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Décisions

CJCE, 2e ch., 21 février 2008, n° C-412/04

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République italienne, République française, Royaume des Pays-Bas, République de Finlande

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Timmermans

Avocat général :

M. Ruiz-Jarabo Colomer

Juges :

MM. Bay Larsen, Schiemann, Makarczyk, Bonichot

Avocats :

Mes Bambara, Fiorilli

CJCE n° C-412/04

21 février 2008

LA COUR (deuxième chambre),

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ayant adopté les dispositions visées:

- aux articles 2, paragraphes 1 et 5, 17, paragraphe 12, 27, paragraphe 2, 30, paragraphe 6 bis, 37 ter et 37 quater, paragraphe 1, de la loi n° 109, loi-cadre sur les travaux publics (legge quadro in materia di lavori pubblici), du 11 février 1994 (supplément ordinaire à la GURI n° 41, du 19 février 1994), telle que modifiée par la loi n° 166, du 1er août 2002 (supplément ordinaire à la GURI n° 181, du 3 août 2002, ci-après la "loi n° 109-1994"),

- à l'article 28, paragraphe 4, de la loi n° 109-1994, lu en combinaison avec l'article 188 du décret du Président de la République n° 554, portant règlement d'application de la loi-cadre sur les travaux publics du 11 février 1994, n° 109, et de ses modifications successives (regolamento di attuazione della legge quadro in materia di lavori pubblici 11 febbraio 1994, n. 109, e successive modificazioni), du 21 décembre 1999 (supplément ordinaire à la GURI n° 98, du 28 avril 2000, ci-après le "DPR n° 554-1999"), et l'article 3, paragraphe 3, du décret législatif n° 157, portant application de la directive 92-50-CEE en matière de marchés publics de services (attuazione della direttiva 92-50-CEE in materia di appalti pubblici di servizi), du 17 mars 1995 (supplément ordinaire à la GURI n° 104, du 6 mai 1995, ci-après le "décret législatif n° 157-1995"),

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92-50-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), de la directive 93-36-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p. 1), de la directive 93-37-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), telle que modifiée par la directive 97-52-CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997 (JO L 328, p. 1, ci-après la " directive 93-37 "), de la directive 93-38-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), ainsi qu'en vertu des articles 43 CE et 49 CE, de même que des principes de transparence et d'égalité de traitement qui en sont le corollaire.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 Les directives 92-50, 93-36, 93-37 et 93-38 ont été adoptées dans le cadre de la réalisation du marché intérieur, défini comme un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée. Elles visent à éliminer les pratiques qui restreignent la concurrence en général et la participation aux marchés publics des ressortissants d'autres États membres afin de mettre en œuvre, notamment, la liberté d'établissement et la libre prestation des services consacrées, respectivement, aux articles 43 CE et 49 CE.

3 Selon le seizième considérant de la directive 92-50, les marchés publics de services peuvent, dans certains cas, inclure des travaux et il résulte de la directive 71-305-CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185, p. 5), qu'un contrat ne peut être considéré comme un marché public de travaux que si son objet consiste à réaliser un ouvrage. Pour autant que ces travaux sont accessoires et ne forment pas l'objet du contrat, ils ne peuvent justifier la classification du contrat comme marché public de travaux.

4 Il résulte de l'article 8 de la directive 92-50 que les marchés publics qui ont pour objet des services figurant à l'annexe I A de cette directive doivent être passés conformément aux dispositions des titres III à VI de celle-ci. Le titre III est consacré au choix des procédures de passation desdits marchés et aux règles applicables aux concours.

5 Sont notamment mentionnés dans la catégorie 12 de l'annexe I A de la directive 92-50 les services d'architecture, les services d'ingénierie, les services d'aménagement urbain et d'architecture paysagère, les services connexes de consultations scientifiques et techniques ainsi que les services d'essais et d'analyses techniques.

6 Selon l'article 15 de la directive 93-38, les marchés qui ont pour objet des services figurant à l'annexe XVI A de cette directive sont passés conformément aux dispositions des titres III à V de celle-ci. Le titre IV de ladite directive est consacré aux procédures de passation de marché.

7 La catégorie 12 de ladite annexe XVI A est identique à la catégorie 12 de l'annexe I A de la directive 92-50.

8 Aux termes de l'article 1er, sous a), de la directive 93-37, "les 'marchés publics de travaux' sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d'une part, un entrepreneur et, d'autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) et ayant pour objet soit l'exécution, soit conjointement l'exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l'annexe II ou d'un ouvrage défini au point c), soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur".

9 L'article 6, paragraphe 1, de ladite directive précise le champ d'application de celle-ci au regard de la valeur estimée des différents marchés publics de travaux visés. Il résulte du paragraphe 3 du même article que, lorsqu'un ouvrage est réparti en plusieurs lots faisant chacun l'objet d'un marché, la valeur de chaque lot doit être prise en compte pour l'évaluation du montant indiqué au paragraphe 1 dudit article et que, lorsque la valeur cumulée des lots égale ou dépasse ledit montant, les dispositions de ce dernier paragraphe s'appliquent, en principe, à tous les lots.

