CA Paris, 4e ch. B, 1 février 2008, n° 06/13884
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
GIFAM, Fagor Ireland Ltd (Sté), De Dietrich (SAS), Electrolux Home Products France (SAS), AB Electrolux (Sté), Electrolux Lda (SNC), Hoover Italiana Spa (Sté), Candy Elettrodomestici (SRL), Calor (SA), Kenwood Marks Ltd (Sté), SEB (SAS), Robert Krups Gmbh & Co (Sté), SMEG Spa (Sté), Rowenta Werke Gmbh (Sté), Miele & Cie Gmbh & Co (Sté), Fagor Electrodomesticos S.Coop (Sté), Marchi E Brevetti (SRL), Indesit Company Spa (Sté), Whirlpool France (SA), Whirlpool Properties Inc. (Sté), Atlantic (SA), Babyliss (SA), Divelit Holding (SA), Magimix (SA), Saeco (SRL), Liebherr International AG (Sté), De'Longhi Spa (Sté)
Défendeur :
Google France (SARL), Google Inc. (Sté), Google Ireland Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Girardet
Conseillers :
Mme Regniez, M. Marcus
Avoués :
SCP Oudinot Flauraud, SCP Fanet-Serra
Avocats :
Mes Greffe, Neri
LA COUR est saisie de l'appel interjeté par le Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement ménager (ci-après le GIFAM), la société de droit irlandais Fagor Ireland Ltd, la société par actions simplifiée De Dietrich ,venant aux droits de la société De Dietrich Process System par suite de fusion-absorption, la société par actions simplifiée à actionnaire unique De Dietrich Thermique, la société par actions simplifiée Electrolux Home Products France, la société de droit suédois Electrolux, la société en nom collectif Electrolux Lda, les sociétés de droit italien Hoover Italiana Spa et Candy Elettrodomestici SRL, la société anonyme Calor, la société britannique Kenwood Marks Ltd, la société par actions simplifiée SEB, la société anonyme SEB, les sociétés de droit allemand Robert Krups Gmbh & Co, Rowenta WERKLE Gmbh et Miele & Cie Gmbh & Co, la société de droit italien SMEG Spa, la société de droit espagnol Fagor Electrodomesticos S. Coop, les sociétés de droit italien M & B Marchi E Brevetti SRL et Indesit Company Spa, la société anonyme Whirlpool France, la société de droit américain Whirlpool Properties Inc., la société anonyme Atlantic, Société de développement Thermique, la société anonyme Babyliss, la société de droit suisse Divelit Holding, la société anonyme Magimix, la société de droit italien Saeco SRL, la société de droit suisse Liebherr International AG, la société de droit italien De'Longhi Spa à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 12 juillet 2006 par la troisième chambre, troisième section du Tribunal de grande instance de Paris qui a:
- donné acte aux sociétés Liebherr International AG et De'Longhi Spa de leur intervention volontaire,
- rejeté l'exception de nullité du constat de l'Agence pour la protection des Programmes et celle de nullité des demandes en contrefaçon de marques,
- dit que l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance en l'économie du numérique n'est pas applicable à la société à responsabilité limitée Google France pour son activité publicitaire (système "Adwords"),
- débouté le GIFAM et les sociétés demanderesses de leurs demandes en contrefaçon de leurs marques, d'atteinte à leurs marques renommées et en usurpation de dénominations sociales et noms de domaine,
- dit que la société Google France en ne mettant pas en place un dispositif de contrôle a priori de la licéité de l'utilisation par ses annonceurs dans le système "Adwords" de mots- clés constituant des signes, objet de droit privatif de tiers (en l'espèce, parques, dénominations sociales, noms de domaine) a commis une faute à l'encontre des sociétés demanderesses et porté atteinte aux intérêts collectifs de la profession de l'industrie d'électroménager,
- dit que la société Google France devra mettre en place un dispositif de contrôle a priori dans les quatre mois de la signification du jugement et ce sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard passé ce délai,
- dit que le tribunal se réservait la liquidation de l'astreinte ordonnée,
- condamné la société Google France à payer au GIFAM une indemnité de 30 000 euro de ce chef et débouté les sociétés demanderesses de dommages et intérêts faute de démonstration de l'étendue de leur préjudice,
- dit que la société Google France en affichant des annonces dans son système "Adwords" sous la bannière "liens commerciaux" à partir de mots-clés constituant des signes distinctifs des demanderesses (marques, dénominations sociales, noms de domaine) et au profit de sociétés pouvant apparaître comme en lien avec celles apparaissant dans la colonne résultats de son moteur de recherche "naturel" a commis des actes de publicité mensongère,
- condamné la société Google France à payer à chacune des sociétés demanderesses la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts de ce chef et au GIFAM une indemnité de 30 000 euro,
- débouté le GIFAM et les sociétés demanderesses de leurs autres prétentions et la société Google France de ses demandes reconventionnelles,
- autorisé à titre de dommages et intérêts complémentaires, la publication du dispositif de la présente décision dans cinq journaux ou revues aux choix des demandeurs et aux frais de la société Google France et ce, dans la limite de 5 000 euro hors taxes par insertion,
- condamné la société Google France à payer au GIFAM et aux sociétés demanderesses une indemnité de 20 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens;
Il convient de rappeler que le GIFAM est un syndicat professionnel qui a vocation à représenter les intérêts de l'ensemble des fabricants d'appareil ménager.
