesquels la société se trouve actuellement. Ainsi qu'il ressort d'une évaluation jointe au dossier, la valeur de ces terrains sur le marché s'élève à [...] (3) millions PLN. Dans un premier temps, les autorités polonaises ont indiqué que les terrains devaient être vendus en 2009; toutefois, l'ensemble des machines et des équipements doit préalablement être déplacé vers un autre lieu. Par ailleurs, le bâtiment qui doit être vendu est grevé d'une hypothèque. Après la publication par la Commission de la décision d'ouverture d'une procédure formelle d'examen, la Pologne a indiqué que la vente pourrait être reportée à 2010.

(19) Dans les années 2003-2005, Bison-Bial a investi 1,4 million PLN et elle prévoit d'investir 14,2 millions PLN supplémentaires sur les années 2006-2009. Il s'agit principalement d'investissements de remplacement, à savoir l'achat de machines et d'installations plus efficaces et plus respectueuses de l'environnement. En outre, le plan prévoit que les investissements ne progresseront fortement qu'après 2009, compte tenu de la faiblesse actuelle des ressources financières. Le plus gros des investissements sera réalisé en 2010 et sera lié au déménagement prévu de l'entreprise vers un nouveau site.

(20) Initialement, la Pologne a suggéré que la diminution des effectifs et la réduction de la superficie du site de production de l'entreprise devaient être considérées comme des mesures suffisantes pour atténuer les effets indésirables de l'aide. Toutefois, les autorités polonaises ont aussi déclaré que les effets de ces réductions seraient compensés par les investissements prévus dans des installations plus efficaces, de sorte que le niveau des capacités de production de Bison-Bial resterait inchangé. Les autorités polonaises ont avancé qu'il y avait lieu de considérer le maintien des capacités de production à leur niveau actuel (au lieu de leur augmentation) comme une mesure compensatoire.

(21) Le plan de restructuration notifié prévoyait que les coûts de restructuration des années 2003-2009 s'élèveraient à 138 millions PLN, le poste le plus important étant constitué par les coûts de restructuration financière (122,6 millions PLN) tandis que les 15,6 millions PLN restants correspondent aux coûts des investissements.

(22) Le plan prévoit que la restructuration financière couvrira le remboursement de la dette à l'égard des banques (65,6 millions PLN) conformément à un accord conclu avec ces créanciers, le remboursement d'autres dettes privées (17,5 millions PLN) et le remboursement de dettes à l'égard de créanciers publics (39,5 millions PLN). Le montant total de l'aide d'État prévue est destiné au règlement des dettes à l'égard de créanciers publics. Une partie des coûts de la restructuration sera financée à partir des ressources tirées de la vente d'actifs qui fera suite au déménagement de la société.

Mesures d'aide

(23) Le soutien public à la restructuration de Bison-Bial repose sur deux textes juridiques: la loi du 30 août 2002 relative au réaménagement de certaines dettes des entreprises envers des créanciers publics (ci-après dénommée "loi du 30 août 2002") et la loi du 30 octobre 2002 relative aux aides d'État en faveur des entreprises ayant un impact significatif sur le marché du travail (ci-après dénommée "loi du 30 octobre 2002"), modifiée par la loi du 14 novembre 2003 (ci-après dénommée "loi du 14 novembre 2003").

(24) La loi du 30 août 2002 a introduit dans le droit polonais la possibilité de réaménager les dettes publiques d'entreprises se trouvant dans une situation financière difficile en procédant à une remise de dettes. L'entreprise intéressée devait déposer une demande, accompagnée d'un plan de réaménagement, auprès de chaque organisme public vis-à-vis duquel elle souhaitait obtenir le réaménagement de ses dettes (ci-après dénommé "organisme sollicité "). L'organisme sollicité, après avoir vérifié que le plan de réaménagement proposé pouvait conduire à un redressement de la situation financière de l'entreprise, arrêtait une "décision sur les conditions du réaménagement ", dans laquelle il établissait la liste des dettes concernées par l'opération. Si l'entreprise remplissait les conditions fixées dans cette décision, l'organisme sollicité était alors juridiquement tenu de publier une décision accordant la remise des dettes visées dans la décision sur les conditions du réaménagement.

(25) La loi du 30 octobre 2002 a ensuite centralisé ce système, en donnant au président de l'ARP le pouvoir de prendre une décision équivalente à la décision sur les conditions du réaménagement, appelée décision de réaménagement (article 10, paragraphe 1, point 4, en liaison avec l'article 19). Cette décision comporte une évaluation du plan de réaménagement et décide du réaménagement des dettes de droit public prévu dans le plan. Les organismes sollicités concernés sont ensuite juridiquement tenus de publier individuellement des décisions accordant la remise des dettes visées dans la décision de réaménagement.

