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Décisions

Conseil Conc., 21 février 2008, n° 08-D-03

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par la Fédération Nationale des Gîtes de France et le réseau Bienvenue à la ferme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Combaldieu, par Mme Perrot, vice-présidente présidente de séance, Mme Behar Touchais, , MM. Flichy, Lasserre.

Conseil Conc. n° 08-D-03

21 février 2008

Le Conseil de la concurrence (section III A),

Vu la lettre enregistrée le 16 septembre 2005 sous le numéro 05/0073F, par laquelle le ministre de l'Economie et des Finances a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le réseau " Bienvenue à la ferme " et la Fédération Nationale des Gîtes de France dans le secteur de l'hébergement touristique en gîtes ruraux et en chambres d'hôtes ; Vu la décision du Président du Conseil de la concurrence du 2 octobre 2006, disposant que l'affaire fera l'objet d'une décision du Conseil sans établissement préalable d'un rapport ; Vu le livre IV du Code de commerce; Vu les observations présentées par la Fédération Nationale des Gîtes de France et du Tourisme Vert (FNGDF) et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, la Fédération Nationale des Gîtes de France et du Tourisme Vert (FNGDF) et l'Assemblée Permanente des Chambres d'agriculture (APCA) entendus lors de la séance du 16 janvier 2008 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LES SECTEURS CONCERNES

1. Le secteur concerné est celui de l'accueil touristique en milieu rural, qui comprend d'une part l'hébergement et d'autre part les activités à la ferme (prestations de valorisation et de découverte de la ferme). Ainsi, l'exploitant agricole peut proposer uniquement des activités (vente de produits, visite de ferme, ferme équestre, goûter à la ferme...) sans hébergement, mais également choisir de proposer des hébergements à la ferme sans autre prestation. Il peut aussi combiner ces deux activités. Enfin, l'exploitant peut commercialiser ses hébergements et ses activités de valorisation de la ferme en dehors de tout circuit organisé. Toutefois, l'appartenance à un réseau facilite l'accès à des moyens de promotion et de publicité.

2. Le secteur de l'hébergement touristique en milieu rural et celui des activités de valorisation et de découverte de la ferme sont donc complémentaires.

1. L'HEBERGEMENT TOURISTIQUE EN MILIEU RURAL

3. La consommation touristique en France s'élevait à 108 milliards d'euro en 2005, soit 6,4 % du PIB en euro courants. Selon la direction du tourisme, le tourisme en espace rural représentait la même année 19,3 % de la consommation touristique (38,2 % pour le tourisme urbain, 26,4 % pour le littoral et 16,1 % pour la montagne). Entre 1999 et 2006, la part du tourisme en milieu rural est passée de 31 % à 30 % en nombre d'hôtels et de 23 % à 22 % en nombre de chambres.

4. Les hébergements ruraux comprennent tous les meublés en location simple (ou résidence secondaire du loueur), villages de vacances, campings, résidences de tourisme, gîtes ou chambres d'hôtes. En effet, le tourisme rural chez l'habitant en milieu rural s'est structuré autour de plusieurs formules ayant un lien avec l'environnement de la ferme.

5. Le tourisme rural se pratique le plus souvent en dehors de toute exploitation agricole. Ainsi, en 2002, moins de 2 % des exploitations agricoles proposent un hébergement. Enfin, si le marché semble arriver à maturation pour les gîtes ruraux, le nombre de chambres d'hôtes tend à augmenter. Dans le même temps, on observe une assez forte restructuration de l'offre vers le haut de gamme (notamment dans l'hôtellerie et le camping et dans une proportion moindre pour les chambres d'hôtes).

2. LES GITES RURAUX ET LES CHAMBRES D'HOTES

6. Les chambres d'hôtes sont définies dans l'article L. 324-3 du Code de tourisme comme " des chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations ".

7. Les gîtes ruraux, quant à eux, entrent dans la catégorie des meublés de tourisme. Dans sa décision 06-D-06 du 17 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'hébergement touristique en gîtes ruraux et en chambres d'hôtes, le Conseil de la concurrence reprend la définition suivante : " il s'agit soit d'une maison indépendante, soit d'un appartement situé dans un petit bâtiment comprenant en moyenne 2 à 3 habitations. La maison peut être de caractère ancien ou récent mais est obligatoirement située en espace rural, à l'intérieur ou à l'extérieur d'un bourg. Elle aura, si possible, du terrain ou sinon un balcon ou une terrasse. Sont exclues les maisons situées dans les lotissements et les bâtiments comportant une activité entraînant des nuisances (...). " Il définit les chambres d'hôtes comme " des chambres chez l'habitant, dans la maison même du propriétaire ou dans une aile du bâtiment attenante (...) ".

8. Les gîtes ruraux et chambres d'hôtes peuvent bénéficier de labels attribués par des associations (Gîtes de France, Clévacances, " Accueil Paysan " pour les gîtes, Fleurs de Soleil, et Bed&Breakfast (B&B) pour les chambres d'hôtes) en fonction de leur propre grille de classement. Les grilles de classement des gîtes ruraux utilisées par Gîtes de France déterminent les critères selon lesquels les gîtes ruraux reçoivent 1, 2, 3 et 4 épis alors que la marque " Location de France Clévacances " est décernée au cas par cas par Clévacances sous la forme de " clés " en cinq catégories.

9. Par ailleurs, les gîtes ruraux peuvent bénéficier d'un classement institué par l'arrêté ministériel du 1er avril 1997 modifiant l'arrêté du 26 décembre 1976. Ce classement facultatif permet de bénéficier de subventions publiques. La demande doit être faite par le loueur auprès de l'organisme de son choix, sous réserve que ce dernier soit agréé par le ministre chargé du Tourisme ou le préfet. Le préfet procède au classement, par un arrêté pris après avis de la commission départementale de l'action touristique (CDAT). Pour être agréé, l'organisme doit justifier d'une représentativité au niveau national ou départemental dans le domaine du tourisme, en particulier dans le secteur des meublés. Celle-ci est appréciée notamment en fonction de l'activité et de l'expérience de l'organisme. D'une manière générale, six fédérations sont agréées pour accorder les classements : l'Union nationale de la propriété immobilière, la Fédération nationale des offices de tourisme et des syndicats d'initiatives, la Fédération nationale des agents immobiliers, le Fédération nationale des comités départementaux du tourisme, la Fédération nationale des gîtes de France et Clévacances. Une autre association, " Accueil Paysan ", a demandé au ministre du Tourisme le bénéfice d'une convention lui permettant de classer les meublés, ce qui lui a été refusé. Cette association n'a pas instauré de système de classement propre à son label. Dans certains départements cependant, d'autres organismes ou fédérations ont été agréés.

3. LES ACTEURS DANS LE SECTEUR DE L'HEBERGEMENT TOURISTIQUE EN MILIEU RURAL

a) Gîtes de France

10. Créée en 1954, la Fédération Nationale des Gîtes de France et du Tourisme Vert (FNGDF) a pour vocation de participer à la rénovation et à la conservation du patrimoine immobilier rural, contribuer à fixer les populations rurales par l'apport de ressources complémentaires, favoriser les séjours touristiques en milieu rural dans de bonnes conditions d'accueil et de confort, dans un environnement préservé et calme, et enfin participer au développement local par l'augmentation de la capacité d'accueil touristique. La FNGDF fédère l'ensemble des Relais départementaux des Gîtes de France qui sont constitués sous la forme d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901.

11. Gîtes de France propose six formules d'hébergement et de séjours : gîtes ruraux, chambres d'hôtes, gîtes d'enfants, gîtes d'étape et de séjour, chalets loisirs, camping à la ferme, séjours thématiques. La FNGDF édite une grande variété de guides. En 2006, il existait 10 guides nationaux (nouveaux gîtes ruraux, gîtes de charme, gîtes d'étapes et de séjour, séjours à la ferme, séjours à la neige, chambres et tables d'hôtes, chambres d'hôtes de charme, locations de chalets campings, campings à la ferme, séjours nature en gîtes panda, séjours pêche), 66 guides départementaux et 6 guides régionaux. En sus de ces guides, depuis 2005, la FNGDF coédite le guide " séjour à la ferme " avec le réseau " Bienvenue à la ferme ".

12. Toute personne disposant d'un espace en zone rurale peut créer un hébergement et recevoir le label Gîtes de France si le logement présente les critères requis pour le classement en épis, le Relais Départemental étant la seule association habilitée à donner l'agrément " Gîtes de France ".

