CA Besançon, 2e ch. civ., 29 mars 2005, n° 02-02195
BESANÇON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Sermap (SA)
Défendeur :
Jeannerot (ès qual.), Samas Industrie (SARL), Samas Evolution (SARL), Masson (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Sanvido
Conseillers :
MM. Polanchet, Vignes
Avoués :
Me Graciano, SCP Leroux
Avocats :
Mes Bauer, Thiry, Latil
Faits et prétentions des parties
Vu le jugement du 29 octobre 2002 aux termes duquel le Tribunal de grande instance de Vesoul a :
- reçu la SA Sermap en son intervention en qualité d'ayant droit de la SA Tonalis (demanderesse initiale),
- donné acte à la SA Tonalis respectivement à la SA Sermap de ce qu'elle a appelé en intervention forcée Maître Masson, représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SARL Samas Industrie (défenderesse) et Maître Jeannerot, administrateur judiciaire puis commissaire à l'exécution du plan de cession de ladite société,
- débouté la SA Tonalis et la SA Sermap de l'ensemble de leurs demandes tendant pour l'essentiel à voir condamner la SARL Samas Industrie et la SARL Samas Evolution (appelée en intervention forcée) du chef d'actes de contrefaçon de la marque Samas dans la fabrication et commercialisation de tonnes à lisier, d'actes de contrefaçon de modèles de broyeurs à lisier et d'actes de concurrence déloyale,
- reçu la SARL Samas Industrie en sa demande reconventionnelle en contrefaçon de marques,
- prononcé la nullité de l'inscription au Registre national des marques prise sur l'initiative de la SA Tonalis la 1er juillet 1996 sous le n° 203310 et de la publication de l'enregistrement de la marque Samas faite à l'initiative de la SA Tonalis au Bulletin officiel de la propriété industrielle sous le n° 97/38 NL le 19 septembre 1997,
- condamné la SA Sermap à cesser tous actes de fabrication, de commercialisation, d'offre à la vente et d'utilisation en France de toute tonne à lisier ou de tout autre produit et machine agricole sous la marque Samas, sous astreinte de 7 600 euro par infraction constatée pour une durée d'un an, à compter de la signification du jugement,
- ordonné la confiscation aux frais de la SA Sermap de tout matériel précité qui sera fabriqué et vendu à l'avenir sous la marque Samas par la SA Sermap, et la suppression de la marque Samas sur ledit matériel fabriqué mais non encore commercialisé,
- ordonné une expertise en vue de l'évaluation du préjudice subi par la SARL Samas Industrie,
- condamné la SA Sermap à payer à la SARL Samas Industrie une indemnité provisionnelle de 76 000 euro,
- ordonné la publication du jugement,
- déclaré le jugement commun à Maître Masson et à Maître Jeannerot, susnommés,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SA Sermap aux dépens et à verser une indemnité au titre des frais irrépétibles chiffrée à 3 000 euro (pour la SARL Samas Industrie) et 1 000 euro (pour la SARL Samas Evolution);
Vu la déclaration d'appel déposée au greffe le 27 novembre 2002 par la SA Sermap;
Vu l'ordonnance de référé du 9 juillet 2003 aux termes de laquelle l'exécution provisoire du jugement a été arrêtée;
Vu les conclusions récapitulatives des parties, du 15 mars 2004 (pour l'appelante SA Sermap), du 10 mai 2004 (pour Maître Jeannerot, intimé) et du 3 décembre 2003 (pour la SARL Samas Evolution, intimée), auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile pour l'exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens;
Vu l'ordonnance de clôture du 2 décembre 2004;
Vu les pièces régulièrement produites;
Sur ce
L'appel présenté par la SA Sermap dans les formes et délais légaux est recevable.
La régularité de l'intervention de la SA Sermap ayant droit de la SA Tonalis par l'effet de la fusion-absorption de celle-ci par celle-là en date du 30 décembre 1998, retenue à juste titre par les premiers juges pour des motifs auxquels il est expressément renvoyé en tant que de besoin, n'est plus discutée.
