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Décisions

TPICE, président, 14 mars 2008, n° T-440/07 R

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Huta Buczek sp. z o.o.

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jaeger

Avocat :

Me Szlachetko-Reiter

TPICE n° T-440/07 R

14 mars 2008

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Ordonnance

Cadre juridique et faits à l'origine du litige

1 La société Technologie Buczek (ci-après " TB ") est un fabricant de tubes polonais implanté en Silésie. En 2002, à la suite de difficultés financières, TB a été amenée à élaborer un plan de restructuration. Sur la base de ce plan, TB est devenue admissible au bénéfice d'une aide d'État au titre du programme national de restructuration de l'industrie sidérurgique polonaise jusqu'en 2006.

2 TB, qui fait partie d'un groupe d'entreprises, était la société mère de plusieurs filiales, dont Buczek Automotive (ci-après " BA ") et la requérante. En août 2006, TB a été déclarée en faillite, avec la permission de continuer son activité économique. Cette activité consiste actuellement à louer des immeubles, des machines et de l'outillage, notamment, à la requérante.

3 L'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33), comporte des protocoles qui, en vertu de son article 60, en font partie intégrante et parmi lesquels figure le protocole n° 8 sur la restructuration de l'industrie sidérurgique polonaise (JO 2003, L 236, p. 948, ci-après le " protocole n° 8 ").

4 Le protocole n° 8 énonce, au point 1, les conditions dans lesquelles les aides d'État octroyées par la République de Pologne pour la restructuration de secteurs spécifiques de l'industrie sidérurgique polonaise sont reconnues compatibles avec le marché commun. Ce protocole a autorisé, notamment, l'octroi, jusqu'en 2003, d'une aide d'État au groupe TB, sur la base de la mise en œuvre correcte d'un plan de restructuration, en vue de rétablir la viabilité de l'entreprise. Par ailleurs, dans le protocole n° 8, l'octroi de toute aide à la restructuration entre la fin de 2003 et la fin de 2006 est expressément interdit. Selon le point 18 du protocole n° 8, la Commission prend les mesures appropriées en vue d'exiger que les entreprises concernées remboursent toute aide accordée en violation des conditions prévues dans ce protocole.

5 Au terme de la procédure d'examen formelle au titre de l'article 88, paragraphe 2, CE, la Commission a, le 23 octobre 2007, adopté la décision C (2007) 5087 final, relative à l'aide d'État C 23-2006 (ex NN 35/2006), octroyée par la République de Pologne au producteur sidérurgique Grupa Technologie Buczek (ci-après la " décision attaquée ").

6 Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que TB avait obtenu une aide d'État consistant dans l'absence de recouvrement, par certains organismes publics polonais - à savoir, notamment, le Zaklad Ubezpieczen Spolecznych (Institut de sécurité sociale, ci-après le " ZUS ") et la commune de Sosnowiec -, de leurs créances (cotisations sociales et impôts) auprès d'elle. Selon la Commission, ce soutien a été octroyé à des conditions que n'aurait pas acceptées un créancier privé agissant dans les conditions du marché, les créanciers publics ayant, malgré la situation difficile de TB, différé le recouvrement de créances à hauteur de 20 761 643 zloty polonais (PLN), soit environ 5,8 millions d'euros. Puisque ces créanciers détenaient des sûretés sur le patrimoine de TB qui auraient pu être exécutées, que les tentatives antérieures de restructuration avaient échoué et que les perspectives d'amélioration de la situation de TB étaient réduites, un créancier privé aurait, de l'avis de la Commission, exigé le remboursement de la dette en pareille situation.

7 Rappelant que TB s'était séparée, avant l'annonce de sa mise en faillite, de toutes ses activités rentables en les transférant à des filiales, la Commission a exigé notamment de celles-ci le remboursement de la partie correspondante de l'aide d'État en cause du fait qu'elles en avaient tiré des avantages. Selon la Commission, TB avait pu procéder à d'importantes injections de capitaux dans la requérante, puisque, à partir au moins du début de 2005, il n'y avait pas eu de recouvrement effectif de créances publiques auprès de TB alors même qu'un tel recouvrement aurait conduit à prononcer plus tôt sa faillite.

8 L'article 1er de la décision attaquée déclare incompatible avec le marché commun l'aide d'État à hauteur de 20 761 643 PLN, illégalement accordée par la République de Pologne en faveur du groupe TB.

9 L'article 3, paragraphes 1 et 3, de la décision attaquée ordonne à la République de Pologne la récupération de cette somme, majorée d'intérêts de retard, en précisant que cette récupération doit être exécutée, notamment, auprès des filiales en proportion de l'aide qu'elles ont effectivement reçue, c'est-à-dire auprès de la requérante pour un montant de 13 578 115 PLN (environ 3,8 millions d'euros) et auprès de BA pour un montant de 7 183 528 PLN (environ 2 millions d'euros).

10 Selon les articles 4 et 5 de la décision attaquée, la République de Pologne est tenue de mettre en œuvre cette décision au cours des quatre mois suivant sa notification et d'informer la Commission, dans un délai de deux mois à compter de sa notification, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

11 Aux termes de son article 6, la décision attaquée est adressée à la République de Pologne.

Procédure et conclusions des parties

12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2007, la requérante a introduit un recours visant, en substance, à l'annulation de la décision attaquée, en ce qu'elle déclare incompatible avec le marché commun l'aide d'État qui lui a été octroyée et qu'elle ordonne à la République de Pologne de procéder à la récupération d'une partie de cette aide auprès d'elle.