13. Selon la FNGDF, en 2006, le réseau représentait " 42 000 propriétaires, 56 000 hébergements (...) ". Parmi ces hébergements, la FNGDF recense 43 800 gîtes ruraux (2 500 créations par an) et 10 000 maisons d'hôtes avec un accroissement du parc de 500 nouvelles adresses par an (soit 1 500 chambres).

14. Le nombre d'adhérents entre 2000 et 2006 a évolué comme suit :

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15. La part des agriculteurs parmi les propriétaires est la suivante :

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16. Enfin, le chiffre d'affaires et le résultat net comptable de la FNGDF ont évolué de la façon suivante :

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b) Les autres réseaux

17. Plusieurs réseaux proposent de l'hébergement touristique, notamment Fleurs de Soleil, Relais et Châteaux, Bed & Breakfast, Pierre et Vacances ou encore Clévacances, mais chacun s'est " spécialisé " dans un type d'hébergement.

18. Seul le réseau Clévacances propose de l'hébergement rural, mais il ne s'agit pas de sa vocation première puisqu'il est particulièrement implanté dans les villages de vacances et les locations sur le littoral. Réseau " généraliste ", il a en effet pour vocation de proposer à la clientèle des hébergements (villas, appartements, pavillons en résidence, chambres, chalets ou demeures de caractère) situés au bord de la mer, à la montagne, à la campagne ou en ville. Clévacances n'exige pas la présence du propriétaire. Ainsi, sont membres du réseau, des propriétaires mais également des agents immobiliers (Clévances et la FNAIM ont signé un protocole d'accord). Une charte nationale garantit que la qualité des hébergements est conforme aux textes concernant les meublés de tourisme et cinq niveaux de confort sont proposés à la clientèle. Enfin, les locations ou chambres Clévacances reposent sur l'évaluation de trois critères essentiels : l'environnement, l'aménagement intérieur, l'accueil et l'assistance.

19. Une grande partie des gîtes et chambres n'est ni labellisée, ni classée : elle est proposée sur le marché via Internet. Aucune statistique n'existe sur le nombre de ces logements mais il semblerait que ce marché représente la grande majorité des locations touristiques. Ce phénomène à tendance à s'amplifier dans la mesure où Internet permet au touriste, grâce aux images et vidéos du site, de s'assurer a minima du confort du gîte ou de la chambre et de son environnement.

4. LES ACTIVITES DE VALORISATION ET DE DECOUVERTE DE LA FERME

20. Les prestations de valorisation et de découverte de la ferme consistent à accueillir, sur les exploitations, des touristes qui souhaitent découvrir une ferme et les métiers agricoles, mais également à permettre à un certain nombre d'agriculteurs d'obtenir un revenu complémentaire (création d'emploi familial et activité locale) et de communiquer en direction du monde urbain.

21. L'exploitant peut, sur ce segment également, choisir de commercialiser seul ces activités (agriculteurs indépendants) ou d'adhérer à des réseaux. Les deux réseaux existant actuellement sur le territoire national sont " Bienvenue à la ferme " et "Accueil Paysan ". Ces réseaux ne proposent pas de label pour l'hébergement et se contentent, pour leurs adhérents qui en proposent, de communiquer sur l'existence et le type d'hébergement.

22. Un nouveau label a été créé en mars 2005, " forme en ferme " mais il est constitué d'exploitants agricoles, " tous passionnés par le lien entre l'alimentation et la santé ". Il a pour vocation de développer l'accueil et d'animer un réseau d'exploitations proposant ce type de séjours. A ce jour, il n'a qu'une petite vingtaine d'adhérents.

a) Bienvenue à la ferme

23. Le réseau " Bienvenue à la ferme " est composé d'un service de l'Assemblée Permanente des Chambres d'agriculture (APCA), des relais "Bienvenue à la ferme" et de plus de 5 600 agriculteurs adhérents.

24. Les chambres d'agriculture sont des établissements publics, dirigés par 45 à 48 membres élus au suffrage universel tous les 6 ans, pour représenter la profession agricole. L'APCA, structure nationale, regroupe les 21 chambres régionales et les 94 chambres d'agriculture départementales.

25. L'APCA a pour objectif le développement de la marque collective " Bienvenue à la ferme " qu'elle a déposée à l'INPI, l'animation du réseau " Bienvenue à la ferme " et le développement des relations avec les autres partenaires.

26. Concernant l'organisation du réseau, l'APCA demeure propriétaire de la marque " Bienvenue à la ferme ", mais ne l'exploite pas elle-même. Elle décentralise cette gestion en passant des contrats de licence de marque soit avec une chambre agricole qui exploite la marque elle-même soit avec une chambre agricole et une structure associative à laquelle cette chambre délègue l'exploitation de la marque. L'APCA a donc prévu la possibilité, pour les chambres d'agriculture, de concéder une licence de la marque à un tiers.

27. Les relais " Bienvenue à la ferme ", régionaux ou départementaux, conseillent les agriculteurs dans leurs activités, garantissent la qualité des produits et activités, informent sur les possibilités d'accueil et d'activités sur les exploitations et assurent la promotion du réseau.

28. A l'origine, les adhérents ne proposaient que la formule des fermes auberges, exploitées par des agriculteurs qui souhaitent valoriser les produits par la restauration. A présent, le réseau " Bienvenue à la ferme " propose huit activités d'accueil liées à la gastronomie, à l'hébergement et à des activités de loisirs : gastronomie (ferme auberge, goûter à la ferme, vente de produits de la ferme), loisirs (ferme découverte, ferme pédagogique, ferme équestre, chasse à la ferme), hébergement (camping en ferme d'accueil, chambre d'hôtes, ferme de séjour, gîte rural, gîte d'étape paysan ou de séjour).

29. Les chambres d'agriculture ont considéré qu'il était important d'encadrer ces démarches pour garantir la qualité du service rendu et la préservation du lien entre l'agriculteur et le touriste. Ainsi, tout agriculteur souhaitant adhérer à " Bienvenue à la ferme " doit respecter la charte éthique et les cahiers des charges puis être agréé par l'échelon départemental des chambres de l'agriculture.

30. La charte éthique du 9 février 2004 interdit aux agriculteurs, en son article III, la double appartenance, pour une formule donnée, à " Bienvenue à la ferme " et à une autre marque. Deux exceptions ont donc été introduites : " pour les marques portées par des réseaux partenaires, Gîtes de France notamment et pour des marques locales mises en place pour renforcer l'identité terroir ".

31. L'hébergement à la ferme est défini par une charte nationale dénommée "Charte Ferme de Séjour ". Chaque département est libre de l'adapter par un règlement intérieur. La signature de la charte, qui n'a pas de durée minimale, vaut adhésion. Il existe des cotisations annuelles que l'agriculteur paye s'il souhaite rester dans le réseau et chaque partie peut résilier sans préavis.

32. Enfin, " Bienvenue à la ferme " édite des guides nationaux et départementaux. Avant 2005, le guide national "Bienvenue à la ferme" ne communiquait sur les hébergements que s'ils étaient complémentaires des activités ou produits " Bienvenue à la ferme ". Dans cette hypothèse, le guide précisait si l'hébergement était ou non classé ou labellisé. En 2005, " Bienvenue à la ferme " n'a pas édité de guide national sauf celui des fermes auberges, mais a communiqué de la même façon sur son site Internet. En novembre 2005, le guide " séjour à la ferme " a permis de réunir les logements doublement labellisés Gîtes de France et " Bienvenue à la ferme ". Pour les autres, " Bienvenue à la ferme" a continué à communiquer sur son site Internet et les guides locaux puisque chaque département édite son catalogue. En 2007, le guide "séjours à la ferme" n'a plus été réédité.

33. Le nombre d'adhérents " Bienvenue à la ferme " a évolué comme suit :

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34. Les comptes de résultat pour les années 2004-2006 ont été les suivants :

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b) Accueil Paysan

35. Créée le 26 mai 1988, l'association " Accueil Paysan " a déposé sa marque à l'INPI. Fondé davantage sur les relations humaines que sur le confort matériel, le réseau est actuellement présent dans 19 pays. L'association est organisée autour d'une fédération nationale de 15 fédérations régionales, liées à la fédération nationale, et de 36 associations départementales.

