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Décisions

Ministre de l’Économie, 28 janvier 2008, n° ECOC0804466A

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Arrêté

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Ministre de l’Économie n° ECOC0804466A

28 janvier 2008

LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI,

Vu le Titre III du Livre IV du Code de commerce, et notamment ses articles L. 430-4 et L. 430-8, R. 430-6, R. 430-7, R. 430-8 et R. 430-10 ; Vu la lettre de saisine du Conseil de la concurrence du 6 avril 2007, relative à la prise de contrôle de la société Novatrans par la société SNCF Participations ; Vu les courriers des 15 et 20 juin 2007 des conseils de la société SNCF Participations ; Vu les observations écrites du 31 juillet 2007 des conseils de la société SNCF Participations sur le présent arrêté ; Vu les observations écrites du 23 janvier 2008 des conseils de la société SNCF Participations et de la société Transport et Logistique Partenaire sur le présent arrêté ; Vu les autres pièces du dossier ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 430-1 du Code du commerce :

" I. Une opération de concentration est réalisée :

1°- Lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ;

2°- Lorsqu'une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d'une entreprise au moins ou lorsqu'une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou plusieurs autres entreprises ".

" III. Aux fins de l'application du présent titre, le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'une entreprise, et notamment : des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise ; des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d'une entreprise " ;

Considérant qu'en outre, aux termes de l'article L. 430-4 du Code de commerce :

" La réalisation effective d'une opération de concentration ne peut intervenir qu'après l'accord du ministre chargé de l'Economie et, le cas échéant, du ministre chargé du secteur économique concerné " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société SNCF Participations (ci-après " SNCF P "), filiale du groupe SNCF, a notifié, le 19 janvier 2007, au ministre chargé de l'Economie (ci-après le " ministre ") une opération d'acquisition des participations minoritaires des sociétés [...] et [...] (respectivement 0,69 % et 3,10 % du capital les 12 et 21 décembre 2006) dans la société Novatrans ; que cette acquisition a été présentée par SNCF P comme portant sa participation dans la société de 49,02 % à 52,81 % du capital, et comme lui conférant le contrôle exclusif sur Novatrans ; que cette acquisition a été soumise au contrôle du ministre ;

Considérant qu'en outre cette opération s'est effectuée de façon quasi-concomitante avec une série d'achat de titres effectuée entre le 19 octobre et 27 novembre 2006 auprès de sept actionnaires routiers, représentant ensemble 10,38 % du capital de Novatrans et portant ainsi la participation de SNCF P de 38,63 % à 49,02 % du capital de Novatrans ;

Considérant que le ministre, dans la mesure où il estimait à l'issue d'une première phase d'instruction que la prise de contrôle exclusif de Novatrans par SNCF P était de nature à porter atteinte à la concurrence, sans trancher sur le fait de savoir si l'opération notifiée (portant la participation de 49,02 % à 52,81 %) emportait cette prise de contrôle ou si cette dernière lui était antérieure, a saisi pour avis le Conseil de la concurrence, le 6 avril 2007, en vertu des dispositions de l'article L. 430-5 du Code de commerce ;

Considérant que par courrier en date du 15 juin 2007, SNCF P a informé la DGCCRF, au vu des observations des rapporteures du Conseil de la Concurrence, et avant que le Conseil de la concurrence ne se soit prononcé sur les implications concurrentielles de l'opération objet de sa saisine, de sa décision de retirer l'opération d'acquisition des titres détenus par les sociétés [...] et [...] ;

Considérant que la DGCCRF a pris acte de cette décision par lettre du 20 juin 2007 ;

Considérant cependant que le retrait du projet de concentration notifié le 19 janvier 2007 reste sans effet sur l'analyse des opérations antérieures ayant conduit SNCF P à acquérir 10,38 % de capital de Novatrans lui conférant de facto le contrôle exclusif sur Novatrans ;