La réglementation nationale

10 Les marchés publics de travaux sont régis par la loi n° 109-1994, mise en œuvre par le DPR n° 554-1999.

11 Selon l'article 2, paragraphe 1, de la loi n° 109-1994, il faut entendre par travaux publics, s'ils sont attribués par des sujets visés au paragraphe 2 dudit article, les activités de construction, de démolition, de récupération, de restructuration, de restauration et d'entretien d'ouvrages et d'installations. Cette disposition étend le champ d'application de la loi n° 109-1994 aux marchés mixtes de travaux, de fournitures et de services ainsi qu'aux marchés de fournitures ou de services comprenant des travaux accessoires dont la valeur est estimée à plus de 50 % du prix total du marché concerné.

12 L'article 3, paragraphe 3, du décret législatif n° 157-1995 prévoit que, s'agissant des marchés mixtes de travaux et de services ainsi que des marchés de services comprenant des travaux accessoires, les dispositions de la loi n° 109-1994 sont applicables si les travaux représentent plus de 50 % du prix total du marché concerné.

13 L'article 2, paragraphe 5, de la loi n° 109-1994 exclut du champ d'application de celle-ci les interventions directement exécutées par des particuliers en déduction de contributions liées à des actes d'habilitation à l'exercice d'activités de construction ainsi que les interventions faisant suite aux obligations visées à l'article 28, paragraphe 5, de la loi n° 1150, relative à l'urbanisme (legge urbanistica), du 17 août 1942 (GURI n° 244, du 16 octobre 1942), telle que modifiée (ci-après la "loi n° 1150-1942"). Ledit article 2, paragraphe 5, exclut également de ce champ d'application les interventions analogues à celles mentionnées ci-dessus. Cette dernière disposition précise que, si le montant des ouvrages, pris individuellement, est supérieur au seuil communautaire, les particuliers sont tenus de les attribuer conformément aux procédures prévues par la directive 93-37.

14 À cet égard, il ressort des articles 1er et 31 de la loi n° 1150-1942 ainsi que des articles 3 et 11 de la loi n° 10, portant des normes en matière de constructibilité des terrains (norme in materia di edificabilità dei suoli), du 28 janvier 1977 (GURI n° 27, du 29 janvier 1977), telle que modifiée (ci-après la "loi n° 10-1977"), que le titulaire du permis peut réaliser lui-même les travaux d'équipement en en déduisant le coût, totalement ou partiellement, des taxes dues.

15 Outre les marchés publics de travaux, la loi n° 109-1994 réglemente certains marchés publics de services.

16 Ainsi, l'article 17, paragraphe 12, de cette loi autorise les organismes adjudicateurs à attribuer les marchés publics de services ayant pour objet des tâches de conception et de direction de travaux dont le montant estimé est inférieur à 100 000 euro, par l'intermédiaire du responsable de la procédure, aux sujets visés au paragraphe 1, sous d) à g), dudit article 17 bénéficiant de leur confiance, après s'être assurés de l'expérience et de la capacité professionnelles de ces sujets, et en motivant ce choix.

17 Selon l'article 27, paragraphe 2, de la loi n° 109-1994, si les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent assumer les activités de direction des travaux, ils les confient, dans l'ordre, soit à d'autres administrations publiques, soit au concepteur en charge du projet au sens de l'article 17, paragraphe 4, de ladite loi, soit à d'autres sujets retenus conformément aux procédures prévues par la règlementation nationale transposant les dispositions communautaires en la matière.

18 En vertu de l'article 28, paragraphe 4, de la loi n° 109-1994, les opérations d'essai sont confiées à un, deux ou trois techniciens hautement et spécifiquement qualifiés en fonction du type, de la complexité et du montant des travaux. Lesdits techniciens sont nommés par les pouvoirs adjudicateurs au sein de leurs propres structures, sauf en cas de manque de personnel constaté et certifié par le responsable de la procédure.

19 L'article 30, paragraphe 6 bis, de ladite loi offre la même possibilité s'agissant des tâches de vérification qui sont en principe confiées aux bureaux techniques des organismes adjudicateurs ou aux organismes de contrôle visés au point a) de ce même paragraphe.

20 Il ressort par ailleurs des paragraphes 1, 3, 8, 9, 11, 12 et 13 de l'article 188 du DPR n° 554-1999 que, dans les 30 jours à compter de la fin des travaux, ou à compter de la date de livraison de ceux-ci en cas d'essai en cours de réalisation, l'organisme adjudicateur attribue les tâches de vérification à ses collaborateurs en fonction du type, de la catégorie, de la complexité et du montant des interventions et sur la base de critères fixés au préalable.

21 Dans l'hypothèse où ce personnel ne remplit pas les conditions requises, il est fait appel à des spécialistes extérieurs inscrits sur des listes établies auprès du ministère des Travaux publics, des régions et des provinces autonomes.

22 En l'absence de telles listes, les organismes adjudicateurs peuvent attribuer discrétionnairement les tâches de vérification à des personnes possédant, en toute hypothèse, les qualités requises et répondant aux conditions exigées.

23 Les articles 37 bis à 37 quater de la loi n° 109-1994 traitent de l'attribution des marchés publics de travaux financés, en tout ou en partie, par des personnes privées.

24 L'article 37 bis de cette loi permet à des personnes privées de présenter aux organismes adjudicateurs des propositions de réalisation de travaux publics ou de travaux d'utilité publique et de signer les contrats correspondants prévoyant le financement et la gestion des travaux.