36. " Accueil Paysan " propose plusieurs types de produits : hébergement (gîtes et chambre), hébergement collectif (groupe, relais), camping et aire de camping ; repas : produits paysans, tables et auberge (casse-croûte, restauration) ; accueil d'enfants (en vacances et sociale) ; accueil de personnes âgées et handicapées (en projet). Pour l'hébergement, les chambres d'hôtes sont qualifiées de " chambres paysannes ", et sont définies dans le cahier des charges de janvier 2002, comme une chambre " située dans l'habitation principale ou le corps de ferme du paysan-accueillant ". Les conditions générales pour bénéficier du label sont la propreté (" peinture fraîche, ménage méticuleux, aéré "), le confort adapté (" bon lit, meubles pratiques bons et solides sans oublier les accessoires qui rendent la vie facile ") et la convivialité (" rapport humain, chaleureux et discret ").

37. Les adhérents doivent respecter l'éthique " Accueil Paysan " et son projet global de société (à titre d'exemple, refus des candidats qui ne font pas de production fermière).

38. " Accueil Paysan " n'est pas répertorié comme organisme agréé pour accorder des classements préfectoraux et c'est donc l'association départementale qui fait la démarche, pour son adhérent, auprès de la préfecture de son département. Cependant, dans certains départements comme la Creuse, l'association départementale est reconnue, ce qui a permis à certains adhérents d'obtenir des aides. Enfin, " Accueil Paysan " refuse la double labellisation.

39. Le nombre d'adhérents entre 2000 et 2006 a évolué comme suit :

<emplacement tableau>

B. LES PRATIQUES RELEVEES

1. LE CONTRAT DE PARTENARIAT DU 25 FEVRIER 2003

40. Le 25 février 2003, la Fédération Nationale des Gîtes de France et le président de l'Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture (ACPA) représentant le réseau " Bienvenue à la ferme ", ont signé, en présence de M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, une convention de partenariat exclusif comportant également une obligation de non concurrence.

41. Aux termes de cette convention, " Les Gîtes de France ", pour leurs propres ressortissants, s'engagent : - à inciter les agriculteurs désireux de mettre en place une activité d'accueil ou de services à s'inscrire dans la démarche de qualité développée par le réseau " Bienvenue à la ferme ", - à valoriser, pour les agriculteurs qui le souhaitent, la spécificité des hébergements à la ferme, définie par la charte éthique " Bienvenue à la ferme ", en apposant la double signalisation " Gîtes de France " et " Bienvenue à la ferme " dans les catalogues, guides et sites Internet, en contrepartie de laquelle une cotisation ou une contribution financière est due au relais " Bienvenue à la ferme " du département,- à ne pas créer ni développer des produits concurrents à ceux de " Bienvenue à la ferme ",- à ne pas communiquer ou faire la promotion de labels concurrents à ceux de " Bienvenue à la ferme ".(...) (2)

42. " Bienvenue à la ferme " s'engage : - à inciter les agriculteurs désireux de mettre en place un hébergement, à s'inscrire dans la démarche de qualité développée par le réseau des " Gîtes de France ", - à valoriser, pour ses propres ressortissants, les hébergements labellisés " Gîtes de France " en reprenant le logo " Gîtes de France " dans les catalogues, guides et sur le site Internet " bienvenue-a-la-ferme.com ", - à ne pas créer ni développer des produits concurrents à ceux de " Gîtes de France ", - à ne pas communiquer ou faire la promotion de labels concurrents à ceux de " Gîtes de France ". (3)

43. Par ailleurs, prenant en compte les spécificités liées à l'histoire de chaque département et région, ils souhaitent : " - Quand une association gère les deux marques : un développement équilibré des deux réseaux pour répondre aux attentes de leurs adhérents respectifs et aux besoins de la clientèle un renforcement de la vie associative, les organes représentatifs s'efforçant de refléter le poids relatif des différentes filières. - Lorsque les deux réseaux ont un développement séparé, que se mette en place une concertation régulière afin de faire jouer les complémentarités ".

44. " D'une façon générale, les deux partenaires s'engagent à s'informer mutuellement sur les projets de développement de nouveaux produits et à se consulter régulièrement sur les évolutions législatives, réglementaires, fiscales ou sociales susceptibles d'affecter leurs activités. Enfin, ils décident de la mise en place d'une commission nationale de suivi chargée : d'une part d'assurer une veille concernant l'application de cette convention, d'autre part, de se pencher sur les situations particulières ou conflictuelles préexistantes en proposant des solutions de médiation ".

45. Par un courrier en date du 10 févier 2004, MM. B. X..., président de la FNGDF, et J. Y..., président du Service d'Utilité Agricole, exposaient leur interprétation de la Charte aux présidents des relais départementaux et régionaux du réseau " Bienvenue à la ferme " : " (...) Gîtes de France est reconnu comme étant le seul label permettant une communication de " Bienvenue à la ferme " sur un hébergement proposé par l'un de ses adhérents. Dans ces conditions, " Bienvenue à la ferme " s'engage, pour les hébergements mis en place à compter du 1er janvier 2004, à ne communiquer que sur ceux bénéficiant du double label Gîtes de France et " Bienvenue à la ferme ". Pour les hébergements mis en place avant cette date, qu'ils soient ou non classés, une période de transition de trois ans est laissée afin de ménager aux agriculteurs concernés la possibilité d'accéder, s'ils le souhaitent et lorsque cela s'avérera possible, à la labellisation Gîtes de France. De son côté, et pour ses adhérents, "Gîtes de France" reconnaît en " Bienvenue à la ferme " la marque unique susceptible de qualifier l'aspect agricole d'un hébergement et de valoriser les activités rattachées à la ferme. Par conséquent, Gîtes de France s'engage à réserver le terme " à la ferme " et le pictogramme correspondant, aux seuls hébergements ayant obtenu le label " Bienvenue à la ferme ". et à ne plus communiquer à terme sur des produits mis en place par des agriculteurs et concurrents à " Bienvenue à la ferme ".

46. Ils ajoutaient : " il s'agira en particulier de conforter la concertation et l'information réciproque entre les deux réseaux à l'échelon départemental pour la mise en place de la double labellisation et plus globalement pour le développement de prestations d'hébergements chez les agriculteurs. Cette concertation devrait permettre de mieux valoriser nos deux réseaux en complétant l'approche technique spécifique à l'hébergement par l'approche globale de l'exploitation agricole ".

47. Cette convention a donné lieu à la modification des cahiers des charges existants (charte de qualité, chartes gîtes ruraux et chambres d'hôtes), et à la publication, en novembre 2005 du guide " Séjour à la ferme " regroupant les adhérents des deux réseaux.

48. En pratique, la FNGDF avait pour mission de recenser les agriculteurs déjà labellisés Gîtes de France afin de vérifier s'ils correspondaient à la charte éthique " Bienvenue à la ferme " et, dans cette hypothèse, de leur proposer le double label. De même, " Bienvenue à la ferme " devait proposer à ses adhérents faisant une offre d'hébergement ou souhaitant le faire, de signer la charte éthique et le cahier des charges. En d'autres termes, d'une part, les adhérents déjà agréés Gîtes de France se voyaient proposer le double label, d'autre part, les adhérents " Bienvenue à la ferme ", non agréés Gîtes de France pour leurs hébergements, ou les nouveaux entrants qui souhaitaient proposer de l'hébergement, devaient s'engager, dans un délai de trois ans, dans une démarche de qualité, " le réseau Gîtes de France étant recommandé " pour les chambres d'hôtes. En cas de refus de l'agriculteur, son exploitation bénéficiait néanmoins d'un support publicitaire via les guides et Internet mais sa location meublée ou sa chambre étaient labellisées "gîte dans une exploitation agricole" à la place de " gîte à la ferme ".

49. Le 17 mars 2006, par une décision n° 06-D-06, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'hébergement touristique en gîtes ruraux et en chambres d'hôtes, le Conseil a sanctionné la Fédération Nationale des Gîtes de France sur le fondement des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité au motif que : " - les clauses réservant la promotion du logement du propriétaire adhérent aux guides édités par Gîtes de France et la commercialisation de l'hébergement labellisé " Gîtes de France " aux organismes agréés par les Gîtes de France, constitue un abus de sa position dominante sur le marché de la labellisation des gîtes et chambres d'hôtes - la clause interdisant l'appartenance à un autre label est également susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres dans la mesure où elle limite le développement, sur le marché français concerné, de filiales d'organismes européens délivrant des labels de qualité aux gîtes ou aux chambres d'hôtes ".

