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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 23 octobre 2006, n° 04-02852

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Lavillauroy (SA)

Défendeur :

Garage Loustaunau (SARL), Etablissements Duhau (SARL), Ducasse et Compagnie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Larque

Conseillers :

Mme Tribot Laspière, M. Darracq

Avoués :

SCP de Ginestet-Duale-Ligney, SCP Piault-Lacrampe-Carraze

Avocats :

Mes Dissez, Baget, Hazera-Père

T. com. Bayonne, du 19 juill. 2004

19 juillet 2004

Faits et procédure

Par acte d'huissier du 12 juillet 2002, la SA Lavillauroy, concessionnaire Volkswagen a fait assigner la SARL Etablissements Duhau, la SA Ducasse et Compagnie et la SARL Garage Loustaunau en déclaration de responsabilité pour concurrence déloyale;

Au soutien de son action, la SA Lavillauroy prétendait que ces diverses sociétés ont par des opérations concertées, contourné les obligations de non-concurrence contenues dans les contrats de concessionnaires du réseau de distribution de voitures de la marque Volkswagen et qu'elles doivent en conséquence réparer le préjudice qui lui a été causé du fait de leurs agissements;

Par jugement du 19 juillet 2004, le Tribunal de commerce de Bayonne a considéré que la société Loustaunau, dont le contrat de revendeur conclu avec la société Lavillauroy avait été rompu, était libre de diriger ses clients vers d'autres concessionnaires ; que les sociétés Duhau et Ducasse n'étaient liées par aucun contrat avec la SA Lavillauroy et qu'il appartenait au groupe Volkswagen France d'obliger ses concessionnaires à respecter leurs clauses contractuelles ; que par ailleurs, la demanderesse ne rapportait pas la preuve que les sociétés concernées aient fait de la publicité active ou du démarchage sur le territoire concédé à la société Lavillauroy; le tribunal a en conséquence débouté la SA Lavillauroy de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer aux sociétés Duhau, Ducasse et Loustaunau la somme de 1 000 euro à chacune d'elles en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

La SA Lavillauroy a interjeté appel de ce jugement.

Prétentions et moyens des parties

Par conclusions récapitulatives du 25 novembre 2005 auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la société Lavillauroy rappelle que tous les contrats conclus avec le constructeur Volkswagen font interdiction aux concessionnaires d'utiliser des intermédiaires en dehors de leur territoire contractuel; qu'au mépris de cette clause, les sociétés Duhau et Ducasse ont réalisé par l'intermédiaire de la société Lavillauroy dont le contrat de revendeur venait d'être rompu, un nombre anormal et significatif de ventes de voitures sur son territoire; que malgré les moyens apportés par le groupe Volkswagen, les résultats obtenus par la société Lavillauroy au cours de cette période ont été en baisse par rapport aux objectifs réalisés sur le plan national;

L'appelante déclare que les actes de concurrence déloyale commis par les sociétés intimées sont établis par deux constats d'huissier et par diverses pièces versées aux débats;

Elle soutient que ces agissements doivent être examinés au regard des règlements communautaires applicables à l'époque des faits qui validaient les pratiques des contrats de concession et notamment les clauses de territorialité qu'ils contenaient;

La société Lavillauroy fonde son action sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil; elle déclare que la société Loustaunau est volontairement intervenue en qualité d'indicateur d'affaires permettant ainsi aux deux autres sociétés de contourner l'interdiction figurant dans leur contrat de concession ; qu'informé de la difficulté, le constructeur les a d'ailleurs mises en demeure de cesser immédiatement leurs agissements illicites; que sans l'intervention blâmable de la société Loustaunau la concurrence déloyale à laquelle se sont livrées les sociétés Duhau et Ducasse n'aurait pas eu les mêmes conséquences;

L'appelante prétend en effet avoir subi au cours des exercices 1998, 1999 et 2000 un préjudice important constitué selon elle par:

- la perte de marge brute sur les ventes réalisées par les sociétés Duhau et Ducasse sur son territoire contractuel;