25 L'article 37 ter de la même loi décrit la procédure de sélection du promoteur. Ainsi, il prévoit que les pouvoirs adjudicateurs évaluent la faisabilité des propositions présentées sous différents aspects: construction, urbanisme, environnement, qualité du projet, fonctionnalité, jouissance de l'ouvrage, accessibilité au public, rendement, coût de gestion et d'entretien, durée de la concession, délais de réalisation des travaux de la concession, tarifs applicables et méthode de révision, valeur économique et financière du plan et contenu du projet de convention. Ces pouvoirs doivent s'assurer qu'aucun élément n'empêche la réalisation de ces propositions et, après avoir examiné et comparé ces dernières et entendu les promoteurs qui le demandent, ils indiquent quelle proposition est d'intérêt public.

26 Dans ce cas, en application de l'article 37 quater de la loi n° 109-1994, est mise en œuvre une procédure restreinte destinée à susciter la présentation de deux autres offres. La concession est ensuite attribuée dans le cadre d'une procédure négociée au cours de laquelle la proposition du promoteur initialement sélectionné et ces autres offres sont examinées. Au cours de cette procédure, ledit promoteur peut adapter sa proposition à celle que le pouvoir adjudicateur estime convenir le mieux. Si tel est le cas, il deviendra adjudicataire de la concession.

La procédure précontentieuse

27 La Commission, après avoir reçu des plaintes relatives aux effets de la loi n° 109-1994 dans sa version initiale, a suivi le processus d'adoption du projet de loi visant à modifier cette loi.

28 À la suite de l'adoption de la loi n° 166, du 1er août 2002, modifiant la loi n° 109-1994, la Commission a adressé, le 19 décembre 2002, une lettre de mise en demeure à la République italienne, indiquant à celle-ci que certaines dispositions de la loi n° 109-1994 lui paraissaient encore incompatibles avec le droit communautaire.

29 Par lettre du 26 juin 2003, la République italienne acquiesçait à la plupart des griefs avancés par la Commission et faisait connaître à celle-ci son intention de modifier en conséquence la législation applicable.

30 La République italienne n'ayant toutefois pas procédé aux modifications annoncées, la Commission lui a adressé un avis motivé le 15 octobre 2003, l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci.

31 La Commission, ayant estimé insatisfaisante la position arrêtée par la République italienne dans une lettre du 22 avril 2004, a introduit, en vertu de l'article 226, second alinéa, CE, le présent recours.

32 Par ordonnance du Président de la Cour du 6 avril 2005, la République française, le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande ont été admis à intervenir dans la présente affaire à l'appui des conclusions de la République italienne. Seuls le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande ont déposé des mémoires en intervention.

Sur le recours

33 Le présent recours est fondé sur six griefs.

Sur le premier grief

34 Le premier grief porte sur la réglementation des marchés mixtes telle qu'elle résulte de la loi n° 109-1994.

35 Il ressort des dispositions de l'article 2, paragraphe 1, de cette loi, qui a pour objet de délimiter les contours de la notion de travaux publics, que celle-ci vise les activités de construction, de démolition, de récupération, de restructuration, de restauration, d'entretien d'ouvrages et d'installations lorsqu'elles sont attribuées par les sujets visés au paragraphe 2 du même article. Ledit paragraphe 1 précise que les marchés mixtes de travaux, de fournitures et de services ainsi que les marchés de fournitures ou de services qui comprennent des travaux accessoires sont soumis aux dispositions de la loi n° 109-1994 si ces travaux représentent plus de 50 % du prix total du marché concerné.

36 De même, l'article 3, paragraphe 3, du décret législatif n° 157-1995 prévoit que, s'agissant des marchés mixtes de travaux et de services ainsi que des marchés de services comprenant des travaux accessoires, les dispositions de la loi n° 109-1994 sont applicables si les travaux représentent plus de 50 % du prix total du marché en cause.

Argumentation des parties

37 La Commission soutient que le régime juridique applicable aux marchés mixtes doit dépendre de l'objet principal du marché, déterminé, entre autres facteurs, mais non exclusivement, par la valeur des différentes prestations.

38 À cet égard, la Commission fait valoir que, en soumettant à la réglementation sur les marchés publics de travaux les marchés où l'élément que constituent les travaux l'emporte d'un point de vue économique tout en revêtant, néanmoins, un caractère accessoire par rapport aux autres prestations, la législation italienne a pour conséquence de soustraire nombre de marchés de services et de fournitures dont le montant estimé est supérieur aux seuils d'application des directives 92-50 et 93-36, mais inférieur à celui de la directive 93-37, à l'application de la réglementation communautaire pertinente.

39 La République italienne rétorque que, dans l'attente de la modification des textes nationaux en cause, à laquelle il a été procédé afin de répondre aux objections de la Commission, avait été adoptée la circulaire n° 2316 du ministère des Infrastructures et des Transports, portant réglementation des contrats mixtes dans les marchés publics de travaux, de fournitures et de services (disciplina dei contratti misti negli appalti pubblici di lavori, forniture e servizi), du 18 décembre 2003 (GURI n° 79, du 3 avril 2004, p. 26), par laquelle les pouvoirs adjudicateurs étaient invités à respecter le principe suivant lequel, en présence d'un marché mixte, il est nécessaire de tenir compte, pour la détermination de la législation applicable, de l'objet principal du contrat, ce afin que l'aspect économique ne soit plus le critère prédominant à cet égard.

40 La loi n° 62, portant dispositions en vue de l'exécution des obligations résultant de l'appartenance de l'Italie aux Communautés européennes - Loi communautaire 2004 (disposizioni per l'adempimento di obblighi derivanti dall'appartenenza dell'Italia alle Communità europee. Legge comunitaria 2004), du 18 avril 2005 (supplément ordinaire à la GURI n° 96, du 27 avril 2005, ci-après la "loi communautaire 2004"), aurait entériné cette solution.