(26) Enfin, la loi du 14 novembre 2003 modifiant la loi du 30 octobre 2002 a subordonné le réaménagement des dettes publiques au transfert vers une société tierce (appelée "opérateur" et entièrement détenue par l'ARP ou l'État) d'actifs d'une valeur équivalente à au moins 25 % du montant total des dettes à réaménager. Les recettes tirées de la vente de ces actifs par l'opérateur devaient couvrir au moins une partie des dettes publiques concernées, le reste devant être annulé une fois la restructuration achevée.

(27) Bison-Bial a déposé une demande de réaménagement de ses dettes envers des créanciers publics en vertu des lois du 30 août 2002 et du 30 octobre 2002. La valeur nominale totale de l'aide d'État envisagée s'élève à 31,43 millions PLN (4) (8,2 millions EUR). Les mesures d'aide consistent en un prêt accordé à des conditions préférentielles et en une remise de dettes publiques. La description précise des mesures figure dans le tableau cidessous.

<emplacement tableau>

3. DÉCISION D'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2, DU TRAITÉ CE

(28) La Commission a décidé d'ouvrir une procédure formelle d'examen en raison de doutes sur la compatibilité de l'aide à la restructuration avec le Marché commun.

(29) D'abord, la Commission avait des doutes quant à la capacité du plan de restructuration à rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise. Elle se demandait si les bénéfices enregistrés en 2004 et 2005 ne pouvaient pas être le fruit d'une opération ponctuelle (abandon de créances, par exemple) et si donc ils annonçaient bien une amélioration réelle du fonctionnement de la société. Par ailleurs, le plan mettant l'accent sur le règlement des dettes anciennes, les investissements qu'il prévoyait risquaient de ne pas être suffisants pour garantir des moyens de production concurrentiels à la fin de la période de restructuration.

(30) Ensuite, la Commission avait des doutes quant au bienfondé des mesures compensatoires proposées. La société prévoyait une diminution de la superficie de son site de production, mais cela ne réduirait pas ses capacités de production. De même, le niveau des effectifs a été sensiblement réduit, mais il apparaît que cela était nécessaire pour des raisons de rentabilité.

(31) Enfin, il apparaît que certaines des mesures signalées par les autorités polonaises comme faisant partie de la contribution propre de l'entreprise pourraient ne pas être considérées comme telles au sens des lignes directrices. La Commission n'était donc pas certaine que la contribution propre réelle serait suffisamment importante, autrement dit que l'aide serait limitée au minimum nécessaire.

4. OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR LA POLOGNE

(32) Après que la Commission a annoncé sa décision d'ouvrir une procédure formelle d'examen à l'égard de l'aide que la Pologne envisageait d'apporter à Bison-Bial, les autorités polonaises ont fourni des précisions sur la stratégie de l'entreprise.

(33) Les autorités polonaises ont expliqué que la société disposait de deux sites de production à Bialystok, dont l'un au centre ville (rue [...]). Bison-Bial envisageait de vendre ce site et de transférer la production vers l'autre usine, ou d'acquérir un troisième site vers lequel transférer l'ensemble de ses activités de production et de vendre les deux sites qu'elle possédait actuellement. Selon les prévisions transmises, Bison-Bial prévoyait d'investir [...] millions PLN en 2010, après la vente du site de [...] Si la société décidait de vendre ses deux usines et de transférer sa production vers un nouveau site, la valeur de l'investissement serait encore supérieure.

(34) Les autorités polonaises ont confirmé que les principales opérations de modernisation de la société interviendraient après 2010, après le déménagement de l'entreprise. Pour les années 2010-2014, Bison-Bial prévoit des investissements d'un montant de 43 millions PLN, dont [...] seront réalisés avant la fin de 2010, quand la société devra déménager.

(35) Les autorités polonaises ont indiqué que les investissements prévus en 2010-2014 visaient à moderniser le système de gestion de la conception et de la fabrication des produits dans l'entreprise, à automatiser le processus de montage des fixations standard, à améliorer la qualité des produits fabriqués, à optimiser les processus technologiques et les processus d'usinage thermique et chimique des produits et à améliorer les méthodes de contrôle et de mesure. Les autorités polonaises ont en outre confirmé que le déménagement et les investissements ultérieurs s'inscrivaient dans la mise en œuvre de la stratégie à long terme de l'entreprise.