Le GIFAM et certains de ses adhérents ont fait constater par l'Agence de Protection des Programmes les 18 et 19 avril 2005 que des requêtes sur le moteur de recherche Google à partir de leurs marques déclenchaient l'affichage de liens commerciaux, c'est-à-dire de publicités pour des sites. Cet affichage est rendu possible grâce au système de publicité dénommé Adwords proposé par la société Google France à ses clients.
La mise en demeure pour mettre fin à l'utilisation de leurs marques dans le système Adwords étant restée infructueuse, le GIFAM et 19 de ses adhérents, les appelants, ont assigné la société Google France en contrefaçon de marque, interdiction et indemnisation.
C'est ainsi qu'est né le présent litige.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 22 novembre 2007, le GIFAM, les sociétés Fagor Ireland Ltd, De Dietrich, De Dietrich Thermique, Electrolux Home Products France, Electrolux, Electrolux Lda, Hoover Italiana Spa, Candy Elettrodomestici SRL, Calor, Kenwood Marks Ltd, SEB, la société anonyme SFB, Robert Krups Gmbh & Co, Rowenta Werke Gmbh, Miele & Cie Gmbh & Co, SMEG Spa, Fagor Electrodomesticos S. Coop, M & B Marchi E Brevetti SRL, Indesit Company Spa, Whirlpool France, Whirlpool Properties Inc., Atlantic, Société de développement Thermique, Babyliss, Divelit Holding, Magimix, Saeco SRL, Liebherr International AG et De'Longhi Spa, appelants, prient la cour de:
- déclarer irrecevables et mal fondées les conclusions signifiées le 16 novembre 2007 par la société Google France, la société de droit irlandais Google Ireland Ltd et la société de droit américain Google Inc. (ci-après les sociétés Google) en leur demande de dernière minute de consultation du Conseil de la concurrence et de report des plaidoiries,
- les déclarer recevables et fondés à assigner en intervention forcée les sociétés Google Ireland et Google Inc.,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:
* rejeté l'exception de nullité du constat de l'Agence pour la protection des Programmes et celle de nullité des demandes en contrefaçon de marques,
* dit que l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie du numérique n'était pas applicable à la société Google France pour son activité publicitaire (système "Adwords"), la société Google France devant être qualifiée de régisseur publicitaire,
* jugé que la société Google France s'était rendue coupable de publicité mensongère,
* condamné la société Google France à verser au GIFAM et aux sociétés demanderesses la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- le réformer pour le surplus et statuant à nouveau,
- constater que les sociétés appelantes sont titulaires des marques énumérées dans les conclusions et constater que lesdites marques sont régulièrement déposées et publiées,
- dire et juger que les sociétés Google se livrent au travers de leur système de publicité "Adwords" au préjudice des sociétés appelantes à des agissements caractérisés de contrefaçon de marques, ou à tout le moins de contrefaçon par imitation de marques,
Subsidiairement,
- dire et juger qu'en permettant à leurs clients de se faire référencer dans son système Adwords en utilisant les marques dont les sociétés appelantes sont titulaires, les sociétés Google ont commis une faute au préjudice des sociétés appelantes,
- dire et juger que les sociétés Google se livrent à l'encontre des sociétés appelantes à des actes de concurrence déloyale en portant atteinte à leurs signes distinctifs, et plus particulièrement à leur dénomination sociale, nom commercial, enseigne et à leur nom de domaine,
- dire et juger que les sociétés Google se livrent à l'encontre des sociétés appelantes à une atteinte caractérisée de leurs marques,
- constater que les sociétés Google n'ont tenu rigoureusement aucun compte des nombreuses décisions de justice qui ont été rendues à leur encontre et aux termes desquelles elles ont été systématiquement condamnées pour contrefaçon, concurrence déloyale et publicité mensongère,
- constater que ces publicités, outre qu'elles trompent le consommateur, génèrent un chiffre d'affaire considérable, ce qui explique que les sociétés Google n'entendent pas respecter les décisions de justice,