- la perte de primes d'objectifs;

- la perte de chiffre d'affaires de main d'œuvre au titre de la garantie des véhicules vendus;

- l'incidence sur les ventes des véhicules d'occasion réalisées par le concessionnaire avec les reprises;

- La dépréciation de la valeur du fonds de commerce;

La société Lavillauroy conteste avoir elle-même exercé des actions concurrentielles au préjudice des intimées;

Elle conclut à la réformation du jugement dont appel et demande à la cour de:

* condamner solidairement les sociétés Duhau, Ducasse et Loustaunau à réparer son préjudice qu'elle évalue comme suit:

. perte de marge après impôts : 128 870,64 euro,

. dépréciation du fonds de commerce : 395 203,19 euro,

(Sous réserve de réactualisation en fonction du résultat des investigations sur l'année 2001),

* ordonner la cessation immédiate des actes de concurrence par les sociétés Duhau et Ducasse sous astreinte de 15 245 euro par vente réalisée sur le territoire contractuel de la société Lavillauroy,

* condamner en outre les trois sociétés à lui payer la somme de 3 050 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'action en concurrence déloyale engagée à son encontre,

La société Garage Loustaunau et la société Duhau déclarent que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'une concurrence active de leur part sur le territoire concédé à la société Lavillauroy; elles prétendent qu'aucun des critères caractérisant la concurrence déloyale n'est établi ; qu'il n'y a eu ni dénigrement, ni imitation, ni parasitisme, ni désorganisation ; que la société Lavillauroy ne peut agir sur le terrain contractuel puisque les parties ne sont liées par aucun contrat ; que cette action n'aurait pu être éventuellement exercée que par le constructeur, tenu de garantir ses concessionnaires contre toute concurrence active sur le territoire concédé; les intimées contestent les faits qui leur sont imputés; la société Loustaunau déclare qu'elle n'était pas concessionnaire Volkswagen et qu'elle n'était pas censée connaître les obligations particulières figurant dans les contrats de concession passés avec le constructeur;

Les sociétés Duhau et Loustaunau font valoir que les règlements communautaires font obstacle au cloisonnement territorial en matière de ventes automobile et protègent le droit pour le consommateur de s'adresser à tout mandataire de son choix pour acquérir un véhicule ou en assurer l'entretien;

Les deux sociétés déclarent que les demandes indemnitaires de l'appelante sont en tout état de cause extravagantes et reposent sur des chiffres imprécis et invérifiables;

Elles concluent à la confirmation du jugement dont appel et demandent à la cour de condamner la société Lavillauroy à payer à chacune d'elle la somme de 7 623 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Ducasse et Compagnie rappelle que le principe fondamental de la liberté du commerce ne peut être restreint que pour une juste cause ; que dans le cas d'espèce, cette restriction procède de clauses territoriales contenues dans les contrats liant chacun des concessionnaires au constructeur; la société prétend que l'existence de telles clauses est insuffisante; qu'il appartient à celui qui s'en prévaut de justifier d'un intérêt légitime à protéger; la société Ducasse soutient que les raisons qui ont pu autrefois légitimer des clauses de territorialité ne sont plus d'actualité, tous les commentateurs du droit européen s'accordant à dire que ce système désavantage aujourd'hui le consommateur de sorte que le droit communautaire a considérablement affaibli ces restrictions à la libre concurrence;

La SA Ducasse déclare en outre que la société Loustaunau qui est vendeur professionnel de l'automobile pouvait parfaitement lui adresser les clients provenant du secteur de la SA Lavillauroy que ces faits ne sont pas constitutifs de concurrence déloyale ; qu'au demeurant la SA Lavillauroy qui ne respecte pas elle-même la clause de territorialité figurant dans son contrat de concession ne peut se prévaloir de sa propre turpitude;

La SA Ducasse conclut à titre principal à la confirmation du jugement dont appel; elle sollicite reconventionnellement la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Elle indique à titre subsidiaire que les réclamations ne pourraient éventuellement porter que sur 37 véhicules vendus hors territoire mais prétend que si les clients se sont adressés directement aux Etablissements Loustaunau au lieu de la SA Lavillauroy, il y a tout lieu de penser qu'ils cherchaient à éviter ce concessionnaire de sorte que l'appelante n'a subi aucun préjudice du fait de cette intervention ; la société Ducasse prétend que le préjudice allégué par la SA Lavillauroy devra en toute hypothèse être réduit à de plus justes proportions.