13 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu'il plaise au président du Tribunal :

- suspendre l'exécution de l'article 1er et de l'article 3, paragraphes 1 et 3, de la décision attaquée jusqu'au prononcé de l'arrêt du Tribunal sur le recours en annulation formé contre cette décision ;

- à titre subsidiaire, suspendre l'exécution de ces articles jusqu'au prononcé dudit arrêt, dans la mesure où la Commission ordonne la récupération de 13 578 115 PLN auprès d'elle ;

- à titre subsidiaire, suspendre l'exécution des articles 4 et 5 de la décision attaquée jusqu'au prononcé dudit arrêt, dans la mesure où ces articles concernent la récupération de l'aide auprès d'elle ;

- condamner la Commission aux dépens.

14 Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 20 décembre 2007, la Commission conclut à ce qu'il plaise au président du Tribunal :

- à titre principal, rejeter la demande en référé comme irrecevable en ce qu'elle vise au sursis à l'exécution de l'article 1er et de l'article 3, paragraphes 1 et 3, de la décision attaquée ;

- à titre subsidiaire, la rejeter comme non fondée dans son intégralité ;

- condamner la requérante aux dépens.

15 Après le dépôt par la Commission de ses observations, la requérante a été autorisée à présenter ses observations sur certains points, ce qu'elle a fait par mémoire du 15 janvier 2008. En réponse, la Commission a pris position sur ces observations par mémoire du 29 janvier 2008. Ces mémoires ont été complétés par des mémoires de la requérante des 6 et 22 février 2008 ainsi que par des observations de la Commission du 12 février 2008.

16 Par ordonnance du 13 février 2008, adoptée au titre de l'article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, il a été sursis à l'exécution de la décision attaquée jusqu'à l'adoption de l'ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé.

17 Le 28 février 2008, les parties ont été entendues en leurs observations orales.

En droit

18 En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d'une part, et de l'article 225, paragraphe l, CE, d'autre part, le Tribunal peut, s'il estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution d'un acte attaqué devant lui ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

19 L'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l'objet du litige, les circonstances établissant l'urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l'octroi des mesures provisoires auxquelles elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s'il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu'ils sont urgents en ce sens qu'il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu'ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l'une d'elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C-268-96 P(R), Rec. p. I-4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C-445-00 R, Rec. p. I-1461, point 73, et la jurisprudence citée).

20 Dans le cadre de son examen d'ensemble, le juge des référés dispose d'un large pouvoir d'appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l'espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l'ordre de cet examen, dès lors qu'aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d'analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C-149-95 P(R), Rec. p. I-2165, point 23].

21 Dans les circonstances du cas d'espèce, il convient de procéder, d'abord, à l'examen des conditions de recevabilité.

Sur la recevabilité

22 La Commission est d'avis que la requérante n'a aucun intérêt légitime à demander le sursis à l'exécution de l'article 1er et de l'article 3, paragraphes 1 et 3, de la décision attaquée, dans la mesure où ces dispositions portent sur les sociétés TB et BA, puisqu'elle n'est pas individuellement concernée à ce propos. Par ailleurs, la requérante n'aurait avancé aucun élément de nature à établir l'urgence en ce qui concerne TB ou BA.

23 À cet égard, il convient de rappeler qu'une mesure provisoire ne peut être accordée qu'en cas d'urgence, cette dernière devant s'apprécier par rapport à la nécessité d'éviter qu'un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président de la Cour du 8 mai 1991, Belgique/Commission, C-356-90 R, Rec. p. I-2423, point 20). Cette partie est tenue d'apporter la preuve qu'elle ne saurait attendre l'issue de la procédure au principal sans avoir à subir personnellement un préjudice qui entraînerait des conséquences graves et irréparables pour elle (ordonnances du président de la Cour du 15 juin 1987, Belgique/Commission, 142-87 R, Rec. p. 2589, point 23, et du 8 mai 1991, Belgique/Commission, précitée, point 23).

24 Il s'ensuit que le préjudice grave et irréparable allégué dans une demande en référé ne peut être pris en compte par le juge des référés, dans le cadre de son examen de la condition relative à l'urgence, que dans la mesure où il est susceptible d'être causé aux intérêts de la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président du Tribunal du 1er février 2006, Endesa/Commission, T-417-05 R, non publiée au Recueil, point 37). Une demande de sursis à exécution n'est donc recevable que si, et dans la mesure où, la partie requérante indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision dont elle demande le sursis à exécution est susceptible de lui causer, à titre personnel, un préjudice grave et irréparable dans l'hypothèse où aucun sursis ne serait accordé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169-84, Rec. p. 391, point 28).

25 Dans ces conditions, les conclusions présentées à titre principal et visant au sursis à l'exécution de l'article 3, paragraphe 1, ainsi que des articles 4 et 5 de la décision attaquée doivent être déclarées irrecevables dans la mesure où elles portent sur des sommes d'argent à payer par des sociétés autres que la requérante, cette dernière s'étant d'ailleurs limitée à avancer des éléments tendant à établir l'urgence en ce qui la concerne.

26 Par conséquent, la présente demande en référé n'est recevable qu'en ce qui concerne les conclusions relatives à la suspension de la récupération d'une partie de l'aide d'État litigieuse auprès de la seule requérante.

