Livv
Décisions

CA Toulouse, 4e ch. soc. sect. 2, 13 octobre 2006, n° 2005-4602

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AGS - CGEA Midi-Pyrénées (Sté)

Défendeur :

Compain, Rey (ès qual.), Vinceneux (ès qual.), France Acheminement (SARL), France Acheminement Exploitation (SA), ELS (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Darde

Conseillers :

M. Treilles, Mme Pellarin

Avocats :

SCP Saint Geniest Guerot, SCP Threard-Leger-Bourgeon-Meresse

Cons. prud'h. Toulouse, du 28 juin 2005

28 juin 2005

Faits et procédure

A effet du 1er mars 1998 Steve Compain s'engageait dans un acte qualifié " contrat de franchise " avec la SARL France Acheminement qui pour les besoins de son activité était assistée de la SA France Acheminement Exploitation et de la SARL ELS, toutes trois formant un groupe pour une seule et même entreprise dénommée France Acheminement, dont l'activité était la distribution de petits colis sur tout le territoire français.

Après la mise en redressement judiciaire des trois sociétés intervenue le 17 décembre 2002 pour la SA France Acheminement Exploitation, le 7 janvier 2003 pour SARL France Acheminement et la SARL ELS, la liquidation judiciaire était prononcée respectivement les 22 avril, 6 juin et 11 février 2003.

Le contrat de franchise prenait fin de fait à la date du 22 avril 2003 sur laquelle s'accordent les parties.

Par jugement du 8 août 2003 les procédures collectives étaient jointes et Me Rey et Me Vinceneux, mandataires judiciaires, étaient désignés co-liquidateurs.

Steve Compain, ci-après le demandeur, saisissait le Conseil de prud'hommes de Toulouse le 16 juillet 2003 en se prévalant d'un contrat de travail, pour obtenir le paiement:

- d'une indemnité de licenciement,

- d'un rappel de salaire notamment pour heures supplémentaires,

- d'une indemnité de préavis,

- d'une indemnité de congés payés,

- de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de dommages-intérêts pour non inscription au régime général de Sécurité sociale,

ainsi que le remboursement du droit d'entrée versé dans le cadre du contrat de franchise, et la remise des documents salariaux.

Saisi de demandes additionnelles, notamment pour obtenir la garantie de l'AGS qui est intervenue en cours d'instance, le conseil de prud'hommes dans son jugement du 28 juin 2005, après avoir requalifié le " contrat de franchise " en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet et considéré que les trois sociétés étaient l'employeur a:

- dit que l'emploi occupé par le demandeur correspond au groupe 4 (coeff. 175) de la classification de l'annexe 3 de la convention collective nationale des transports routiers, relatif aux techniciens et agents de maîtrise;

- dit que la rupture du contrat, intervenue le 22 avril 2003 est imputable à l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- fixé ainsi qu'il suit la créance du demandeur, in solidum dans les trois liquidations judiciaires:

* 2 395,89 euro d'indemnité de licenciement

* 3 091,48 euro d'indemnité compensatrice de préavis

* 35 000 euro de dommages-intérêts,

* 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

* 48 613,56 euro de rappel de salaire en montant net.

- rejeté la demande d'indemnité compensatrice de congés payés et de surplus de rappel de salaire;

- ordonné au mandataire liquidateur la remise des documents salariaux;

- dit que le jugement était opposable à l'AGS à défaut de fonds disponibles, dans les limites de la loi et à l'exclusion de l'indemnité pour frais irrépétibles.

Par déclaration reçue au greffe le 4 août 2005 l'AGS a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 8 juillet 2005.

Prétentions et moyens

L'AGS et les deux mandataires concluent ensemble à la réformation du jugement attaqué dans ses dispositions relatives à la classification du salarié et au rappel de rémunération.