- constater que la société Google France n'a pas respecté l'injonction sous astreinte prononcée à son encontre par le juge de la mise en état du tribunal le 11 janvier 2006,
En conséquence,
- interdire sous astreinte de 5 000 euro par infraction constatée et par jour de retard, aux sociétés Google, l'utilisation sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, des marques énumérées dans les conclusions,
- condamner in solidum les sociétés Google à payer à chacune des sociétés appelantes la somme provisionnelle de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute civile commise par les sociétés Google,
- condamner in solidum les sociétés Google à payer à chacune des sociétés appelantes la somme provisionnelle de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte qui a été portée à leurs marques notoirement connues,
- condamner in solidum les sociétés Google à payer à chacune des sociétés appelantes, à l'exception des sociétés Divelit Holding et M & B Marchi E Brevetti, la somme provisionnelle de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte qui a été portée à leur dénomination sociale,
- condamner in solidum les sociétés Google à payer à chacune des sociétés appelantes, à l'exception des sociétés Divelit Holding, M & B Marchi E Brevetti Electrolux Home Products France, Hoover, Kenwood et De'Longhi, la somme provisionnelle de 20 000 euro à tire de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte qui a été portée à leurs noms de domaine,
- condamner in solidum les sociétés Google à payer à chacune des sociétés appelantes la somme provisionnelle de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme,
- condamner in solidum les sociétés Google à payer à chacune des sociétés appelantes la somme provisionnelle de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de publicité mensongère,
- condamner in solidum les sociétés Google à payer au GIFAM la somme provisionnelle de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts,
- désigner tel expert qu'il plaira à la cour afin d'évaluer le préjudice subi par les sociétés appelantes et le GIFAM,
- ordonner et ce, à titre de supplément de dommages et intérêts, la publication du présent arrêt dans cinq journaux au choix du GIFAM et des sociétés appelantes, aux frais in solidum des sociétés Google et dire et juger que le coût de chacune de ces publications ne saurait être inférieur à 5 000 euro hors taxes,
- condamner in solidum les sociétés Google au paiement de la somme de 20 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamner la société Google France en tous les dépens;
Les sociétés Google, intimées, demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions signifiées le 16 novembre 2007, de:
A titre liminaire,
- recevoir les sociétés Google Inc. et Google Ireland en leur intervention volontaire,
- constater que les faits à l'origine du litige sont étrangers à la société Google France et mettre cette dernière hors de cause,
Sur le constat APP,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a omis de prononcer la nullité du Constat d'Agent Assermenté APP en date des 18 et 19 août 2005,
- dire et juger que le Constat d'Agent Assermenté APP en date des 18 et 19 août 2005 est nul dès lors que l'agent APP qui l'a établi a outrepassé les limites de sa compétence matérielle, ainsi que les limites de l'objet social de l'APP,
- dire et juger que le Constat d'Agent Assermenté APP en date des 21 et 22 mars 2007 est nul dès lors que l'agent APP qui l'a établi a outrepassé les limites de sa compétence matérielle, ainsi que les limites de l'objet social de l'APP,
Sur la contrefaçon et la concurrence déloyale,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes de leurs demandes sur le fondement de la contrefaçon de marque et de la concurrence déloyale et parasitaire,
Y ajoutant,
- dire et juger que les sociétés Google ne sont pas les auteurs des faits de contrefaçon allégués, le choix des mots-clés, ainsi que le contenu de chaque lien commercial étant sous la maîtrise exclusive de l'annonceur concerné,
- dire et juger en conséquence que les sociétés Google n'ont commis personnellement aucun acte de contrefaçon par reproduction, imitation ou usage illicite des marques des demandeurs,
- débouter les sociétés appelantes de leur action en contrefaçon à l'encontre des sociétés Google,