Motifs de la décision

Sur la concurrence déloyale

Attendu que l'action en concurrence déloyale permet de sanctionner des pratiques entre concurrents, contraires aux usages du commerce ; qu'elle est fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil et implique la démonstration par le demandeur d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage subi;

Attendu qu'il est constant en l'espèce que les sociétés Lavillauroy, Ducasse et Duhau sont en situation de concurrence comme exerçant l'activité de concessionnaire de la marque Volkswagen sur les territoires délimités dans le contrat de concession liant chacune d'elle au constructeur de la marque;

Attendu que ces trois sociétés n'ont cependant entre elles aucune relation contractuelle; que seule la société Etablissements Loustaunau était auparavant liée avec la société Lavillauroy par une convention de revendeur mais cette convention a été résiliée le 30 avril 1998 à l'initiative de la société Lavillauroy;

Attendu que la rupture a donné lieu à une longue procédure judiciaire engagée par la société Loustaunau; que cette instance a trouvé son dénouement le 13 décembre 2005 suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation rejetant le pourvoi formé par cette société contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 mai 2003 qui l'avait déboutée de toutes ses demandes relatives à la résiliation de ce contrat;

Attendu que, bien que dénuées entre elles de tout lien contractuel, les sociétés Lavillauroy, Duhau et Ducasse font néanmoins partie d'un réseau de distribution mis en place par le constructeur de la marque et dont elles ont accepté les conditions en concluant avec ce dernier un contrat de concession ;

Attendu que ce contrat qui est identique pour tous les concessionnaires, stipule expressément que l'utilisation d'un intermédiaire en dehors du champ contractuel est interdite;

Attendu qu'à ce titre si les concessionnaires peuvent procéder à des ventes au bénéfice de clients situés en dehors de leur territoire, ceux-ci demeurant parfaitement libres de passer commande auprès de tout concessionnaire de leur choix, il est en revanche interdit aux concessionnaires d'effectuer des démarches actives et particulièrement de recourir à des tiers pour réaliser des ventes à l'extérieur de leur territoire contractuel;

Attendu qu'à l'époque des fait incriminés (1998 à avril 2001) cette clause, bien que restrictive par rapport au principe général de la liberté du commerce, était conforme au règlement communautaire n° 1475-95, en matière de distribution automobile ; que cet accord d'exemption qui s'est appliqué jusqu'à la fin septembre 2002 permettait en effet aux constructeurs de sélectionner leurs distributeurs, ces derniers se voyant attribuer en contrepartie une exclusivité territoriale; que la clause litigieuse qui figure expressément dans le contrat de concession de la société Lavillauroy comme dans celui des sociétés Duhau et Ducasse était donc parfaitement licite;

Attendu que la prohibition imposée par le constructeur au concessionnaire de se livrer à des actes de concurrence active sur le territoire d'un autre concessionnaire fait naître entre ces derniers une obligation de loyauté susceptible d'être sanctionnée soit par le constructeur lui-même dans le cadre de la responsabilité contractuelle soit directement par les concessionnaires eux-mêmes sur le fondement de l'action de droit commun de l'article 1382 du Code civil;

Attendu qu'en l'espèce, il est établi et d'ailleurs reconnu par les sociétés Duhau et Ducasse elles mêmes, que celles-ci ont utilisé la société Loustaunau, ancien revendeur de la société Lavillauroy sur la zone d'Oloron Sainte-Marie, comme indicateur d'affaires et ont, par l'intermédiaire de cette société, réaliser des ventes sur le territoire contractuel de la société Lavillauroy et ce en violation de leur contrat de concessionnaire qui leur interdisait d'utiliser un intermédiaire en dehors du territoire qui leur était attribué;