Considérant que ce retrait ne fait pas disparaître l'infraction visée au L. 430-8-I du Code de commerce ;

Considérant qu'au demeurant tout projet de concentration, en ce qu'il emporte changement dans la nature du contrôle, doit faire l'objet d'une notification au ministre ;

Considérant que la société Novatrans est le résultat de la fusion-absorption, datant de 1967, par la société STEMA des activités de la société STEM, toutes deux actives dans le secteur du transport de marchandises ; que le capital de Novatrans était à l'époque détenu à 60 % par la Fédération Nationale des Transporteurs Routiers (ci-après " FNTR ") et les transporteurs publics routiers, à 35 % par le groupe SNCF (soit SCETA, CNC et SEGI) et à 5 % par la société Soframixte ; que les dispositions relatives à la gouvernance de la société Novatrans émanaient à la fois de ses statuts initiaux et d'un protocole d'accord conclu entre ses actionnaires le 14 mai 1966 (ci-après le " Protocole de 1966 ") toujours en vigueur actuellement ; que les termes dudit Protocole de 1966 prévoient que sept (7) des douze (12) administrateurs sont des représentants des transporteurs routiers et que le Président de la nouvelle société est un membre de la FNTR ; que les statuts de Novatrans de juin 2002 prévoient que la société est administrée par un conseil d'administration composé de trois (3) membres au moins et de dix-huit (18) membres au plus, que les décisions aux assemblées générales se prennent à la majorité des membres présents ou représentés ; qu'au cas présent, le conseil d'administration est à ce jour composé de treize (13) membres, dont cinq (5) sont issus du groupe SNCF ;

Considérant que, jusqu'en octobre 2006, SNCF P détenait 38,63 % du capital et des droits de vote de Novatrans ; que cette participation ne lui conférait pas le contrôle sur Novatrans compte tenu de la forte représentation au capital de Novatrans de la FNTR et des transporteurs routiers, de la présidence assurée par un représentant de la FNTR, de la minorité d'administrateurs la représentant au conseil d'administration et de la possibilité dont disposaient les actionnaires minoritaires transporteurs routiers de se mobiliser pour obtenir, avec un degré de certitude suffisant, une majorité aux assemblées générales ordinaires ; que SNCF P n'était en outre titulaire d'aucun accord lui conférant des droits particuliers et ne disposait ni de droit de veto ni de droit spécifique sur les décisions de Novatrans, restant ainsi minoritaire au sein du conseil d'administration ;

Considérant qu'il résulte d'une pratique continue des autorités de concurrence tant nationale que communautaire que la situation de contrôle s'apprécie notamment au vu de certains moyens de droit ou de fait de nature à conférer une influence déterminante sur l'activité d'un autre opérateur. Qu'il s'agit dans ce cas de procéder à une appréciation in concreto de l'influence déterminante, afin de vérifier si l'opérateur dispose ou non du pouvoir d'imposer une décision stratégique en exerçant soit directement un pouvoir de décision, soit indirectement, en empêchant que soit prise une décision ;

Considérant qu'en outre, il importe peu que l'opérateur ait ou non exercé ladite influence déterminante pour qu'elle soit caractérisée ; qu'il suffit qu'il ait l'opportunité de l'exercer ; qu'un actionnaire minoritaire peut ainsi être considéré comme détenant un contrôle exclusif de fait lorsqu'il a la quasi-certitude d'obtenir la majorité à l'assemblée générale, compte tenu de sa participation et de la présence des actionnaires à l'assemblée générale au cours des années antérieures ; qu'il convient en s'appuyant sur la structure antérieure des votes d'effectuer une analyse prospective et prendre en considération les changements prévisibles, quant à la présence des actionnaires, qui pourraient survenir à la suite de l'opération ; qu'il convient également d'examiner la position des autres actionnaires et d'évaluer leur rôle ; que cette évaluation repose notamment sur les critères suivants : large dispersion des actions restantes (1), liens structurels, économiques, familiaux, ou encore stratégiques ou purement financiers des autres actionnaires importants avec l'actionnaire minoritaire principal ;