Ils déclarent s'en rapporter à justice sur la requalification du contrat de franchise sauf pour le demandeur à rapporter la preuve de ce que sont remplies les trois conditions de l'article L. 781-1-2° du Code du travail et à défaut soulèvent l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes au profit du Tribunal de commerce de Toulouse.

Ils s'en rapportent également sur l'indemnité de préavis et de licenciement.

Selon eux en cas de requalification le demandeur doit être classé et le rappel de rémunération calculé sur la base du groupe 3 bis de la convention collective, la créance éventuelle ne pouvant être déterminée que par déduction du salaire minimum conventionnel net, du résultat net obtenu dans le cadre de l'activité franchisée, et après prise en compte des jours fériés, des temps de repos et de repos et des jours de congés dans le cas où devraient être admises des heures supplémentaires.

Ils ajoutent que les indemnités de congés non pris ne peuvent se cumuler avec les salaires, et que le demandeur ne rapporte pas la preuve d'avoir été empêché de prendre des congés qu'il n'a pas sollicités,

L'AGS rappelle les limites et conditions de sa garantie de laquelle doit être exclue en ce qui concerne le remboursement d'un droit d'entrée, la réparation du préjudice invoqué au titre des conditions de travail ou défaut d'affiliation aux organismes sociaux, les frais irrépétibles, les dépens et la provision en cas de recours à un technicien.

L'AGS demande enfin d'ordonner la restitution des sommes versées en exécution provisoire du jugement.

Pour le détail de l'argumentation des appelants il est renvoyé à leurs écritures, en application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

Il sera seulement résumé ici les moyens de défense principalement proposés:

- l'activité des franchisés se limitait à la distribution et au ramassage des colis de sorte que le salarié ne peut pas relever de la catégorie revendiquée puisqu'il n'était pas chef d'agence et ne disposait d'aucune autonomie comme le rappelle le contrat;

- la prescription quinquennale doit être appliquée;

- le résultat d'exploitation ayant déjà supporté les charges sociales, la comparaison avec le minimum conventionnel doit se faire à partir de sommes nettes et la garantie de l'AGS ne peut aller au-delà du minimum conventionnel;

- le calcul des heures supplémentaires à partir d'une journée-type est purement théorique et nécessite un décompte qui n'est pas produit et qui doit prendre en considération les temps de pause et les caractéristiques spécifiques de chaque tournée;

- l'indemnité de congés payés ne peut se cumuler avec le salaire, de sorte qu'elle ne peut être allouée au salarié qui a travaillé pendant la période de congés, et il n'est pas démontré que le demandeur a été empêché de prendre ses congés;

- le repos compensateur ne peut être payé si cet avantage, comme cela est soutenu, n'a pas été pris, et alors qu'en cas de préjudice démontré il ne peut s'agir d'un rappel de salaire;

- la réparation sur le fondement des articles L. 122-14-4 ou L. 122-14-5 du Code du travail ne peut être que de principe puisque l'activité a pu être poursuivie malgré la rupture de la franchise;

- le droit d'entrée, qui est exclu de la garantie de l'AGS ne peut être à la charge de la société France Acheminement lorsqu'il a été racheté au prédécesseur, et dans tous les cas a déjà été pris en compte dans l'évaluation du rappel de rémunération puisqu'il a eu une incidence sur la détermination du résultat d'exploitation;

Steve Compain poursuit la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a évalué les créances qui lui ont été reconnues à l'exception de l'indemnité de préavis et a rejeté la demande d'indemnité de congés payés.

Il réclame ainsi par réformation:

- 7 553,91 euro en somme brute, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

- 65 000 euro de dommages-intérêts compte tenu de son ancienneté

- 9 833,95 euro de rappel de salaire par référence au minimum garanti conventionnel

- 53 775,82 euro de rappel de salaire pour heures, supplémentaires

Le demandeur fait valoir que toutes les conditions sont réunies pour l'application de l'article L. 781-1 du Code du travail et que la requalification a déjà été admise à l'encontre de la société France Acheminement dans le cadre d'autres instances.