Attendu que les actes de concurrence qui leur sont reprochés résultent des commissions qu'elles ont versées à la société Loustaunau à l'occasion des ventes; que ces versements ne peuvent avoir d'autre cause que la rémunération d'un service constitué par les actions ou recommandations de cette société, ayant pour objet de diriger les clients Volkswagen de son ancien secteur d'intervention vers les sociétés Duhau et Ducasse au détriment de la société Lavillauroy;

Attendu que la société Loustaunau dont le contrat d'agent revendeur avait été résilié en avril 1997, n'avait plus aucun lien contractuel avec la société Lavillauroy; qu'étant libre de tout engagement, tant envers cette dernière qu'à l'égard du réseau Volkswagen auquel elle n'appartenait plus, elle pouvait jouer le rôle "d'indicateur d'affaires" sauf à démontrer que, connaissant l'interdiction faite aux concessionnaires d'avoir un intermédiaire en dehors de leur secteur contractuel, la société Loustaunau a sciemment participé avec les sociétés Duhau et Ducasse à une opération concertée visant à contourner la prohibition;

Attendu que la convention de revendeur ayant lié M. Loustaunau à la société Lavillauroy n'étant pas produite, la cour n'est pas en mesure de vérifier que M. Loustaunau a eu connaissance formelle de la clause litigieuse; que toutefois ayant fait partie du même réseau de distribution sur lequel il avait lui-même reçu l'attribution d'un secteur propre, il ne pouvait ignorer l'interdiction faite à tous les agents du réseau de faire des actes de concurrence active sur le territoire géographique d'une autre concession; qu'en effet, l'organisation d'un réseau de distribution par secteurs géographiques permet notamment au constructeur d'étendre sa représentation sur le territoire national, d'imposer ses critères de qualité et de stimuler la productivité de ses concessionnaires ; qu'en contrepartie chacun d'eux bénéficie de l'exploitation commerciale exclusive du territoire concédé;

Attendu qu'en servant d'intermédiaire aux sociétés Duhau et Ducasse et en détournant au profit de ces dernières la clientèle qu'il savait dépendre du secteur de son ancien concessionnaire, M. Loustaunau a sciemment participé à la violation par les sociétés Duhau et Ducasse à leurs obligations contractuelles;

Que de leur côté, les sociétés Duhau et Ducasse ont indiscutablement commis une faute en acceptant les services de la société Loustaunau au mépris de la clause d'interdiction;

Attendu que l'existence d'une action concertée entre ces trois sociétés n'est cependant pas démontrée;

Attendu que les intimées se défendent de toute intention malicieuse en invoquant le propre comportement concurrentiel de la SA Lavillauroy sur leur secteur;

Attendu que si le procès-verbal de constat dressé dans les locaux de la société Lavillauroy par Maître Robert, huissier de justice, à la requête de la société Duhau, établit que la SA Lavillauroy a effectivement réalisé des ventes hors de son secteur contractuel, ce qui n'est nullement interdit, il n'est pas démontré que ces ventes ont été conclues avec l'aide d'un intermédiaire ou dans des conditions contraires aux dispositions de son contrat de concession ; que la preuve n'est pas non plus rapportée que la SA Lavillauroy ait procédé, au mépris de ses obligations contractuelles à des actes de concurrence active ou à la diffusion de publicité personnalisée sur le secteur d'autres concessionnaires;

Attendu que les faits allégués à l'encontre de la SA Lavillauroy ne sont pas de nature à exonérer ou à atténuer la responsabilité des sociétés Duhau et Ducasse; que chacune d'elles devra répondre solidairement avec la société Loustaunau de ses propres agissements fautifs et indemniser en conséquence le préjudice en résultant pour la SA Lavillauroy.

