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Décisions

CA Douai, 6e ch. corr., 23 novembre 2006, n° 06-01458

DOUAI

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marie

Conseillers :

MM. Lemaire, Cadin

Avocat :

Me Lecomte

CA Douai n° 06-01458

23 novembre 2006

Rappel de la procédure

Monsieur X Noël a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel d'Hazebrouck, pour avoir à Renescure et Saint-Omer de février 1998 à avril 2003, et en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit :

- employé un salarié, Monsieur Eddie Levert, en se soustrayant intentionnellement à l'obligation de transmettre à l'organisme de recouvrement des cotisations du régime général de sécurité sociale la déclaration nominative préalable à l'embauche du salarié.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 362-3 al. 1, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320, L. 143-3, L. 362-4, L. 362-5 du Code du travail.

Par jugement contradictoire du 26.03.06 le tribunal a retenu se culpabilité et l'a condamné à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 500 euro d'amende.

Les appels:

Monsieur X Noël a interjeté appel des dispositions de cette décision le 5.04.06.

Le Ministère public a formé appel incident le 6.04.06.

A l'audience de la cour

* le prévenu a comparu assisté de son avocat qui a plaidé l'infirmation du jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité en déposant des conclusions à cet effet ;

* le Ministère public a requis la confirmation de ce jugement ;

I Rappel des faits

Le 17.01.01 les gendarmes interpellaient à Renescure le conducteur d'un véhicule utilitaire, immatriculé dans le département de Haute-Garonne présentant le logo de la société Y, pour procéder au contrôle des documents de transport.

Le conducteur, Monsieur Levert Eddie, leur déclarait exercer une activité de messagerie pour cette société ayant son siège à Toulouse, dans le cadre d'un contrat de franchise signé le 16.02.98, et reconnaissait qu'il n'était pas titulaire d'une licence de transport intérieur délivrée par la direction régionale de l'équipement.

Le 5.02.01 il précisait, lors se son audition, qu'il avait répondu en février 1998 à une annonce dans le journal " La Voix du Nord " passée par cette société, que sa candidature avait été retenue après une réunion organisée dans un restaurant par le responsable des franchisés, et qu'il avait suivi un stage de trois jours à Toulouse où il avait dû remettre un chèque de 120 600 F correspondant à son droit d'entrée.

Il ajoutait qu'à l'issue de son stage on lui avait imposé le secteur de Saint-Omer, et non celui de Dunkerque-Hazebrouck mentionné à son contrat dont il n'avait pas pu négocier les clauses.

Il prétendait enfin qu'il ne se considérait pas comme un transporteur indépendant, ayant " pieds et mains liés par Y " qui imposait des horaires, établis entre le responsable commercial et le client, l'empêchant de disposer de son temps pour se restaurer le midi, et qui établissait les tarifs en fonction du client et du poids des colis.

Monsieur X Noël faisait valoir que sa société avait mis au point une méthode de transport de colis de proximité, en pièces détachées de matériel électrique, plomberie et quincaillerie, permettant d'approvisionner les clients des grossistes, dans chaque département, deux fois par jour, et qu'il disposait d'un savoir-faire qui a amené la création d'un réseau de franchisés recrutés auprès d'entreprises indépendantes de transport.

Il expliquait que chaque contrat était précédé d'une " rencontre " au cours de laquelle il était donné aux intéressés les premières informations par la remise d'un ensemble de documents précontractuels laissant courir un délai de réflexion de 20 jours, puis d'un stage au siège de la société.

Il affirmait que Monsieur Levert Eddie en avait bénéficié, en ce compris le délai de réflexion, et que celui-ci s'était montré laxiste et désinvolte puisqu'il avait été informé de l'obligation qu'il avait à compter de l'année 2000 d'être titulaire d'une licence de transport intérieur.

Monsieur X Noël était poursuivi devant le tribunal correctionnel qui rendait le jugement entrepris.

Les prétentions :

- Le Ministère public prétend que l'infraction est constituée en tous ses éléments, Monsieur X Noël ayant déjà été condamné pour des faits identiques concernant le même type de contrat.

- le prévenu fait valoir qu'il ne pouvait pas être pénalement responsable de la société SA Y puisqu'il n'appartenait pas au directoire et était uniquement président du conseil de surveillance, il soutient, à titre subsidiaire, que les déclarations de Monsieur Levert Eddie ont été contredites par le responsable commercial de la société avec laquelle il n'existait aucun lien de subordination susceptible de caractériser un contrat de travail, le franchisé restant entièrement indépendant, avec la possibilité de se faire assister par la personne de son choix pour l'exécution de ses tournées et de les organiser librement, indiquant par ailleurs que Monsieur Levert Eddie avait reconduit son contrat, ce qui démontrait qu'il en était satisfait.

Sur ce :

Attendu que le contrat de franchise de Monsieur Eddie Levert a été conclu le 16.02.98 au nom de " la société Y SARL " et non de la société anonyme portant la même dénomination Y Exploitation, laquelle, au regard de l'article 3 du contrat, ne faisait qu'apporter " appui et assistance " aux franchisés ;

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'à cette date le prévenu était le gérant de cette SARL ;

Que sa gérance est établie par l'extrait Kbis délivré par le greffe du Tribunal de commerce de Toulouse ;

Qu'en cette qualité il était pénalement responsable de cette société à défaut de justifier d'une délégation de pouvoir qu'il n'invoque d'ailleurs pas ;

Attendu qu'il ressort des déclarations du responsable commercial de la société Y que la politique des prix était imposée par celle-ci, et qu'il était chargé, à cet effet, d'établir les contrats et de fixer les tarifs ;

Qu'il a même précisé avoir été " montré du doigt " par sa direction parce qu'il avait l'habitude lors des négociations de faire participer le franchisé ;

Que cette déposition concorde avec celle de Monsieur Levert Eddie ;

Attendu que ce dernier, en sa qualité de travailleur indépendant, commerçant, inscrit au registre du commerce, devait disposer de la liberté de fixer les prix en fonction de ses charges, notamment s'il pouvait, comme le prétend le prévenu, employer du personnel pour l'organisation de ses tournées ;

Que le priver de cette possibilité lui faisait perdre toute autonomie, lui retirait toute initiative pour développer une clientèle, et le plaçait sous un lien de subordination qui l'a également amené, comme en témoignent les pièces de la procédure, à travailler sur un secteur (Saint-Omer Renescure Tilques Watten Arques) différent de celui qu'il avait choisi et qui était pourtant expressément mentionné au contrat (Dunkerque-Hazebouck) ;

Attendu que la reconduction du contrat par Monsieur Levert Eddie, loin de justifier les prétentions du prévenu, s'explique par la condition qui s'imposait à lui, à défaut de perdre son droit d'entrée, de présenter un cessionnaire agréé par la société Y et qui devait lui verser un droit " au moins égal à 50 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes de l'exercice précédant la cession, avec un minimum égal au droit d'entrée versé par le franchisé cédant " ;

Attendu que le prévenu a déjà été condamné définitivement, à deux reprises, pour des faits similaires ;

Que l'infraction est caractérisée dans tous ses éléments et que le jugement attaqué doit donc être confirmé tant sur la déclaration de culpabilité que sur les peines prononcées qui ont été exactement appréciées par le tribunal ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, et contradictoirement ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Dit que la présente décision est assujettie au droit fixe de procédure de 120 euro dont est redevable le condamné.