50. Le 12 avril 2006, lors de son assemblée générale ordinaire, la FNDGF a précisé : " après la présentation de l'historique du dossier et du contenu de la décision du Conseil de la concurrence à l'encontre de la FNGDF pour abus de position dominante, l'assemblée générale adopte à l'unanimité deux délibérations donnant pouvoir au conseil d'administration de modifier les chartes de qualité, chambre d'hôtes et gîtes ruraux ".

51. S'agissant de " Bienvenue à la ferme ", le 21 septembre 2006, le comité de direction du SUA (Service d'utilité agricole) de l'APCA (Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture) a indiqué : " le contexte actuel de la problématique Hébergement est marqué par : - l'expiration proche de la période transitoire de 3 ans de mise en conformité de tous les hébergements au sein de " Bienvenue à la ferme " ; - des difficultés d'application du partenariat " Bienvenue à la ferme " - Gîtes de France, localement ; - de la décision du Conseil de la concurrence du 17 mars 2006 à l'encontre de la Fédération Nationale des Gîtes de France qui remet en cause les clauses d'exclusivité du réseau, et qui implique donc une reconsidération de la notion d'exclusivité du partenariat " Bienvenue à la ferme " - Gîte de France. (...) La prise en compte de ces différents éléments conduit nécessairement : - à reconsidérer le partenariat " Bienvenue à la ferme " - Gîtes de France (...) ".

52. Ainsi, fin 2006, les deux réseaux ont dénoncé, d'un commun accord, la convention de partenariat.

2. L'INTERPRETATION DE LA CONVENTION PAR GITES DE FRANCE ET BIENVENUE A LA FERME

53. Gîtes de France étant historiquement un mouvement d'agriculteurs partenaire depuis plusieurs années de " Bienvenue à la ferme ", la convention de partenariat avait pour objet de renforcer cette coopération.

54. Pour Gîtes de France, qui n'intervenait que dans le secteur de l'hébergement, l'intérêt du partenariat consistait à inciter les agriculteurs membres du réseau à entrer dans une démarche de labellisation pour d'autres produits comme, par exemple la découverte de la ferme (mode de vie, produits....). Pour " Bienvenue à la ferme " (procès-verbal du 28 février 2007), " l'objectif de la convention n'était pas de capter des adhérents ni des parts de marché mais de préserver la véracité de l'image agricole ".

55. Interrogés sur l'interprétation à donner à la clause d'exclusivité réciproque, les représentants de " Bienvenue à la ferme " ont déclaré : " chacun doit rester dans son coeur de métier et ne pas développer un concept concurrent de l'autre. De même notre partenaire ne pouvait créer seul un concept visant à la valorisation de la ferme, et ce, à cause des risques de dérive sur l'authenticité du monde agricole. Ça ne nous empêchait pas de passer des accords avec des réseaux concurrents même sur l'hébergement mais de développer des concepts concurrents. Dans la pratique évidement nous ne sommes pas allés chercher des accords avec des concurrents ".

56. Le représentant de Gîtes de France, quant à lui, a déclaré : " chaque partie devait développer son concept et son savoir-faire. Par exemple " Bienvenue à la ferme " ne pouvait créer un label concurrent pour l'hébergement. Pour l'hébergement, " Bienvenue à la ferme " ne peut communiquer que sur Gîtes de France et sur les produits de la ferme, réciproquement Gîtes de France ne peut créer un nouveau concept relatif à des produits ou activités sur la ferme (exemple créer des fermes auberges). De même dans notre charte, un exploitant qui avait plusieurs hébergements ne pouvait demander sur la même exploitation deux agréments à deux réseaux différents pour deux gîtes distincts. Cette charte est caduque depuis la décision du Conseil de la concurrence. Actuellement on ne peut plus refuser la double appartenance même pour le même hébergement mais on va refuser la communication sur d'autres labels. D'un autre côté il n'existe pas d'autres labels de valorisation de tourisme en milieu agricole hormis " Bienvenue à la ferme " et " Accueil Paysan " et ces derniers n'acceptent pas le double label ".

3. L'APPLICATION DE LA CONVENTION PAR LES DEPARTEMENTS

57. Le rapport administratif se fonde sur une enquête et un recueil de déclarations faites dans les quatre régions couvertes par la brigade interrégionale de Bordeaux (Aquitaine, Midi Pyrénées, Limousin, Poitou-Charentes) dont le nombre d'adhérents montre que le réseau Gîtes de France y est bien implanté (10 120 adhérents sur 38 000). Cependant le nombre d'adhérents à ce réseau exerçant par ailleurs une activité agricole n'a pu être quantifié pour l'ensemble de l'inter-région.

58. Il ressort de l'instruction que les relations entre les deux réseaux existaient déjà dans certains départements, parfois depuis plusieurs années. La convention, pour ces départements, n'a fait que concrétiser des accords antérieurs et la forte coopération existant entre ces deux réseaux. Tel est le cas dans le Tarn et Garonne, le Tarn, le Lot, les Landes, la Charente, la Corrèze, la Haute-Vienne, les Deux-Sèvres et la Creuse. Dans de nombreux départements, les deux réseaux exerçaient leurs activités dans les mêmes locaux, et le personnel était parfois mis à disposition de l'autre réseau. Cet état de fait avait d'ailleurs été relevé par le Conseil de la concurrence dans la décision 06-D-06 précitée, aux paragraphes 39 et suivants.

59. Par ailleurs les départements ont été libres de choisir d'appliquer ou non la convention nationale. Ainsi, si certains départements ont décidé d'appliquer la convention de partenariat, d'autres n'ont pas réagi ou s'y sont opposés.

60. Ainsi, en Ariège ou dans les Hautes Pyrénées, les stipulations de la convention n'ont pas été mises en œuvre par les chambres d'agriculture départementales. A cet égard, le chef de service départemental du département de l'Ariège estime que le relais départemental des Gîtes de France et le service tourisme de la chambre de l'agriculture de l'Ariège ont mené des actions concertées afin de mettre en place le double label : " pour ce faire le relais départemental Gîtes de France a établi une liste des gîtes labellisés GDF exploités par des agriculteurs, pour validation par la chambre de l'agriculture de l'Ariège. Ceci était à l'évidence de nature à faire pression sur ces derniers pour les obliger à opter pour une double adhésion au réseau concerné. La mention Gîtes de France étant réservée aux " double-labellisés ". En cas de refus les catalogues ne feraient état que d'une formule peu valorisante " gîtes dans une exploitation agricole ". Néanmoins, il ajoute que " cette lettre est restée au stade de projet et qu'elle n'a pas été adressée aux propriétaires concernés ". Il indique " que la chambre d'agriculture attribue la responsabilité du projet de lettre destiné aux hébergeurs-agriculteurs au relais départemental de Gîtes de France alors que tous les éléments matériels attestent qu'elle en est l'initiatrice ".

61. Dans d'autres départements, les chambres d'agricultures se sont fortement opposées à l'application de la convention. Tel est le cas de la Charente-Maritime, où la chambre d'agriculture a transmis un courrier à l'APCA pour manifester son opposition à la signature de la convention au motif qu'elle comportait des adhérents Gîtes de France, des adhérents Clévacances, et des adhérents qui n'appartenaient à aucun réseau. Dans ce même département, le président de l'association des Gîtes de France et du tourisme vert de la Charente a confirmé ces déclarations en ces termes : " nous considérons que la convention de partenariat entre Gîtes de France et "Bienvenue à la ferme" est trop restrictive ". Dans le Lot et Garonne, le directeur s'est opposé " à l'accord national notamment au point III-4 de la Charte éthique en date du 9/2/2004, qui est ressenti comme un risque d'exclusion des adhérents ne répondant pas aux critères de Gîtes de France, ou adhérant à un autre label (...) ".