- constater que les sociétés Google se bornent à mettre à la disposition des éditeurs de sites Internet un système de référencement privilégié fonctionnant par l'intermédiaire de mots clés sélectionnés librement et sous leur propre responsabilité par les éditeurs souhaitant être référencés,
- constater que les sociétés Google n'entretiennent aucun rapport de concurrence avec les sociétés appelantes,
- constater que le choix des mots-clés et la rédaction du contenu apparent des liens " Adwords " sont exclusivement imputables aux annonceurs et que l'usage éventuel de marques notoires à l'occasion de la création de leur liens " Adwords " relève de leur responsabilité et non de celle des sociétés Google,
- débouter les sociétés appelantes et le GIFAM de leur action en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés Google,
Sur la responsabilité civile délictuelle,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Google France sur le fondement de la faute civile,
Statuant à nouveau,
- dire que la charge de la preuve pèse sur les sociétés appelantes et qu'il leur appartient, par conséquent, de démontrer que l'utilisation de leurs marques pour référencer et promouvoir des sites Internet leur cause un préjudice illégitime, ce qui ne peut être apprécié qu'en analysant concrètement le contenu de chacun des sites concernés,
- constater que les marques des sociétés appelantes ont été employées par des revendeurs de produits authentiquement revêtus de ces marques ou par des éditeurs de services de recherche d'enchères ou de comparaison de prix de produits authentiquement revêtus de ces marques ou par des éditeurs de sites n'ayant aucun lien avec les produits visés par ces marques et ce, dans des conditions n'impliquant aucun risque de confusion quant à l'origine des sites référencés,
- dire et juger qu'en application des articles 5, 6 et 7 de la directive 89-104 du 21 décembre 1988 sur les marques et des articles L. 713-1, L. 713-4 et L. 713-6 b) du Code de la propriété intellectuelle, l'usage des marques des sociétés appelantes dans le cadre du service de référencement "Adwords" par les revendeurs et éditeurs des sites en cause est licite,
- dire et juger, que les sociétés Google ne commettent aucune faute ni aucune négligence, au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, en s'abstenant de procéder elles-mêmes à un contrôle préalable concernant la licéité et la pertinence des mots clés choisis par ses souscripteurs et du contenu de leurs liens "Adwords", et qu'elles ne commettent non plus aucune faute ni aucune négligence en s'abstenant de désactiver les liens "Adwords" dont le caractère illicite n'est pas manifeste,
- constater et donner acte a la société Google Inc. de ce qu'elle expose très clairement sur son site que son outil dénommé "Générateur de mots-clés" fournit, sur une base exclusivement statistique, des résultats qui ne sont pas nécessairement pertinents et qui ne doivent pas être pris pour des conseils ou des recommandations,
- constater et donner acte à la société Google Inc. de ce qu'elle a mis à la disposition des annonceurs sur son site un outil leur permettant de vérifier eux-mêmes l'étendue de leurs droits en se rendant sur les bases de données de marques www.icimarques.com et de noms commerciaux www.euridiles.com,
- constater au demeurant qu'il ne saurait y avoir un lien de causalité entre le préjudice allégué par les appelants et le générateur de mots-clés dès lors que l'apparition de leur marque dans les résultats fournis par cet outil n'est pas démontrée, que sa consultation par les annonceurs ne l'est pas non plus, et qu'en tout état de cause, cet outil ne peut avoir aucune influence déterminante sur le choix des annonceurs, compte tenu de suprésentation,
- constater que les sociétés Google ont agi avec sérieux et diligence pour faire cesser toute possibilité d'apparition des liens "Adwords" en cause et pour vérifier et rendre définitive la suppression des termes en cause de la liste des mots-clés susceptibles de faire apparaître d'autres liens "Adwords" et ce, malgré l'absence de caractère manifestement illicite du trouble allégué par le GIFAM et ses membres,