Sur le fond

Sur l'urgence et la mise en balance des intérêts en présence

- Arguments des parties

27 La requérante fait valoir qu'elle ne possède pas les moyens financiers lui permettant de rembourser le montant de 13 578 115 PLN, majoré d'intérêts - soit 16 422 386,73 PLN au 31 janvier 2008 -, puisque sa situation financière présentait au 30 septembre 2007 une valeur d'actif circulant de 11 670 937,01 PLN ; une valeur d'actif immobilisé de 23 184 262,02 PLN ; des dettes et des provisions pour charges de 18 639 901,57 PLN ; un montant de trésorerie de 667 493,64 PLN et un bénéfice net de 374 288,52 PLN. À cet égard, la requérante renvoie à son bilan au 30 septembre 2007, au tableau des flux de trésorerie et au compte de profits et pertes (joints en annexe à sa demande en référé). Elle en conclut que, dans l'hypothèse où le sursis à exécution sollicité ne serait pas accordé, elle serait obligée de vendre une partie considérable de ses actifs immobilisés, ce qui entraînerait la liquidation de ses activités et donc sa mise en faillite avant que ne soit tranché le litige au principal.

28 La requérante souligne que son actif immobilisé représente une entité économique nécessaire à l'activité de production (ateliers, machines et d'autres installations techniques). La poursuite de la production serait impossible si la plupart de ces équipements participant au processus de production devaient être vendus. Or, l'arrêt de la production entraînerait sa disparition du marché.

29 La majorité des actifs à sa disposition seraient grevée de sûretés sous forme de gages inscrits pour un montant de 40 millions de PLN en faveur de la société Eurofaktor et pour un montant de 4 millions de PLN en faveur de la société PKO BP. La part restante de machines et d'installations libres de toute charge représenterait une valeur ne dépassant pas 2,5 millions de PLN. De plus, les biens immobiliers de la requérante seraient grevés d'hypothèques pour un montant de plus de 18 millions de PLN, dont plus de 14 millions en faveur du ZUS et 3,6 millions en faveur de la société PKO BP. L'ensemble de ces sûretés exclurait en pratique la vente des différents éléments d'actif de même que la constitution de nouvelles garanties. En outre, la requérante soutient qu'aucun établissement financier ne lui octroiera un prêt d'un montant de plus de 16 millions de PLN, du fait que ses actifs ne pourront servir de garantie.

30 Les mesures d'exécution de la décision attaquée prises par les pouvoirs publics polonais impliqueraient la saisie des comptes, des créances et de la trésorerie disponible de la requérante, avec pour conséquence la perte de liquidités et la cessation de paiement des dettes exigibles, ce qui entraînerait pour elle l'obligation de déclarer l'état d'insolvabilité, conformément à la Prawo upadlosciowe i naprawcze (loi sur l'insolvabilité et l'assainissement) du 28 février 2003. Selon cette même loi, le débiteur serait considéré comme insolvable également lorsque son passif dépasse son actif, alors même qu'il continue à payer ses obligations courantes. Or, selon la situation au 31 décembre 2007, le montant fixé par la décision attaquée, majoré d'intérêts, dépasserait déjà l'actif net de la requérante, et la différence ne cesserait de se creuser.

31 Quant au syndic de TB, il ne serait pas en mesure d'accorder une caution à la requérante ou de générer des moyens financiers afin d'assurer sa survie, car de telles mesures seraient contraires à l'essence même du droit de l'insolvabilité dont l'objectif est la satisfaction des créanciers dans la plus large mesure possible et le plus rapidement possible. À l'audition, la requérante a ajouté qu'il y avait un différend actuellement pendant devant les juridictions polonaises entre Eurofaktor et le syndic de TB concernant 49 % du capital de la requérante, Eurofaktor prétendant avoir repris cette partie, de sorte que le syndic ne détiendrait plus qu'une majorité de 51 %.

32 S'agissant de la situation financière effective du groupe TB, la requérante relève qu'elle n'a pas la possibilité d'obtenir de ce groupe des moyens lui permettant de payer la somme réclamée par la décision attaquée. TB étant insolvable, sa faculté de disposer de son patrimoine serait soumise au régime particulier de la procédure d'insolvabilité qui lui impose, d'une part, la vente de ses actifs selon des procédures déterminées et, d'autre part, la manière dont elle peut disposer des sommes obtenues à l'issue de cette vente. Pour cette même raison, les sociétés faisant partie du groupe TB auraient perdu tout contrôle sur la requérante, en tant que filiale de TB.

33 En ce qui concerne l'état de la procédure d'insolvabilité, l'adjudication des éléments d'actif de TB autres que ses parts dans la requérante aurait été effectuée, selon les déclarations de cette dernière ; pour ces actifs, TB aurait obtenu le montant net de 51 316 575 PLN, dont la majeure partie devrait être affectée à la liquidation des créances garanties par une sûreté, le reste étant réparti proportionnellement en faveur des autres créanciers en fonction de leur rang de priorité. En revanche, pour les parts dans la requérante détenues par TB, il n'y aurait pas eu d'offre. Dans ces conditions, un nouvel avis d'adjudication devrait être publié.

34 Dans ce contexte, la requérante indique qu'il ressort de l'estimation des actifs de la masse de l'insolvabilité de TB que ceux-ci permettront selon toute probabilité d'honorer, dans le cadre de la procédure d'insolvabilité, l'ensemble des créances publiques, y compris les intérêts moratoires et les frais d'exécution. Toutefois, les organismes publics n'auraient pris, à l'heure actuelle, aucune mesure visant à retirer les créances publiques litigieuses de la liste des créances déclarées. Selon les informations obtenues par la requérante, ces organismes recevraient, dans un délai très bref, directement de TB les sommes destinées à couvrir leurs créances publiques.

