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Décisions

CJCE, 6e ch., 11 mars 1999, n° C-100/96

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

The Queen

Défendeur :

Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, British Agrochemicals Association Ltd

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Kapteyn

Avocat général :

M. Léger

Juges :

MM. Hirsch, Murray, Ragnemalm, Schintgen

Avocats :

Mes Carr, Cohen, Ford, Vajda, Pannick, de la Mare

CJCE n° C-100/96

11 mars 1999

LA COUR (sixième chambre),

1. Par ordonnance du 3 novembre 1995, parvenue à la Cour le 25 mars 1996, la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division, a posé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 91-414-CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1, ci-après la "directive").

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant British Agrochemicals Association Ltd (ci-après "British Agrochemicals") au Ministry of Agriculture, Fisheries and Food (ci-après le "MAFF") à propos de la légalité des 1994 Control Arrangements (ci-après les "mesures de contrôle de 1994") régissant l'octroi des autorisations de mise sur le marché (ci-après l'"AMM") à des pesticides importés.

3. La directive, qui a été modifiée à plusieurs reprises, établit des règles uniformes régissant les conditions et les procédures d'octroi d'une AMM aux produits phytopharmaceutiques.

4. L'article 2, point 1, de la directive énonce que, par "Produits phytopharmaceutiques", il faut entendre les "substances actives et les préparations contenant une ou plusieurs substances actives qui sont présentées sous la forme dans laquelle elles sont livrées à l'utilisateur" et qui sont destinées à des activités spécifiques.

5. En vertu de l'article 2, point 10, de la directive, constitue une mise sur le marché "Toute remise à titre onéreux ou gratuit autre que remise pour le stockage et expédition consécutive en dehors du territoire de la Communauté. L'importation d'un produit phytopharmaceutique dans le territoire de la Communauté est censée constituer une mise sur le marché au sens de la présente directive".

6. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la directive, "Les États membres prescrivent que les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être mis sur le marché et utilisés sur leur territoire que lorsqu'ils ont autorisé le produit en cause, conformément aux dispositions de la présente directive, à moins que l'usage auquel ils sont destinés ne soit couvert par les dispositions de l'article 22". Il ressort de la demande de décision préjudicielle que l'article 22 ne concerne pas la présente affaire.

7. L'article 4 de la directive énonce les conditions que doit remplir un produit phytopharmaceutique pour être autorisé. Il faut notamment que ses substances actives soient inscrites sur la liste figurant à son annexe I. Aucune substance n'a encore été inscrite à l'annexe I.

8. L'article 8, paragraphe 1, de la directive dispose que les États membres peuvent, afin de permettre une évaluation graduelle des propriétés des nouvelles substances actives et de faciliter la mise à la disposition de l'agriculture de nouvelles préparations, "autoriser, pour une période provisoire n'excédant pas trois ans, la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une substance active ne figurant pas à l'annexe I et pas encore sur le marché deux ans après la notification de la présente directive...", si les critères mentionnés dans cette disposition sont remplis. Son paragraphe 2 précise, notamment, qu'"un État membre peut, pendant une période de douze ans à compter de la date de notification de la présente directive, autoriser la mise sur le marché, sur son territoire, de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non visées à l'annexe I, qui sont déjà sur le marché deux ans après la date de notification de la présente directive".

9. L'article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive prévoit, notamment, que "La demande d'autorisation d'un produit phytopharmaceutique doit être introduite par le responsable de sa première mise sur le marché sur le territoire d'un État membre ou pour le compte de ce dernier, auprès des autorités compétentes de chacun des États membres dans lesquels il doit être mis sur le marché". Selon son paragraphe 2, "Tout demandeur est tenu d'avoir un siège permanent dans la Communauté".

10. Les mesures de contrôle de 1994, qui sont entrées en vigueur le 14 mars 1994, ont été élaborées conformément aux 1986 Control of Pesticides Regulations (S. I. n° 1510, ci-après les "règlements relatifs aux contrôles des pesticides").

