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Décisions

CA Nîmes, ch. soc., 13 décembre 2006, n° 06-00280

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Fesquet

Défendeur :

Ripert (ès qual.), Défigroup (SAS), CGEA de Marseille UNEDIC AGS - Délégation régionale Sud-Est

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tournier

Conseillers :

M. Thomas, Mme Olive

Avocats :

SCP Cohen Thevenin Charbit, Mes Nadal, Lemaire, Bonzi-Etienne

Cons. prud'h. Avignon, sect. com., du 14…

14 décembre 2005

Faits procédure et prétentions des parties

La société SAS FCF qui exploite au plan national un réseau de franchise "Fastway" spécialisé dans le transport de petits colis, concédait, le 30 octobre 2002, à la société Fastlink le droit d'exploitation au niveau régional pour le Gard et le Vaucluse.

La société Fastlink devenue Défigroup, dénommée franchiseur régional, créait dans son secteur concédé un réseau de franchisés et, concluait le 15 avril 2003, un contrat de franchise avec la société Iolaos, société unipersonnelle à responsabilité limitée, gérée par Monsieur Fesquet dénommée dans le contrat courrier franchisé.

Par lettre recommandée du 22 mars 2004, la société Fastlink notifiait à la société Iolaos et pour elle son gérant Monsieur Fesquet, la résiliation de plein droit avec effet immédiat du contrat de franchise, en application de l'article 14.2 du contrat et lui demandait de restituer l'ensemble des matériels, documents et imprimés demeurant la propriété du franchiseur national.

Par courrier recommandé du 22 mai 2004, Monsieur Fesquet prenait acte de la rupture qu'il imputait à la société Défigroup anciennement Fastlink, ayant refusé d'appliquer à son égard les dispositions du Code du travail.

Estimant que le contrat de franchise était en réalité soumis au Code du travail, Monsieur Fesquet saisissait le Conseil de prud'hommes d'Avignon, le 17 mai 2004, afin d'obtenir la restitution du montant du droit d'entrée et des frais de formation, le paiement d'un rappel de salaires et d'heures supplémentaires outre les congés payés ainsi que des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 9 décembre 2004, le Tribunal de commerce d'Avignon ouvrait une procédure de redressement judiciaire simplifié à l'encontre de la société Défigroup anciennement dénommée Fastlink et par jugement du 12 janvier 2005, la liquidation judiciaire de cette société était ordonnée et Maître Ripert désigné, en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 14 décembre 2005, le Conseil de prud'hommes d'Avignon se déclarait incompétent au profit du Tribunal de commerce d'Avignon et mettait hors de cause le CGEA de Marseille, délégation régionale Unedic AGS, Sud-Est.

Monsieur Fesquet formait contredit à l'encontre de ce jugement le 21 décembre 2005. Il demande l'infirmation du jugement déféré et de:

- dire que le Conseil de prud'hommes d'Avignon est compétent.

- par voie d'évocation, dire que la société Défigroup anciennement Fastlink est redevable à son égard des sommes suivantes que l'AGS et la CGEA de Marseille, délégation du Sud-Est devront garantir:

* 11 500 euro correspondant au titre du droit d'entrée et de la formation initiale;

* 7 500 euro au titre des frais d'établissement et de constitution de la société Iolaos;

* 12 436,71 euro, au titre des rappels de salaire;

* 6 475,92 euro, au titre des heures supplémentaires;

* 1 891,26 euro, au titre des indemnités de congés payés;

* 1 291,94 euro, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

* 7 300 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.

- condamner Maître Ripert, ès qualités de liquidateur de la société Défigroup à lui délivrer les bulletins de paie de mai 2003 à mars 2004, l'attestation destinée à l'ASSEDIC et le certificat de travail, sous astreinte et à lui payer la somme de 1 500 euro, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'AGS et le CGEA de Marseille, délégation régionale Unedic AGS Sud-Est, concluent à la confirmation du jugement au motif que le contrat de franchise dont il est demandé la requalification n'a pas été conclu entre le demandeur et la société Fastlink devenue Défigroup mais entre cette dernière et une société à forme commerciale par nature. Ils soutiennent que le contrat de franchise ne peut pas être confondu avec un contrat de travail, d'autant qu'il n'existait aucun lien de subordination et demandent que l'affaire soit renvoyée devant le Tribunal de commerce d'Avignon. Subsidiairement, ils rappellent les limites de leur garantie.

Maître Ripert, mandataire liquidateur de la société Défigroup, bien que touché par la convocation, ne s'est ni présenté ni fait représenter.

Motifs de la décision

Sur la compétence:

A l'appui de son contredit, Monsieur Fesquet soutient que:

- les conditions de l'article L.781-1 du Code du travail sont remplies puisqu'il a exercé une activité de transport pour le compte d'une seule entreprise, que le local dans lequel l'activité était exercée était fourni par cette entreprise, que les transports étaient réalisés aux tarifs imposés par cette entreprise et qu'il a travaillé selon les conditions dictées par cette entreprise;

- la constitution de la société Iolaos imposée par la société Fastlink est un montage juridique qui ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions du Code du travail à son profit;

Aux termes de l'article L. 781-1-2° du Code du travail, les dispositions du Code du travail qui visent les apprentis, ouvriers, employés travailleurs sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agrée par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par la dite entreprise.

Il résulte de ce texte que si les conditions susénoncées sont réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du Code du travail sont applicables, sans qu'il soit besoin d'établir l'existence d'un lien de subordination.