(36) En ce qui concerne la nécessité d'éviter toute distorsion indue de la concurrence, les autorités polonaises et la société ont formulé trois propositions de mesures compensatoires susceptibles d'être mises en œuvre par la société:

a) une limitation des capacités de production de Bison-Bial aboutissant à une réduction de 5 % des quantités produites par rapport aux capacités de production de Bison-Bial qui seront établies, ou

b) une limitation des capacités de production par la vente de 5 % des machines-outils possédées par Bison-Bial, ou

c) une limitation des capacités de production par la vente de la succursale de production de [...] qui, en 2006, réalisait 13 % du chiffre d'affaires de Bison-Bial, soit des bénéfices à hauteur de 1,2 million PLN.

(37) La troisième solution, c'est-à-dire la vente de la succursale de production de [...], conduirait à un resserrement de la gamme de produits fabriquée par Bison-Bial de 46 % et à une réduction du nombre de machines-outils de 12 %. Néanmoins, la succursale de production de [...] supporte une partie de l'endettement et il est prévu que le réaménagement de ces dettes soit financé par l'aide d'État notifiée. Par ailleurs, les actifs de la succursale de [...] sont grevés par une hypothèque ou constituent des garanties pour le remboursement de dettes commerciales de Bison-Bial. Ainsi, les autorités polonaises expliquent qu'il faut d'abord régler le problème de l'endettement de la succursale de [...] et qu'ensuite seulement, c'est-à-dire au plus tôt en 2009, cette succursale pourra être vendue. Bison-Bial s'est engagée à prendre toutes les mesures nécessaires pour réaliser cette vente avant la fin de 2009, si la Commission décidait qu'elle constitue une mesure compensatoire adéquate.

(38) En ce qui concerne le financement du processus de restructuration, les autorités polonaises ont précisé que, compte tenu de l'évolution à la hausse des prix de l'immobilier dans la région ces derniers temps et de la situation des parcelles qu'il est envisagé de vendre (centre de Bialystok), le bénéfice escompté de la vente s'élève à [...] millions PLN. Par ailleurs, le bénéfice estimé de la vente de la succursale de production de [...] s'élève à [...] millions PLN. Enfin, conformément à la base juridique régissant l'aide d'État envisagée, Bison-Bial est tenue de transférer à l'entité publique (l'opérateur) des actifs d'une valeur de 2,795 millions PLN en échange de la remise de créances.

5. ÉVALUATION DES MESURES

5.1. Aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE

(39) En vertu de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(40) La remise de la dette à l'égard d'organismes publics, y compris les intérêts accrus, et l'emprunt auprès d'une agence publique ont tous deux trait à l'utilisation de ressources publiques. En outre, le recours à ces solutions procure un avantage à la société, en réduisant les coûts qu'elle doit supporter. En ce qui concerne la deuxième mesure, il convient en particulier d'observer que Bison-Bial, dans sa situation de société en difficulté dont les dettes dépassent nettement les actifs, n'obtiendrait pas ce type de financement dans les conditions du marché. Le montant total de l'emprunt peut donc être considéré comme un élément d'aide.

(41) Les décisions déjà prises en matière de restructuration promettant la remise des dettes à l'égard de créanciers publics et la suspension de l'exécution du remboursement des dettes peuvent aussi constituer une forme d'aide. La Commission note cependant qu'en l'espèce, l'élément d'aide lié à ces "reports", à savoir le montant des intérêts accrus sur l'ensemble de la période et ajoutés au montant des dettes à annuler, a été pris en compte dans l'aide notifiée.

(42) Les fixations pour instruments en métal fabriquées par Bison-Bial sont vendues sur le marché de l'UE. Bison-Bial est aussi en concurrence avec des producteurs de l'UE sur des marchés extracommunautaires. Le renforcement de la position de Bison-Bial qui résulterait de l'aide d'État est donc susceptible d'influer sur la concurrence dans l'UE; en d'autres termes, le critère relatif à l'affectation des échanges entre États membres est rempli.