62. En Dordogne, département dans lequel le réseau " Bienvenue à la ferme " est le plus important de France et compte une proportion d'adhérents de l'ordre de 20 % proposant une formule " ferme de séjour " et de 40 % proposant une formule " Gîte rural ", la convention a rencontré également une forte opposition parmi les membres de ce réseau. Le rapport du directeur indique en effet qu' " un audit conduit par la chambre d'agriculture révèle que l'exclusivité de labellisation procurée par la convention de partenariat du 25 février 2003 au seul profit de Gîtes de France conduirait à l'obligation pour le réseau " Bienvenue à la ferme " de rejeter plus de 50 % de ses adhérents...4. Dans ces conditions, la Chambre d'Agriculture et le président du réseau " Bienvenue à la ferme " marquent avec fermeté leur opposition pour la mise en œuvre dans le département de cette convention.... En accord avec le Comité Départemental du Tourisme les intéressés envisagent de maintenir la labellisation " Bienvenue à la ferme " aux adhérents susceptibles de bénéficier d'un classement préfecture ou Gîtes de France ou Clévacances ou d'une nouvelle marque à déposer.... Le procès verbal de déclaration joint au présent courrier indique sans ambiguïté que la Chambre d'Agriculture et le président du réseau " Bienvenue à la ferme " ne cachent pas leur hostilité résolue à l'application en Dordogne de cette convention de partenariat au profit exclusif de Gîtes de France qui conduirait à terme à la disparition de leur réseau ". Un article de la " Dordogne Libre " du 20 avril 2004 explique les raisons du refus de certains départements : " 75 % des agriculteurs labellisés ne se reconnaissent plus dans la marque Gîtes de France. Ce label n'a plus la fibre agricole il s'est orienté vers le tourisme rural. (...) Parmi les autres raisons, la double cotisation mais aussi les contraintes imposées par Gîtes de France sont trop lourdes à assumer pour les agriculteurs. Le label est en effet accordé aux meublés touristiques qui ne connaissent aucune nuisance olfactive, visuelle ou auditive. Les Gîtes de France doivent effectuer des restaurations pour respecter le patrimoine de la région. Quant aux chambres d'hôtes, elles doivent appliquer un tarif unique, posséder une licence restaurant et s'assurer contre l'intoxication alimentaire ". Eu égard à cette hostilité, la convention de partenariat n'a eu aucune incidence en Dordogne.

63. En Gironde en revanche, le responsable départemental du réseau " Bienvenue à la ferme " ne s'est pas opposé à l'application de cette convention au motif que : " (...) les deux réseaux sont complémentaires : " Bienvenue à la ferme " en Gironde est un réseau qui est principalement une offre de gastronomie.... Jusqu'à présent le réseau " Bienvenue à la ferme " n'a pas souhaité promouvoir les agriculteurs possédant des gîtes ou des chambres d'hôtes (...). Sur le guide 2004, 14 adhérents " Bienvenue à la ferme " proposent en complément une activité d'hébergement classée soit Gîte de France soit Clévacances ou classée en préfecture ou pas classée pour les chambres d'hôtes. En Gironde jusqu'à présent il n'existe pas de produit " Ferme de Séjour " comme cela existe par exemple en Dordogne(...). La convention signée au niveau national a décidé que ces deux réseaux collaborent pour mettre en place des hébergements à la ferme dans le cadre du réseau " Bienvenue à la ferme ". Cela va se traduire sur notre catalogue par l'introduction d'un nouveau pictogramme qui correspondra à des agriculteurs qui ont des hébergements de caractère. La mise en place de ce nouveau produit ne va pas entraîner le retrait de l'information sur l'hébergement possédé par un adhérent, cet hébergement pouvant ou non être labellisé. De même un identifiant signalant le caractère agricole du gîte sera introduit dans le catalogue Gîte de France. Les deux réseaux ont toujours travaillé en bonne entente. Nous nous considérons comme complémentaires ". Il a ajouté : " (...) le partenariat va dans le sens d'une identification et d'une définition de plus en plus forte de l'offre. Actuellement nous sommes dans une phase de mise en place et d'information des adhérents respectifs : un seul agriculteur a signé la charte " Hébergement à la Ferme- " Bienvenue à la ferme " ". Les gens sont libres d'adhérer ou non ; ceux qui n'adhérent pas ne seront pas exclus ".

64. Dans la Creuse, le responsable du département a précisé : " les produits ou prestations offertes par " Bienvenue à la ferme " sont complémentaires des Gîtes de France. La coopération commerciale entre les deux associations créée une synergie entre les deux types d'activité (...). La publicité commune (médias, Internet, catalogue, réservation) permet une valorisation de l'ensemble. Cette coopération permet ainsi de rationaliser les produits et services et d'éviter l'éparpillement et d'assurer une meilleure visibilité de l'offre. (...) Cette coopération est économiquement souhaitable et elle assure une meilleure offre à la clientèle : il s'agit là d'une " bonne entente " encouragée, y compris financièrement par les pouvoirs publics ".

65. Dans les Landes, département dans lequel la charte est appliquée depuis 2005, le président départemental du réseau Gîtes de France et du réseau " Bienvenue à la ferme " est allé plus loin en déclarant : " nous ne souhaitons pas qu'un adhérent " Bienvenue à la ferme " soit également adhérent " Accueil Paysan " tant pour les produits que pour l'hébergement. Concernant les produits, ceux-ci sont directement concurrents. L'appartenance aux deux réseaux augmenterait le risque de tromperie auprès de la clientèle. De même, nous ne souhaitons pas, pour les mêmes raisons, qu'un adhérent " Gîtes de France " soit également adhérent " Accueil Paysan ".

66. Le rapport d'enquête analyse les déclarations recueillies : " le tour d'horizon opéré dans les départements de l'inter-région montre qu'à l'échelon national les réseaux " Bienvenue à la ferme " et " Gîtes de France " ont mis en place les conditions pour favoriser la coordination commerciale de leurs réseaux pour le développement de l'activité " hébergement à la ferme ", laquelle est une fraction seulement de leurs activités respectives : envois de courriers d'information par les responsables nationaux, élaboration et diffusion d'une charte éthique nationale " Bienvenue à la ferme " ainsi que de sa notice d'utilisation, élaboration et diffusion d'une charte nationale "Bienvenue à la ferme - Ferme de Séjour ", préparation d'un guide national " Séjour à la Ferme ". De plus, au niveau national, une commission de suivi du partenariat a été créée. Face à la volonté des instances nationales les réactions des échelons départementaux sont variées : celles-ci vont de l'hostilité déclarée (départements du Lot et Garonne, de la Dordogne) à l'adhésion totale (départements des Landes, de la Gironde) en passant par l'indifférence (département des Hautes Pyrénées), la méfiance (département de la Charente-Maritime) ou l'attentisme (département du Lot). (Les départements cités le sont à titre d'exemples) ".

67. Ainsi, au total, il apparaît que pour 28 départements, la mise en place de ce partenariat a soulevé des difficultés, qui ont conduit à une adaptation du dispositif avec des partenariats développés ou maintenus avec d'autres réseaux d'hébergement que Gîtes de France. Pour 30 départements, la convention de partenariat a simplement permis de prolonger la proximité historique entre les réseaux " Bienvenue à la ferme " et Gîtes de France au niveau local. Pour le tiers restant, le partenariat a effectivement permis une consolidation des liens entre " Bienvenue à la ferme " et Gîtes de France, sur un objectif partagé de valorisation de la spécificité de l'hébergement à la ferme.

68. En réalité, si les relais départementaux ont eu une totale indépendance pour l'application de cette convention, c'est parce que l'ACPA n'avait ni l'intention ni le pouvoir d'imposer une application stricte de l'accord.

69. M. Z..., président de l'APCA, s'en explique : " à l'époque de la convention et dans les textes, un agriculteur " Bienvenue à la ferme " (BAF) devait appartenir à Gîtes de France. Dans la réalité les chambres d'agriculture localement étant indépendantes, il existe une liberté des départements et il est apparu que certains agriculteurs BAF faisaient de l'hébergement sec : en étant affilié à un autre réseau, notamment Clévacances (voir par exemple guide Lot et Garonne édition 2005 pages 10 à 14), ou en étant uniquement meublé classé préfectoral (id page 14). Donc la charte nationale n'était qu'incitative et non coercitive". Il ajoute : " la convention était en vigueur de 2003 à 2006, pendant cette période il y a eu des tensions locales qui se sont réglées en n'appliquant pas la convention. (...) La marque est propriété de l'assemblée permanente des chambres mais les chambres départementales bénéficient d'une convention de mise à disposition de la marque. (...) chaque chambre départementale est juridiquement indépendante de l'assemblée permanente, elle peut par ailleurs interpréter la convention de partenariat nationale. Malgré l'existence de la convention de mise à disposition de la marque, chaque département n'a pas toujours suivi la charte, nous en étions informés mais n'avons jamais réagi ou obligé un département à veiller à une application stricte de la convention. Nous en aurions à peine le pouvoir ".