11. Les mesures de contrôle de 1994 prévoient qu'il est interdit à toute personne de vendre, de livrer, de stocker, d'utiliser un pesticide ou d'en faire la publicité au Royaume-Uni, à moins que le ministre de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation et le secrétaire d'État ne l'aient conjointement autorisé, à titre provisoire ou définitif, conformément à l'article 5 des règlements relatifs aux contrôles des pesticides, et que toutes les conditions pertinentes soient respectées.

12. Il ressort du dossier au principal que les mesures de contrôle de 1994 prévoient l'autorisation des produits pesticides importés de pays tiers qui sont identiques à des produits bénéficiant d'une autorisation temporaire ou définitive au titre des règlements relatifs aux contrôles des pesticides (ci-après le "produit de référence").

13. Aux termes de l'article 3, sous a), des mesures de contrôle de 1994, un produit importé est réputé identique à un produit de référence si

i) la substance active du produit importé est fabriqué par la même société (ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence) que celle qui fabrique la substance active du produit de référence et est identique à cette dernière, sous réserve des variations qui ont été acceptées par l'autorité compétente en matière d'autorisation,

ii) les composants du produit importé sont fabriqués par la même société (ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence) que celle qui fabrique le produit de référence britannique, et si toutes différences dans la nature, la qualité ou la quantité des composants sont réputées par l'autorité compétente en matière d'autorisation n'avoir aucun effet notable sur la sécurité des hommes, des animaux domestiques, du bétail, de la faune et de la flore ou de l'environnement en général ni sur l'efficacité dudit produit.

14. En vertu de l'article 3, sous b), des mesures de contrôle de 1994, "Lorsqu'un produit importé est fabriqué sous licence, des renseignements sur l'origine de la licence et sur la spécification du produit peuvent être exigés en vue d'établir son identité avec le produit britannique".

15. L'article 6 des mesures de contrôle de 1994 dispose que le dossier à déposer à l'appui d'une demande d'autorisation doit contenir, en premier lieu, une lettre explicative indiquant le nom du produit de référence et celui du produit importé, ainsi que le type d'autorisation demandée, en second lieu, trois copies du projet d'étiquette et, en dernier lieu, tous éléments de nature à établir que le produit à importer est identique, au sens dudit régime, au produit de référence. Il peut s'agir d'un échantillon de l'étiquette originale du produit à importer ou d'une copie de l'étiquette du produit pour lequel l'importateur demande l'autorisation d'importer.

16. L'article 9 des mesures de contrôle de 1994 dispose:

"L'autorité compétente en matière d'autorisation peut exiger la fourniture de tout renseignement complémentaire qu'elle estime nécessaire pour instruire une demande. Lorsqu'elle fait procéder à l'analyse chimique d'échantillons fournis par les demandeurs, elle veille à la confidentialité des résultats."

17. British Agrochemicals, qui est une société anonyme représentant 39 membres de l'industrie phytopharmaceutique, conteste, devant la juridiction de renvoi, la légalité des mesures de contrôle de 1994. Elle soutient que ces mesures sont contraires à la directive dès lors qu'elles autorisent la mise sur le marché d'un produit importé, en raison de son identité avec un produit de référence déjà autorisé sur le territoire britannique à la suite de procédures d'essais, bien que la composition du produit de référence diffère par sa nature, sa qualité et sa quantité de celle du produit importé.

18. Selon British Agrochemicals, la directive ne prévoit pas qu'une AMM soit délivrée, au terme d'une procédure accélérée, en raison de l'identité de la formule des produits de référence et des produits importés. Au contraire, cette société considère que la directive met en place un système rigoureux et contraignant qui suppose que toute délivrance d'une AMM est assujettie à la vérification de la sécurité, de la qualité et de l'effet thérapeutique du produit phytopharmaceutique concerné, au moyen des tests, analyses et essais dûment inventoriés.

19. En revanche, le MAFF prétend que la délivrance d'une AMM à des produits phytopharmaceutiques qui font l'objet d'une importation parallèle n'est pas régie par les dispositions de la directive, laquelle réalise l'harmonisation des seules règles relatives aux demandes initiales de mise sur le marché desdits produits. Toutefois, lorsque ces derniers font déjà l'objet d'une AMM, il ne saurait être recouru à cette procédure complexe. Les mesures de contrôle de 1994 se contenteraient donc d'organiser une procédure simplifiée en vue d'autoriser la mise sur le marché britannique des produits importés identiques aux produits de référence déjà autorisés au Royaume-Uni et qui y sont commercialisés. Elles ne remettraient nullement en cause le système rigoureux et contraignant mis en place par la directive puisque l'objet de ces deux textes serait différent.

