CA Grenoble, 2e ch. civ., 7 novembre 2005, n° 03-03361
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brenneur
Conseillers :
Mme Bourgeois, M. Froment
Avoués :
SCP Jean, Calas, SELARL Dauphin & Mihajlovic
Avocats :
Mes Cohen Boulakia, Bergon, Brasseur
La société A, membre du réseau A, a pour activité la vente de listes en matière immobilière.
Dans le cadre de cette activité, la société A conclut des contrats d'adhésion avec les consommateurs qui s'adressent à elle.
L'U :
a attrait, par acte en date du 16 mars 2001, la société A devant le Tribunal de grande instance de Grenoble, notamment aux fins de dire illicites ou abusives certaines clauses figurant dans le contrat proposé par la société A.
Par jugement en date du 28 janvier 2002, le tribunal a sollicité l'avis de la Commission des clauses abusives sur certaines clauses figurant dans les contrats de la société A.
Le 16 mai 2002, la Commission des clauses abusives refusait de donner son avis, renvoyant à la recommandation n° 2002-01 qu'elle avait émise le 13 décembre 2001.
Les sociétés A Franchising et A ont présenté une requête devant la Cour européenne de Droits de l'Homme aux fins de voir déclarer la recommandation 2002-01 incompatible avec l'article 6 § 1 de la Convention.
Par décision en date du 30 juin 2003, le Tribunal de grande instance de Grenoble a décidé qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour européenne de Droits de l'Homme, et a écarté des débats la recommandation n° 2002-01, l'estimant contraire aux dispositions de l'article 6 & l de la Convention européenne des Droits de l'Homme, en raison de la double qualité de Maître Brasseur, à la fois rapporteur désigné par la Commission des clauses abusives, laquelle a adopté son projet de recommandation, et Conseil de l'U dans le cadre de la présente procédure.
Le Tribunal de grande instance de Grenoble a également enjoint à APL 38 de modifier le modèle de son contrat de diffusion de listes relatives à la location de logements, en y ajoutant la mention de la faculté de remboursement prévue à l'article 79-2 du décret du 20 juillet 1972 et la mention imposée par le troisième et dernier alinéa de l'article 79-3 du même décret.
Il a également ordonné à A de supprimer de son modèle de contrat, sous astreinte, les clauses suivantes reconnues comme abusives :
- clause relative à la possibilité de proposer aux candidats locataires des offres comportant des prix de loyers supérieurs de 20 % aux prix souhaités par ces candidats ;
- clause relative à la possibilité de proposer aux candidats locataires des offres sur des logements situés dans une commune dont la plus proche limite est distante de plus de 10 kms des limites choisies par les locataires ;
- clause limitant les obligations de A à la présentation de biens "réputés disponibles" ;
- clause relative à l'admission par les candidats locataires de la réalité de la fourniture d'une prestation ;
- clause relative à la détermination d'un prix de location mensuel hors charges ;
En outre, le tribunal de grande instance a alloué à l'U la somme de 2 500 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice collectif des consommateurs, mais l'a déboutée de sa demande relative aux dommages et intérêts pour préjudice associatif, ainsi que de sa demande de publication de la décision.
Enfin, il a condamné la société A au paiement de la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
Cette condamnation a été assortie de l'exécution provisoire.
L'U a fait appel limité de cette décision,
Elle demande à la cour de :
- Confirmer la décision initiale sur les sept clauses écartées.
- De dire illicites ou abusives - outre celles objet du jugement - les clauses suivantes du contrat litigieux :
* la clause de l'article 2 des conditions générales sur la durée du contrat,
* la clause de l'article 3 des conditions générales qui exonère le professionnel si le descriptif n'est pas conforme,
* la clause de l'article 9 faisant référence à la loi informatique et liberté rédigée à sens unique, et faussement.
- D'ordonner en conséquence à la société A de supprimer de son contrat l'ensemble des clauses ci-dessus, et ce dans le délai d'un mois de la décision à intervenir, et sous astreinte définitive d'un montant de 763 euro par jour de retard à l'expiration du délai imparti.
- De condamner la défenderesse à verser à l'U à titre de dommages-intérêts :
* pour le préjudice collectif, la somme de 11 000 euro
* pour le préjudice associatif, la somme de 3 100 euro
- D'ordonner la publication du jugement dans les journaux Le Dauphine Libère, Les Petites Annonces, Le 38 Bonjour, et ce à la charge de la défenderesse, et à concurrence de 2 000 euro par insertion.
- De condamner encore la défenderesse sur le fondement de l'article 700 du NCPC à lui verser une nouvelle indemnité sur la procédure d'appel d'un montant de 2 500 euro.