C. LE GRIEF NOTIFIE

70. Au vu des éléments analysés ci-dessus, il a été fait grief à la Fédération Nationale des Gîtes de France et à l'Assemblée Permanente des Chambres d'agriculture d'avoir, du 25 février 2003 à décembre 2006, conclu une convention de partenariat ayant un objet anticoncurrentiel, contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce.

II. Discussion

A. SUR LA DEFINITION DES MARCHÉS

71. Les pratiques visées dans la saisine sont relatives au partenariat exclusif conclu par la Fédération Nationale des Gîtes de France et l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture prodiguant deux labels, le label Gîtes de France et le label Bienvenue à la ferme et proposant chacune des prestations complémentaires, mais indépendantes les unes des autres. Les prestations d'hébergement en milieu rural sont distinctes des prestations de découverte de la ferme et peuvent être offertes séparément, certains agriculteurs ne proposant que l'hébergement sans autre prestation, d'autres n'offrant que des prestations de découverte des activités et des produits de la ferme, sans proposer d'hébergement.

72. Le Conseil regarde comme substituables, et comme relevant d'un même marché, les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande. Comme l'a rappelé le Conseil dans son rapport annuel pour 2001, la substituabilité de différents biens ou services entre eux se mesure, en principe, au moyen des élasticités-prix croisées de ces différents biens ou services. La mesure précise de ces élasticités n'étant, pour la plupart des biens ou services, pas disponible, le Conseil les apprécie de manière qualitative, en se fondant sur différents indices tels que la nature du bien, l'utilisation qui en est faite, les caractéristiques de l'offre (les stratégies de commercialisation mises en place par les offreurs, comme la différenciation des produits ou celle des modes de distribution), l'environnement juridique, les différences de prix ou les préférences des demandeurs.

73. En l'espèce, le marché sur lequel interviennent les organismes décernant des labels aux hébergements saisonniers, est différent du ou des marchés sur lesquels se rencontrent l'offre des propriétaires de logement et la demande des vacanciers.

74. Les prestations offertes par ces organismes aux propriétaires sont situées en amont des prestations de détail offertes aux vacanciers. La présente affaire fait intervenir en amont les comportements relatifs à la labellisation : en effet, le partenariat exclusif passé entre la FNGDF et le réseau " Bienvenue à la ferme " a pour effet d'empêcher des agriculteurs ayant des activités de tourisme autour de leur exploitation agricole de s'affilier à un autre label que Gites de France pour l'hébergement, et réciproquement, empêche un hébergeur membre du réseau Gîtes de France de recevoir un autre label que " Bienvenue à la ferme " pour ses activités touristiques. Toutefois, le marché aval où se rencontrent les offreurs de prestations touristiques et les vacanciers est également directement affecté. Les vacanciers font face à une offre liée " Gîtes de France - Bienvenue à la ferme " et ne peuvent pas choisir de combiner l'hébergement et les prestations touristiques à la ferme avec ceux proposés par d'autres réseaux. Le comportement des demandeurs sur le ou les marchés de détail est donc à prendre en compte pour analyser celui des propriétaires sur ce marché amont, mais les propriétaires peuvent aussi se déterminer en fonction de considérations qui sont indépendantes du comportement des vacanciers.

75. Concernant le marché de la labellisation des gîtes et chambres d'hôtes, le Conseil, dans une décision n° 06-D-06 du 17 mars 2006 a indiqué que les prestations offertes sur ce marché par les organismes décernant des labels doivent être distinguées des prestations de promotion et de commercialisation des locations saisonnières offertes par d'autres prestataires tels que les guides touristiques, les syndicats d'initiative ou les offices de tourisme, les agences immobilières, la presse spécialisée, les journaux d'annonces gratuits et Internet. Deux spécificités expliquent cet état de fait : d'une part l'octroi d'un label permet un suivi régulier de la qualité des hébergements, d'autre part, il permet l'accès aux aides publiques.

76. Ainsi les réseaux mettant en place des labels assurent le suivi régulier des critères de qualité sur lesquels les propriétaires se sont engagés, à la différence de la procédure réglementaire de classement prévue par l'arrêté ministériel du 1er avril 1997 qui ne prévoit aucun contrôle.

77. Le Conseil a reconnu en conséquence la particularité du marché de la labellisation des gîtes et chambres d'hôtes, ce marché amont étant national car le label est accordé par des organismes nationaux ou disposant de filiales en France et couvrant l'ensemble du territoire.

78. En l'espèce, il existe pour les mêmes raisons que celles exposées par le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 06-D-06, un marché amont, de dimension nationale, de la labellisation des gîtes et chambres d'hôtes en milieu rural (les gîtes " ruraux " sont, par définition, situés en milieu rural).

79. Concernant la labellisation des prestations de découverte des activités de la ferme, le Conseil, dans sa décision n° 05-D-22 du 18 mai 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par l'association " Agriculture et Tourisme en Dordogne-Périgord ", a rappelé que si la détention d'un label n'était pas indispensable pour exercer ces activités, l'adhésion à un réseau national présentait certains avantages, en termes d'accès à des moyens de communication diversifiés (catalogues, publicité) et de garanties de qualité. Des réseaux comme "Bienvenue à la ferme" ou "Accueil paysan" veillent à la qualité des locaux, de la nourriture et de l'hygiène, garantie dans leur cahier des charges.

80. Il existe donc un marché de la labellisation des prestations de découverte des activités de la ferme, non substituable aux prestations d'accueil touristique en milieu rural mises en place par des agriculteurs indépendants.

81. Ce marché revêt également une dimension nationale, car le label est accordé par des organismes nationaux couvrant l'ensemble du territoire.

82. Il résulte de ce qui précède que les marchés concernés par les pratiques en cause sont d'une part le marché de la labellisation des gîtes et chambres d'hôtes en milieu rural et le marché connexe de la labellisation des prestations de découverte des activités de la ferme, ces deux marchés revêtant une dimension nationale ; d'autre part le marché aval où les vacanciers achètent, ensemble ou séparément, de l'hébergement et des activités de découverte de la ferme.

B. SUR LA POSITION DES PARTIES

83. Le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 06-D-06 précitée a indiqué : " il ressort des données publiées par le ministère du Tourisme que 42 359 gîtes labellisés étaient proposés par des adhérents à la FNGDF contre 23 510 pour l'association Clévacances. Les adhérents d'Accueil Paysan proposent pour leur part, en 2005, environ 350 logements. S'agissant des chambres d'hôtes labellisées, en 2004, 26 901 d'entre elles portaient le label Gîtes de France contre 2 760 pour Clévacances et 1 352 pour Fleurs de Soleil. Il ressort, par ailleurs, de la pièce 84 annexée aux observations de la FNGDF que le nombre de chambres d'hôtes proposé par les adhérents à B&B s'élevait, en 2004, à 4 500. Les chambres labellisées Accueil Paysan étaient, en 2005, au nombre d'environ 500. La part de marché du label Gîtes de France peut donc être estimée à environ 75 % ".

84. Le Conseil en conclut : " la FNGDF reste donc largement, en termes de parts de marché, devant ses concurrents. De plus, c'est elle qui pendant près de 40 ans a assuré seule le développement et la promotion du tourisme en gîte rural et en chambre d'hôtes : son image est largement associée à celle de ce type de tourisme. Ces éléments sont de nature, à eux seuls, à donner à la FNGDF une position dominante sur le marché amont de la labellisation des gîtes et chambres d'hôtes ".

85. En l'espèce, la position dominante de Gîtes de France tant sur le marché de la labellisation que sur celui de la commercialisation des gîtes ruraux et chambres d'hôtes est caractérisée non seulement par sa supériorité en terme de nombre d'hébergements " labellisés ", mais également par la position privilégiée que lui reconnaissent les pouvoirs publics en raison de son rôle précurseur en matière de tourisme rural et de sa situation prépondérante au sein des structures locales du tourisme. Enfin, le label Gîtes de France bénéficie d'une forte notoriété.