35 La requérante poursuit en exposant que le syndic de TB a déjà ouvert la procédure de distribution des sommes issues d'une vente du 7 janvier 2008 portant sur une part significative des éléments d'actif de TB, en application des dispositions de la Prawo upadlosciowe i naprawcze du 28 février 2003, relative à l'insolvabilité et à l'assainissement. Une partie importante des éléments d'actif vendus par le syndic de TB étant grevés d'une sûreté (hypothèques et gages enregistrés), celui-ci aurait été tenu d'établir deux plans, l'un de distribution des sommes issues de la cession des biens grevés et l'autre de distribution des fonds de la masse de l'insolvabilité concernant les autres éléments d'actif.

36 La requérante précise que, le 24 janvier 2008, le syndic de TB a transmis au juge-commissaire un plan de distribution partielle des sommes obtenues à la suite de la cession de certains biens grevés de droits réels limités. Par conséquent, avant le 15 février 2008, la majorité des dettes publiques évoquées dans la décision attaquée devaient normalement être honorées : le ZUS et la commune de Sosnowiec recevraient un montant total, respectivement, de 11 196 686,89 PLN et de 2 939 816,36 PLN. En outre, il serait certain, en l'état actuel des choses, que le prochain plan de distribution prévoira la satisfaction intégrale des dettes envers la commune de Sosnowiec à hauteur de 3 693 071,71 PLN, le ZUS à hauteur de 1 014 681,91 PLN et deux autres créanciers publics à hauteur de 88 976,10 PLN et de 376 738, 80 PLN. Bien que ce projet puisse être modifié, les modifications éventuelles auraient un simple caractère technique. Le syndic de TB disposerait de suffisamment de moyens pour assurer le paiement de ces sommes.

37 S'agissant de la suggestion selon laquelle la requérante devrait s'opposer, devant les juridictions polonaises, à la récupération de l'aide d'État litigieuse, la requérante relève que, en vertu des dispositions combinées des articles 10 CE et 249 CE, la décision attaquée est contraignante pour tous les organes polonais, y compris les juridictions, qui seraient dans l'obligation d'en assurer une exécution immédiate et de récupérer l'aide qualifiée d'incompatible dans un délai de quatre mois. Ainsi, dans le cadre des voies de recours internes, la requérante ne pourrait pas s'opposer à l'exécution de la décision attaquée. L'octroi d'une mesure provisoire par le juge communautaire serait donc le seul moyen de lui éviter la survenance d'un préjudice grave et irréparable. La requérante ajoute que, à la fin du mois de janvier 2008, les organismes publics polonais lui ont adressé des documents tendant à l'exécution directe de la décision attaquée.

38 S'agissant de la mise en balance des intérêts, la requérante considère qu'il ne saurait être exclu que le bénéficiaire d'une aide d'État puisse obtenir des mesures provisoires. Décider autrement risquerait de priver en pratique de tout effet la possibilité, ouverte par les articles 242 CE et 243 CE, d'obtenir une protection juridique provisoire effective (ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T-198-01 R, Rec. p. II-2153, point 115). En l'espèce, refuser la protection juridique provisoire sollicitée entraînerait pour la requérante un préjudice irréparable, à savoir son insolvabilité, outre la perte de sa position sur le marché.

39 La Commission répond que la requérante ne présente pas d'arguments établissant le caractère urgent de sa demande en référé, étant donné qu'elle ne démontre pas que la faillite de l'entreprise est inévitable, pas plus qu'elle n'établit que la vente d'actifs immobilisés serait la seule manière de financer le remboursement de l'aide d'État. Compte tenu de la différence entre la valeur totale de ses actifs et la somme de ses engagements, la requérante posséderait des actifs suffisants susceptibles de servir de garantie aux fins d'un éventuel emprunt qu'elle pourrait contracter afin de rembourser cette aide. Par ailleurs, elle n'aurait pas indiqué pour quel motif elle ne pouvait pas elle-même demander un emprunt ou une garantie d'emprunt.

40 Selon une jurisprudence bien établie (voir ordonnance du président du Tribunal du 2 août 2006, Aughinish Alumina/Commission, T-69-06 R, non publiée au Recueil, point 69, et la jurisprudence citée), l'évaluation de l'intérêt de la poursuite des activités de la requérante devrait prendre en considération la situation financière effective du groupe TB afin de déterminer s'il existe pour la requérante un risque de préjudice grave et irréparable. Or, la requérante affirmerait que TB possède très vraisemblablement des ressources financières suffisantes pour couvrir la totalité du montant de l'aide. Au reste, l'intégralité du capital de la requérante se trouverait aux mains de TB et serait comprise dans la masse de la faillite de TB, la tentative d'Eurofaktor d'acquérir 49 % de ce capital ayant échoué devant les juridictions polonaises. TB aurait plus d'une fois montré, dans le passé, son vif intérêt pour les activités de la requérante en procédant à des injections de capital. Le syndic de TB, en tant qu'administrateur de la masse de faillite, pourrait donc être intéressé par l'octroi d'un soutien à la requérante. La requérante n'aurait pas montré pour quelle raison une telle démarche serait impossible avec l'accord de l'assemblée des créanciers et du juge de la faillite.

41 La Commission ajoute que la requérante n'a pas démontré que les autorités polonaises lui avaient déjà adressé un titre exécutoire de la créance reflétant la récupération de l'aide d'État. La requérante n'aurait pas non plus établi qu'elle n'avait aucune possibilité de s'opposer, devant les instances polonaises, aux éventuelles conséquences négatives pour elle d'une telle exigence (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 29 janvier 2007, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T-423-05 R, non publiée au Recueil, points 69 à 73).