20. C'est dans ces conditions que la juridiction de renvoi, considérant que le litige dont elle était saisie nécessitait l'interprétation des dispositions communautaires en la matière, a posé à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes:

"1) La directive 91-414-CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, telle que modifiée, permet-elle à un État membre d'autoriser la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique importé d'un autre État de l'Espace économique européen (EEE) ou d'un pays tiers parce que l'État membre estime que ce produit est identique à un produit phytopharmaceutique de référence qui a déjà été autorisé par cet État membre conformément à l'article 4, paragraphe 1, ou à l'article 8, paragraphe 2, de la directive, le produit importé étant réputé identique au produit de référence lorsque:

a) la substance active du produit importé est fabriquée par la même société (ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence) que celle qui fabrique la substance active du produit de référence et est identique à cette dernière, sous réserve des variations qui ont été acceptées par l'autorité compétente en matière d'autorisation, et que

b) les composants du produit importé sont produits par la même société (ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence) que celle qui fabrique le produit de référence, toutes différences dans la nature, la qualité et la quantité des composants étant réputées par l'autorité chargée de l'enregistrement n'avoir aucun effet notable sur la sécurité des hommes, des animaux domestiques, du bétail, de la faune et de la flore ou de l'environnement en général ni sur l'efficacité dudit produit?

2) La directive 91-414-CEE, du 15 juillet 1991, permet-elle à un État membre d'autoriser la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique importé d'un autre État de l'EEE ou d'un pays tiers comme étant identique (suivant la définition de l'identité donnée dans la première question ci-dessus) à un produit de référence sans faire procéder à aucune analyse des constituants véritables du produit importé avant qu'il ne soit mis sur le marché?

3) En cas de réponse affirmative à la première question, l'article 9, paragraphe 2, de la directive, précitée, permet-il à un État membre d'autoriser la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique importé de pays non membres de l'EEE lorsque l'importateur ou la personne qui met le produit sur le marché n'a pas de siège permanent sur le territoire de l'EEE?"

Sur les première et deuxième questions

21. Par ses première et deuxième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance les conditions dans lesquelles l'autorité compétente d'un État membre peut autoriser la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique importé d'un État membre de l'Espace économique européen (ci-après l'"État EEE") ou d'un pays tiers sur le territoire duquel sa mise sur le marché a déjà été autorisée et qu'elle considère identique à un produit auquel elle a déjà accordé une AMM conformément aux dispositions de la directive.

22. A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon le troisième considérant de la directive, l'utilisation de produits phytopharmaceutiques constitue l'un des moyens les plus importants pour protéger les végétaux et les produits végétaux et pour améliorer la production de l'agriculture. Toutefois, selon le quatrième considérant, cette utilisation peut entraîner des risques et des dangers pour l'homme, les animaux et l'environnement, notamment s'ils sont mis sur le marché sans avoir été examinés et autorisés officiellement et s'ils sont incorrectement utilisés.

23. Il convient ensuite de relever que la directive met en place un ensemble de règles uniformes en ce qui concerne les conditions et les procédures de délivrance des AMM aux produits phytopharmaceutiques, et ce afin, d'une part, d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement et, d'autre part, d'éliminer à l'intérieur de la Communauté les obstacles aux échanges de produits phytopharmaceutiques et de produits végétaux résultant de l'existence de réglementations nationales différentes.

24. La directive prévoit ainsi qu'un produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur le marché d'un État membre et utilisé que s'il a été dûment autorisé conformément aux dispositions de la directive. Par ailleurs, selon la directive, l'importation d'un produit phytopharmaceutique dans le territoire de la Communauté constitue notamment une mise sur le marché.