Sur la requalification il soutient que la définition des fonctions réellement exercées conduit à retenir la classification d'agent de maîtrise comme l'a admis à bon droit le conseil de prud'hommes, puisque chaque salarié était responsable du bon fonctionnement de sa tournée, de son organisation, de la gestion du bail du local d'exploitation, de l'embauche et de la gestion du personnel, de la gestion comptable, fiscale, et du règlement des litiges.

Rappelant que les parties se sont accordées pour fixer à 23 % le taux des charges salariales pour déterminer la rémunération nette minimale garantie il propose la comparaison avec le résultat comptable réellement obtenu dans l'activité exercée, compte tenu des bénéfices et déficits.

Sur les heures supplémentaires il indique que les pièces produites permettent de considérer qu'au regard de la nature de la mission, exigeant notamment de grands déplacements et du temps, la durée hebdomadaire du travail atteignait 60 heures et que par souci de simplification il a accepté de cantonner le rappel de salaire à compter de la 40e heure.

Il reproche au conseil de prud'hommes d'avoir rejeté la demande d'indemnité compensatrice de congés payés au motif que l'empêchement allégué n'est pas imputable à l'employeur, alors qu'il faut rechercher si les horaires des salariés leur permettaient de prendre les congés auxquels ils avalent droit et qu'en l'espèce pour pouvoir honorer leurs engagements contractuels il n'avait d'autre choix que de renoncer à ses droits ou d'embaucher à ses frais un salarié dans les rares cas où il devait être remplacé.

Il indique que l'article L. 122-12 du Code du travail ne pouvant être appliqué il n'y a pas eu de reprise du contrat de travail de sorte que l'indemnité de licenciement reste due.

Il fait enfin valoir que la réparation du préjudice découlant de la perte de l'emploi salarié doit prendre en compte l'absence de revenus pendant plusieurs mois, l'ancienneté, mais aussi l'obligation de payer un droit d'entrée, de réinvestir pour créer une nouvelle structure d'exploitation, et le défaut de couverture sociale.

Sur quoi

Vu les articles L. 122-4, L. 122-8, L. 122-14, L. 212-1-1 et suivants, L. 781 -1 du Code du travail.

Sur la demande de requalification du contrat liant les parties

Attendu que dans la recherche de la véritable qualification du lien contractuel qui unit les parties, le juge ne doit pas s'arrêter aux termes qu'elles ont employés, l'existence d'une relation pouvant déterminer un contrat de travail n'étant dépendante ni de la volonté qu'elles ont exprimée, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs;

Attendu qu'il y a contrat de travail lorsque la prestation est exécutée sous l'autorité d'une personne qui a le pouvoir de donner des ordres ou des directives, s'inscrivant ainsi dans un rapport de subordination, de manière à en contrôler l'exécution, et à sanctionner les manquements pouvant être commis;

Attendu qu'en l'espèce il ressort des pièces produites que le demandeur était intégré dans un service organisé de tournées de distribution et de ramassage de colis et que la convention indique qu'à l'intérieur d'un secteur elles sont exécutées dans une plage horaire très précise et selon un kilométrage déterminé imposé au travailleur qui reçoit une formation réalisée en interne par la société France Acheminement, et se complétant sur le terrain d'une tournée en double avec un tuteur; qu'il est encore mentionné que la société France Acheminement Exploitation assure pour le compte des franchisés, l'essentiel de la prospection et de la commercialisation; qu'au cours d'un entretien accordé au manuel de qualité de l'entreprise, l'un de ses responsables a expressément indiqué que les plans de transports et des tournées sont organisés par la société en interne qui peut avoir à les redéfinir ou à déterminer le nombre de véhicules nécessaires pour répondre à un chiffre d'affaire qui varie ou à des passages à heure fixe;