41 La République de Finlande estime que la valeur économique est un critère déterminant dans l'appréciation de l'objet principal du marché, une telle approche ne devant être exclue que dans des situations exceptionnelles, à savoir lorsque le recours au critère de la valeur économique a pour finalité de faire obstacle à l'application du droit communautaire.

Appréciation de la Cour

42 À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé (voir, notamment, arrêts du 10 avril 2003, Commission/France, C-114-02, Rec. p. I-3783, point 9, et du 14 juillet 2005, Commission/Allemagne, C-433-03, Rec. p. I-6985, point 32).

43 À cet égard, il ne saurait être tenu compte de l'adoption de mesures législatives, réglementaires ou administratives postérieurement à la date d'expiration dudit délai.

44 En conséquence, c'est au regard de la législation qui était en vigueur au 15 décembre 2003, date d'expiration du délai de deux mois imparti dans l'avis motivé du 15 octobre 2003, qu'il convient de se prononcer sur l'existence éventuelle du manquement allégué dans le cadre du présent grief, étant relevé que, à cette date, aussi bien la circulaire visée au point 39 du présent arrêt que la législation nationale citée à son point 40 n'avaient été adoptées.

45 S'agissant de la notion de "marchés publics de travaux", au sens de l'article 1er, sous a), de la directive 93-37, il y a lieu de relever que celle-ci vise les contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d'une part, un entrepreneur et, d'autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) de cet article et ayant pour objet soit l'exécution, soit conjointement l'exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l'annexe II de cette directive ou d'un ouvrage défini au point c) dudit article 1er, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur.

46 Par ailleurs, il résulte du seizième considérant de la directive 92-50, lu en combinaison avec l'article 1er, sous a), de la directive 93-37, qu'un contrat ne peut être considéré comme un marché public de travaux que si son objet répond à la définition donnée au point qui précède et que des travaux qui sont accessoires et ne forment pas l'objet du contrat ne peuvent justifier la classification de celui-ci comme marché public de travaux.

47 Il ressort, en outre, de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu'un contrat contient à la fois des éléments ayant trait à un marché public de travaux ainsi que des éléments ayant trait à un autre type de marché, c'est l'objet principal du contrat qui détermine quelle directive communautaire relative à des marchés publics trouve en principe à s'appliquer (voir arrêt du 18 janvier 2007, Auroux e.a., C-220-05, Rec. p. I-385, point 37).

48 Ainsi, et en particulier, le champ d'application de la directive 93-37 est lié à l'objet principal du contrat, lequel doit être déterminé dans le cadre d'un examen objectif de l'ensemble du marché sur lequel porte ce contrat.

49 Cette détermination doit avoir lieu au regard des obligations essentielles qui prévalent et qui, comme telles, caractérisent ce marché, par opposition à celles qui ne revêtent qu'un caractère accessoire ou complémentaire et sont imposées par l'objet même du contrat, le montant respectif des différentes prestations en présence n'étant, à cet égard, qu'un critère parmi d'autres à prendre en compte aux fins de ladite détermination.

50 On peut déduire de ce qui précède, ainsi que M. l'avocat général l'a indiqué aux points 38 et 74 de ses conclusions, que le montant des travaux ne saurait constituer, en toutes circonstances, le critère exclusif apte à entraîner l'application de la loi n° 109-1994 à un marché mixte, alors que ces travaux ne sont qu'accessoires, sauf à méconnaître les exigences de la directive 93-37.

51 La règle inscrite à l'article 2, paragraphe 1, de la loi n° 109-1994 a également pour effet de méconnaître les exigences des directives 92-50 et 93-36, dans la mesure où son application peut conduire à soustraire aux procédures prévues par ces directives certains marchés mixtes, à savoir ceux dans lesquels le montant des travaux, bien qu'accessoires, représente plus de 50 % du prix total, ce dernier restant inférieur au seuil fixé par la directive 93-37, alors même qu'il atteint les seuils retenus par les directives 92-50 et 93-36.

52 En conséquence, il y a lieu de constater que, en ayant adopté l'article 2, paragraphe 1, de la loi n° 109-1994, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 92-50, 93-36 et 93-37.

Sur le deuxième grief

53 Le deuxième grief est relatif à l'attribution directe de travaux ou d'ouvrages au titulaire d'un permis de construire ou d'un plan de lotissement approuvé si ces travaux ou ouvrages ont une valeur inférieure au seuil d'application de la directive 93-37.

54 En application de l'article 2, paragraphe 5, de la loi n° 109-1994, les interventions directement exécutées par des particuliers en déduction de contributions liées à des actes d'habilitation relatifs à l'exercice d'activités de construction, les interventions résultant des obligations visées à l'article 28, paragraphe 5, de la loi n° 1150-1942 et les travaux analogues à ces deux catégories d'interventions ne relèvent pas de la loi n° 109-1994. Ledit article 2, paragraphe 5, précise toutefois que, si le montant des ouvrages, pris individuellement, dépasse les seuils fixés par les règles communautaires applicables, l'attribution du marché doit intervenir conformément aux procédures prévues par la directive 93-37.