25. Le Gouvernement du Royaume-Uni prétend que la directive ne s'applique pas dans l'hypothèse où une personne cherche à mettre sur le marché d'un État membre un produit phytopharmaceutique importé d'un État EEE ou d'un pays tiers identique à un autre produit phytopharmaceutique qui a déjà été autorisé et qui est commercialisé dans cet État membre. En ce qui concerne la notion d'identité des produits, ce gouvernement considère que les États membres doivent se référer à la définition qu'en a donnée la Cour dans l'arrêt du 20 mai 1976, De Peijper (104-75, Rec. p. 613).

26. A cet égard, il y a lieu tout d'abord de rappeler que, dans l'arrêt De Peijper, précité, points 21 et 36, la Cour a jugé, dans le cadre des articles 30 et 36 du traité CEE, que, si les autorités sanitaires de l'État membre d'importation disposent déjà, à la suite d'une importation antérieure ayant donné lieu à l'octroi, par elles, d'une AMM, de toutes les indications aux fins du contrôle de l'efficacité et de l'innocuité du médicament, il n'est manifestement pas nécessaire, pour protéger la santé et la vie des personnes, que lesdites autorités exigent d'un second opérateur, ayant importé un médicament en tous points identique ou dont les différences n'auraient aucune incidence thérapeutique, qu'il leur soumette à nouveau les indications susvisées.

27. Il convient ensuite de relever que, dans l'arrêt du 12 novembre 1996, Smith & Nephew et Primecrown (C-201-94, Rec. p. I-5819, point 21), relatif à l'interprétation de la directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, 22, p. 369), telle que notamment modifiée par la directive 87-21-CEE du Conseil, du 22 décembre 1986 (JO 1987, L 15, p. 36, ci-après la "directive 65-65"), la Cour a considéré que cette directive ne saurait trouver à s'appliquer à une spécialité pharmaceutique qui bénéficie d'une AMM dans un État membre et dont l'importation dans un autre État membre constitue une importation parallèle par rapport à une spécialité pharmaceutique bénéficiant déjà d'une AMM dans ce second État membre, au motif que cette spécialité importée ne peut, dans une telle hypothèse, être considérée comme étant mise pour la première fois sur le marché dans l'État membre d'importation.

28. Elle a encore précisé, aux points 25 et 26 de ce dernier arrêt, que l'autorité compétente de l'État membre d'importation doit vérifier que les deux spécialités pharmaceutiques, qui ont pour origine commune d'être fabriquées à la suite d'accords conclus avec le même donneur de licence, ont, sans être en tous points identiques, à tout le moins, été fabriquées suivant la même formule et en utilisant le même ingrédient actif et ont les mêmes effets thérapeutiques.

29. Ce raisonnement est, mutatis mutandis, transposable à la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques.

30. En effet, force est de constater que la directive poursuit notamment des objectifs de protection de la santé publique et d'élimination des entraves aux échanges à l'intérieur de la Communauté comparables à ceux de la directive 65-65 auxquels s'ajoutent par ailleurs des objectifs de protection de la santé animale et de l'environnement. Dans cette perspective, elle met en place un ensemble de règles uniformes en ce qui concerne les conditions et les procédures d'octroi d'une AMM aux produits phytopharmaceutiques.

31. Dès lors, lorsque l'importation dans un État membre d'un produit phytopharmaceutique bénéficiant d'une AMM délivrée selon les dispositions de la directive dans un autre État membre constitue une importation parallèle par rapport à un produit phytopharmaceutique bénéficiant déjà d'une AMM dans l'État membre d'importation, les dispositions de la directive relatives à la procédure de délivrance d'une AMM n'ont pas vocation à s'appliquer.

32. En effet, en présence de deux AMM délivrées conformément à la directive, les objectifs de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement que poursuit celle-ci ne s'imposent pas de la même manière. Dans une telle situation, l'application des dispositions de la directive relatives à la procédure de délivrance d'une AMM irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs et risquerait de se heurter, sans justification, au principe de libre circulation des marchandises énoncé à l'article 30 du traité.

33. Il importe toutefois que l'autorité compétente vérifie, outre l'existence d'une origine commune, que les deux produits phytopharmaceutiques, sans être en tous points identiques, ont, à tout le moins, été fabriqués suivant la même formule et en utilisant la même substance active et ont en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, intéressant l'utilisation du produit.