42 Contrairement à ce qu'affirme la requérante, la décision attaquée ne serait pas immédiatement exécutable, puisque les autorités nationales devraient poser certains actes conformément au droit national. En tout état de cause, la requérante ne préciserait pas sur quelle base cette même décision peut être traitée, à la lumière du droit national, comme un titre exécutoire à son égard. Les dispositions de l'ustawa o postepowaniu w sprawach dotyczacych pomocy publicznej (loi sur la procédure applicable en matière d'aides publiques) du 30 avril 2004 et celles de l'ustawa o postepowaniu egzekucyjnym w administracji (loi sur la procédure d'exécution par voie administrative) du 17 juin 1966 s'opposeraient à pareille interprétation, en ce qui concerne le remboursement d'une aide reconnue non conforme aux principes du marché commun. Par ailleurs, la République de Pologne, et non le bénéficiaire de l'aide, serait destinataire de la décision attaquée, qui créerait donc un rapport de droit exclusif entre la Commission et le Gouvernement polonais.

43 De l'avis de la Commission, ce sont les dispositions de l'ustawa o postepowaniu egzekucyjnym w administracji du 17 juin 1966 relative à la procédure exécutoire administrative qui semblent régler l'exécution des créances qui figurent dans la décision administrative nationale constituant la base de la récupération. Or, du fait que le syndic de TB réglera l'aide d'État à partir de la masse de la faillite, la requérante n'aurait pas démontré pourquoi elle ne pouvait pas invoquer l'article 33, paragraphe 1, de cette loi, aux termes duquel " peuvent servir de base à un grief relatif à la conduite d'une exécution administrative [...] la réalisation ou l'annulation, en tout ou en partie, de l'obligation, [...] l'extinction ou la non-existence de l'obligation ".

44 Au reste, compte tenu de ce que la requérante représente une valeur considérable, la menace d'une liquidation et d'un arrêt immédiat de son activité économique semblerait improbable, même si elle était mise en faillite. TB serait le meilleur exemple d'une société qui, bien que mise en faillite depuis plus d'un an, peut parfaitement prospérer en poursuivant son activité économique et en dégageant même des bénéfices nets.

45 S'agissant de la mise en balance des intérêts, la Commission soutient que l'intérêt communautaire doit primer celui du bénéficiaire de l'aide d'État d'éviter l'exécution de l'obligation de la rembourser avant le prononcé de l'arrêt au principal.

- Appréciation du juge des référés

46 Il y a lieu de souligner, d'abord, que l'article 242 CE pose le principe du caractère non suspensif des recours (voir ordonnance du président du Tribunal du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T-191-98 R II, Rec. p. II-2551, point 42, et la jurisprudence citée). C'est donc à titre exceptionnel que le juge des référés ordonne le sursis à exécution sollicité, dès lors que le requérant démontre, notamment, la présence de circonstances établissant l'urgence.

47 Il convient de rappeler, ensuite, que, selon une jurisprudence constante, l'urgence doit s'apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d'éviter qu'un préjudice grave et irréparable ne soit causé au requérant. Ce préjudice doit être imminent en ce sens qu'il est prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission, T-346-06 R, non encore publiée au Recueil, points 121 et 123, et la jurisprudence citée). La partie qui s'en prévaut est tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d'un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C-335-99 P(R), Rec. p. I-8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T-151-01 R, Rec. p. II-3295, point 188, et du 25 juin 2002, B/Commission, T-34-02 R, Rec. p. II-2803, point 86].

48 Il est également de jurisprudence bien établie qu'un préjudice purement financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu'il peut normalement faire l'objet d'une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C-471-00 P(R), Rec. p. I-2865, point 113, et ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T-339-00 R, Rec. p. II-1721, point 94]. Dans une telle hypothèse, la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s'il apparaît que, en l'absence d'une telle mesure, le requérant se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l'intervention de l'arrêt mettant fin à la procédure au principal (ordonnance du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T-181-02 R, Rec. p. II-5081, point 84, et la jurisprudence citée).

49 En ce qui concerne plus particulièrement l'insolvabilité éventuelle d'une entreprise, il a été jugé qu'elle n'impliquait pas nécessairement que la condition relative à l'urgence soit remplie. En effet, dans le cadre de l'examen de la viabilité financière d'une entreprise, l'appréciation de sa situation matérielle peut être effectuée en prenant en considération, notamment, les caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat, ce qui peut amener le juge des référés à estimer que la condition de l'urgence n'est pas remplie malgré l'état d'insolvabilité prévisible de l'entreprise [voir ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C-12-95 P(R), Rec. p. I-467, point 12, et du 18 octobre 2002, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C-232-02 P(R), Rec. p. I-8977, point 56, et la jurisprudence citée].

50 En tout état de cause, une telle appréciation doit toujours être opérée cas par cas, compte tenu des circonstances de fait et de droit qui caractérisent chaque affaire (voir ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, point 48 supra, points 88 et 89, et la jurisprudence citée).

51 En l'espèce, le préjudice invoqué par la requérante est de caractère purement financier. Ce n'est donc qu'en présence de circonstances exceptionnelles que la requérante est tenue d'établir que ce préjudice peut justifier la reconnaissance de l'urgence nécessaire pour l'octroi du sursis à exécution sollicité.

52 Afin d'examiner si la requérante a effectivement démontré la réunion des circonstances exceptionnelles requises, il importe de mettre en évidence, tout d'abord, la nature de la prétendue aide d'État qui doit être récupérée par les autorités polonaises en vertu de la décision attaquée.