55 Il ressort également des articles 1er et 31 de la loi n° 1150-1942 ainsi que 3 et 11 de la loi n° 10-1977 que le titulaire du permis peut réaliser lui-même les travaux d'équipement en en déduisant le coût, totalement ou partiellement, des taxes d'urbanisation dues.

Argumentation des parties

56 La Commission fait valoir, d'une part, que les dispositions de la loi n° 109-1994, lues en combinaison avec les dispositions pertinentes des lois nos 1150-1942 et 10-1977, autorisent l'attribution directe de travaux ou d'ouvrages qui constituent des marchés publics de travaux au sens de l'article 1er, sous a), de la directive 93-37 au titulaire d'un permis de construire ou d'un plan de lotissement autorisé sans que soit garantie, par des dispositions expresses, l'application des principes de transparence et d'égalité de traitement énoncés par le traité CE, lesquels doivent être respectés même si le montant estimé est inférieur au seuil d'application de cette directive.

57 Elle soutient, d'autre part, que, pour déterminer si ledit seuil est atteint, il convient de calculer la valeur totale des travaux et/ou des ouvrages couverts par la convention conclue entre le particulier et l'administration, ces travaux et/ou ces ouvrages devant être considérés comme des lots distincts d'un seul et même marché. Le fait que, selon la législation nationale, les procédures d'appel d'offres ne sont applicables que si cette convention porte sur des ouvrages dont les montants estimés, pris individuellement, dépassent le seuil d'application des règles communautaires en la matière méconnaîtrait donc les exigences de la directive 93-37, en excluant du champ d'application des dispositions nationales ayant transposé celles-ci des marchés dont la valeur globale est supérieure audit seuil, en raison de l'insuffisance des montants correspondant à chacune des prestations que ces marchés impliquent.

58 Selon la République italienne, en ce qui concerne, en premier lieu, les ouvrages d'équipement d'une valeur inférieure au seuil d'application de la réglementation communautaire et exécutés par le titulaire d'un permis de construire ou d'un plan de lotissement approuvé, il n'est pas nécessaire, au stade de la transposition, de rappeler spécifiquement les règles du traité en matière de publicité et de concurrence ainsi que les interprétations jurisprudentielles de la Cour s'y rapportant.

59 En second lieu, la République italienne souligne les particularités du secteur de l'urbanisation, dans lequel les lotisseurs se substituent aux collectivités locales, et les caractéristiques des conventions de lotissement conclues entre ces collectivités et ces lotisseurs.

60 De telles conventions impliqueraient seulement l'obligation, pour la collectivité locale concernée, de délivrer des permis de construire, à charge pour le lotisseur de réaliser les travaux d'aménagement de la zone en cause, sur la base de projets que ladite collectivité se réserve d'approuver.

61 Le fait d'avoir confié au même lotisseur la réalisation de multiples ouvrages, par nature hétérogènes, ne saurait impliquer, pour la seule raison que ledit lotisseur est propriétaire des terrains concernés, l'obligation d'agréger ces ouvrages aux fins de l'application de la directive 93-37. La République italienne souligne, à cet égard, que, dans l'arrêt du 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a., (C-399-98, Rec. p. I-5409), la Cour s'est prononcée sur une situation différente de celle de l'espèce, dans la mesure où était concernée la réalisation d'un ouvrage de nature manifestement unitaire.

62 Selon le Royaume des Pays-Bas, les marchés publics dont la valeur se situe en dessous des seuils d'application prévus par les directives en la matière échappent au principe de transparence. Il ajoute que ces directives prévoient elles-mêmes expressément certaines dérogations, le législateur communautaire ayant ainsi choisi, dans ces hypothèses, de donner la priorité à d'autres intérêts que la transparence.

63 La République de Finlande soutient que les marchés dont la valeur est inférieure aux seuils fixés par lesdites directives, bien qu'ils soient, de ce fait, exclus du champ d'application de celles-ci, sont soumis de droit aux dispositions du traité relatives à la libre circulation des biens et des services et à la liberté d'établissement.

64 En conséquence, la législation nationale ne devrait pas, en ce qui concerne lesdits marchés, instaurer d'obligation spécifique de publicité ou de mise en concurrence.

Appréciation de la Cour

65 Il convient, en premier lieu, de relever que le législateur communautaire a fait le choix explicite et de principe de laisser les marchés inférieurs à un certain seuil en dehors du régime de publicité qu'il a instauré, n'imposant en conséquence aucune obligation spécifique à leur égard.

66 Par ailleurs, lorsqu'il est établi qu'un tel marché présente un intérêt transfrontalier certain, l'attribution, en l'absence de toute transparence, de ce marché à une entreprise située dans l'État membre du pouvoir adjudicateur est constitutive d'une différence de traitement au détriment des entreprises susceptibles d'être intéressées par ledit marché qui sont situées dans un autre État membre. À moins qu'elle ne soit justifiée par des circonstances objectives, une telle différence de traitement, qui, en excluant toutes les entreprises situées dans un autre État membre, joue principalement au détriment de celles-ci, est constitutive d'une discrimination indirecte selon la nationalité, interdite en application des articles 43 CE et 49 CE (voir en ce sens, s'agissant de la directive 92-50, arrêt du 13 novembre 2007, Commission/Irlande, C-507-03, non encore publié au Recueil, points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée).