Considérant que s'il est probable qu'un actionnaire minoritaire obtienne une majorité stable dans cette assemblée au travers de sa participation, de la structure historique des votes à l'assemblée générale et de la position des autres actionnaires, cet actionnaire minoritaire principal sera considéré comme exerçant un contrôle exclusif sur l'entreprise ;

Considérant qu'il ressort des registres de la société Novatrans que, jusqu'en octobre 2006, son capital était réparti de la façon suivante :

Groupe SNCF : 38,63 %

Actionnaires hors Groupe SNCF : 61,37 %

Considérant qu'en outre, au regard de l'examen des assemblées générales ordinaires antérieures, avant l'opération litigieuse, et ce de 2003 à 2006, le Groupe SNCF, avec 38,63 % du capital, n'a obtenu qu'une seule fois la majorité à l'assemblée générale de 2005, comme en témoigne le tableau ci-après ;

Considérant qu'il ressort de ce tableau qu'entre 2003 et 2006, SNCF P détenait 55 625 actions sur un total de 144 000 actions ; qu'en conséquence, 88 375 actions étaient détenues par les autres actionnaires. Qu'ainsi, pour faire barrage aux décisions de SNCF P, il était nécessaire que soient réunies 55 626 actions sur un total de 88 375 actions potentielles ; que le taux de mobilisation requis des autres actionnaires était dès lors de 62,9 % et qu'en conséquence, à l'époque, SNCF P ne disposait pas de la certitude de faire passer ses résolutions à l'assemblée générale ordinaire ; que SNCF P n'a obtenu sur la période considérée qu'une seule fois la majorité à l'assemblée générale ordinaire de 2005, le taux de mobilisation constaté des autres actionnaires étant cette année-là anormalement bas (52,8 % contre plus de 65,8 % les autres années) ; qu'en conséquence cette majorité en 2005 n'était pas prévisible. Que ramené au nombre de présents aux assemblés générales, qui varie entre 71 et 80 personnes, SNCF P ne pouvait pas décider toute seule des décisions prises dans les assemblés générales ; qu'ainsi durant la période comprise entre 2003 et 2006, sans événement particulier, l'actionnariat routier oscillait entre 58 000 et 60 800, ce qui le situe au-delà des 55 625 voix détenues par SNCF P ;

Considérant qu'en revanche, à l'assemblée générale ordinaire de 2007, avec 70 587 actions sur 144 000 actions, SNCF P détenait 49,02 % du capital et que par conséquent, 73 413 actions étaient détenues par les autres actionnaires, de façon dispersée ;qu'aussi, pour faire barrage aux décisions de SNCF P, il est nécessaire que soient réunies 70 588 actions sur le total de 73 413 actions potentielles ; que le taux de mobilisation requis des autres actionnaires est par conséquent désormais de 96,2 % ; que ce taux excède de plus de 27,4 points le taux maximum de mobilisation des autres actionnaires constaté sur la période 2003/2006 ; que malgré une mobilisation exceptionnelle à l'assemblée générale ordinaire de 2007 (79,1 %), les autres actionnaires n'ont pas été en mesure d'atteindre la majorité ; qu'il ressort des éléments qui précédent que dans ces conditions, SNCF P est désormais quasi-certaine de pouvoir décider seule des décisions prises lors des assemblés générales ;

<emplacement tableau>

Considérant qu'il ressort de l'examen des procès-verbaux des assemblées générales ordinaires et des conseils d'administration sur la période 2003/2006, que SNCF P n'a jamais exercé un pouvoir de décision de nature à influencer la stratégie commerciale de la société Novatrans ;