86. En effet, le réseau Gites France est aujourd'hui constitué de 43 000 propriétaires et 56 000 hébergements, pour un chiffre d'affaires direct de plus de 450 millions d'euro. Ces hébergements comportent 43 800 gîtes ruraux (dont 2 500 créations par an) et 10 000 maisons d'hôtes (dont 500 nouvelles adresses par an). Les autres réseaux, comme Clévacances, ne proposent que 20 000 locations de vacances dans lesquelles les gîtes sont inclus et qu'il semble difficile de distinguer ; Accueil Paysan ne propose que quelques centaines de gîtes (environ 661) et Bienvenue à la ferme proposait environ 1 500 hébergements en 2006.

87. Il résulte de l'ensemble de ces considérations que la Fédération Nationale des Gîtes de France est en position dominante sur le marché de la labellisation des gîtes et chambres d'hôtes en milieu rural ainsi que sur le marché aval de l'hébergement rural labellisé.

88. Quant à l'Assemblée permanente de la chambre d'agriculture exploitant le réseau Bienvenue à la ferme, créé en 1988, elle est, grâce aux chambres d'agriculture, très bien implantée en milieu rural et constitue, avec ses 4 500 agriculteurs, "le premier réseau national d'accueil à la ferme".

89. Il s'agit donc d'un acteur incontournable sur le marché de la labellisation des prestations de découverte des activités de la ferme.

C. SUR LA PRATIQUE

1. L'OBJET DE LA CONVENTION DE PARTENARIAT DU 25 FEVRIER 2003

90. L'article L. 420-1 du Code de commerce énonce : " sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : 1°) limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; 2°) faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3°) limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; 4°) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ".

91. Selon les lignes directrices de la Commission européenne sur l'applicabilité de l'article 81 du traité CE aux accords de coopération horizontale du 6 janvier 2001 (2001-C 3-02), dont il convient de s'inspirer à titre de guide d'analyse utile, les accords de coopération horizontale peuvent se révéler pro-concurrentiels, s'ils constituent le moyen pour les parties " de partager les risques, de réaliser des économies de coûts, de mettre en commun un savoir-faire et de lancer des innovations sur le marché " (§ 3).

92. Par contre, les accords de coopération " qui ont pour objet de restreindre la concurrence par la fixation de prix, la limitation de la production ou encore la répartition des marchés ou des clients (...) sont présumés produire des effets négatifs sur le marché. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner leurs effets réels sur la concurrence et le marché pour établir qu'ils tombent sous le coup de l'article 81§1 " (§ 18).

93. Les juridictions communautaires et le Conseil de la concurrence ont fait application de ces principes à plusieurs reprises. Dans l'arrêt Brasserie Nationale du 27 juillet 2005, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a jugé qu'un accord de non-concurrence conclu entre brasseurs ayant pour objet de maintenir entre eux la répartition de leur clientèle respective dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants et d'entraver la pénétration des brasseries étrangères ne pouvait échapper à l'interdiction posée par l'article 81 du traité faute d'incidence sur la concurrence, dès lors que son objet était anticoncurrentiel (affaire T-49-02 et s) (voir aussi : Tribunal de première instance des Communautés européennes, 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke AG, affaire T-44-00, Conseil de la concurrence, décisions n° 92-D-20 du 17 mars 1992, confirmée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 décembre 1992, SPAD ; n° 97-D-72 du 7 octobre 1997, n° 00-D-47 du 22 novembre 2000 et n° 01-D-55 du 21 septembre 2001).

94. En l'espèce, le contrat de partenariat décrit aux paragraphes 41 à 44 de la décision a été conclu entre deux réseaux non concurrents dans leur coeur de métier : Gîtes de France possède son label pour le classement des hébergements et " Bienvenue à la ferme " propose son label principalement pour des produits et prestations de valorisation des activités de la ferme. Si " Bienvenue à la ferme " communique également sur des hébergements appartenant à ses adhérents, c'est uniquement de manière accessoire aux prestations de valorisation de la ferme. " Accueil Paysan ", seul réseau concurrent à ce jour de " Bienvenue à la ferme ", est organisé de manière identique. Les deux réseaux Gîtes de France et " Bienvenue à la ferme " ne sont donc potentiellement concurrents que pour une part limitée de leur activité.

95. En s'engageant " à ne pas créer ni développer des produits concurrents " à ceux de l'autre réseau, chacun s'interdit de faire concurrence à l'autre et par là même, les deux réseaux se répartissent les marchés, ce qui restreint d'emblée la concurrence et constitue une pratique anticoncurrentielle, conformément aux considérations du paragraphe 93 de la décision.

96. L'appréciation du caractère anticoncurrentiel des autres types d'accords de coopération horizontale que ceux énumérés au paragraphe 92 dépend du pouvoir de marché des parties à l'accord ou de la structure des marchés affectés.

97. La position des parties sur les marchés affectés par la coopération est déterminante. " Cela permet de déterminer si les parties sont susceptibles de maintenir, d'acquérir ou de renforcer un pouvoir de marché grâce à la coopération, c'est-à-dire si elles ont la capacité de produire des effets négatifs sur le marché en ce qui concerne les prix, la production, l'innovation ou encore la variété ou la pluralité des biens et services (...) " (§ 27 des lignes directrices citées plus haut).

98. Enfin, d'autres facteurs tenant à la structure des marchés devront être pris en compte, au rang desquels les parts de marché des concurrents, la stabilité de ces parts dans le temps, les barrières à l'entrée et la probabilité d'autres entrées sur le marché.

99. Des clauses d'exclusivité peuvent, dans certains cas, constituer une barrière efficace à l'entrée de concurrents sur le marché. Il en est également ainsi lorsque l'accès au produit ou au service faisant l'objet de l'accord de coopération et concédé à titre exclusif représente un moyen indispensable pour accéder au marché et qu'il n'existe pas d'alternative raisonnable pour les concurrents potentiels.

100. En s'engageant, selon les termes de la convention, à " inciter les agriculteurs désireux (de mettre en place une activité de service ou d'hébergement) à s'inscrire dans la démarche de qualité développée (par " Bienvenue à la ferme " et Gîtes de France) ", les deux réseaux ont conclu un partenariat exclusif dont la teneur ressort clairement du cahier des charges de " Bienvenue à la ferme ", modifié à la suite de l'adoption de la charte. Ce cahier des charges stipule que la labellisation " Bienvenue à la ferme " est refusée aux prestations d'hébergement non agréées par Gîtes de France. Ainsi, ce partenariat permet à chacun des deux réseaux d'exclure ou de refuser d'inscrire un adhérent qui aurait conclu un partenariat avec un concurrent de son partenaire exclusif. C'est la raison pour laquelle ce partenariat a été rejeté dans certains départements (voir paragraphe 62).

101. En instaurant une exclusivité réciproque entre les deux partenaires, la convention visait à limiter la liberté commerciale de chacune des parties à l'accord, et empêcher un réseau concurrent de créer un partenariat avec Gîtes de France ou avec " Bienvenue à la ferme ", soit sur le marché de l'hébergement, soit sur le marché des prestations et produits de la ferme. Enfin, un tel partenariat était de nature à restreindre le choix de leurs adhérents respectifs.

102. Conclue par des entreprises disposant pour l'une, d'une position dominante sur le marché de la labellisation des gîtes et chambres d'hôtes en milieu rural, la FNGDF, pour l'autre d'une position prééminente sur le marché de la labellisation des prestations de découverte des activités de la ferme, l'ACPA, cette clause de l'accord de coopération était susceptible de fermer l'accès d'autres opérateurs aux marchés concernés. Notamment, le partenariat exclusif permettait à Bienvenue à la ferme de proposer son label en exclusivité aux hébergements ruraux labellisés Gîtes de France représentant la grande majorité des hébergements ruraux en France et de profiter ainsi de la publicité, de l'efficacité commerciale et de la réputation de qualité de ce label. En revanche, les concurrents potentiels de cet opérateur n'avaient aucune possibilité d'accéder à un tel canal pour vendre leur propre label.

103. Sur le marché aval, la convention de partenariat exclusif met les consommateurs dans l'impossibilité de coupler un hébergement Gîtes de France avec des prestations touristiques autres que celles offertes par " Bienvenue à la ferme ". Compte tenu de la position détenue par le réseau Gîtes de France sur le marché de l'hébergement rural, la clause a donc pour effet potentiel d'étendre cette position sur le marché des prestations d'accueil à la ferme. En outre, comme les agriculteurs offrant des prestations de découverte à la ferme dans le cadre du réseau " Bienvenue à la ferme " sont contraints de se rallier au réseau Gîtes de France pour l'hébergement, ceci restreint les possibilités pour les vacanciers de choisir un autre réseau lorsqu'ils désirent un hébergement sur le lieu de visite de la ferme. La convention a donc pour effet de restreindre les possibilités de choix des consommateurs.