- donner acte aux sociétés Google de ce que, malgré ses réserves légitimes sur le bien-fondé des réclamations du GIFAM et de ses membres, par mesure de précaution, et dans l'attente du présent arrêt, elle a dû mettre en place un blocage total visant à interdire l'usage des termes en cause par d'autres annonceurs,
- constater que le GIFAM et les sociétés appelantes ne démontrent aucun préjudice dont les sociétés Google seraient, en tout état de cause, les auteurs,
- débouter le GIFAM et les sociétés appelantes de leurs demandes sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle,
Sur la publicité trompeuse,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Google France sur le fondement de la publicité trompeuse,
Statuant à nouveau,
- constater que le choix de la bannière "lien commerciaux" est le fait exclusif de la société Google Inc., propriétaire du site Google.fr et conceptrice du service "Adwords",
- constater que la bannière "liens commerciaux" n'est pas trompeuse, que la présentation des liens commerciaux ne l'est pas non plus et qu'il ne peut y avoir aucune confusion, dans l'esprit d'un internaute normalement avisé, quant-à la nature de ces liens,
- débouter le GIFAM et les sociétés appelantes de leurs demandes sur le fondement de la publicité trompeuse,
Sur la violation du droit de la concurrence,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Google France de sa demande reconventionnelle sur le fondement du droit des pratiques anticoncurrentielles,
Statuant à nouveau,
- constater que le GIFAM et ses membres ont exercé des pressions sur la société Google France, sous la menace d'une action judiciaire, visant à l'obliger à restreindre abusivement l'usage de leurs marques dans le cadre du système "Adwords" au détriment d'opérateurs, tels que les éditeurs de sites de revente en ligne de produits électroménagers authentiquement revêtus de ces marques, de sites assurant la divulgation d'enchères sur des produits authentiques neufs ou d'occasion ou de sites assurant la comparaison des prix de ces produits,
- constater que le GIFAM et ses membres ont abusivement refusé de collaborer avec les sociétés Google en maintenant leur demande visant à bloquer totalement et de manière absolue toute possibilité d'usage des termes correspondant à leurs marques dans le cadre du système "Adwords"
- constater que ces agissements ont pour objet et pour effet, de restreindre le libre jeu de la concurrence sur les marchés liés à la revente de produits électroménagers sur Internet, en privant les opérateurs concernés d'un important moyen de promouvoir leur offre commerciale auprès des internautes opérant une recherche sur le site de Google Inc. et qui sont précisément intéressés par ces marques,
- constater que ces agissements risquent également d'affecter le commerce entre Etats-membres,
- constater que ces agissements portent en outre un préjudice commercial aux sociétés Google, résultant d'une perte de marge et d'une atteinte à leur image et à leur réputation,
- constater qu'il s'agit d'agissements concertés sous l'égide d'un groupement professionnel prenant la forme d'une entente au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE,
- constater que le GIFAM et les sociétés appelantes exercent collectivement une position dominante au sens des articles L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du traité CE,
En conséquence,
- dire et juger la demande des sociétés Google sur le fondement du droit des pratiques anticoncurrentielles est recevable,
- saisir le Conseil de la concurrence, si celui-ci n'intervient pas volontairement, d'une demande d'avis écrit concernant l'application en l'espèce des articles 81 et 82 du traité CE et L. 420-1 et suivant du Code de commerce,
- dire et juger que le GIFAM et ses membres se sont rendus coupables d'agissements anticoncurrentiels prohibés par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, ainsi que par les articles 81 et 82 du traité CE,