Considérant au surplus que l'AGE de 2006 s'est tenue le 28 juin 2006, soit antérieurement aux acquisitions litigieuses, et que l'AGE de 2007 s'est tenue le 19 décembre 2007, soit postérieurement à la cession de ces parts à la société Norbert Dentressangle ; que les AGE de 2003, 2006 et 2007 se sont déroulées alors que le groupe SNCF ne détenait pas encore ou ne détenait plus les parts litigieuses ; que la prise en compte de ces AGE ne remet pas en cause l'analyse menée en l'espèce, comme en témoigne le tableau ci-après ;

<emplacement tableau>

Considérant de surcroit que l'actionnariat des routiers et affiliés FNTR, par nature plus atomisé, ne se mobilise qu'en fonction de l'importance de l'ordre du jour ; qu'ils disposent cependant d'une communauté d'intérêts qui les unit, leur conférant de fait une stratégie commune ; que la mobilisation peut s'effectuer aisément et efficacement par les canaux de la FNTR et le GNTC (petit actionnaire mais porte-voix important de l'actionnariat routier de Novatrans, en rapport direct avec le transport combiné) ; qu'il n'en reste pas moins que l'efficacité de la mobilisation est fonction du nombre de personnes à mobiliser ainsi que de la part du capital qu'elles détiennent ensemble ; que la détention par le groupe SNCF de 10,38 % supplémentaires du capital de Novatrans a rendu inefficace toute velléité de mobilisation de ces actionnaires ;

Considérant que pour sa part, SNCF P met en avant la nature de l'actionnariat des transporteurs routiers de Novatrans, susceptible de s'opposer ensemble aux décisions de SNCF P aussi bien à 38,63 % qu'à 49,02 % ; que l'examen de l'AGO de 2007 démontre qu'en dépit d'une mobilisation exceptionnelle des autres actionnaires de l'ordre de 79,1 %, ils n'ont pas atteint la majorité des votes ; que comparé à la moyenne des taux de mobilisation sur la période antérieure 2003-2006, soit 63,4 %, pendant laquelle le groupe SNCF détenait 38,63 % des parts sociales, ce taux de mobilisation de 79,1 % est supérieur de près de 16 points ; que malgré cet effort de mobilisation, les autres actionnaires n'ont pas pu atteindre la majorité des votes ;

Que jusqu'au 12 décembre 2007, le capital de Novatrans était réparti de la façon suivante :

Groupe SNCF : 49,02 % ;

Actionnaires hors Groupe SNCF : 50,98 % ;

Considérant qu'en dehors du Groupe SNCF, les autres actionnaires sont extrêmement dilués ; que notamment seulement 19 des 257 actionnaires détiennent plus de 0,5 % du capital ; qu'étant donné cette dilution de l'actionnariat, même si tous les actionnaires autres que le Groupe SNCF partageaient des intérêts économiques convergents, il serait extrêmement difficile de réunir l'ensemble de leurs voix pour faire face au Groupe SNCF ; qu'en conséquence dans cette configuration, l'impact du vote de tous les autres actionnaires aux décisions prises au sein de la société est limité ;

Considérant que SNCF P est représentée par cinq (5) administrateurs sur treize (13) au sein du conseil d'administration et ne détient pas de droit particulier ni de droit de veto, mais qu'il lui suffit de disposer d'une majorité simple aux assemblées générales pour modifier le Protocole de 1966 au terme duquel sept (7) actionnaires sur douze (12) (actuellement treize (13)) représentent des transporteurs routiers et confie à la FNTR le soin de nommer le président de Novatrans parmi ses membres ; que du fait de la structure du capital de Novatrans et des taux de participation habituellement constatés aux assemblées générales, SNCF P est en mesure d'obtenir une telle majorité ; qu'en modifiant le Protocole de 1966, SNCF P pourrait disposer de la majorité des membres du conseil d'administration et nommer un président issu de SNCF P ; qu'il résulte de ce qui précède que la simple faculté dont dispose SNCF P, même si elle ne l'a pas encore exercée (les acquisitions n'ayant été enregistrées que le 19 avril 2007), de modifier les règles de gouvernance de la société lui confère un contrôle sur la société Novatrans au sens de l'article L. 430-1 III du Code de commerce qui dispose que " le contrôle découle des droits, contrats ou autre moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'une entreprise, et notamment [...] des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d'entreprise " ;