34. Afin de vérifier que ces conditions sont remplies, l'autorité compétente de l'État membre d'importation dispose, ainsi que la Cour l'a souligné au point 27 de l'arrêt Smith & Nephew et Primecrown, précité, de moyens législatifs et administratifs susceptibles de contraindre le fabricant, son représentant agréé ou le détenteur de licence du produit phytopharmaceutique qui bénéficie déjà d'une AMM à fournir les renseignements dont ils disposent et qu'elle estime nécessaires. L'autorité compétente peut, par ailleurs, avoir recours au dossier déposé dans le cadre de la demande d'AMM du produit phytopharmaceutique déjà autorisé.

35. Enfin, l'article 12 de la directive, relatif aux échanges d'information, doit permettre à l'autorité compétente de l'État membre d'importation de se procurer les documents nécessaires à la vérification.

36. Si, à l'issue de l'examen mené par l'autorité compétente de l'État membre d'importation, cette dernière constate que tous les critères précédemment énoncés sont réunis, le produit phytopharmaceutique à importer doit être considéré comme ayant déjà été mis sur le marché dans l'État membre d'importation et, par conséquent, doit pouvoir bénéficier de l'AMM délivrée au produit phytopharmaceutique déjà présent sur le marché, à moins que des considérations tirées de la protection efficace de la santé humaine, animale et de l'environnement ne s'y opposent.

37. Dans l'hypothèse où l'autorité compétente ne conclurait pas que le produit phytopharmaceutique à importer d'un autre État membre remplit tous les critères précités et où ce produit ne pourrait, par conséquent, pas être considéré comme ayant déjà été mis sur le marché dans l'État membre d'importation, ladite autorité ne pourrait délivrer l'autorisation requise pour la commercialisation du produit phytopharmaceutique à importer que dans le respect des conditions énoncées par la directive.

38. S'agissant de l'importation de produits phytopharmaceutiques d'un État EEE, il convient tout d'abord de relever que la décision n° 7-94 du Comité mixte de l'EEE, du 21 mars 1994, modifiant le protocole 47 et certaines annexes de l'accord EEE (JO L 160, p. 1), a amendé l'annexe II de l'accord sur l'Espace économique européen, consacrée aux réglementations techniques, normes, essais et certifications. Cette décision, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1994, a rendu la directive applicable sur le territoire de l'EEE.

39. Il y a lieu ensuite d'observer que l'article 8 de l'accord sur l'Espace économique européen, approuvé par la décision 91-1-CECA, CE du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993 (JO 1994, L 1, p. 1, ci-après l'"accord EEE"), prévoit, en son paragraphe 1, que "La libre circulation des marchandises entre les parties contractantes est établie conformément aux dispositions du présent accord". Quant à l'article 11 de cet accord, il interdit, entre les parties contractantes, les restrictions quantitatives à l'importation et toutes mesures d'effet équivalent.

40. Dès lors, il convient de considérer, pour des raisons identiques à celles mentionnées au point 33 du présent arrêt, que, lorsqu'une autorité compétente d'un État membre conclut qu'un produit phytopharmaceutique importé d'un État EEE dans lequel il bénéficie déjà d'une AMM délivrée conformément à la directive, sans être en tous points identique à un produit déjà autorisé sur le territoire de l'État membre d'importation, à tout le moins,

- a une origine commune avec ce produit en ce sens qu'il a été fabriqué par la même société ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence suivant la même formule,

- a été fabriqué en utilisant la même substance active et

- a en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, intéressant l'utilisation du produit,

ce produit doit, à moins que des considérations tirées de la protection de la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement ne s'y opposent, pouvoir bénéficier de l'AMM déjà accordée dans l'État membre d'importation.

41. S'agissant de l'importation d'un produit phytopharmaceutique en provenance d'un pays tiers, il y a lieu de relever que les conditions qui ont conduit à écarter l'application des dispositions de la directive relatives à la procédure de délivrance d'une AMM ne sont pas, en l'occurrence, réunies.

42. En effet, un tel produit n'offre pas les mêmes garanties quant à la protection de la santé publique et animale ainsi que de l'environnement que celles offertes par un produit importé d'un État membre de la Communauté ou d'un État EEE dans lequel il dispose déjà d'une AMM délivrée conformément à la directive.