A forme un appel incident tendant d'une part, à se voir donner acte des modifications apportées dans son nouveau modèle de convention et voir dire que les clauses litigieuses ne sont ni abusives ni illicites, et, d'autre part, portant demande reconventionnelle relative à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile (3 000 euro).
Sur quoi, LA COUR,
Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées ;
Sur les clauses
Sur la durée du contrat
Les dispositions particulières du contrat définissent la prestation comme " la possibilité, de communiquer un fichier d'offres. La prestation sera alors réputée rendue ".
Attendu qu'il s'agit d'un contrat à exécution instantanée ;
Attendu que l'obligation de préciser la durée imposée par l'article 79-2 du décret du 20 juillet 1972, visé par U, ne trouve à s'appliquer que dans la mesure où l'économie du contrat le permet, ce qui n'est pas le cas des contrats à exécution instantanée, qui par définition sont immédiatement exécutés ;
- Sur la clause de l'article 3 des conditions générales qui exonère le professionnel si le descriptif n'est pas conforme
Attendu que l'article 3 des conditions générales prévoit : " l'exactitude des informations concernant les biens proposés à la location et notamment le descriptif et la date de disponibilité sont transmis au client sous la seule responsabilité des propriétaires ".
Attendu que le jugement a exactement jugé que si la société A ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité en ce qui concerne la disponibilité du bien, en ce qui concerne le descriptif, ladite clause ne pouvait être considérée comme illicite ou abusive, dans la mesure où le vendeur de fichiers relatifs à la location ou sous-location de biens immobiliers ne peut se livrer simultanément à cette vente et à une autre activité d'agent immobilier portant sur la location ou sous-location de ces immeubles, sans méconnaître l'interdiction édictée au 1er alinéa de l'article 79-3 du décret du 20 juillet 1972.
Attendu que, s'il résulte de l'article 79-1 du décret une obligation de présenter des biens disponibles qui pèse sur le marchand de listes et sur le titulaire des droits du bien devant figurer sur la liste, il n'existe aucun texte mettant à la charge du marchand de listes l'obligation de vérifier que les indications données par le titulaire du bien soient exactes ; que le marchand de listes n'exerce pas l'activité d'intermédiaire et n'a donc pas à procéder à des vérifications concrètes des caractéristiques précises du bien proposé à la location par le propriétaire personnellement et directement.
Que le jugement sera confirmé
- Sur la clause de l'article 9 faisant référence à la loi informatique et liberté
Attendu que l'article 9 des conditions générales prévoit ; "conformément à la loi informatique et liberté, les informations mentionnées sur la présente convention sont protégées. Le client s'engage à ne pas communiquer à des tiers quelque adresse que ce soit prélevée dans la liste".
Attendu que cette clause ne peut préjudicier à quiconque ; que le jugement sera encore confirmé ;
Sur la demande de dommages-intérêts
* Sur le préjudice associatif
Attendu que le préjudice associatif est distinct du préjudice collectif ; qu'en effet, pour parvenir à la protection des consommateurs, l'U est contrainte d'intervenir à de nombreuses reprises, alors que, comme toute association de consommateurs, elle a la mission légalement reconnue de contribuer à la "police" de consommateurs, ce qui l'oblige à engager des dépenses importantes ;
Que la cour a les éléments pour fixer à la somme de 2 000 euro le montant de ce préjudice ; que le jugement qui a débouté l'U sera réformé ;
* Sut le préjudice collectif
Attendu que la cour a les éléments pour fixer à 2 500 euro le montant de ce préjudice ; que le jugement sur ce point sera confirmé ;
Sur la demande de publication
Attendu que la publication ne se justifie pas, d'autant que A s'est mise en conformité avec la réglementation en vigueur en apportant les modifications décidées par le tribunal ;
- Sur l'incompatibilité de la recommandation de la Commission des clauses Abusives avec l'article 6 de la Convention des Droits de l'Homme.
Attendu que les avis ou recommandations de la CCA ne lient pas les juridictions.
Qu'en sa qualité d'Association de consommateurs agréée, il ne saurait être interdit à U d'évoquer les recommandations de la CCA, au seul motif que son conseil habituel a été membre de cette Commission ;
Que le jugement sera réformé sur ce point ;
Attendu que le jugement sera confirmé par adoption de motif dans ses autres dispositions ;
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il a débouté U de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice associatif et en ce qu'il a écarté des débats la recommandation n° 2002-01 de la CCA. Et statuant à nouveau de ces seuls chefs, Condamne A à verser à l'U à titre de dommages-intérêts pour le préjudice associatif, la somme de 2 000 euro, Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats la délibération n° 2002-01 de la Commission des clauses abusives, Condamne A à verser à U la somme de 1 200 euro au titre de l'article 700 du NCPC, La condamne aux entiers dépens et autorise la SELARL Dauphin à les recouvrer directement, Prononce par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.