Considérant, en vertu de ce qui précède, que la montée au capital de Novatrans par SNCF P par une série d'opérations de rachat réalisées fin 2006 et enregistrées le 19 avril 2007, a permis au Groupe SNCF de passer directement de 38,63 % à 49,02 % du capital de la société, et est constitutive d'une prise de contrôle de Novatrans ; que cette prise de contrôle a été réalisée sans avoir au préalable été l'objet d'une notification au ministre chargé de l'Economie ;

Considérant que, par suite, la société Transport et Logistique Partenaires (ci-après " TLP "), filiale à 100 % de SNCF P, s'est vue transférer les participations de cette dernière au capital de Novatrans, transfert pour lequel le conseil d'administration de Novatrans a donné son accord le 20 juin 2007 ;

Considérant par ailleurs que le président de la société TLP a signifié aux services du ministre son intention, par courrier électronique du 14 septembre 2007, d'avoir, " au plus tard au 31 décembre 2007, conclu les actes nécessaires à une diminution de 10,38 % de la participation aujourd'hui détenue par différentes entités du groupe SNCF au capital de Novatrans afin de la faire revenir à son niveau antérieur au mois d'octobre 2006, à savoir 38,63 % ". Que par ailleurs, il indiquait avoir l'intention de " ne prendre aucune mesure de nature à modifier les équilibres actuels au sein de la société Novatrans " ; qu'ainsi, le Président de la société TLP, également Directeur Général délégué de la SNCF, a déconcentré l'opération, admettant implicitement la prise de contrôle de fait de la société Novatrans ;

Considérant en outre que, par courrier électronique du 7 décembre 2007, TLP a indiqué à la DGCCRF son intention de céder 10,48 % du capital de Novatrans à la société Norbert Dentressangle, dans un contexte d'augmentation du capital à laquelle la société Norbert Dentressangle pourrait dès lors participer ; que par courrier électronique du 17 décembre 2007, TLP a informé les services du ministre que la cession était intervenue le 13 décembre 2007 ; que cette cession a été enregistrée le même jour auprès de Novatrans ; qu'en conséquence, au 13 décembre 2007, le Groupe SNCF ne détient plus les parts litigieuses ; que le groupe SNCF a par ailleurs confirmé aux services du ministre qu'aucun pacte d'actionnaires n'avait à ce jour été conclu entre la SNCF et la société Groupe Norbert Dentressangle ;

Considérant qu'au terme de l'article L. 430-8 I du Code de commerce : " Si une opération de concentration a été réalisée sans être notifiée, le ministre chargé de l'Economie peut infliger aux personnes auxquelles incombait la charge de la notification une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève, pour les personnes morales, à 5 % de leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant, de celui qu'a réalisé en France durant la même période la partie acquise, et, pour les personnes physiques, à 1,5 millions d'euro.

En outre, le ministre enjoint sous astreinte aux parties de notifier l'opération, à moins de revenir à l'état antérieur à la concentration. Il peut également saisir le Conseil de la concurrence sans attendre la notification. La procédure prévue aux articles L. 430-5 à L. 430-7 est alors applicable " ;

Considérant que les circonstances propres à l'espèce justifient d'infliger une sanction au Groupe SNCF pour manquement à ses obligations légales ; que compte tenu du fait que les parts litigieuses ont été cédées au mois de décembre 2007, il n'y a plus lieu de notifier l'opération de concentration ; que seule une sanction pécuniaire est en conséquence retenue à l'encontre du Groupe SNCF ;