Sur le préjudice

Attendu qu'il résulte des pièces produites qu'à compter de l'année 1998 qui a suivi la rupture par la société Lavillauroy au contrat de revendeur qui la liait à la société Loustaunau sur le secteur d'Oloron Sainte-Marie, les sociétés Duhau et Ducasse ont enregistré une progression significative des ventes sur le territoire géographique de la société Lavillauroy où elles ne réalisaient antérieurement que de rares affaires; qu'au cours de la même période et jusqu'en avril 2001, date à laquelle les faits litigieux ont été révélés, la société Lavillauroy a vu corrélativement le nombre de ventes stagner voire même régresser en dépit des opérations commerciales conduites par le constructeur sur son secteur ;

Attendu que cette seule constatation est suffisante pour établir l'existence d'un préjudice et d'un lien entre ce préjudice et les faits reprochés aux sociétés intimées;

Attendu qu'il résulte des constats d'huissier dressés auprès de ces deux sociétés que le nombre de véhicules vendus sur le territoire de la société Lavillauroy par les sociétés Duhau et Ducasse s'établit comme suit:

<emplacement tableau>

Attendu que la société Lavillauroy décompte 141 ventes détournées à son préjudice entre 1998 et avril 2001 ;

Attendu que la société Ducasse prétend que les réclamations de la société Lavillauroy ne pourraient éventuellement porter que sur 13 véhicules vendus par elle en 1999 et 24 véhicules vendus en 2000, soit au total 37 ventes réalisées en dehors de son territoire contractuel et pour lesquelles des commissions ont été versées au Garage Loustaunau;

Attendu que pour sa part, la société Duhau se contente de qualifier d' "extravagantes" les prétentions de la société Lavillauroy;

Attendu que le préjudice subi par la société Lavillauroy doit être déterminé à partir du nombre de véhicules respectivement vendus par sociétés Duhau et Ducasse avec l'intervention de la société Loustaunau sur le secteur géographique de la concession Lavillauroy au cours des années 1998, 1999, 2000 jusqu'en avril 2001;

Attendu que ce préjudice est constitué par le bénéfice net perdu par la société Lavillauroy sur ces ventes ; qu'à cette perte financière se rajoute éventuellement la privation des primes d'objectifs fixées par le constructeur, sous réserve d'établir que les actions parasitaires exercées par les intimées sur son secteur ont effectivement empêché la société Lavillauroy d'atteindre ces objectifs;

Attendu que les ventes de véhicules neufs génèrent en outre au bénéfice du garage concessionnaire un chiffre d'affaires de main-d'œuvre au titre de la garantie et ont également une incidence sur les ventes de voitures d'occasion réalisées par le concessionnaire avec les reprises;

Attendu qu'en revanche, sauf à démontrer que les acheteurs de véhicules neufs acquièrent habituellement des accessoires lors de l'achat de leur véhicule, l'incidence des détournements sur la vente des accessoires n'apparaît pas significative et comme telle indemnisable;

Attendu que si la valeur du fonds de commerce de la société Lavillauroy a pu être ponctuellement affectée par les agissements des sociétés concurrentes, la société qui a récupéré depuis avril 2001 l'exploitation intégrale de son secteur n'établit pas ressentir encore actuellement les effets négatifs de cette concurrence déloyale ; qu'elle ne justifie pas avoir depuis lors négocié son fonds à des conditions désavantageuses;

Attendu qu'il ressort des explications fournies par la SA Ducasse que la SA Lavillauroy, appelante dans la présente procédure, a absorbé en octobre 1999 une précédente société également dénommée SA Lavillauroy; qu'il n'est nullement démontré que l'évaluation des actions de la société absorbée a été minorée du fait de l'incidence des pertes subies à cette époque par la société; qu'en tout état de cause, la société absorbante qui n'a souffert d'aucun préjudice n'est pas fondée à solliciter des dommages intérêts à ce titre;

Attendu que les calculs effectués par la société Lavillauroy sur les autres chefs de réclamations reposent sur des données fournies par l'intéressée qui ne sont pas étayées par des éléments objectifs ; que ces chiffres sont contestés par les intimées; que la cour n'étant pas en mesure de les vérifier, il y a lieu d'ordonner une mesure d'expertise.

