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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 28 novembre 2007, n° 05-15919

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'Oréal (SA)

Défendeur :

Paris Parfums Cosmetics (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

M. Byk, Mme Van Ruymbeke

Avoués :

SCP Taze Bernard & Belfayol Broquet, SCP Hardouin

Avocats :

Mes Henriot-Bellargent, Garnier

T. com. Paris, du 24 juin 2005

24 juin 2005

Reprochant à la société Paris Parfums d'avoir illicitement vendu des produits de soins des marques Kérastase et L'Oréal Professionnel qu'elle commercialise, la société L'Oréal a, par acte du 5 novembre 2003, assigné cette société en réparation devant le Tribunal de commerce de Paris;

Par jugement du 24 mai 2005, cette juridiction consulaire l'a déboutée de sa demande;

Vu la déclaration d'appel de la société L'Oréal en date du 15 juillet 2005;

Vu les dernières écritures des parties, respectivement en date du 16 juillet 2007 pour l'appelante et du 13 mars 2006 pour la société Paris Parfums Cosmetics, intimée;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 septembre 2007;

Sur ce,

Sur la licité du système de distribution sélective des produits Kérastase:

Considérant qu'au soutien de son appel et pour démentir la motivation du jugement entrepris, la société L'Oréal entend démontrer que le système de distribution sélective mis en place par Kérastase est conforme aux règles de concurrence tant communautaires que françaises;

Considérant qu'elle estime, en effet, que ce système satisfait aux trois conditions (nature du produit, qualification professionnelle du revendeur et intérêt du consommateur) exigées pour valider les accords de distribution sélective;

Considérant qu'elle ajoute avoir pris toute mesure pour que ce réseau soit juridiquement étanche; qu'il ne peut donc lui être reproché des reventes par des tiers extérieurs au réseau;

Considérant que l'intimée réplique que la société L'Oréal n'apporte pas la preuve de ces allégations concernant tant le respect des conditions permettant de s'affranchir des règles sanctionnant les restrictions de concurrence que de l'étanchéité du réseau qui doit s'apprécier en fait;

Considérant que pour établir la réalité de l'existence du réseau Kérastase, la société L'Oréal produit au débat un contrat type "contrat coiffeur - conseil Kérastase" ainsi qu'une brochure intitulée "Kérastase formation" et différents documents sur les produits soins Kérastase;

Considérant que ces documents, dont seul le premier contient des dispositions de nature juridique relative aux conditions d'admission et de maintien dans un réseau, ne sauraient cependant valoir preuve de l'existence d'un tel réseau, dès lors que la société appelante ne verse au débat aucun contrat signé entre elle et des coiffeurs membres du réseau, qu'elle n'apporte aucune pièce relative à l'organisation géographique et commerciale de celui-ci, qu'elle ne fournit aucun élément quant aux instructions, recommandations ou informations communiquées aux membres ni aucune prévision sur le développement de ce réseau et son chiffre d'affaires, les autres pièces soumises au débat étant des éléments de droit et de jurisprudence insusceptibles de se substituer, par leur généralité, à l'absence de démonstration factuelle de l'existence du réseau allégué;

Considérant, par ailleurs, que le procès-verbal de constat effectué le 6 octobre 2003 par Maître Ochoa, en un lieu au demeurant non précisé par celui-ci mais présenté par la société L'Oréal comme étant le magasin de la société intimée, ne mentionne aucunement que les produits L'Oréal, objets de la saisie-conservatoire, portent une mention faisant état d'une distribution exclusive par revendeur agréé;

Considérant que l'existence de ce réseau ne saurait non plus résulter de la notoriété de la société l'Oréal et des marques qu'elle commercialise dans la mesure où cette société reconnaît elle-même que certaines marques ou produits, L'Oréal Professionnel et Majirel, en l'espèce, ne font pas l'objet d'une distribution dans le cadre d'un réseau sélectif;

Considérant, en conséquence, que faute pour la société L'Oréal de pouvoir apporter la preuve de l'existence d'un réseau sélectif de distribution des produits Kérastase, aucune faute ne saurait être reprochée, tant sur le fondement de l'article 1382 du Code civil que sur celui de l'article L. 442-6 6 du Code de commerce, à l'encontre de la société intimée quant au caractère irrégulier de son approvisionnement en produits Kérastase; que le jugement querellé devra être en conséquence confirmé de ce chef;

Sur la faute alléguée de la société Paris Parfums en violation de l'article 1382 du Code civil s'agissant des produits L'Oréal Professionnel et Majirel:

Considérant que la société L'Oréal avance que les conditions de l'espèce établissent le caractère irrégulier de l'approvisionnement des produits Majirel et L'Oréal Professionnel en ce que l'intimée a acquis à bas prix les produits litigieux auprès d'un marchand ambulant, ces produits ayant, par ailleurs, transité en l'espace de quelques semaines entre les mains de plusieurs sociétés, démontrant un montage réalisé aux fins de cet approvisionnement;

Considérant que L'Oréal ajoute que les conditions de commercialisation desdits produits, qui font état de ce qu'ils ne peuvent être vendus qu'à des professionnels, ne respectent aucune des règles imposées pour la sécurité des consommateurs et sont donc de nature à tromper celui-ci sur les qualifications nécessaires pour procéder à leur revente ; qu'elle en déduit le caractère fautif de cette commercialisation qui porte atteinte à l'image de la marque;

Considérant que la société Paris Parfums réplique qu'elle n'a fait que commercialiser ces produits, que ceux-ci n'étant pas distribués suivant les principes de la distribution sélective et ne devant pas obligatoirement être vendus à des professionnels, elle n'a en conséquence commis aucune faute, L'Oréal ne démontrant pas l'origine frauduleuse des produits et la pratique de prix décalés ne pouvant être qualifiée de fautive;

Considérant, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, qu'il ne résulte nullement du procès-verbal de constat en date du 6 octobre 2003 que les produits saisis portaient la mention d'une vente réservée aux professionnels, que la société appelante ne saurait apporter utilement la preuve de cette mention par la production de ses conditions générales de vente aux professionnels, la société intimée n'ayant pas acheté les produits litigieux à L'Oréal ; qu'au demeurant, il convient de relever, d'une part, que l'arrêté du 16 juillet 2004 invoqué par L'Oréal pour asseoir son argument sur le caractère restreint de la vente des produits litigieux, est postérieur à la saisie et que, d'autre part, le gérant du magasin saisi a déclaré à l'huissier constatant que toutes les ventes (sauf une) avaient été faites à des coiffeurs, aucune facture produite ne démentant cette déclaration;

Considérant que la société L'Oréal sera également déboutée de son action de ce chef et le jugement querellé confirmé sur ce point;

Considérant qu'il résulte de la présente motivation qu'il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Considérant que l'équité commande de condamner la société L'Oréal à payer, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 4 000 euro à la société Paris Parfums Cosmetics;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et déboute la société L'Oréal de son appel; Y ajoutant, Condamne la société L'Oréal à payer 4 000 euro à la société Paris Parfums Cosmetics au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Hardouin, titulaire d'un office d'avoué.