104. Même si l'on peut estimer que cette stipulation n'influence pas la concurrence actuelle sur le marché puisqu'il n'existe pas, à ce jour, d'opérateurs susceptibles de concurrencer les parties sur les marchés concernés, l'effet potentiel de la pratique est une fermeture des marchés concernés.

105. Il résulte de ce qui précède qu'elle recèle un objet anticoncurrentiel, comme la clause de non-concurrence décrite au paragraphe 95. Ces deux stipulations de la convention de partenariat du 25 février 2003 sont donc contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce.

2. LES EFFETS DE LA CONVENTION DE PARTENARIAT DU 25 FEVRIER 2003

106. Les parties ne contestent pas l'objet mais les effets des pratiques. La convention a été en vigueur pendant près de trois ans (2003 à 2006). Le rapprochement des deux organisations n'a cependant pas eu d'effets marquants, compte tenu de leur collaboration antérieure à l'accord. Ainsi par exemple, les marques du réseau partenaire étaient déjà mises en avant dans les catalogues respectifs. Le partenariat aurait surtout profité au réseau " Bienvenue à la ferme " du fait de la notoriété de Gîtes de France. De plus, l'activité des concurrents tant dans l'hébergement (comme Clévacances) que dans les prestations liées à la ferme (comme " Accueil Paysan ") n'a subi aucune restriction. Enfin, la convention n'a pas eu pour effet d'harmoniser les tarifs, les réseaux étant rémunérés sur la base de cotisations.

a) L'effet de la convention sur les parties

107. En 2003, le réseau " Bienvenue à la ferme " comptait 3 926 adhérents et 5 651 en 2006. De manière assez constante, environ un quart des adhérents proposent un hébergement Gîtes de France. Parallèlement, le nombre d'agriculteurs développant des prestations d'hébergement au sein du mouvement des Gîtes de France n'a pas progressé sur cette période (dégradation lente mais constante de la part des agriculteurs, entre 20 et 19 % sur la période).

108. Concernant Gîtes de France, la convention de partenariat n'a pas entraîné d'adhésions significatives d'agriculteurs labellisés " Bienvenue à la ferme " au réseau Gîtes de France, ce qui a été confirmé par ces derniers par courrier électronique du 20 juin 2007. Concernant " Bienvenue à la ferme ", la convention n'a pas eu d'effets significatifs, puisque moins de 10 % des 8 500 adhérents agriculteurs Gîtes de France ont accepté la double labellisation et rejoint le réseau.

b) L'effet de la convention sur les adhérents

109. Pour les adhérents déjà labellisés Gîtes de France, l'entrée en vigueur de la convention n'a rien changé. Il en est de même pour les adhérents "Bienvenue à la ferme" ayant un hébergement non labellisé puisqu'ils disposaient de trois ans pour se mettre en conformité avec les normes de la FNGDF et que la convention a été dénoncée avant l'expiration de cette période de trois ans.

110. Seuls les nouveaux adhérents auraient pu être visés par la convention mais l'application hétérogène qui en a été faite au plan local par les fédérations départementales permet de constater qu'aucun d'entre eux n'a subi de mesures de rétorsion lorsqu'il a refusé la double labellisation.

111. Enfin, si les adhérents doublement labellisés ont pu bénéficier de mesures de promotion dans le guide " séjour à la ferme ", les autres ont continué à paraître dans le guide national Gîtes de France et dans les guides départementaux " Bienvenue à la ferme ", ainsi que sur Internet.

c) Les effets sur les réseaux concurrents

112. Selon le rapport administratif d'enquête : " ce partenariat n'a aucune incidence sur le prix des deux opérateurs et on ne relève aucune manœuvre particulière pour entraver l'accès au marché ou au développement d'un concurrent ".

Clévacances

113. Le réseau Clévacances, concurrent de Gîtes de France, n'a pas été affecté par la convention de partenariat, pour plusieurs raisons.

114. En premier lieu, celui-ci gère essentiellement des gîtes n'appartenant pas à des propriétaires agricoles. En effet, Clévacances est un réseau, spécialisé en zone urbaine et acceptant les constructions récentes. Lors de son d'audition, le représentant de Clévacances Aveyron précise : " notre principal concurrent est le réseau Gîtes de France. Toutefois, à la différence de ce réseau, sous réserve de vérification, notre réseau peut labelliser des locations en milieu urbain. Il y a aussi la concurrence des loueurs indépendants qui, en Aveyron, doivent représenter la majorité des locations ".

115. En deuxième lieu, le réseau n'exige pas la présence du propriétaire sur les lieux, alors que cette présence est obligatoire pour adhérer au réseau " Bienvenue à la ferme ".

116. En troisième lieu, l'adhérent " Bienvenue à la ferme " pouvait en réalité adhérer, pour son hébergement, à une démarche qualité, dont au label Clévacances. Comme cela a été indiqué, dans certains départements, les guides " Bienvenue à la ferme " présentaient indistinctement des hébergements Clévacances, Gîtes de France, " classement préfectoral ", ou même des hébergements ni classés, ni labellisés.

117. Enfin, Clévacances a passé avec " Bienvenue à la ferme ", un accord de partenariat similaire à celui passé entre ce dernier et le réseau Gîtes de France, et coédite avec lui un guide regroupant les adhérents doublement labellisés.

Accueil Paysan

118. Concernant " Accueil Paysan ", seul concurrent important de " Bienvenue à la ferme ", Monsieur JM. A..., Président de la Fédération Nationale, a indiqué que sa filière souffrirait d'un handicap : ses adhérents, faute d'agrément, auraient de grandes difficultés à obtenir des aides, qui sont accordées de préférence au réseau Gîtes de France.

119. Néanmoins, ces constatations ne sont pas la conséquence de la convention de partenariat et le réseau " Accueil Paysan " n'a pu en être affecté du fait qu'il n'autorise pas la double labellisation de ses hébergements.

120. Il résulte de ce qui précède que les dispositions litigieuses de la convention n'ont eu que des effets limités sur les marchés concernés.

D. SUR LES SANCTIONS

121. Les pratiques retenues ont été commises postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Il en résulte que les dispositions du livre IV du Code de commerce applicables en l'espèce sont celles de la loi du 15 mai 2001. Or, le 4ème alinéa de l'article L. 464-2 prévoit que " si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euro ". Par ailleurs, l'article L. 464-5 du Code de commerce prévoit un plafond maximum de sanction de 750 000 euro en cas de recours à la procédure simplifiée.

122. Pour déterminer le montant de la sanction infligée à chaque entreprise, le Conseil tient compte de la gravité des faits, de l'importance du dommage causé à l'économie, de la situation de l'entreprise sanctionnée et de l'éventuelle réitération des pratiques prohibées.

123. En l'espèce, même si l'objet de la convention est anticoncurrentiel, plusieurs circonstances relativisent la gravité des pratiques et l'importance du dommage causé à l'économie. Les parties n'ont pas mis en place de mesures de surveillance ou d'actions coercitives en cas de non-application de la convention par les adhérents. Les fédérations nationales ont laissé les fédérations départementales libres de maintenir leurs accords de coopération antérieurs et de développer d'autres partenariats. Dès la publication de la décision n° 06-D-06 du Conseil de la concurrence, elles ont immédiatement mis un terme à la pratique en supprimant les clauses d'exclusivité réciproque de leurs chartes et en en informant officiellement leurs adhérents. Enfin, comme il a été vu plus haut, les effets sur les réseaux concurrents ont été très limités.

124. Le chiffre d'affaires réalisé en 2006 par la FNGDF s'est élevé à 1 098 734 euro.

125. Celui réalisé par l'APCA s'est élevé, en 2006, à 35 593 890 euro.

126. En fonction des éléments généraux et individuels examinés, il y a lieu de limiter la sanction infligée à la FNGDF et à l'APCA à une amende de principe de 1 000 euro, que supportera chacune des deux organisations.

Décision

Article 1er : Il est établi que la Fédération Nationale des Gîtes de France et l'Assemblée Permanente des Chambres d'agriculture ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

• à la FNGDF, une sanction de 1 000 euro ;

• à l'APCA, une sanction de 1 000 euro.