Sur la demande reconventionnelle

Attendu que le bien-fondé de l'action engagée par la SA Lavillauroy étant admise, les sociétés Duhau, Ducasse et Loustaunau seront déboutées de leurs demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu que compte tenu de la longueur de la procédure et des frais exposés à ce jour, les sociétés Duhau, Ducasse et Loustaunau seront condamnés solidairement à verser à la SA Lavillauroy une provision de 3 000 euro à valoir les frais visés à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort; Réforme le jugement du Tribunal de commerce de Bayonne du 19 juillet 2004 en ce qu'il a débouté la SA Lavillauroy de son action en concurrence déloyale et en ce qu'il l'a condamnée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens de l'instance; Statuant à nouveau; Dit que la SARL Etablissements Duhau et la SA Ducasse et Compagnie se sont rendues respectivement coupables avec la SARL Garage Loustaunau à des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Lavillauroy; Condamne en conséquence chacune de ces deux sociétés in solidum avec la SARL Garage Loustaunau à indemniser la SA Lavillauroy du préjudice découlant de ses agissements fautifs; Avant dire droit sur la demande de dommages intérêts de la SA Lavillauroy, ordonne une mesure d'expertise, commet pour y procéder M. Alain Clermontelle, 17, Promenade du Pradeau à Tarbes avec mission de : - entendre les parties et se faire remettre tous documents utiles notamment les procès-verbaux de constats d'huissier établis dans les locaux des sociétés Duhau, Ducasse et Loustaunau; - dénombrer les ventes réalisées en 1998, 1999, 2000 et au cours du 1er trimestre 2001 par les sociétés Duhau et Ducasse sur le secteur contractuel de la concession Lavillauroy par l'intermédiaire de la société Loustaunau ; indiquer le montant des commissions perçues à cette occasion par la société Loustaunau; - se faire communiquer par la société Lavillauroy les calculs auxquels cette dernière s'est livrée pour procéder à une évaluation de son préjudice ; procéder à une analyse objective de cette évaluation; - rechercher à partir des données comptables qui lui seront remises par les parties quelle a été la perte financière subie par la société Lavillauroy du fait des détournements opérés sur son secteur d'activité par les sociétés Duhau et Ducasse avec la complicité de la société Loustaunau; - dit que cette recherche sera limitée aux postes suivants bénéfices net après impôts sur: les ventes, les primes d'objectifs, les interventions au titre de la garantie sur véhicules neufs, éventuellement sur les ventes d'accessoires et l'incidence financière des détournements sur les ventes des véhicules d'occasion; Fixe la somme de 2 000 euro (à l'ordre de Madame le Régisseur de la Cour d'appel de Pau) le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et à consigner au greffe de la cour par la SA Lavillauroy dans le délai maximum 2 mois du présent arrêt à peine de caducité de la désignation de l'expert; Dit que l'expert devra dresser un rapport écrit de ses travaux comprenant toutes annexes explicatives utiles à déposer au greffe de la cour dans un délai maximum de 3 mois à compter de la date figurant sur l'avis de consignation de la provision, sauf prorogation demandée au Magistrat de la mise en état; Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement, d'office ou sur simple requête de la partie la plus diligente par ordonnance du Magistrat de la mise en état; Dit que l'affaire sera rappelée pour un nouvel examen devant le magistrat de la mise en état à la conférence du 24 avril 2007; Déboute la SARL Etablissements Duhau, la SA Ducasse et Compagnie et la SARL Garage Loustaunau de leurs demandes reconventionnelles; Condamne solidairement la SARL Etablissements Duhau, la SA Ducasse et Compagnie et la SARL Garage Loustaunau à payer à la SA Lavillauroy une provision de 3 000 euro à valoir sur les frais visés par l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Réserve les dépens.