43. Il convient, à cet égard, de relever qu'il n'existe, actuellement, aucune harmonisation, au niveau international, des conditions dans lesquelles les produits phytopharmaceutiques peuvent être mis sur le marché.

44. Force est encore de constater qu'il n'existe pas davantage, sur le plan international, de principe général de libre circulation des marchandises comparable à celui qui prévaut à l'intérieur de la Communauté et auquel celle-ci aurait adhéré.

45. Le Gouvernement du Royaume-Uni soutient toutefois qu'il ne serait pas conforme à l'article 5.1 de l'accord sur les obstacles techniques au commerce qui figure à l'annexe 1A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, approuvé au nom de la Communauté, pour ce qui concerne les matières relevant de ces compétences, par la décision 94-800-CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1, ci-après l'"accord sur les obstacles techniques"), d'interpréter la directive en ce sens qu'est soumise à ses dispositions relatives à la procédure de délivrance d'une AMM la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique importé d'un pays tiers qui est considéré par l'autorité compétente de l'État membre d'importation comme identique à un produit phytopharmaceutique bénéficiant déjà d'une AMM sur son territoire. L'accord sur les obstacles techniques, d'une part, énonce, en son article 5.1.1, le principe de non-discrimination en ce qui concerne l'élaboration, l'adoption et l'application des procédures d'évaluation de la conformité de produits avec des règlements techniques ou avec des normes et, d'autre part, interdit, en son article 5.1.2, que de telles procédures puissent avoir pour objet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international, compte tenu notamment des risques que la non-conformité entraînerait.

46. A cet égard, il suffit de constater que, pour les raisons exposées aux points 43 et 44 du présent arrêt, soumettre aux conditions de délivrance d'une AMM énoncées par la directive un produit phytopharmaceutique importé d'un pays tiers qui ne dispose pas encore d'une AMM délivrée conformément à celle-ci, alors que l'autorité compétente de l'État membre d'importation considère que ce produit est identique à un produit phytopharmaceutique bénéficiant déjà sur son territoire d'une AMM délivrée conformément à la directive, ne saurait être considéré comme discriminatoire ou comme créant un obstacle indu au commerce international.

47. Par conséquent, il y a lieu de constater que la directive s'applique à la mise sur le marché dans un État membre d'un produit phytopharmaceutique importé d'un pays tiers, et ce même si les autorités compétentes de l'État membre d'importation considèrent que ce produit est identique à un produit phytopharmaceutique de référence qui a déjà été autorisé conformément à la directive.

48. Il résulte de ce qui précède que l'autorité compétente d'un État membre ne peut délivrer une AMM à un produit phytopharmaceutique importé d'un pays tiers qui ne dispose pas encore d'une AMM délivrée conformément aux dispositions de la directive dans un autre État membre que dans les conditions prévues par la directive.

Sur la troisième question

49. Eu égard à la réponse donnée aux deux premières questions, il n'y a pas lieu de répondre à la troisième question.

Sur les dépens

50. Les frais exposés par les Gouvernements du Royaume-Uni et hellénique, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division, par ordonnance du 3 novembre 1995, dit pour droit:

1) Lorsqu'une autorité compétente d'un État membre conclut qu'un produit phytopharmaceutique importé d'un État de l'Espace économique européen dans lequel il bénéficie déjà d'une autorisation de mise sur le marché délivrée conformément à la directive 91-414-CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques , sans être en tous points identique à un produit déjà autorisé sur le territoire de l'État membre d'importation, à tout le moins,

- a une origine commune avec ce produit en ce sens qu'il a été fabriqué par la même société ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence suivant la même formule,

- a été fabriqué en utilisant la même substance active et

- a en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, intéressant l'utilisation du produit,

ce produit doit, à moins que des considérations tirées de la protection de la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement ne s'y opposent, pouvoir bénéficier de l'autorisation de mise sur le marché déjà accordée dans l'État membre d'importation.

2) L'autorité compétente d'un État membre ne peut délivrer une autorisation de mise sur le marché à un produit phytopharmaceutique importé d'un pays tiers qui ne dispose pas encore d'une autorisation de mise sur le marché délivrée conformément aux dispositions de la directive 91-414 dans un autre État membre que dans les conditions prévues par cette directive.