53 À cet égard, il convient de constater que la Commission estime, dans la décision attaquée, que le groupe TB a obtenu une aide d'État consistant dans l'absence de recouvrement par plusieurs organismes publics polonais de certaines créances envers ce groupe. S'agissant de la récupération de cette aide, la Commission considère que TB s'était séparée, avant l'annonce de sa mise en faillite, d'activités rentables en les transférant à la requérante. Sous l'aspect du rétablissement d'une saine concurrence, il n'est donc pas satisfaisant, de l'avis de la Commission, que les autorités polonaises procèdent à la récupération de l'aide en déclarant les créances en cause à la masse de la faillite de TB. La Commission estime au contraire que cette récupération doit avoir lieu auprès de la requérante en tant que bénéficiaire effectif de l'aide (considérants 121 à 124 de la décision attaquée). L'article 3, paragraphe 1, deuxième phrase, de la décision attaquée dispose, en conséquence, que les autorités polonaises sont tenues de recouvrer la somme de 13 578 115 PLN auprès de la requérante, y compris les intérêts de retard fixés en application de l'article 3, paragraphes 3 et 4, de la décision attaquée.

54 Premièrement, il y a toutefois lieu de relever que la requérante conteste l'existence d'une aide d'État en faisant valoir que les organismes publics visés dans la décision attaquée n'ont jamais renoncé au recouvrement des créances litigieuses à l'égard de TB, mais en poursuivent l'exécution avec diligence. Dans ce contexte, il est constant que ces organismes ont déclaré leurs créances auprès du syndic de TB.

55 Deuxièmement, il convient de noter que la requérante a itérativement déclaré, devant le juge des référés, que le syndic de TB disposait des moyens financiers pour assurer le paiement intégral des dettes publiques faisant l'objet de la décision attaquée et que les organismes publics visés dans cette dernière recevraient, dans un délai très bref, les sommes en cause directement du syndic de TB.

56 Troisièmement, il est établi que le Gouvernement polonais a, par lettre du 25 janvier 2008, demandé à la Commission de lui faire savoir si la décision attaquée permettait d'effectuer le remboursement de l'aide par le syndic de TB. Dans ce contexte, les parties ont unanimement déclaré, à l'audition, que le gouvernement avait, entre-temps, demandé à la Commission de lui accorder une prolongation jusqu'au 30 juin 2008 du délai d'exécution de l'obligation de récupération imposée dans la décision attaquée. Si la Commission ne s'est pas encore formellement prononcée sur cette demande, elle a manifesté son accord de principe à y faire droit, conformément au principe de coopération loyale, si l'État membre concerné devait rencontrer des difficultés l'empêchant de respecter ce délai.

57 Quatrièmement, en réponse à la crainte exprimée par la requérante que la décision attaquée permette à l'État polonais de récupérer l'aide deux fois, une première fois dans le cadre de la procédure d'insolvabilité ouverte à l'encontre de TB et une seconde fois sur la base de la décision attaquée auprès de la requérante, la Commission a souligné, dans ses observations du 12 février 2008, que la décision attaquée avait pour but d'aboutir non à l'enrichissement sans cause des créanciers publics, mais à la récupération de l'aide et que, dans l'hypothèse où ces créanciers seraient désintéressés par le syndic de TB, il pourrait être procédé à des décomptes entre ce syndic et la requérante.

58 Par ailleurs, indépendamment du point de savoir si l'article 3, paragraphe 1, de la décision attaquée permet au syndic de TB de rembourser l'aide en cause, la Commission souligne que la situation financière effective du groupe TB (en faillite) doit, conformément à une jurisprudence bien établie (voir point 40 ci-dessus), être prise en compte dans le présent contexte, le syndic de TB possédant des ressources suffisantes pour couvrir la totalité du montant de l'aide à récupérer. Selon la Commission, ce syndic aurait donc tout intérêt à octroyer un soutien à la requérante afin d'assurer sa survie.

59 Il résulte de ce qui précède qu'il ne saurait être question de l'imminence d'un préjudice grave et irréparable que l'exécution immédiate de la décision attaquée causerait à la requérante. Les débats menés devant le juge des référés ont plutôt révélé que cette décision, telle qu'interprétée par la Commission, n'imposait pas un double paiement des créances litigieuses, mais permettait à la requérante, au syndic de TB et au Gouvernement polonais d'éviter que ces créances ne soient remboursées deux fois. En particulier, la Commission ne semble nullement exclure que le Gouvernement polonais, en tant que destinataire de la décision attaquée, fasse une exécution correcte de celle-ci, en coopération loyale avec la Commission, en permettant au syndic de TB de soutenir financièrement sa filiale, ce qui reviendrait à ce que l'aide d'État à récupérer auprès de la requérante soit payée, au moins dans un premier temps, par le syndic de TB.

60 Si la requérante a affirmé, à l'audition, qu'une décision de la Commission pourrait, en principe, constituer la base d'une responsabilité solidaire conformément au Code civil polonais, ce qui ne serait cependant pas le cas de la décision attaquée en l'espèce, il convient de relever que V, ce qui est décisif dans la présente procédure de référé, c'est la portée juridique de la seule décision attaquée. À cet égard, la requérante admet expressément que cette décision V est contraignante pour tous les organes polonais et prime les dispositions du droit interne. Or, la décision attaquée n'impose pas de double récupération.