67 Dans la mesure où, d'une part, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 56 de ses conclusions, en application de l'article 249 CE, les directives lient tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre et où, d'autre part, le législateur communautaire a exclu, notamment par la fixation de seuils, certains marchés du champ d'application de la directive 93-37, les États membres ne sont pas tenus d'adopter, dans leur législation portant transposition de cette directive, des dispositions rappelant l'obligation de respecter les articles 43 CE et 49 CE, qui ne trouve à s'appliquer que dans les conditions rappelées au point précédent du présent arrêt.

68 L'abstention, à cet égard, du législateur italien, s'agissant des marchés publics intéressant les ouvrages d'équipement d'une valeur inférieure au seuil d'application de la directive 93-37 exécutés par le titulaire d'un permis de construire ou d'un plan de lotissement approuvé, dans l'hypothèse où est établie l'existence d'un intérêt transfrontalier certain, ne met pas pour autant en cause l'applicabilité auxdits marchés des articles 43 CE et 49 CE.

69 En conséquence, le deuxième grief, en tant qu'il repose sur la méconnaissance des règles fondamentales du traité, doit être rejeté.

70 S'agissant, en second lieu, du champ d'application de l'article 2, paragraphe 5, de la loi n° 109-1994, au regard des prescriptions de la directive 93-37, il convient d'abord de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la circonstance qu'une disposition de droit national prévoyant la réalisation directe d'un ouvrage d'équipement par le titulaire d'un permis de construire ou d'un plan de lotissement approuvé, en déduction de tout ou partie de la contribution due au titre de l'octroi du permis, fait partie d'un ensemble de règles en matière d'urbanisme ayant des caractéristiques propres et poursuivant une finalité spécifique, distincte de la directive 93-37, ne suffit pas pour exclure la réalisation directe du champ d'application de cette dernière lorsque les éléments requis pour qu'elle en relève se trouvent réunis (voir arrêt Ordine degli Architetti e.a., précité, point 66).

71 Cette réalisation doit ainsi être soumise aux procédures prévues par la directive 93-37 lorsqu'elle répond aux conditions énoncées par cette dernière pour que soit caractérisé un marché public de travaux et, en particulier, lorsque l'élément contractuel requis à l'article 1er, sous a), de cette directive est présent et que la valeur de l'ouvrage égale ou dépasse le seuil fixé à l'article 6, paragraphe 1, de celle-ci.

72 En outre, il résulte de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 93-37 que, lorsqu'un ouvrage est réparti en plusieurs lots faisant chacun l'objet d'un marché, la valeur de chaque lot doit être prise en compte pour l'évaluation du montant indiqué au paragraphe 1 du même article, qui va déterminer si cette directive a ou non vocation à s'appliquer à tous les lots. Par ailleurs, en application de l'article 6, paragraphe 4, de celle-ci, aucun ouvrage ni aucun marché ne peut être scindé en vue d'être soustrait à l'application de ladite directive.

73 En conséquence, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 88 de ses conclusions, dès lors que la convention passée entre un particulier, propriétaire de terrains à lotir, et l'administration communale répond aux critères de définition de la notion de "marché public de travaux" au sens de l'article 1er, sous a), de la directive 93-37, rappelés au point 45 du présent arrêt, la valeur estimée qui doit en principe être prise en considération afin de vérifier si le seuil fixé par cette directive est atteint et si, par conséquent, l'attribution du marché doit respecter les règles de publicité que celle-ci pose, ne peut être appréhendée qu'au regard de la valeur globale des différents travaux et ouvrages, par addition des valeurs des différents lots.

74 En ne prévoyant une procédure d'attribution conforme aux prescriptions de la directive 93-37 que dans la seule hypothèse où le montant estimé de chacun de ces lots, pris individuellement, dépasse le seuil d'application de celle-ci, la législation italienne est contraire à cette directive.

75 Il résulte de ce qui précède que l'article 2, paragraphe 5, de la loi n° 109-1994 méconnaît les exigences de la directive 93-37 en limitant indûment le recours aux procédures que celle-ci instaure.

Sur le troisième grief

76 Le troisième grief porte sur l'attribution des tâches de conception, de direction et de vérification des travaux dans le cadre de marchés publics de services d'un montant inférieur aux seuils d'application des dispositions communautaires en la matière.

77 Selon les articles 17, paragraphe 12, et 30, paragraphe 6 bis, de la loi n° 109-1994, les marchés publics de services ayant pour objet des tâches de conception et de direction de travaux ainsi que des tâches de vérification de l'exécution de ceux-ci, dont le montant estimé est inférieur au seuil d'application de la directive 92-50, peuvent être attribués à des personnes bénéficiant de la confiance de l'organisme adjudicateur.

Argumentation des parties

78 La Commission critique ces dispositions, qui autorisent le recours à un mode d'attribution des marchés publics de services concernés excluant toute forme de publicité, au motif que, si ces marchés ne relèvent pas du champ d'application de la directive 92-50, ils restent soumis aux règles du traité relatives à la libre prestation des services et à la liberté d'établissement ainsi qu'aux principes de non-discrimination, d'égalité de traitement, de proportionnalité et de transparence.

79 La République italienne fait valoir que toute règle de droit dérivé doit être interprétée sur la base des principes généraux du traité et que toute interprétation qui s'éloignerait de ceux-ci serait illégale. L'illégalité éventuelle ne pourrait, en toute hypothèse, résulter que d'une mauvaise application de la règle à un cas d'espèce. Il ne saurait donc y avoir, au stade de la transposition de la législation communautaire, une obligation de se référer spécifiquement aux dispositions du traité.