(43) En conséquence, les mesures susmentionnées sont considérées comme une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

5.2. Dérogation au titre de l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE

(44) En l'espèce, les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, du traité CE ne s'appliquent pas. En ce qui concerne les dérogations visées à l'article 87, paragraphe 3, du traité CE, compte tenu du fait que l'objectif fondamental de l'aide est le retour à la viabilité à long terme de l'entreprise en difficulté, seule peut être appliquée la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, qui autorise les aides d'État destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques, pour autant qu'elles ne modifient pas les conditions des échanges commerciaux dans une mesure contraire à l'intérêt commun. De ce point de vue, l'aide peut être considérée comme compatible avec le Marché commun sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, dès lors que les conditions énoncées dans les lignes directrices communautaires concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (5) (ci-après dénommées "lignes directrices") sont remplies.

5.3. Admissibilité de l'entreprise au bénéfice d'une aide

(45) En vertu des lignes directrices, une entreprise est considérée comme étant en difficulté lorsqu'elle est incapable, avec ses ressources propres ou des fonds provenant de ses actionnaires ou d'un emprunt, de redresser sa situation économique et qu'elle se dirige, en l'absence d'une intervention des pouvoirs publics, vers une mort économique quasi certaine. Ces lignes directrices énumèrent aussi quelques indices habituels d'une entreprise en difficulté, tels que l'endettement croissant et l'affaiblissement ou la disparition de la valeur de l'actif net. Conformément au point 13 des lignes directrices, une entreprise qui fait partie d'un groupe ne peut normalement pas bénéficier d'aides à la restructuration, sauf s'il peut être démontré que ses difficultés lui sont spécifiques et ne résultent pas d'une allocation arbitraire des coûts au sein du groupe et que ces difficultés sont trop graves pour être résolues par le groupe lui-même.

(46) Il convient de considérer Bison-Bial comme une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices. Son capital propre est négatif. La société rembourse des dettes anciennes à l'égard de créanciers privés conformément aux accords qu'elle a conclus (les derniers versements interviendront en 2009). Si elle ne règle pas le problème de ses dettes à l'égard des créanciers publics (par leur remboursement ou leur annulation), celles-ci seront immédiatement exigibles. L'exécution de ces créances rendra impossible le remboursement échelonné négocié avec les créanciers privés et, selon toute probabilité, la société sera mise en faillite. Bison-Bial ne peut pas obtenir d'emprunt aux conditions du marché pour rembourser ses dettes à l'égard de créanciers publics car sa situation financière est très précaire et tous les actifs de l'entreprise sont déjà hypothéqués.

(47) Le fait que la société réalise des bénéfices ne change rien à l'appréciation de son admissibilité au bénéfice d'une aide, dès lors que son capital propre est négatif. Par ailleurs, il convient de noter que les bénéfices n'ont pu être réalisés que parce que les autorités publiques ont suspendu l'exécution des créances en prévision de leur remise.

(48) La société mère de Bison-Bial se trouve elle aussi en difficulté. Elle enregistre des pertes, son endettement progresse; elle ne peut donc pas venir en aide à Bison-Bial. Les difficultés de la société mère ont commencé peu après 2000. Dans ce contexte, le fait qu'elle n'a pas remboursé l'emprunt accordé par Bison-Bial (ce qui constitue une des causes des difficultés que connaît cette dernière) constitue une preuve de la réalité de ses difficultés financières. Il ne s'agissait pas d'augmenter les bénéfices d'une partie du groupe ni d'accroître délibérément les difficultés de Bison-Bial.

5.4. Retour à la viabilité

(49) Dans sa décision d'ouvrir une procédure formelle d'examen, la Commission a émis des doutes sur la restructuration, en montrant qu'elle avait surtout un caractère financier et qu'elle ne tenait pas compte de manière adéquate des aspects liés à la restructuration industrielle. Après la publication de cette décision, les autorités polonaises ont fourni des informations complémentaires et ont levé les doutes susmentionnés de la Commission quant à la possibilité d'un retour à la viabilité.

(50) Une analyse détaillée des rapports financiers de Bison-Bial fait apparaître une amélioration réelle du fonctionnement de la société à partir de 2004-2005, à laquelle les opérations de caractère ponctuel n'ont contribué que de manière limitée. Ces mesures, telles qu'une remise de dettes, ont encore amélioré les résultats de la société, mais la principale source de bénéfices de Bison-Bial est son activité d'exploitation.

(51) L'analyse de la restructuration des produits, qui a été communiquée, montre que la société axe de plus en plus sa production sur les articles présentant la plus grande valeur ajoutée (en 2001, Bison-Bial a produit 709 000 unités pour un chiffre d'affaires de 84,9 millions PLN, alors qu'en 2006, sa production s'est élevée à 377 000 unités et la société a réalisé un chiffre d'affaires de 93,8 millions PLN).