61 Force est donc de constater que, dans l'hypothèse où les créances litigieuses seraient payées par le syndic de TB, ni les créanciers publics susmentionnés ni le Gouvernement polonais ne pourraient se prévaloir de la décision attaquée pour réclamer le paiement des mêmes créances auprès de la requérante. Quand bien même, dans cette hypothèse, le syndic de TB se retournerait contre la requérante pour se faire rembourser, il agirait en sa qualité de représentant de la société mère TB (en faillite) de la requérante et procéderait, en fonction des intérêts de cette société mère, à une opération à l'intérieur du groupe TB.

62 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus permet, aux fins d'apprécier la situation financière de la requérante et de vérifier si le préjudice qu'elle allègue peut être qualifié de grave et irréparable, de prendre en considération les caractéristiques du groupe auquel elle appartient. Cette approche repose sur l'idée que les intérêts objectifs de la requérante ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux de la société mère qui la contrôle (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 7 décembre 2001, Lior/Commission, T-192-01 R, Rec. p. II-3657, points 54 et 55, et la jurisprudence citée).

63 En effet, les parts sociales de la requérante détenues par TB font, depuis la mise en faillite de TB, entièrement partie de la masse de faillite de TB et doivent être vendues par le syndic de TB, indépendamment de la question du remboursement de l'aide en cause par la requérante. Ainsi que la requérante l'a expressément admis (voir point 31 ci-dessus), l'essence même du droit de l'insolvabilité est la satisfaction des créanciers par le syndic de TB dans la plus large mesure possible. Or, c'est en fonction de cet objectif que le syndic de TB décidera en l'espèce s'il est préférable pour lui de se retourner ou non contre la requérante avant de procéder à sa vente par adjudication.

64 En tout état de cause, il est permis de constater que les intérêts du syndic de TB se confondent avec ceux de la requérante. À l'audience, la requérante a d'ailleurs admis qu'il n'y avait pas d'intérêts contradictoires à ce que le syndic, d'une part, protège la société requérante et, d'autre part, paie les dettes de TB. Cette coïncidence des intérêts justifie que l'intérêt financier de la requérante ne soit pas apprécié indépendamment de celui de TB (en faillite). Or, la requérante prétend que TB dispose des moyens pour rembourser l'intégralité de l'aide en cause.

65 Dans la mesure où la requérante objecte que le régime strict de la procédure d'insolvabilité en droit polonais ne permettrait pas au syndic de TB de la soutenir financièrement et que celui-ci a d'ailleurs refusé de lui accorder un tel soutien, d'une part, il suffit de relever que, à l'audition, la Commission a déclaré, sans être contredite par la requérante, que ledit régime strict n'avait pas empêché le syndic de TB de recapitaliser BA, à la fin de 2006, afin de la stabiliser financièrement. Or, la requérante n'a pas expliqué les raisons qui empêcheraient le syndic de lui accorder une stabilisation analogue. D'autre part, quant au refus de soutien opposé par le syndic de TB, il a été jugé qu'un simple refus unilatéral d'assistance exprimé par l'actionnaire principal de la société concernée ne saurait suffire à exclure la prise en compte de la situation financière de l'ensemble du groupe [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C-364-99 P(R), Rec. p. I-8733, point 54].

66 La requérante fait encore valoir qu'elle a reçu une décision de la commune de Sosnowiec du 24 janvier 2008, concernant l'ouverture de la procédure de fixation du montant de l'aide publique octroyée à TB, et un courrier du ZUS du 31 janvier 2008 la mettant en demeure de payer, dans les trois jours, la somme de 11 014 023,60 PLN, majorée des intérêts de retard, au titre des arriérés de dette publique identifiés dans la décision attaquée. S'agissant de ces décisions nationales, la requérante soutient que la prochaine étape procédurale sera l'adoption de décisions ordonnant le remboursement de l'aide. Selon les informations qu'elle aurait reçues, ces décisions ne tarderaient pas à être déclarées immédiatement exécutoires, ce qui signifierait que même un recours introduit contre ces décisions ne suspendrait pas l'exécution.

67 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d'une procédure nationale de récupération d'une aide d'État, le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que le juge national ordonne un sursis à l'exécution d'une demande de recouvrement en attendant le règlement de l'affaire au fond devant le Tribunal ou de déférer une question préjudicielle à la Cour au titre de l'article 234 CE. En effet, dans la mesure où le requérant a contesté la légalité de la décision communautaire litigieuse au titre de l'article 230 CE, le juge national n'est pas lié par le caractère définitif de cette décision (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188-92, Rec. p. I-833, points 13 à 26 ; du 30 janvier 1997, Wiljo, C-178-95, Rec. p. I-585, points 20 et 21, et du 15 février 2001, Nachi Europe, C-239-99, Rec. p. I-1197, point 30). En outre, le fait qu'une demande de sursis à exécution n'a pas abouti devant le juge communautaire n'empêche pas qu'un sursis soit ordonné par le juge national (voir ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, point 48 supra, point 108, et la jurisprudence citée).

68 Il s'ensuit que, dans le cadre d'une procédure de référé, il appartient au requérant de démontrer que les voies de recours internes que lui offre le droit national pour s'opposer à la récupération d'une aide d'État ne lui permettent pas d'éviter de subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnances B/Commission, point 47 supra, points 90 à 93 ; Neue Erba Lautex/Commission, point 48 supra, points 107 à 110, et Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, point 41 supra, point 71).