Attendu que le mémento du franchisé remis au demandeur comporte des instructions très précises auxquelles celui-ci doit se soumettre dans son travail en se pliant à une procédure préétablie comportant diverses opérations à réaliser dans des tranches horaires imposées et selon des techniques et moyens énumérés pour chacune des phases de l'opération;

Attendu qu'il apparaît encore que le travailleur ne peut en aucune manière encaisser lui-même le prix de la prestation qu'il effectue, sous peine de sanctions qualifiées de " poursuites ", ce qui établit un pouvoir disciplinaire caractérisé et particulièrement imposant, et l'abolition de toute relation commerciale véritable des travailleurs avec le client de la société France Acheminement;

Attendu enfin que les tarifs et prix des prestations sont calculés et imposés par cette seule société sans aucune concertation avec le prestataire qui se voit imposer la prise en charge des colis à une heure précise et la livraison dans une plage bien définie;

Attendu que dans ces conditions le demandeur qui effectuait une prestation de travail rémunérée par la société France Acheminement ou France Acheminement Exploitation, en se plaçant sous leurs ordres et direction auxquels il devait se conformer sous peine de sanctions était bien dans un rapport contractuel subordonné caractérisant un contrat de travail;

Attendu que dans tous les cas, ainsi que l'a jugé à bon droit le conseil de prud'hommes par des motifs auxquels il suffit de renvoyer, les conditions prévues par l'article L. 781-1 du Code du travail sont en l'espèce remplies pour que soient applicables au demandeur les dispositions de ce Code relatives au travail salarié;

Attendu que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a admis la demande de requalification pour retenir que les parties étaient liées par un contrat de travail avec toutes les conséquences qui en découlent, et a justement retenu que l'employeur était constitué par les trois sociétés qui, en raison de leur complémentarité forment une seule et même entreprise.

Sur la demande de classification de l'emploi

Attendu que pour réclamer sa classification au niveau des agents de maîtrise, par confirmation du jugement le demandeur doit démontrer que ses fonctions correspondent à la définition que donne de cette catégorie, la convention collective des transports routiers dont l'application en l'espèce n'est pas contestée dès lors que la reconnaissance d'un contrat de travail est acquise ;

Attendu que cette convention accorde le statut d'agent de maîtrise aux salariés qui exercent notamment les fonctions de chef d'agence définies comme permettant d'assumer la responsabilité du fonctionnement d'une agence en disposant d'une large autonomie dans le cadre des directives générales reçues, et de faire preuve d'initiative, notamment dans la recherche de la clientèle et l'exécution du service;

Attendu que les appelants ne peuvent soutenir, pour refuser cette classification, que le salarié se bornait à conduire un véhicule pour la livraison des colis et que sa responsabilité se limitait à cette activité;

Attendu en effet, ainsi que l'a relevé à bon droit le conseil de prud'hommes, qu'outre le transport proprement dit le salarié devait organiser toute l'infrastructure nécessaire en recourant au besoin à du personnel qu'il devait recruter lui-même; qu'en l'espèce le demandeur produit des documents salariaux, certificats de travail, bulletins de paie, qu'il a lui-même délivrés à des tiers qu'il avait employés comme chauffeurs durant la période correspondant au contrat initial de franchise; que le demandeur produit encore des documents couvrant la même période, qui démontrent qu'il assurait aussi la gestion comptable de son activité qui, selon le contrat initial commandait la mise en place d'une structure de fonctionnement comprenant notamment la location de locaux que le salarié devait lui-même assurer; que le contrat imposé par France Acheminement indique en effet que "le franchisé devra être une entreprise..., présenter une expérience suffisante dans le domaine des relations d'affaires ... être organisée pour satisfaire à son développement commercial, sa gestion administrative, et disposer des moyens techniques "; que le même acte ajoute que cette entreprise" prendra à bail ou participera à la prise à bail de locaux techniques indispensables à son activité et acquittera sa quote-part de loyers et charges...";

Attendu qu'il apparaît ainsi que l'activité déployée par le salarié dépassait manifestement contrairement à ce que soutient curieusement l'AGS, la simple conduite de véhicules de livraison de colis; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a classé le salarié dans la catégorie des agents de maîtrise et par assimilation, à défaut d'emploi dans la nomenclature correspondant aux fonctions réellement exercées en raison de la fausse qualification, au groupe 4 coefficient 175 dans lequel la convention collective classe le chef d'agence de deuxième degré tel que défini plus haut et qu'elle distingue du chef d'agence de premier degré classé au groupe 3 qui ne prend que des initiatives limitées.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés

Attendu que tout salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés en application des articles L. 223-2 et L. 223-11 du Code du travail, lorsqu'il a pris les congés auxquels il avait droit, ou lorsqu'il n'a pu les prendre par le fait de l'employeur;

Attendu qu'il ressort du contrat de franchise que le demandeur ne pouvait prendre des congés que s'il se faisait remplacer en recourant à du personnel qu'il devait lui-même recruter, puisque le service devait fonctionner tous les jours ouvrables sans interruption;

Attendu qu'il apparaît ainsi que dans tous les cas le salarié a perdu un droit qui lui était pourtant légalement reconnu; qu'en effet en étant obligé de recourir à du personnel à ses frais pour exercer ce droit le demandeur a été contraint par la société France Acheminement qui avait imposé à tort le contrat de franchise, d'effectuer des démarches auxquelles il n'aurait pas normalement été tenu en supportant forcément des frais salariaux qui ont compensé en tout ou partie le résultat de l'activité ainsi poursuivie; que dans le cas où le demandeur ne s'est pas fait remplacer, ce qui encore est imputable à la société France Acheminement puisqu'il devait de son fait assurer la continuité du service sans que l'on puisse le contraindre à compenser par des frais salariaux le résultat de l'activité, il a certes conservé l'intégralité de ce résultat mais par son travail, alors qu'il aurait dû sans ce travail percevoir l'indemnité compensatrice;

Attendu que c'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande d'indemnité compensatrice de congés payés et le jugement sera réformé sur ce point;

Attendu que l'indemnité réclamée doit être allouée dès lors qu'elle est justement calculée sur la base de la rémunération conventionnelle minimale que le salarié aurait dû percevoir et par application du taux légal de 10 % résultant de l'article L. 223-11 du Code du travail.

Sur la demande de paiement d'un rappel de salaire

Attendu que le demandeur qui doit être considéré comme un salarié devait en cette qualité être rémunéré conformément aux dispositions légales et conventionnelles applicables, prévoyant notamment un salaire minimum garanti; qu'aucune prescription ne peut être opposée dès lors qu'en l'état de la qualification initiale du contrat le demandeur ne pouvait agir;

Attendu qu'il n'est pas contesté que sont applicables les dispositions de la convention collective nationale des transports routiers dès lors que les parties sont liées par un contrat de travail; que cette solution s'impose d'ailleurs par application de l'article L. 132-5 du Code du travail par référence au critère de l'activité principale; qu'ainsi le demandeur qui doit être classé groupe 4 coefficient 175 peut prétendre au rappel de salaire qui reste dû le cas échéant lorsque ce salaire minimum est inférieur à la rémunération qui a été réellement perçue parte salarié; que pour la détermination de ce solde il convient de comparer les résultats nets comptables de l'activité rémunérée au salaire net conventionnel correspondant au montant brut, puisque le résultat comptable a été amputé des charges sociales de l'exploitant estimées d'un commun accord à 23 %;

Attendu que le calcul particulièrement rigoureux proposé par le demandeur sur cette base ne peut qu'être approuvé en son principe dès lors qu'il prend en compte l'ancienneté, les variations de la durée légale du travail qui ont pu intervenir, et que les résultats bruts ont été convertis en sommes nettes; qu'ainsi le rappel ne peut être alloué que dans le cas où le bénéfice d'exploitation a été inférieur à la rémunération minimale garantie;

Attendu que le montant du salaire doit inclure le cas échéant la majoration pour heures supplémentaires si elles ont réellement existé;

Attendu qu'en cas de litige sur la quantité de travail, s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du Code du travail que la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient cependant à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement pratiqués par le salarié, lequel de son côté doit préalablement communiquer les éléments lui permettant d'étayer sa demande;

Attendu que le conseil de prud'hommes a retenu à bon droit qu'eu égard aux pièces produites il pouvait être admis que le demandeur avait raisonnablement travaillé à raison de 60 heures par semaine, de sorte que le rappel de salaire tenant aux heures supplémentaires devait être calculé sur cette base après déduction des jours fériés et des congés et prise en compte de la position du salarié qui accepte de ne considérer les heures supplémentaires qu'à partir de la quarantième heure, et par référence à la moyenne du salaire minimum applicable durant la période contractuelle;

Attendu en effet que si l'on examine le profil géographique de la tournée, les distances parcourues telles qu'elles ressortent de l'organisation de la semaine-type et des bons de livraison avec la liste nominative et l'adresse des clients destinataires il est impossible de soutenir comme le fait l'AGS que ce travail, qui alors n'était pas considéré par les parties au contrat comme étant de nature salariale, pouvait être accompli en moins de 12 heures par jour;

Attendu que cette situation est confirmée par l'attestation d'un comptable;

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué au demandeur le rappel de salaire calculé sur les bases et selon les modalités ainsi prises en compte;

Que cependant la somme allouée doit être exprimée en montant brut compte tenu du forfait de charges sociales admis par les parties à concurrence de 23 %.

Sur la rupture du contrat de travail

Attendu que les parties ne contestent pas la rupture de fait du contrat qualifié de franchise, à la date du 22 avril 2003;

Attendu qu'il ressort du seul fait de la nécessité de requalifier ce contrat, que la société France Acheminement a gravement méconnu ses obligations découlant du contrat de travail qui a ainsi réellement existé, mais qui avait été déguisé par l'employeur, ce qui lui a permis de la sorte, d'échapper à de telles obligations pourtant essentielles, notamment le paiement des salaires garantis avec les conséquences qui s'y attachent dans la prise en compte du statut social au regard des organismes de prévoyance;

Attendu que la rupture produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et permet au salarié d'obtenir la réparation du préjudice qu'elle lui a occasionné, et qui est certain en raison de la perte de l'emploi et de l'impact psychologique qu'elle provoque inévitablement;

Attendu que cette réparation doit prendre en compte l'entier préjudice subi, compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, de son âge, du montant du dernier salaire auquel il pouvait prétendre, et de la situation qu'il a connue dans la recherche d'un nouvel emploi; qu'en l'espèce le demandeur invoque en outre le paiement d'un droit d'entrée auquel il a été contraint dans le cadre du contrat de franchise ainsi qualifié à tort, et l'absence de tout revenu du 1er janvier au 22 avril 2003 date de la rupture;

Attendu que le préjudice, réel et certain, découlant de l'obligation de payer un droit d'entrée, qui s'avère sans cause dès lors qu'il s'agit en réalité d'un contrat de travail incompatible avec une telle exigence, doit nécessairement être réparé distinctement du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail, ne serait-ce que pour appliquer la garantie de l'AGS qui est forcément exclue sur le remboursement du droit d'entrée; qu'en effet ce droit est sans rapport avec l'exécution du contrat de travail; que le paiement qui en a été exigé était donc indu, et la créance ne peut être garantie;

Attendu que le préjudice lié au paiement du droit d'entrée est dans tous les cas de la responsabilité de la société France Acheminement que ce droit lui ait été payé directement ou qu'il l'ait été au franchisé qui l'a cédé; qu'en effet dans ce dernier cas c'est bien du seul fait de la société Frange Acheminement qui a déguisé le contrat de travail, que le demandeur a dû racheter le droit;

Attendu que les intimés ne peuvent contester ce préjudice en soutenant que le droit d'entrée a déjà été pris en compte dans l'évaluation du rappel de salaire " puisqu'il a eu une incidence nécessaire sur la détermination du bénéfice imposable ";

Attendu en effet que le seul fait que le salarié ait dû débourser la somme correspondante à ce droit illégalement versé caractérise un préjudice par privation d'un élément patrimonial important; que certes le demandeur a pu récupérer une partie de cette somme au titre des avantages fiscaux consentis en pareille matière ; que cependant cet avantage n'a pas compensé l'entier préjudice subi puisqu'il n'a pu produire ses effets la première année et l'obligation dans laquelle s'est trouvé le salarié de faire reconnaître sa qualité l'a privé ensuite du temps nécessaire à un amortissement intégral; que dans tous les cas ce temps a placé le demandeur dans l'impossibilité de disposer de l'entier capital dont il s'est illégitimement dessaisi;

Attendu que la société France Acheminement est ainsi tenue de réparer ce préjudice qu'elle a directement causé par sa faute mais qui ne peut être évalué, pour les motifs qui viennent d'être développés au montant exact du droit d'entrée qui était de 1 524 euro;

Attendu qu'eu égard aux composantes ci-dessus définies le préjudice lié à la rupture du contrat de travail doit être réparé par une indemnité de 14 000 euro ;

Qu'ainsi le préjudice découlant du paiement indu du droit d'entrée doit être réparé distinctement dans la limite de ce que le demandeur réclame à tort globalement à hauteur de 65 000 euro; que la somme versée au titre du droit d'entrée, fort modeste, doit être considérée comme ayant été amortie sur les cinq années du contrat; qu'ainsi il ne peut rien être accordé à ce titre;

Attendu que le jugement doit donc être réformé sur ce point;

Attendu que compte tenu de l'ancienneté non contestée le demandeur a droit à l'indemnité compensatrice de préavis dont le calcul n'est pas critiquable;

Attendu que le demandeur qui compte une ancienneté ininterrompue de 3 ans au moins peut prétendre à l'indemnité de congédiement prévue par l'article 18 de la convention collective à raison de 3/10e de mois par année de présence, sur la base du salaire effectif au jour de la rupture; que l'indemnité réclamée en l'espèce sur la base du salaire minimum garanti n'est pas critiquable;

Sur la garantie de l'AGS

Attendu que l'AGS ne conteste pas le principe de sa garantie, dans les conditions et limites légales, sauf sur la réparation relative au paiement d'un droit d'entrée, sur les frais et dépens;

Attendu que la réparation du préjudice lié au droit d'entrée n'étant pas accordée en l'espèce, la question de la garantie ne se pose pas;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement prononcé par le Conseil de prud'hommes de Toulouse le 28 juin 2005 sauf : - en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité compensatrice de congés payés, - en ce qu'il a évalué l'indemnité de licenciement, - en ce qu'il a évalué la réparation du préjudice découlant de la rupture du contrat de travail, - en ce qu'il a évalué le rappel de salaire. Réformant sur ces points, Fixe à la somme de 7 553,91 euro l'indemnité compensatrice de congés payés restant due au demandeur au passif in solidum des trois sociétés appelantes. Fixe à la somme de 59 794,68 euro et à charge du même passif le rappel de salaire restant dû au demandeur en montant brut. Fixe à la somme de 2 318,61 euro à la charge du même passif l'indemnité de licenciement conformément à la demande de ce chef. Fixe à la somme de 14 000 euro l'indemnité de réparation au profit du demandeur du dommage résultant de la rupture de son contrat de travail à la charge du même passif. Ajoutant, Condamne in solidum les trois sociétés appelantes au paiement des dépens d'appel.