(52) La valeur des investissements prévus sur la période 2003- 2009 s'élève à 14,75 millions PLN. En réalité, la société prévoit des investissements supplémentaires considérables en 2010, pour un montant de [...] millions PLN, en liaison avec le déménagement prévu de l'usine. La Commission estime que seule la réalisation de cette deuxième partie du programme d'investissement garantira le retour à la viabilité à long terme de la société.

(53) Pour cette raison et en tenant compte du fait que la vente immobilière nécessaire au financement des investissements sera reportée à 2010, la Commission est d'avis que la période de restructuration doit être prolongée jusqu'à la fin de 2010 et que les investissements prévus par la société en 2010 doivent être pris en compte dans les mesures de restructuration. En conséquence, les investissements sur la période 2003-2010 s'élèveraient à [...] millions PLN (14,75 millions PLN + [...] millions PLN), ce qui représente un montant considérablement supérieur à celui initialement prévu (15,6 millions PLN).

(54) La Commission fait remarquer qu'à l'heure actuelle, il n'est pas possible d'évaluer le rendement des fonds propres de Bison-Bial, dans la mesure où ces derniers sont encore négatifs. Ils seront progressivement reconstitués d'ici à 2010. Les données de 2011 peuvent être utilisées comme valeurs à long terme. Cette année-là, le rendement des fonds propres s'élèvera à 9 % (bénéfice net de 4 millions PLN sur un capital propre de 44 millions PLN). Ce n'est pas très élevé, mais la Commission note que Bison-Bial est actif sur un marché où la concurrence avec les producteurs asiatiques est rude et les marges sont limitées; ce niveau paraît donc justifié.

(55) Sur la base des éléments ci-dessus, la Commission considère que la réalisation du plan de restructuration conduira au retour de la viabilité, à condition que la restructuration inclue la réalisation des investissements prévus en 2010 et que la période de restructuration soit prolongée jusqu'à la fin de 2010.

5.5. Prévention de toute distorsion indue de la concurrence

(56) Après la publication par la Commission de la décision en vertu de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, les autorités polonaises ont proposé trois mesures compensatoires alternatives, susceptibles d'être mises en œuvre par Bison-Bial.

(57) En ce qui concerne la première proposition, qui est de réduire de 5 % les quantités produites, la Commission note que Bison-Bial, de manière naturelle, cherche à diminuer sa production, tout en l'axant sur des produits à plus forte valeur ajoutée. En conséquence, la Commission considère que cette mesure peut, en fin de compte, ne pas avoir d'incidence sur l'activité de l'entreprise et, de ce fait, ne garantit pas une diminution de la présence de Bison-Bial sur le marché.

(58) La deuxième option prévoit la vente de 5 % des équipements de production de la société. Compte tenu du fait que Bison-Bial envisage de mettre en œuvre un vaste programme de modernisation qui prévoit l'achat de nouvelles machines plus efficaces, la Commission ne considère pas que cette solution constitue une mesure compensatoire réelle, car la diminution des capacités de production résultant de la vente des machines anciennes est susceptible d'être compensée par le fait que les nouveaux équipements auront des capacités de production supérieures.

(59) En liaison avec ce qui précède, la Commission considère que ces deux options ne garantiront pas la limitation des effets indésirables de l'aide sur la concurrence.

(60) La troisième option repose sur la vente de la succursale de production de [...], qui aurait pour effet de réduire la gamme des produits de Bison-Bial de 46 %, d'amputer le chiffre d'affaires de 13 % et de diminuer le nombre des équipements de production de 12 %. Cette solution aboutit en fait aux mêmes résultats que les deux premières options, et va même au-delà. Par ailleurs, lors de la mise en vente de l'usine de production de [...], les concurrents potentiels de la société auront la possibilité d'acquérir une partie structurée des capacités de production de Bison-Bial, ce qui est susceptible d'atténuer les effets négatifs de l'aide. Enfin, la succursale de production de [...] est rentable (en 2006, elle a réalisé un bénéfice de 1,2 million PLN); sa vente n'est donc pas nécessaire aux fins de la restructuration.

(61) En raison de ce qui précède, la Commission estime que la vente de la succursale de [...] constitue une mesure compensatoire adéquate et suffisante.

5.6. Limitation de l'aide au minimum

(62) Au point 45 de la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission a émis des doutes concernant le fait que le remboursement de certaines créances prévu dans le cadre de la restructuration (6) puisse entrer dans les coûts de la restructuration. Ces doutes n'ont pas été levés. La Commission note que l'emprunt de ces fonds relevait d'un financement normal de l'activité opérationnelle de la société et qu'ils peuvent être remboursés à l'aide des fonds détenus par la société.