Considérant que le montant de cette sanction est déterminé en fonction des circonstances de l'espèce ; qu'en vertu de l'article L. 430-8 du Code de commerce, le ministre peut infliger à l'entreprise à laquelle incombait la charge de la notification une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève à 5 % de son chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant, de celui que la partie acquise a réalisé en France durant la même période ; qu'au cas d'espèce, le montant maximum de l'amende encourue par le Groupe SNCF peut être évalué à 889,5 millions d'euro ;

Considérant que le Groupe SNCF est une entreprise importante, disposant d'un service juridique étoffé, et s'étant adjoint les services d'un conseil spécialisé en droit de la concurrence, notifiant régulièrement des opérations de concentration auprès des autorités compétentes ; qu'en conséquence, il ne peut se prévaloir d'ignorer les règles nationales afférentes au contrôle des concentrations ;

Considérant en outre que la réalisation d'une opération de concentration sans autorisation préalable revêt un caractère grave alors que l'opération comporte des implications concurrentielles importantes, dans un contexte d'ouverture à la concurrence du marché du fret ;

Mais considérant que le Groupe SNCF souligne qu'il a informé les services du ministre de l'acquisition des parts litigieuses à l'occasion de la notification d'une autre opération; qu'il ne semblait pas avoir l'intention délibérée d'éluder le titre III du Code de commerce relatif à la concentration économique ; que la durée de détention des parts litigieuses sans autorisation du ministre a été limitée à une période relativement restreinte, d'environ douze mois ; que le Groupe SNCF a cédé les parts litigieuses en décembre 2007 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il convient d'infliger au Groupe SNCF une sanction modérée ;

Arrête :

Article 1er - La société SNCF P n'a pas procédé à la notification au ministre chargé de l'Economie, préalablement à sa réalisation, de l'opération de concentration, consistant en la prise de contrôle exclusif de la société Novatrans.

Article 2 - Il est infligé une sanction pécuniaire de 250 000 euro (deux cent cinquante mille euro) à la société SNCF P pour avoir réalisé une opération de concentration sans l'avoir préalablement notifiée au ministre chargé de l'Economie.

Article 3 - Le Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et notifié à l'intéressée.

Article 4 - L'intéressée dispose d'un délai de deux mois pour déposer un recours contre le présent arrêté devant le Conseil d'État.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes

1 Sur le caractère dispersé, décision de la Commission, M.25, du 10 décembre 1990, Arjomari-Prioux/Wiggins Teape Appleton, contrôle exclusif avec 39 % du capital car le reste de l'actionnariat était dispersé parmi plus de 100 000 actionnaires dont aucun ne détenait individuellement plus de 4 % du capital et dont seuls trois actionnaires en détenaient plus de 3 %. Idem dans la décision de la Commission, M.613, du 31 juillet 1995, Jefferson Smurfit Group/Munksjo où la commission a considéré l'existence d'un contrôle exclusif avec 29 % du capital, l'obtention de plus de 50 % des voix aux AGO, alors que le capital était dispersé parmi plus de 12 000 actionnaires.

2 Le taux de mobilisation nécessaire des autres actionnaires pour faire barrage à SNCF est le nombre de voix nécessaires pour obtenir la majorité, rapporté aux voix dont disposent ces actionnaires.

3 Pour l'AGO 2006, la société Rouch avait envoyé son pouvoir uniquement pour l'AGE, d'où l'existence d'un décalage de 2 025 voix entre l'AGO et l'AGE cette année-là.

4 Le taux de mobilisation constaté des autres actionnaires (hors SNCF) est le nombre de voix exprimées par ces actionnaires, rapporté aux voix dont ils disposent.

5 Le taux de mobilisation nécessaire des autres actionnaires pour faire barrage à SNCF est le nombre de voix nécessaires pour obtenir la majorité, rapporté aux voix dont disposent ces actionnaires.

6 Le taux de mobilisation constaté des autres actionnaires (hors SNCF) est le nombre de voix exprimées par ces actionnaires, rapporté aux voix dont ils disposent.