Le fait que le contrat de franchise ait été conclu par la société unipersonnelle dont Monsieur Fesquet était le gérant n'interdit pas à ce dernier de se prévaloir des dispositions précédentes en invoquant une fictivité de l'EURL dont la constitution lui aurait été imposée.

Il résulte des éléments produits au débat qu'il était inséré une clause d'exclusivité et de non- concurrence pendant toute la durée du contrat et pendant une période d'un an à compter de sa résiliation selon laquelle Monsieur Fesquet s'interdisait, sur la région dont son territoire exclusif fait partie, pour son propre compte ou pour le compte de tout tiers, de concevoir, développer, produire, vendre, commercialiser, distribuer ou entretenir des produits, services ou prestations similaires ou concurrents à ceux conçus, développés, produits, vendus, commercialisés ou entretenus par le réseau Fastway. Monsieur Fesquet ne pouvait donc travailler qu'avec la société Fastlink.

Monsieur Fesquet devait collecter auprès de la clientèle un certain nombre d'informations énumérées dans un document intitulé Analyse de Fret, remis à un commercial de la société Fastlink, chargé de conclure la vente. Dès lors, les contacts obtenus par Monsieur Fesquet étaient traités et finalisés par un préposé de la société Fastlink.

La société Fastlink imposait l'utilisation de vignettes de couleur différente selon la nature du transport de colis à effectuer, et elle vendait préalablement à Monsieur Fesquet les vignettes selon un tarif établi par ses soins.

Tous les tarifs et les marges étaient établis par la seule société Fastlink devenue Défigroup, ainsi que cela ressort des grilles tarifaires destinées aux clients, et l'intégralité du chiffre d'affaires de Monsieur Fesquet se réalisait par la vente de vignettes.

En outre, la société Fastlink faisait établir une feuille de route hebdomadaire lui permettant de contrôler la clientèle exploitée par Monsieur Fesquet. Elle dressait mensuellement un état des enlèvements, des livraisons, des nouveaux clients et du chiffre d'affaires réalisé.

Les conditions dans lesquelles ces transports de colis devaient être réalisés obéissaient à des prescriptions minutieuses imposant la possession constante d'un petit matériel dans le véhicule.

Ce dernier devait recevoir sur la carrosserie des inscriptions obligatoires et était soumis à des dimensions et à une couleur. Egalement Monsieur Fesquet devait revêtir le port d'une tenue qui était obligatoire.

Enfin la société Fastlink mettait à la disposition de Monsieur Fesquet un dépôt afin de lui fournir une plate forme permettant le transfert de colis et de centraliser les opérations du réseau.

Monsieur Fesquet y disposait d'une zone personnelle qu'il devait garder propre et entretenir lui-même.

Les transports étaient donc exécutés pour le compte exclusif de la société Fastlink aux tarifs et conditions imposés par celle-ci.

L'AGS et le CGEA de Marseille considèrent que seule la juridiction commerciale est compétente pour connaître d'un litige opposant deux sociétés commerciales puisque le contrat de franchise a été conclu entre la société Iolaos gérée par Monsieur Fesquet et la société Fastlink devenue Défigroup.

Il ressort des pièces produites que la société Fastlink, en sa qualité de franchiseur régional, exigeait de ses futurs contractants la création d'une société commerciale.

En l'espèce Monsieur Fesquet était seul au sein de cette EURL et était directement destinataire de toutes les lettres à son domicile personnel.

Monsieur Fesquet, qui a dû se conformer aux directives de la société Fastlink pour pouvoir exercer l'activité de transport de colis dans le cadre du réseau Fastway, a été obligé de créer une société unipersonnelle.

L'AGS et le CGEA de Marseille sont donc mal fondés à invoquer la compétence de la juridiction commerciale au motif que le contrat de franchise a été conclu entre deux sociétés commerciales alors que l'activité, objet dudit contrat, a été, en fait, pratiquée par Monsieur Fesquet.

Ce dernier devait recueillir les commandes auprès de clients dont les tarifs n'étaient pas fixés par lui, acheminer les colis dans des conditions et des modalités qui lui étaient toutes imposées et ne pouvait exercer sa profession que par l'intermédiaire d'un local d'expédition fourni par la société Défigroup.

Il est donc établi que l'activité exercée par Monsieur Fesquet, réunit l'intégralité des conditions de fait exigées par l'article L. 781-1 du Code du travail.

Le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a retenu la compétence de la juridiction commerciale.

Sur le fond:

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il y a lieu d'ordonner l'évocation de l'affaire au fond afin qu'il soit donné au litige une solution définitive conformément aux dispositions de l'article 89 du nouveau Code de procédure civile.

Il convient d'ordonner la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent contradictoirement sur le fond, étant observé que l'AGS et le CGEA de Marseille n'ont pas conclu sur les demandes en paiement des rappels de salaires, heures supplémentaires et diverses indemnités réclamées par Monsieur Fesquet, se bornant à rappeler les règles applicables au niveau de la garantie due.

Par ces motifs, Infirme le jugement déféré; Et statuant à nouveau, Dit que le Conseil de prud'hommes d'Avignon était compétent pour connaître du litige; Evoquant, Ordonne la réouverture des débats à l'audience du Mercredi 14 mars 2007 à 14H00, afin que les parties s'expliquent contradictoirement sur le fond et exposent leurs prétentions financières en les détaillant; Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation régulière des parties.