69 En l'espèce, la requérante se borne à déclarer, dans son mémoire du 15 janvier 2008 -d'ailleurs sans produire d'éléments documentaires -, que, aux termes de l'article 28 de l'ustawa o postepowaniu w sprawach dotyczacych pomocy publicznej du 30 avril 2004, relative à la procédure applicable en matière d'aides publiques, le recouvrement forcé d'une aide d'État est effectué conformément aux dispositions relatives à la procédure d'exécution par voie administrative ou à la procédure judiciaire d'exécution. S'agissant des dispositions relatives à la procédure judiciaire d'exécution, elle indique qu'elles ne sont pas applicables parce qu'elles concernent uniquement l'hypothèse, non pertinente en l'espèce, d'un octroi de l'aide par voie contractuelle. En ce qui concerne la procédure d'exécution par voie administrative, la requérante précise qu'il serait possible que l'organe d'exécution délivre un titre exécutoire approprié qui aurait pour base juridique la décision attaquée et que, en théorie, les voies de recours qui lui seraient ouvertes consisteraient alors, conformément aux articles 33 et 56 de l'ustawa o postepowaniu egzekucyjnym w administracji du 17 juin 1966, relative à la procédure d'exécution par voie administrative, à faire opposition à la mise en œuvre de l'exécution administrative ou à en solliciter le sursis à exécution. Elle souligne, cependant, que l'hypothèse d'un recours devant le juge communautaire ne figure ni parmi les motifs d'opposition à la mise en œuvre de l'exécution, ni parmi les conditions justifiant le sursis à exécution, ces motifs et conditions étant limitativement énumérés dans la réglementation pertinente.

70 À l'audition, la requérante a ajouté - de nouveau sans fournir de preuves documentaires -que la décision de recouvrement du ZUS du 31 janvier 2008 serait exécutée selon les règles de procédure civile et que la juridiction compétente en la matière serait le tribunal régional du travail et des affaires sociales, tandis que la décision de la commune de Sosnowiec du 24 janvier 2008 serait exécutée selon les règles de procédure administrative, la juridiction compétente en la matière étant le tribunal administratif régional. Au cours du débat, elle n'a pas exclu que l'exécution de ces décisions puisse être suspendue, sur réclamation, par l'instance administrative de rang supérieur, tout en prétendant que cette instance ne procéderait pas, en pratique, à une telle suspension. La Commission, pour sa part, a soutenu qu'il existait, en droit procédural polonais, une procédure de référé permettant au juge de surseoir à l'exécution d'une décision pour éviter au requérant de subir un préjudice grave et irréparable.

71 Dans ces circonstances, le juge des référés ne peut que constater que la requérante n'a pas démontré, à suffisance de droit, en quoi les voies de recours internes que lui offre le droit polonais pour s'opposer à une récupération immédiate de l'aide litigieuse ne lui permettraient pas, en invoquant sa situation financière et les circonstances de la décision attaquée, d'éviter de subir un préjudice grave et irréparable.

72 Enfin, à supposer même que la requérante soit effectivement mise en faillite dans le cadre des procédures nationales de récupération de l'aide en cause, elle n'aurait pas pour autant démontré, à suffisance de droit, que cela signifierait nécessairement sa disparition du marché. À cet égard, la Commission a exposé, sans être contredite par la requérante, que la Prawo upadlosciowe i naprawcze, relative à l'insolvabilité et à l'assainissement, prévoyait la possibilité de poursuivre l'activité économique, avec l'accord des créanciers, si cela était économiquement justifié. Or, le syndic de TB ayant évalué la valeur de la requérante à plus de 43 millions de PLN en novembre 2007 (annexe A9 à la demande), il ne saurait être affirmé qu'une mise en faillite de la requérante, en raison d'une obligation de remboursement s'élevant à environ 16 millions de PLN, entraînerait inévitablement sa liquidation totale.

73 Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas parvenue, en l'état actuel, à démontrer qu'elle subirait un préjudice grave et irréparable si le sursis à exécution demandé n'était pas octroyé.

74 Cette conclusion est corroborée par la mise en balance des différents intérêts en présence.

75 À cet égard, il convient de rappeler que l'article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE prévoit que, si la Commission constate qu'une aide d'État n'est pas compatible avec le marché commun, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine. Il s'ensuit que l'intérêt général au nom duquel la Commission exerce les fonctions qui lui sont confiées par l'article 88, paragraphe 2, CE et par l'article 7 du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88] CE (JO L 83, p. 1), afin de garantir que le fonctionnement du marché commun ne soit pas faussé par des aides d'État nuisibles à la concurrence, est d'une importance particulière. En effet, l'obligation pour l'État membre concerné de supprimer une aide incompatible avec le marché commun vise au rétablissement de la situation antérieure (voir, en ce sens, ordonnance Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 38 supra, point 113, et la jurisprudence citée).

76 Par conséquent, dans le cadre d'une demande de sursis à l'exécution de l'obligation imposée par la Commission de rembourser une aide illégalement versée qu'elle a déclarée incompatible avec le marché commun, l'intérêt communautaire doit normalement, sinon presque toujours, primer celui du bénéficiaire de l'aide d'éviter l'exécution de l'obligation de la rembourser avant le prononcé de l'arrêt devant intervenir au principal (ordonnance Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 38 supra, point 114).

77 Ce n'est qu'en présence de circonstances exceptionnelles et dans l'hypothèse où la condition relative à l'urgence est remplie que le bénéficiaire d'une telle aide peut obtenir des mesures provisoires (ordonnance Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 38 supra, points 115 et 116).

78 Or, en l'espèce, la requérante ne remplit pas la condition relative à l'urgence et n'établit pas être confrontée à des circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier une pondération des intérêts en cause en faveur de l'octroi de mesures provisoires.

79 En conséquence, la demande en référé doit être rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1) La demande est rejetée.

2) Les dépens sont réservés.