80 Elle ajoute qu'une circulaire ministérielle avait attiré l'attention des pouvoirs adjudicateurs sur l'exigence de respecter les principes généraux de non-discrimination, d'égalité de traitement et de transparence, et que, en tout état de cause, l'attribution directe des marchés concernés à des personnes de confiance ne peut avoir lieu qu'après vérification de leur expérience et de leur capacité professionnelles.

Appréciation de la Cour

81 Il est constant, comme il a été indiqué au point 66 du présent arrêt, que les marchés publics de services se trouvant hors du champ d'application de la directive 92-50 et dont il est établi qu'ils présentent un intérêt transfrontalier certain restent soumis aux libertés fondamentales prévues par le traité dans les conditions précisées par la jurisprudence rappelée audit point.

82 Dès lors que les obligations découlant du droit primaire relatives à l'égalité de traitement et à la transparence trouvent ainsi à s'appliquer de plein droit à ces marchés pourtant exclus du champ d'application de ladite directive eu égard à leur montant, pour autant que soient remplies les conditions fixées par cette jurisprudence, il ne saurait être exigé que la législation nationale de transposition de ladite directive les rappelle expressément.

83 Partant, il y a lieu de rejeter le troisième grief.

Sur les quatrième et cinquième griefs

84 Le quatrième grief porte sur les dispositions de l'article 27, paragraphe 2, de la loi n° 109-1994, selon lesquelles, lorsque les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent exercer les activités de direction des travaux qui incombent en principe à leurs bureaux techniques, ces activités sont confiées au concepteur en charge du projet au sens de l'article 17, paragraphe 4, de ladite loi.

85 Le cinquième grief est relatif à l'attribution des opérations d'essai et des tâches de vérification de travaux publics telle qu'elle est régie par les articles 28, paragraphe 4, de la loi n° 109-1994 et 188 du DPR n° 554-1999. Il résulte de la lecture combinée de ces dispositions que, si ces tâches incombent en principe aux bureaux techniques des pouvoirs adjudicateurs, en cas de manque de personnel constaté et certifié par le responsable de la procédure, l'administration peut attribuer lesdites tâches à des tiers figurant sur des listes établies à cette fin par le ministère des travaux publics, sans recourir aux procédures de mise en concurrence.

Argumentation des parties

86 La Commission estime que les dispositions des articles 27, paragraphe 2, et 28, paragraphe 4, de la loi n° 109-1994, dans la mesure où elles permettent d'attribuer directement, sans mise en concurrence, les marchés publics de services en question, violent, suivant le montant desdits marchés, soit les directives 92-50 et 93-38, soit les articles 43 CE et 49 CE.

87 La République italienne rétorque qu'elle a pris acte des critiques formulées par la Commission et qu'elle a, en conséquence, modifié sa législation en adoptant la loi communautaire 2004.

Appréciation de la Cour

88 Il convient de souligner, à titre liminaire, que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 42 du présent arrêt, seule la réglementation nationale en vigueur au 15 décembre 2003 doit être prise en considération dans le cadre de l'appréciation des griefs formulés par la Commission.

89 Il y a lieu de relever, en premier lieu, que les seules exceptions permises à l'application des directives 92-50 et 93-38 sont celles qui y sont limitativement et expressément mentionnées (voir, par analogie, arrêts du 18 novembre 1999, Teckal, C-107-98, Rec. p. I-8121, point 43, ainsi que du 11 mai 2006, Carbotermo et Consorzio Alisei, C-340-04, Rec. p. I-4137, point 45).

90 Or, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 101 de ses conclusions, les activités de direction et les tâches de vérification de travaux rentrent dans la catégorie 12 tant de l'annexe I A de la directive 92-50 que de l'annexe XVI A de la directive 93-38.

91 À cet égard, il résulte, d'une part, de l'article 8 de la directive 92-50 que les marchés qui ont pour objet des services figurant à ladite annexe I A sont passés conformément, en particulier, aux dispositions du titre III de cette directive, qui est consacré au choix des procédures de passation, et, d'autre part, de l'article 15 de la directive 93-38 que les marchés de fournitures et de travaux ainsi que les marchés qui ont pour objet des services figurant à ladite annexe XVI A sont passés conformément, notamment, aux dispositions du titre IV de cette dernière directive, relatif aux procédures de passation.

92 En conséquence, dans la mesure où l'attribution des activités de direction de travaux doit être effectuée conformément aux règles énoncées par les directives 92-50 et 93-38, l'attribution directe au concepteur telle qu'elle résulte de l'article 27, paragraphe 2, de la loi n° 109-1994 méconnaît ces directives en ce qui concerne les marchés qui rentrent, eu égard à leur montant, dans le champ d'application de celles-ci.

93 De même, dans la mesure où l'attribution des activités de vérification de travaux doit être effectuée conformément aux règles énoncées par les directives 92-50 et 93-38, l'attribution à des tiers dans les conditions énoncées aux articles 28, paragraphe 4, de la loi n° 109-1994 et 188 du DPR n° 554-1999 méconnaît lesdites directives en ce qui concerne les marchés compris dans leur champ d'application.

94 En second lieu, s'agissant des marchés pour lesquels la valeur des services concernés est inférieure au seuil d'application des directives 92-50 et 93-38, l'absence, dans les dispositions nationales applicables, de mention expresse relative à l'application des obligations découlant du traité ne saurait signifier, ainsi qu'il a été dit aux points 68 et 82 du présent arrêt, que n'est pas imposé le respect du principe d'égalité de traitement et de l'obligation de transparence lors de l'attribution de ces marchés pour autant que soient remplies les conditions fixées par la jurisprudence rappelée au point 66 du présent arrêt.