Maître Masson, représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SARL Samas Industrie (auprès duquel la SA Tonalis respectivement Sermap a déclaré la créance réclamée devant le Tribunal de grande instance de Vesoul et cette cour), et Maître Jeannerot, administrateur judiciaire devenu commissaire à l'exécution du plan de cession de la SARL Samas Industrie, ont été régulièrement attraits à la présente procédure engagée avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
A défaut de comparution de Maître Masson et de la SA Samas Industrie (assignés à personne), le présent arrêt sera réputé contradictoire.
Il est constant que la SA Sermap ne soutient plus l'action en concurrence déloyale présentée en première instance : son action est donc fondée sur la contrefaçon de la marque Samas d'une part (pour les remorques citernes, épandeurs de lisiers) et sur la contrefaçon de modèles déposés, d'autre part (pour deux broyeurs à lisier).
En ce qui concerne l'action en contrefaçon de modèles, force est de constater que la SA Sermap n'a apporté aucune contradiction au motif pertinent retenu par les premiers juges pour rejeter cette demande, à savoir que la SA Tonalis, qui a déposé les deux modèles concernés auprès de l'INPI le 6 octobre 1992, n'en était pas l'auteur, ceux-ci étant fabriqués depuis 1966 selon les propres documents publicitaires de Tonalis - c'est-à-dire avant la création de cette société.
Au surplus, Maître Jeannerot fait valoir à juste titre que les broyeurs Tonalis-Sermap et les broyeurs Samas Industrie n'ont pas une ressemblance telle que la contrefaçon des premiers par les seconds soit évidente : en particulier, la SA Sermap n'a pas répliqué aux observations adverses quant aux différences au niveau de l'hélice (présentée comme tripale par Sermap et bipale par Samas Industrie) et du palier central, présent sur le modèle 6,50 m Samas Industrie et non sur le modèle Sermap.
En conséquence le jugement entrepris mérite confirmation sur ce chef de demande.
Il en est de même en ce qui concerne la demande de la SA Sermap en contrefaçon de marque.
En effet, la détermination des droits de l'une ou l'autre des parties sur la marque Samas relève de la compétence de cette cour nonobstant les inscriptions successives et contradictoires au Registre des Marques, l'INPI n'exerçant aucun contrôle sur l'authenticité des documents transmis à l'appui des formalités d'enregistrement, condition d'opposabilité aux tiers des opérations effectuées sur les marques en question.
Cette question de la détermination du titulaire de la marque Samas tient toute entière dans l'analyse des contrats d'apport partiel d'actifs conclus le 26 octobre 1991 entre la SA SAMAS et la SA Samas d'une part, entre la SA SAMAS et la SA Tonalis, d'autre part.
Contrairement à ce que fait plaider la SA Sermap, ces contrats sont clairs et ne nécessitent aucune interprétation, pour en déduire comme l'ont fait les premiers juges que l'ensemble des moyens dont la SA SAMAS était propriétaire, y compris la marque Samas, ont été apportés à la SA Samas si chacun de ces contrats prévoit que chaque branche d'activité cédée (tonnes à lisier pour la SA Tonalis, déssilleuses, évacuateurs pour la SA Samas) comprend les droits de propriété industrielle, marques, brevets, know-how relatifs à ladite branche d'activité, pouvant appartenir ou bénéficier à SAMAS, cette formule générale est immédiatement suivie d'une formule spéciale renvoyant, pour la liste de ces droits, à une annexe ; or, le contrat propre à Tonalis ne comporte aucune liste de marques en annexes, alors que le contrat propre à Samas comporte la liste complète des marques détenues par SAMAS, y compris les marques Samas pour 4 classes de produits, c'est-à-dire notamment pour les tonnes à lisier.
De plus, cette distinction (qui n'était pas incohérente dans la mesure où la filiale de SAMAS qui recevait ainsi la marque Samas était aussi celle qui prenait le même nom commercial) a été retenue par le commissaire aux apports, dont les rapports mentionnent expressément l'apport des marques SAMAS à la SA Samas mais pas à la SA Tonalis.
