Cass. soc., 5 décembre 2007, n° 06-41.267
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Texier (faisant fonction)
Avocats :
Me Blondel, SCP Célice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Vu la connexité, joint les pourvois n° 06-41.267 et 06-41.346 ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 janvier 2006), que Mme X a été engagée par la société Lablabo en qualité de cadre, le 31 août 1998, selon contrat du 15 septembre suivant ; qu'ayant dénoncé à son employeur en décembre 2002 des faits de harcèlement moral dont elle aurait été l'objet depuis son absence pour maternité, elle a saisi la juridiction prud'homale en résiliation de son contrat ; qu'elle a été licenciée pour faute lourde le 23 janvier 2003 ;
Sur le pourvoi de l'employeur : - Sur le premier moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer une prime pour les années 2001 et 2002, alors, selon le moyen : 1°) qu'il appartient au salarié qui réclame le versement d'un avantage contractuel de rapporter la preuve qu'il remplit bien les conditions pour en bénéficier ; qu'en faisant peser sur la société Lablabo la charge de prouver que Mme X n'avait pas atteint les objectifs qui lui avaient été fixés pour les années 2001 et 2002, et en présumant au contraire que la salariée avait rempli ses obligations de ce chef, ce qui était au demeurant formellement contesté par l'exposante, la cour d'appel violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article L. 121-1 du Code du travail ; 2°) qu'il en va d'autant plus ainsi que Mme X, qui n'avait jamais revendiqué le paiement de la prime variable pendant l'exécution de son contrat, faisait valoir dans ses propres écritures que cette prime aurait été due non parce qu'elle avait atteint ses objectifs, mais seulement parce que son versement aurait été contractualisé, indépendamment de ses résultats, thèse qui a été expressément écartée par la cour d'appel ; qu'en condamnant dès lors la société Lablabo au paiement de la prime variable faute de rapporter la preuve que Mme X n'avait pas atteint ses résultats, cependant que cette dernière ne prétendait même pas les avoir atteints, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve et des faits qui lui étaient soumis, sans inverser la charge de la preuve, ni méconnaître les termes du litige, a constaté d'abord que la prime avait été payée de 1998 à 2000, ensuite que la salariée n'avait pas fait l'objet de critiques sur son travail avant son licenciement, et enfin que l'évaluation nécessaire à l'octroi de cet avantage salarial n'avait pas été faite par l'employeur pour les deux années en litige ; qu'elle a pu en déduire que la prime variable était due, l'employeur n'établissant pas que les objectifs n'avaient pas été atteints en 2001 et 2002 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen : - Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer une indemnité visant à réparer le préjudice causé par une clause analysée comme constituant une clause de non-concurrence illicite, alors, selon le moyen, qu'une clause du contrat ne peut être qualifiée de clause de non-concurrence devant donner lieu à compensation financière, que si elle interdit au salarié d'exercer une activité concurrente de celle de l'employeur ; qu'en l'espèce la clause de confidentialité du contrat de Mme X, quel que soit son contenu, n'avait vocation à s'appliquer que pendant la durée du contrat de travail, et n'instituait aucune obligation postérieure à la durée de celui-ci ; qu'en décidant que les parties étaient liées par une clause de non concurrence, et non par une clause de confidentialité, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que la clause litigieuse avait été rappelée à la salariée dans la lettre de licenciement et lui interdisait de s'intéresser à toute entreprise susceptible de faire concurrence à l'activité de la société Lablabo, a pu en déduire qu'elle excédait la portée d'une clause de confidentialité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le pourvoi de la salariée : - Sur les premier et deuxième moyens : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen : - Vu les articles L. 122-6, L. 122-14-3 et L. 122-49 du Code du travail ; - Attendu que pour décider que le licenciement reposait sur une faute grave, la cour d'appel, après avoir écarté les faits de harcèlement invoqués par la salariée aux motifs qu'ils n'étaient pas prouvés ou qu'ils ne revêtaient un tel caractère, a retenu qu'ils étaient mensongers ; qu'elle a de même considéré que le refus de prendre des jours de congés payés et de RTT constituait un refus d'obtempérer ;
Attendu cependant, d'une part, que ne sont mensongers que les faits de harcèlement que le salarié savait être inexacts au moment où il les dénonce à son employeur ou à une autorité ;
Attendu, d'autre part, que l'employeur, qui estime que le salarié ne peut pas rester physiquement dans l'entreprise, ne peut obliger celui-ci à prendre des jours de congés payés ou de RTT ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi n° 06-41.346 ; Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a retenu que le licenciement de la salariée était fondé sur une faute grave, l'arrêt rendu le 10 janvier 2006, entre les parties, par la Cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble.