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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 16 novembre 2006, n° 06-01560

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cécil (SA)

Défendeur :

Docteur Wolman GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Uran

Conseillers :

M. Bernaud, Mme Cuny

Avocats :

Mes Bazy, Delon

T. com. Vienne, du 14 mars 2006

14 mars 2006

Exposé du litige

La société Cécil exerce à Chasse-sur-Rhône une activité de fabrication de produits de préservation du bois et de vernis pour le bois.

De son côté, la société Wolman est l'un des leaders européens dans la production de produits de préservation du bois, avec une usine située à son siège statutaire à Sinzheim (RFA).

Afin d'améliorer leur position sur le marché français, les deux sociétés ont conclu un accord de coopération selon contrat du 5 juillet 1990.

Selon cet accord dont le terme était fixé au 31 décembre 1993, la société Wolman confiait la distribution exclusive de ses produits en France à la société Cécil.

Un contrat-cadre a été signé en mars 1995 pour une période allant jusqu'au 31 décembre 1995.

La société Wolman a rompu ses relations contractuelles avec la société Cécil le 7 mai 2002, avec effet immédiat.

C'est dans ces circonstances que la société Cécil l'a fait assigner devant le Tribunal de commerce de Vienne (Isère).

Dans le dernier état de ses écritures devant ce tribunal, elle demandait réparation du préjudice par elle subi du fait de la rupture unilatérale du contrat sans préavis.

Par jugement en date du 14 mars 2006, le Tribunal de commerce de Vienne s'est déclaré incompétent en application de l'article 5 du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000 au profit du Tribunal de grande instance de Baden/Baden (Allemagne), a renvoyé en conséquence les parties à mieux se pourvoir, a dit n'y avoir lieu à statuer sur la pertinence de l'article 23 du même règlement en vertu des conditions générales de la société Docteur Wolman, a rejeté tous autres moyens, fins et conclusions et a dit que les dépens prévus par l'article 695 du nouveau Code de procédure civile seraient supportés par la société Cécil.

La société Cécil a formé contredit à l'encontre de ce jugement le 28 mars 2006.

Elle fait valoir dans son contredit complété par des conclusions ultérieures:

- que l'obligation principale servant de base à la demande n'est pas constituée par le problème stricto sensu de la prise de possession de la marchandise, cette prise de possession n'étant qu'un élément accessoire qui, en l'occurrence, n'est pas dans le procès, mais "par la violation par un partenaire contractuel de son obligation de loyauté dans le cadre d'une convention de coopération, des modalités de la rupture d'un accord de partenariat vieux de 12 ans qui ne pouvait intervenir sans dommage qu'avec un préavis et un aménagement,

- qu'il convient de se référer à la prestation caractéristique, qu'en l'espèce, Cécil met au service de la société Wolman un ensemble de réseaux de distribution, que le contrat est fondé sur une fourniture de services à savoir la commercialisation et la distribution des produits de Wolman par Cécil, que la commercialisation et la distribution sont exécutées par Cécil sur le territoire français, que la prise de possession des produits par un camion citerne de Cécil sur le territoire allemand n'est qu'un élément accessoire du contrat, que la prestation caractéristique repose sur l'utilisation par Wolman du réseau de commercialisation et de distribution de Cécil,

- qu'en vertu de l'article 3 de la Convention de Rome, le droit français est applicable.

Elle demande à la cour de:

- réformer le jugement dont appel.

- dire au contraire que le Tribunal de commerce de Vienne est parfaitement compétent pour connaître du litige de l'indemnisation entre la société Cécil et la société de droit allemand Wolman,

- renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de commerce de Vienne pour qu'il soit débattu de la question de fond,

- condamner la société Wolman aux dépens.

La société Wolman réplique:

- qu'en vertu de l'article 2 paragraphe 1 du règlement CE 44-2001 en corrélation avec l'article 60 paragraphe 1 du même règlement, les actions en justice contre des sociétés dont le siège statutaire se trouve sur le territoire national d'un Etat membre doivent être intentées devant les tribunaux de cet Etat membre, que le siège statutaire de la société défenderesse étant en Allemagne, les tribunaux allemands ont compétence internationale,

- que l'article 5-1 b du règlement se rapporte au lieu de livraison selon les termes du contrat, qu'en première instance, la société Cécil concluait comme elle qu'il fallait se référer au lieu de livraison en prétendant qu'il était situé à Chasse-sur-Rhône (Isère), qu'il est cependant établi que les parties avaient convenu d'une livraison "départ usine" et que le lieu de livraison était donc bien Sinzheim (Allemagne) où la société Cécil se rendait avec ses camions citernes pour prendre livraison de la marchandise,

- que l'article 5-1 b prévoit un lieu de juridiction unique pour tous les litiges pouvant naître de la relation contractuelle au lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, que le lieu de livraison ou lieu d'exécution ainsi déterminé a un effet intégralement créateur de compétence, et ceci indépendamment du type d'obligation objet du litige, donc également dans le cas où plusieurs droits découlant du contrat seraient invoqués, qu'en matière contractuelle, l'action en réparation, qu'elle soit fondée sur l'exécution-même du contrat ou sur les conditions de sa rupture, peut être intentée, outre devant le lieu du domicile du défendeur, au lieu de la prestation caractéristique du contrat, que la prestation caractéristique est nécessairement la vente,

- que l'article 23 du règlement permet également aux parties, dans le cadre du contrat qui les lie, d'attribuer compétence au tribunal d'un Etat membre pour connaitre des différends nés ou à naître entre elles ; que l'article 16 des conditions générales de vente, qui ont été jointes à chaque expédition de marchandises, en six langues dont la langue française, et qui n'ont jamais appelé d'observations de la part de la société Cécil, attribue compétence à la juridiction allemande, que cela suffit aux exigences de forme énoncées à l'article 23 paragraphe 1 phrase 3 c du règlement, que la société Cécil ne prétend plus en cause d'appel ne pas avoir eu connaissance des conditions générales de vente, qu'en tout état de cause, une telle affirmation n'est pas concevable,

- que tant le droit international que les conditions générales de vente attribuent compétence territoriale aux tribunaux allemands, et en particulier au Tribunal de Baden Baden.

Elle demande à la cour de:

- confirmer le jugement dont appel,

- dire et juger la juridiction française et en l'occurrence le Tribunal de commerce de Vienne incompétent pour connaître de l'action diligentée par la société Cécil contre la société Wolman,

- renvoyer la société Cécil à mieux se pourvoir devant la juridiction allemande de Baden-Baden,

- condamner la société Cécil au paiement de la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Conformément aux articles 442 et 445 du nouveau Code de procédure civile, les parties ont été invitées à déposer une note en délibéré sur la référence à la Convention de Vienne du 11 avril 1980 pour l'application du règlement 44-2001 du 22 décembre 2000.

Par note en délibéré reçue le 4 octobre 2006, la société Cécil explique:

- que le but de l'accord signé le 5 juillet 1990 était de gagner une part importante du marché de la protection du bois, que cet accord de distribution exclusive, selon lequel la société Cécil fournissait comme prestation la distribution des produits de la société Wolman, s'est renouvelé pendant près de 12 ans, que la société Wolman l'a unilatéralement rompu sans préavis le 7 mai 2002 tout en refusant d'honorer une commande importante en date du 21 mai 2002,

- que la Convention de Vienne ne régit pas les contrats organisant la prestation d'un service, c'est-à-dire la fourniture d'un service,

- qu'en l'espèce, le contrat entre Wolman et Cécil organise la distribution exclusive des produits Woolsit sur le territoire français par Cécil, que de son côté, Cécil met au service de Wolman son réseau de distribution et de commercialisation, que cet accord dénommé contrat de collaboration doit être considéré comme un contrat de distribution au regard de la position de la doctrine et de la jurisprudence, que le contrat entre Cécil et Wolman n'est pas un contrat de vente internationale de marchandises mais un contrat de fournitures de services, à savoir que Cécil met au service de Wolman son entier réseau de distribution,

- que les contrats de distribution, comme le rappelle la Cour de cassation ne relèvent pas de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable à la vente internationale d'objets mobiliers corporels, que pour la même raison, la jurisprudence constante de la Cour de cassation précise que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationaux de marchandises n'est pas applicable à un contrat de distribution exclusive, que les conventions internationales sur la vente ne sont pas applicables au contrat de distribution,

- qu'il faut se référer à la Convention de Rome, que selon l'article 3 de celle-ci, à défaut de choix des parties, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, qu'il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle, ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale, qu'en l'espèce, les conditions générales de vente n'ont jamais été expressément acceptées par la société Cécil, ce qui rend impossible leur application, que l'objet du contrat est la commercialisation en France des produits allemands, sous la marque française et avec une exclusivité au profit du distributeur français Cécil, que de plus Cécil utilisait ses camions citernes français pour le prélèvement de la marchandise, que le contrat présente donc les liens les plus étroits avec la France et que la loi applicable est la loi française.

La société Wolman a fait parvenir une note en délibéré aux termes de laquelle elle précise:

- que le contrat dit " accord de coopération " est venu à expiration le 31 décembre 1993.

- qu'il a été suivi d'un second contrat de fourniture dont le terme était expressément fixé au 31 décembre 1995,

- qu'à partir de cette date, il n'existe aucun contrat de distribution mais de simples ventes successives entre les sociétés Cécil et docteur Wolman, que la société Cécil achète à la société Wolman ses produits qu'elle vend ensuite, en France ou ailleurs, sous sa propre marque et sans bénéficier, comme elle le prétend d'une quelconque exclusivité,

- que la loi applicable doit être déterminée selon la Convention de Rome de 1980,

- que selon l'article 3 paragraphe 1 de la Convention de Rome, le contrat est régi par la loi choisie par les parties, qu'en l'espèce, il s'agit de la loi allemande, que selon l'article 8 paragraphe 1 de la Convention de Rome, la réalisation et l'effectivité d'une disposition contractuelle doivent être jugées d'après la loi qui serait applicable selon la Convention de Rome si la disposition était effective, que cette loi est la loi allemande selon l'article 3 paragraphe 1 de la Convention de Rome en corrélation avec l'article 16 des conditions générales en matière contractuelle/exportation, qu'à défaut d'un refus exprès par le client, les conditions générales de vente sont applicables, qu'en conséquence, le silence de la société Cécil à réception des conditions générales en matière contractuelle/exportation implique que les parties ont intégré de plein effet dans leurs relations contractuelles la clause de choix de l'attribution de juridiction nommée à l'article 16,

- que l'exclusion de la Convention de Vienne est autorisée par l'article 6 de cette convention elle-même,

- qu'en tout état de cause, si la cour refusait l'application des conditions générales de vente, le droit allemand serait néanmoins applicable selon l'article 4 de la Convention de Rome, qu'en effet, la relation contractuelle entre les parties présente les liens les plus étroits avec le droit allemand, que selon l'article 4 paragraphe 2 de la Convention de Rome, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec l'Etat dans lequel la partie devant réaliser le service caractéristique du contrat à son administration centrale au moment de la conclusion du contrat, que la relation contractuelle entre les parties est fondée sur un contrat de vente, que la société Wolman réalise en tant que venderesse le service caractéristique du contrat, que selon l'Incoterm stipulé aux confirmations de commandes, la livraison des marchandises s'effectuait à Sinzheim (Allemagne), que cette information était confirmée par la mention livraison" : "votre adresse" sur les commandes de la société Cécil, que la société réalisant la prestation caractéristique ayant son siège en Allemagne, la relation contractuelle présente les liens les plus étroits avec le droit allemand, que la présomption résultant de l'article 4 paragraphe 2 de la Convention de Rome ne peut pas être écartée au profit du droit français car il n'existe pas de lien plus étroit avec la France.

Sur ce, LA COUR,

Attendu que pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières conclusions et aux notes en délibéré qu'elles ont été invitées à déposer en application des articles 442 et 445 du nouveau Code de procédure civile auxquelles il est expressément renvoyé;

Attendu qu'un accord a été conclu le 5 juillet 1990 entre la société Cécil et la société Wolman ayant pour but de "Combiner par la collaboration entre Cécil et Wolman" d'une part la force de distribution de Cécil et d'autre part la force de R & D de Wolman et par cela de gagner une part importante du marché français de protection du bois";

Qu'il était prévu que cette collaboration serait en vigueur jusqu'au 31 décembre 1993;

Que par téléfax en date du 3 mars 1995, la société Wolman écrivait notamment à la société Cécil:

" ... Afin d'éviter tout retardement en ce qui concerne l'introduction de Wolsit sur le marché, nous sommes prêts à accepter votre proposition aux conditions indiquées ci-dessous, bien que cette proposition comprenne déjà une importante réduction de prix:

1- A partir du 01.03.95, Cecil s'engage à acheter en l'espace d'un an, 72 tonnes de Wolsit EC 100 au prix de FF 45,71/kg (conforme à l'offre jointe).

2- L'action s'effectuera régulièrement, avec une commande minimum de 6 tonnes par mois.

3- Pendant cette période, Wolman renonce à la commercialisation directe de Wolsit EC 100 et Wolsit EC 200 et n'offrira pas ces produits à un tiers pour la commercialisation en France Cecil perd son exclusivité, si la quantité minimum d'achat énoncée sous le point 2 n'est pas respectée.

4- Les prix et les quantités minimums d'achat seront déterminés entre Wolman et Cecil au plus tard 2 mois avant la fin de cet accord, c'est-à-dire pour le 31/12/95. A ce moment là, Cecil bénéficiera d'une prolongation de l'exclusivité pour une période d'un an ";

Que par téléfax en date du 8 mars 1995, la société Cécil a répondu:

"En réponse à votre proposition du 03.03.95, nous vous confirmons notre accord pour l'achat de 72 tonnes/an de Wolsit EC 100 au prix de 45,71 F/kg, cadencé à raison de 6 tonnes/mois à partir de mars 95.

Nous avons bien noté que pendant la durée de cet accord, Wolman renonce à la commercialisation directe en France de Wolsit EC 100 et de Wolsit EC 200 ou de toute autre appellation commerciale de ces mêmes formulations.

L'accord, valable jusqu'au 29.02.96 pourra être prolongé, Wolman et Cécil devant se mettre d'accord sur les modalités de renouvellement avant le 31.12.95.

Concernant l'offre de prix, nous vous proposons de figer le prix de 45,71 F/kg tant que le cours du DM, par rapport au franc, ne varie pas en plus ou en moins de 2,5 % par rapport au cours du 03.03.95, date de votre offre.

Dans l'hypothèse où la variation de parité serait durablement supérieure ou inférieure à la tolérance de 2,5 %, Wolman et Cécil se rapprocheraient pour définir en commun la stratégie à développer.

Les autres conditions de l'offre restent inchangées.

Que par courrier en date du 7 mai 2002, rédigé en anglais, la société Wolman a déclaré mettre fin à la coopération avec Cécil, dans le domaine de la préservation du bois avec effet immédiat ; qu'elle précisait que du fait de la fin de cette coopération, elle retirait son autorisation pour le transfert de la certification CTBA P+ des produits Wolsit EC 100 et EC 200 au profit des produits Xilix;

Que suite à ce courrier, elle a refusé d'honorer une commande de la société Cécil en date du 21 mai 2002 de 15 000 kg de Wolsit EC 100;

Que par téléfax en date du 23 mai 2002, la société Cécil s'est étonnée de la décision de la société Wolman de mettre fin à leur coopération et lui a proposé une rencontre pour trouver une solution amiable aux problèmes posés par sa décision;

Qu'aux termes de son acte d'assignation introductive d'instance en date du 31 juillet 2003, la société Cécil exposait:

- qu'elle-même et la société Wolman avaient décidé de collaborer d'une part par la force de distribution de Cécil en France et d'autre part par la force de recherche et de développement de Wolman, cela afin de gagner une part importante du marché français de protection du bois,

- que cette collaboration s'était renouvelée d'année en année pendant 12 ans de collaboration;

Qu'elle demandait réparation de son préjudice du fait :

- de la livraison de produits défectueux provoquant le grisaillement des bois chez ses clients,

- de la rupture sans préavis à l'origine d'un coût de recherches et de développements pour obtenir la certification pour ses clients d'un produit permettant le remplacement du produit livré,

- de la perte de clients récupérés par la société Arnaud, nouveau distributeur de la société Wolman,

- de l'appropriation par la société Wolman de la clientèle en Belgique en proposant une indemnité et en ne la versant pas;

Que par des conclusions ultérieures, elle s'est désistée de ses prétentions concernant le problème des livraisons défectueuses liées au droit de la vente et a sollicité la condamnation de la société Wolman à lui verser:

- au titre de la rupture abusive du contrat de distribution exclusive : la somme de 1 012 000 euro,

- au titre de l'indemnisation de la perte de clientèle en Belgique : la somme de 212 662,73 euro,

- au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : la somme de 10 000 euro;

Que dans ses conclusions devant le Tribunal de commerce de Vienne, la société Wolman a fait état d'un contrat de coopération selon lequel elle offrait à la société Cécil des produits nouvellement développés pour la préservation du bois, produits que celle-ci vendait en France sous sa propre marque commerciale;

Attendu que la présente action est une action en indemnisation des conséquences de la rupture abusive et sans délai de prévenance de l'accord de coopération qui liait les parties, alors que la société Cécil se trouvait au droit d'une distribution, selon elle exclusive, de produits allemands sur les territoires français et belge, comprenant l'autorisation d'utiliser la certification obtenue par la société Wolman auprès du Centre Technique du Bois et de l'Ameublement, organisme français, pour commercialiser la matière première allemande sous la marque Xilix alors que la société Wolman, pour la même matière première, était titulaire des marques Wolsit EC 100 et Wolsit EC 200;

Attendu que dans les rapports entre la France et l'Allemagne, la compétence internationale est régie en matière civile et commerciale par le règlement CE 44-2001 du 22 décembre 2000 ; que les dispositions de ce règlement sont applicables aux actions judiciaires intentées et aux actes authentiques reçus postérieurement à son entrée en vigueur, soit postérieurement au 1er mars 2002;

Attendu que l'article 2-1 du règlement dispose que "sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre ";

Que selon l'article 5-1 : "Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre:

1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée:

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est:

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

- pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;

c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas,

Que l'article 23 du règlement dispose notamment :

"1) Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue:

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou,

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche considérée.

2) toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite... " ;

Attendu que la société Wolman produit ses conditions générales de vente et précise que ses confirmations de commande comportaient la phrase rédigée en langue anglaise "We deliver to you according to our general conditions of sales export conditions" et que ses conditions générales de vente étaient jointes à chaque expédition de marchandises à la société Cécil et à chaque facture;

Attendu que figurent notamment au dossier:

- les conditions générales de vente de la société Wolman libellées en six langues, dont le français, qui stipulent en leur article 16:

"Le lieu d'exécution est, pour le paiement des dettes de l'acheteur, Sinzheim, les Tribunaux de Bühl (Baden) ou ceux du siège de l'acheteur sont, à notre choix, exclusivement compétents. Le contrat est soumis à la loi de la République fédérale d'Allemagne, à l'exclusion cependant de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11.04.1980",

- une confirmation de commande adressée à la société Cécil par la société Wolman mentionnant: "We deliver to you according to our General Conditions of sales (Export-Conditions),

- l'attestation de Madame Helga Schneider en date du 5 février 2004, laquelle indique qu'un contrat de travail à durée non limitée la lie à la société Dr Wolman GmbH et atteste qu'à chaque facture étaient jointes les conditions générales de vente de l'entreprise Dr Wolman GmbH, rédigées en six langues, entre autres en Français;

Attendu que les termes des confirmations de commandes, et l'attestation de Madame Helga Schneider ci-dessus relatée ne suffisent pas à démontrer que les conditions générales de vente de la société Wolman étaient effectivement annexées à chaque livraison de marchandises et à chaque facture et que la société Cécil les avait effectivement acceptées ;

Que l'attestation de Madame Helga Schneider est vague et imprécise; que la nature de son emploi au sein de la société Wolman est ignorée; qu'elle n'indique pas ce qui lui permet d'affirmer que les conditions générales de vente étaient bien annexées, en langue française, aux factures adressées à la société Cécil ;

Que la mention en langue anglaise sur les confirmations de commande par la société Wolman à la société Cécil est inopérante dès lors qu'elle est rédigée en langue anglaise et que cette langue n'était pas celle habituellement utilisée par les parties lorsqu'elles communiquaient par écrit ;

Qu'en réalité, la preuve n'est pas rapportée d'une convention attributive de compétence conclue conformément aux stipulations de l'article 23 du règlement 44-2001 du 22 décembre 2000; qu'il n'est pas justifié d'un accord écrit ou d'un accord verbal, confirmé par écrit, d'un accord conclu sous une forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ou d'un usage dont elles avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche considérée permettant de déduire l'existence d'un accord de la connaissance par le client des conditions générales de vente et de la référence mentionnée en anglais sur les confirmations de commandes aux conditions générales de vente;

Qu'en outre, la clause dont se prévaut la société Wolman apparaît ne pouvoir concerner que les actions qu'elle-même introduit puisqu'elle vise comme tribunaux compétents, à son choix, le Tribunal de Bülh (Baden) ou celui du siège de l'acheteur, c'est-à-dire en l'espèce, celui de Vienne; que si le demandeur à une action peut avoir le choix entre plusieurs juridictions compétentes, il n'apparaît pas que pareil choix puisse être exercé par le défendeur à l'action ;

Qu'enfin et de surcroît, le présent litige n'a pas trait à une vente, ou à des ventes déterminées régies par les conditions générales de vente mais à la relation dans laquelle s'inscrivent ces ventes, ainsi que cela sera plus amplement exposé ci-après;

Que la clause dont s'agit n'apparaît donc pas applicable en l'espèce;

Attendu qu'aux termes de l'article 5-1 du règlement 44-2001 du 22 décembre 2000, l'obligation qui fonde la compétence juridictionnelle est l'obligation qui sert de base à la demande;

Qu'en cas de pluralité d'obligations litigieuses, il ne saurait être contesté que c'est l'obligation principale qui doit servir de base à la détermination de la compétence;

Qu'en ce qui concerne la détermination du lieu d'exécution de l'obligation litigieuse, "il revient au juge saisi d'établir, en vertu de la convention, si le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée est localisé dans le domaine de sa compétence territoriale; qu'à cet effet, il doit déterminer, en vertu de ses propres règles de conflit, quelle est la loi applicable au rapport juridique en cause et définir, conformément à cette loi, le lieu d'exécution de l'obligation contractuelle litigieuse";

Que " la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles constitue le patrimoine commun des Etats Membres en vue de la recherche de la loi applicable pour l'application de l'article 5-1 § 1 alinéa 1er " du règlement";

Que cependant, en vertu dudit règlement, il est dérogé à ces solutions traditionnelles pour deux contrats:

- un contrat spécial, "la vente de marchandises",

- un contrat défini par son objet incorporel "la fourniture de services" ;

Attendu que le présent litige a pour objet une demande de dommages et intérêts formée par la société Cécil à l'encontre de la société Wolman au titre ;

- d'une part de la rupture abusive du contrat de distribution exclusive à hauteur de la somme de 1 012 000 euro,

- d'autre part de la perte de clientèle en Belgique à hauteur de la somme de 212 662,73 euro,

Attendu que si les contrats dits de "coopération" signés entre les parties étaient à durée déterminée et que leur terme est expiré, la société Cécil ne peut pour autant sérieusement soutenir qu'après l'expiration de leur terme, il n'y a plus eu entre les parties que des contrats de vente successifs;

Qu'il convient en effet de constater:

- que dans un courrier en date du 20 avril 1999, la société Wolman faisait état de la bonne collaboration Cécil/Wolman au cours des dernières années,

- que le compte-rendu de la préparation à une réunion du 26 janvier 2001 faisait état d'objectifs 2001 - Wolsit EC 100 à hauteur d'un volume de 210 moins 15 tonnes remplacés par G 300 sur affaires "grisaillement",

- que par courrier du 7 mai 2002, la société Wolman a déclaré cesser sa coopération avec Cécil dans le domaine de la préservation du bois, avec effet immédiat, qu'elle écrivait que du fait de la fin de cette coopération, elle retirerait son autorisation pour le transfert de la certification CTBA P+ des produits Wolsit EC 100 et EC 200 au profit de Xilix,

- que la société Cécil, dans son courrier du 23 mai 2002 s'étonnait de la décision brutale de la société Wolman "de mettre fin à notre coopération" et précisait : " En 8 années de collaboration, nous avons toujours atteint les objectifs fixés dans notre contrat initial revu périodiquement chaque année par la suite...

Dans le cadre d'un préavis normal de cessation de contrat... "

- que dans son assignation introductive d'instance, la société Cécil expliquait que la collaboration avec la société Wolman s'était renouvelée d'année en année pendant 12 ans et que la société Wolman avait unilatéralement rompu cette collaboration, sans préavis, le 7 mai 2002, et sollicitait des dommages et intérêts, notamment pour rupture brutale et abusive;

Qu'il résulte de ces éléments que les relations entre les parties se sont tacitement poursuivies dans le prolongement de l'accord écrit de coopération qui avait initialement été conclu, avec autorisation par la société Wolman du transfert de la certification CTBA P+ des produits Wolsit EC 100 et EC 200 au profit de Xilix;

Que les fournitures de produits Wolsit par la société Wolman à la société Cécil s'inscrivaient dans le cadre d'un accord dont la finalité était de gagner une part importante du marché français de la protection du bois ; que d'ailleurs des objectifs étaient convenus entre les parties;

Attendu que ce ne sont pas les fournitures ou une fourniture déterminée et donc les ventes ou l'une d'entre elles qui sont en elles-mêmes à l'origine de la présente action, comme c'était le cas de celle introduite par la société Wolman en Allemagne en paiement de factures de marchandises, mais bien la rupture par la société Wolman du contrat de coopération dans lequel ces ventes et l'autorisation de transfert de la certification CTBA + s'inscrivaient;

Que ce contrat cadre dont la rupture brutale et abusive est invoquée comme à l'origine de la présente action s'apparente à un contrat de distribution, qu'elle soit ou non exclusive ; qu'il ne saurait être contesté qu'il s'agit bien d'une fourniture de services;

Que le service fourni consistait dans la distribution sur le territoire français et donc l'exploitation du marché français étant observé que s'il est établi et non contesté que la société Cécil distribuait également en Belgique les produits achetés à la société Wolman, c'est la distribution en France qui avait un caractère prépondérant et essentiel d'autant que la société Cécil a son siège social en France ; que la ventilation des demandes de la société Cécil dans ses dernières écritures devant le tribunal de commerce le confirme;

Que les contrats de ventes successifs n'étaient que des moyens pour réaliser la prestation de service, objet du contrat;

Que dans ces conditions, il convient de considérer que le Tribunal de commerce de Vienne est bien compétent pour connaître du présent litige en vertu de l'article 5-1 b) du règlement 44-2001 du 22 décembre 2001 relatif aux fournitures de services et donc d'infirmer le jugement entrepris;

Qu'il convient au surplus d'observer que la solution ne serait pas différente si la cour estimait que le contrat qui lie les sociétés Cécil et Wolman ne relevait pas de la catégorie des contrats de "fournitures de services" ; qu'il conviendrait en effet de recourir à la Convention de Rome du 19 juin 1980 qui dispose en son article 4 que dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, que si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays, que sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat sa résidence habituelle, ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale ; qu'en l'espèce, où la prestation caractéristique est la distribution en France, et où le contrat présente donc les liens les plus étroits avec la France, c'est la loi française qui est applicable; qu'en vertu de la loi française, le lieu d'exécution de l'obligation est la France, ce qui entraîne la compétence du Tribunal de commerce de Vienne où se situe le siège social de la société Cécil;

Que la cause et les parties doivent dès lors être renvoyées devant cette juridiction ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Wolman qui succombe sur le contredit l'intégralité des frais irrépétibles dudit contredit;

Qu'elle supportera les dépens de première instance et d'appel exposés jusqu'au présent arrêt et y afférents;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, en matière de contredit de compétence, après en avoir délibéré conformément à la loi, Infirme la décision entreprise, Dit que le Tribunal de commerce de Vienne est compétent territorialement pour connaître du présent litige, Renvoie la cause et les parties devant ce tribunal, Déboute La société Wolman de sa demande en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens de première instance et du contredit exposés jusqu'au présent arrêt et y afférents.