(63) Toutefois, si la période de restructuration est prolongée jusqu'en 2010 pour couvrir les investissements prévus cette année-là, il y a lieu de prendre ces derniers en compte dans la détermination des coûts de la restructuration.

(64) Aux points 46 et 47 de la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission a émis des doutes concernant le fait que certaines mesures notifiées par la Pologne puissent être considérées comme la contribution du bénéficiaire au sens des points 43 et 44 des lignes directrices. Ces doutes n'ont pas été levés. C'est la raison pour laquelle, dans l'analyse ci-après, ces mesures ne seront pas considérées comme la contribution propre du bénéficiaire.

(65) En conséquence, les coûts de restructuration, la contribution du bénéficiaire et l'aide d'État se présentent comme suit:

<emplacement tableau>

(66) La contribution propre de Bison-Bial à l'ensemble des coûts de restructuration s'élève donc à 50,4 %, c'est-à-dire qu'elle se situe à un niveau conforme au point 44 des lignes directrices concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises.

(67) Le point 45 des lignes directrices dispose que "pour limiter l'effet de distorsion de la concurrence, le montant de l'aide ou la forme sous laquelle elle est accordée, doit être de nature à éviter que l'entreprise ne dispose de liquidités excédentaires". La Commission note que l'activité de la société est de nouveau rentable. Sa viabilité est cependant menacée en raison du montant des créances immédiatement exigibles. Dans ce contexte, le fait que la moitié de l'aide soit accordée sous la forme d'un prêt contribue à assurer que l'aide est limitée au minimum nécessaire. En effet, l'emprunt met à la disposition immédiate de Bison-Bial des ressources lui permettant de rembourser les dettes anciennes. Simultanément, Bison-Bial devra rembourser ce crédit plus tard, ce qui sera possible grâce à ses bénéfices normaux et qui garantit que la société n'accumulera pas de liquidités excédentaires au sens des lignes directrices.

(68) Compte tenu de ce qui précède, la Commission est d'avis que l'aide est limitée au minimum nécessaire.

6. CONCLUSION

(69) La Commission estime que l'aide d'État notifiée en faveur de Bison-Bial peut être considérée comme compatible avec le Marché commun, sous réserve du respect des conditions fixées,

A arrêté la présente décision:

Article premier

Les aides d'État en faveur de Bison-Bial notifiées par la Pologne, d'un montant de 31,43 millions PLN, sont compatibles avec le Marché commun, sans préjudice des obligations et des conditions énoncées à l'article 2.

Article 2

1. La période de restructuration est prolongée jusqu'à la fin de 2010 et le plan de restructuration exécuté dans son intégralité.

2. Le site de la rue [...] sera vendu avant la fin de 2010.

3. Des investissements d'un montant minimum de 41,61 millions PLN seront réalisés avant la fin de la période de restructuration, c'est-à-dire fin 2010.

4. La succursale de production de [...] sera cédée, avant la fin de 2009, à des acquéreurs indépendants de Bison-Bial. D'ici à la vente, les autorités polonaises garantiront que la succursale de production de [...] mène une activité économique régulière, qu'elle dispose des moyens nécessaires à son développement normal et que le bénéficiaire de l'aide ne prend aucune mesure ayant pour objectif une diminution délibérée de la valeur de la succursale, en particulier par le transfert d'actifs incorporels, de travailleurs, de clients ou d'un potentiel de vente vers d'autres usines de la société Bison-Bial.

Article 3

Les autorités polonaises présenteront des rapports semestriels sur l'état d'avancement de la restructuration.

Article 4

La République de Pologne est destinataire de la présente décision.

Notes

(1) JO C 23 du 1.2.2007, p. 20.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) Information confidentielle.

(4) Les autorités polonaises ont suggéré que, pour le calcul de l'élément d'aide dans le cadre des mesures, la valeur nominale de l'aide devait être diminuée de la valeur des actifs qui seraient transférés à l'opérateur en échange de la remise de dette. En fait, ce transfert d'actifs représente plutôt la contribution de l'entreprise à la restructuration et n'a pas d'incidence sur la valeur de l'aide. Ainsi, en l'espèce, l'élément d'aide est égal au montant nominal de l'aide.

(5) JO C 244 du 1.10.2004, p. 2.

(6) Voir le tableau 1 dans la décision d'ouverture de la procédure.