95 En conséquence, les quatrième et cinquième griefs doivent être rejetés en tant qu'ils visent la méconnaissance des articles 43 CE et 49 CE, mais sont fondés pour le surplus.

Sur le sixième grief

96 Le sixième grief porte sur les articles 37 bis à 37 quater de la loi n° 109-1994, en application desquels les administrations peuvent autoriser l'exécution, par des sujets qui leur sont extérieurs, de travaux publics susceptibles d'être exploités commercialement selon un processus d'attribution spécifique. Lors d'une première phase, les tiers sont invités à faire, en tant que promoteurs, des propositions en vue de l'adjudication de concessions, les coûts étant assumés, partiellement ou intégralement, par ces promoteurs. Une fois les propositions évaluées, celles jugées d'intérêt public sont sélectionnées lors d'une seconde phase au cours de laquelle est ouverte, pour chacune des propositions retenues, une procédure d'appel d'offres restreinte destinée à sélectionner deux offres.

97 Une procédure négociée est ensuite ouverte par le pouvoir adjudicateur avec le promoteur et les autres tiers ayant présenté les deux meilleures offres dans le cadre de ladite procédure d'appel d'offres, le promoteur ayant la possibilité d'adapter sa proposition à celle que le pouvoir adjudicateur estime convenir le mieux.

Argumentation des parties

98 La Commission fait valoir que cette réglementation est susceptible de constituer une violation du principe d'égalité de traitement.

99 Elle estime en effet que les modalités de mise en concurrence de la concession avantagent doublement le promoteur par rapport à tous les autres concurrents potentiels.

100 Ainsi, d'une part, le promoteur serait automatiquement appelé à participer à la procédure négociée en vue de l'attribution de la concession, indépendamment de toute comparaison entre sa proposition et les offres présentées par les participants à l'appel d'offres.

101 D'autre part, le promoteur aurait la possibilité de modifier sa proposition au cours de la procédure négociée afin de l'adapter à l'offre que le pouvoir adjudicateur juge le mieux convenir. Concrètement, cet avantage équivaudrait à la reconnaissance, en faveur dudit promoteur, d'un droit de priorité dans l'attribution de la concession.

102 La République italienne précise que la loi communautaire 2004, visée au point 40 du présent arrêt, a pris en compte les objections de la Commission.

Appréciation de la Cour

103 Il résulte de l'article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour et de la jurisprudence y relative que toute requête introductive d'instance doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens, et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d'exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d'une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d'éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n'omette de statuer sur un grief (arrêt du 26 avril 2007, Commission/Finlande, C-195-04, Rec. p. I-3351, point 22 et jurisprudence citée).

104 En l'espèce, la requête de la Commission, s'agissant du présent grief, ne satisfait pas à ces exigences.

105 En effet, par son recours, la Commission vise à faire constater que la République italienne a manqué à certaines obligations que lui imposent les directives 92-50, 93-36, 93-37 et 93-38 ainsi que les articles 43 CE et 49 CE. Or, dans le cadre de ce grief, elle n'indique pas lesquelles de ces directives et/ou dispositions du traité la République italienne aurait précisément violées en commettant prétendument une violation du principe d'égalité de traitement.

106 Au demeurant, pour ce qui concerne les articles 43 CE et 49 CE, ceux-ci ne prescrivent pas une obligation générale d'égalité de traitement, mais contiennent, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence citée au point 66 du présent arrêt, une interdiction de discrimination selon la nationalité. Or, la Commission ne donne aucune indication relative à l'existence éventuelle d'une telle discrimination dans le cadre du présent grief.

107 Partant, le sixième grief doit être déclaré irrecevable.

108 Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en ayant adopté:

- l'article 2, paragraphe 1, de la loi n° 109-1994, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 92-50, 93-36 et 93-37;

- l'article 2, paragraphe 5, de ladite loi, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 93-37, et

- les articles 27, paragraphe 2, et 28, paragraphe 4, de la même loi, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 92-50 et 93-38.

Sur les dépens

109 Aux termes de l'article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La Commission ayant succombé sur partie des deuxième, quatrième et cinquième griefs ainsi que sur le troisième grief, le sixième grief ayant par ailleurs été déclaré irrecevable, et la République italienne ayant succombé sur le premier grief ainsi que sur partie des deuxième, quatrième et cinquième griefs, il y a lieu de décider que chacune des deux parties supportera ses propres dépens.

110 Conformément à l'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs, LA COUR (deuxième chambre), déclare et arrête:

1) En ayant adopté:

- l'article 2, paragraphe 1, de la loi n° 109, loi-cadre sur les travaux publics (legge quadro in materia di lavori pubblici), du 11 février 1994, telle que modifiée par la loi n° 166, du 1er août 2002, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92-50-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédure de passation des marchés publics de services, de la directive 93-36-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, et de la directive 93-37-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, telle que modifiée par la directive 97-52-CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997;

- l'article 2, paragraphe 5, de ladite loi, telle que modifiée, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 93-37 telle que modifiée, et

- les articles 27, paragraphe 2, et 28, paragraphe 4, de la même loi, telle que modifiée, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 92-50 et 93-38-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) La Commission des Communautés européennes et la République italienne supportent leurs propres dépens.

4) La République française, le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande supportent leurs propres dépens.