Enfin le changement de propriétaire de la marque Samas a été inscrit au Registre national des marques le 26 mai 1992 sur la base du contrat d'apport partiel précité, au bénéfice de la SA Samas, à un moment où Samas et Tonalis étaient encore toutes deux les filiales de la SAMAS devenue Mercury Holding qui détenait plus de 99 % de capital de chacune d'elles, ce qui infirme la thèse de l'erreur matérielle et/ou de l'ignorance de cette opération défendue par Tonalis - et rend peu crédible l'attestation délivrée le 6 mars 2002 par le dirigeant de l'ancienne maison-mère.
Dès lors que la marque Samas était propriété de la SA Samas depuis 1991 et que ce droit était opposable aux tiers depuis 1992, la SA Sermap ne saurait reprocher à la SARL Samas Industrie (qui a acquis le fonds Samas, y compris les marques, selon un plan de cession homologué par le Tribunal de commerce de Vesoul le 14 avril 1995) d'en avoir fait usage pour les tonnes à lisier que rien ne lui interdisait de fabriquer à son tour, et bien plus, de vouloir faire interdire à Sermap de continuer l'usage que celle-ci fait à tort de cette marque - même si, pour des motifs qui tiennent à l'évidence aux relations qu'avaient les sociétés Samas et Tonalis au sein du groupe SAMAS - Mercury Holding, la SA Samas n'avait pas eu les mêmes exigences envers la SA Tonalis : il n'y a aucune fraude de la part de Samas Industrie aux droits de Tonalis Sermap, qui sont inexistants, ni de mauvaise foi, la SARL Samas Industrie n'ayant fait qu'user d'une marque régulièrement acquise d'une société qui l'avait fait enregistrer à son profit (étant observé que si la SARL Samas Industrie n'a pas réussi a s'opposer à l'inscription prise en 1996 seulement par la SA Tonalis auprès de l'INPI pour la même marque, c'est pour des motifs tenant à l'irrecevabilité de son action faute de transcription à cette date de l'acte de cession de 1995).
Si l'action de la SA Sermap en contrefaçon de marque est mal fondée tant à l'égard de la SARL Samas Industrie qu'à l'égard de la SARL Samas Evolution (repreneur de la SARL Samas Industrie dans le cadre d'un plan de cession homologué par le Tribunal de commerce de Vesoul-Gray le 12 mai 2000), la demande reconventionnelle du même chef introduite par la SARL Samas Industrie et soutenue par le commissaire à l'exécution du plan est recevable, (la prescription ayant été à bon droit écartée par les premiers juges pour des motifs que la cour reprend) et bien fondée en son principe.
La SA Sermap n'a pas critiqué les dispositions du jugement entrepris relatives à la sanction de la contrefaçon de la marque Samas, par des mesures tendant à faire cesser ces actes et à réparer le dommage né de ceux-ci, sous la forme de la publication de la décision et de l'allocation d'une provision sur le préjudice financier, à déterminer par voie d'expertise.
Le jugement du Tribunal de grande instance de Vesoul du 29 octobre 2002 sera donc entièrement confirmé, à l'exception de la disposition portant condamnation de la SA Sermap aux dépens et au paiement des frais irrépétibles au profit de la SARL Samas Industrie, la procédure n'étant pas terminée en première instance entre les parties.
En revanche, la SA Sermap supportera les dépens d'appel et les frais irrépétibles engagés devant la cour par Maître Jeannerot, ès qualités, (à hauteur de 3 000 euro) et par la SARL Samas Evolution (à hauteur de 1 000 euro).
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré, Déclare l'appel de la SA Sermap recevable, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA Sermap à payer à la SARL Samas Industrie la somme de trois mille euro (3 000 euro) pour frais irrépétibles et les dépens, Et statuant à nouveau sur ces points, Dit y avoir lieu à réserver à statuer sur les dépens et les frais irrépétibles jusqu'à l'issue de la procédure de première instance entre la SA Sermap d'une part, la SARL Samas Industrie, d'autre part, Confirme le jugement pour le surplus en toutes ses dispositions, Condamne la SA Sermap à payer à Maître Jeannerot, ès qualités de Commissaire à l'exécution du plan de la SARL Samas Industrie, la somme de trois mille euro (3 000 euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la SA Sermap à payer à la SARL Samas Evolution la somme de mille euro (1 000 euro) du même chef, Condamne la SA Sermap aux dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Leroux, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.