- dire que pour mettre fin à l'atteinte portée au libre jeu de la concurrence et au commerce entre Etats-membres, il y a lieu d'une part, d'interrompre la mesure de blocage total mise en place par les sociétés Google et d'autre part, d'enjoindre au GIFAM et aux sociétés Elco Brandt Ltd, De Dietrich Proces Systems, De Dietrich Thermique. Electrolux Home Products France, Electrolux, Electrolux Lda, Hoover Italiana, Candy Elettrodomestici, Calor, Kenwood Marks, SEB, SEB., Robert Krups Gmbh & Co, SMEG, Rowenta - Werke Gmbh, Miele & Cie Gmbh &Co, Fagor, S. Coop, M & B Marchi E Brevetti, Indesit Company, Whirlpool France, Whirlpool Properties, Atlantic, Babyliss, Divelit Holding, Magimix, Saeco et De'Longhi de signaler aux sociétés Google la liste précise des liens "Adwords" portant illicitement atteinte à leurs droits privatifs, afin que des mesures de blocage adéquates puissent être mises en place au cas par cas, dans l'hypothèse où elles sont justifiées,
- condamner solidairement le GIFAM et les sociétés Elco Brandt Ltd, De Dietrich Proces Systems, De Dietrich Thermique, Electrolux Home Products France, Electrolux, Electrolux Lda, Hoover Italiana, Candy Elettrodomestici, Calor, Kenwood Marks, SEB, SEB., Robert Krups Gmbh & Co, SMEG, Rowenta - Werke Gmbh, Miele & Cie Gmbh & Co, Fagor, S. Coop, M & B Marchi E Brevetti, Indesit Company, Whirlpool France, Whirlpool Properties, Atlantic, Babyliss, Divelit Holding, Magimix, Saeco et De'Longhi à verser à la société Google la somme de 150 000 euro en réparation de l'atteinte portée à l'image et la réputation de la société Google vis-à-vis de ses annonceurs,
- condamner individuellement les sociétés Elco Brandt Ltd, De Dietrich Proces Systems, De Dietrich Thermique, Electrolux Home Products France, Electrolux, Electrolux Lda, Hoover Italiana, Candy Elettrodomestici, Calor, Kenwood Marks, SEB, SEB., Robert Krups Gmbh & Co, SMEG, Rowenta - Werke Gmbh, Miele & Cie Gmbh & Co, Fagor, S. Coop, M & B Marchi E Brevetti, Indesit Company, Whirlpool France, Whirlpool Properties, Atlantic, Babyliss, Divelit Holding, Magimix, Saeco et De'Longhi à verser à la société Google Ireland, exploitante du service "Adwords" , la somme de 3 000 euro chacune en réparation de la perte de marge subie,
- condamner solidairement les sociétés Elco Brandt Ltd, De Dietrich Proces Systems, De Dietrich Thermique, Electrolux Home Products France, Electrolux, Electrolux Lda, Hoover Italiana, Candy Elettrodomestici, Calor., Kenwood Marks, SEB, SEB., Robert Krups Gmbh & Co, SMEG, Rowenta - Werke Gmbh, Miele & Cie Gmbh & Co, Fagor, S. Coop, M & B Marchi E Brevetti, Indesit Company, Whirlpool France, Whirlpool Properties, Atlantic, Babyliss, Divelit Holding, Magimix, Saeco et De'Longhi à verser à la société Google la somme de 50 000 euro sur le fondement de la procédure abusive, dans la mesure où l'action engagée à son encontre dans la présente affaire s'inscrit dans un concours d'agissements anticoncurrentiels,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir en tout ou partie, aux frais solidaires du GIFAM et des sociétés Elco Brandt Ltd, De Dietrich Proces Systems, De Dietrich Thermique, Electrolux Home Products France, Electrolux, Electrolux Lda, Hoover Italiana, Candy Elettrodomestici, Calor., Kenwood Marks, SEB, SFB., Robert Krups Gmbh & Co, SMEG, Rowenta - Werke Gmbh, Miele & Cie Gmbh & Co, Fagor, S. Coop, M & B Marchi E Brevetti, Indesit Company, Whirlpool France, Whirlpool Properties, Atlantic, Babyliss, Divelit Holding, Magimix, Saeco et De'Longhi dans dix revues ou journaux dans la limite de 10 000 euro par insertion,
En tout état de cause,
- condamner les demandeurs à verser in solidum aux sociétés Google la somme de 80 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que le Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils d'Equipement Ménager, syndicat interprofessionnel ci-après dénommé GIFAM et les sociétés titulaires des marques dont la contrefaçon est alléguée, soutiennent que, contrairement à l'analyse qu'en a faite le tribunal, le système de publicité "Adwords" que les sociétés Google proposent aux internautes et aux annonceurs, réalise la contrefaçon de leurs marques par le recours à un générateur de mots-clés ainsi que par la diffusion des annonces publicitaires qui peuvent laisser croire que les annonceurs ont un lien avec les sociétés titulaires des marques citées; qu'au surplus les sociétés Google ont porté atteinte à leur dénomination sociale et aux noms de domaine dont elles peuvent être titulaires, et ont commis des actes de publicité mensongère par l'usage des termes "liens commerciaux" et en réalisant des classements par marque qui conduisent les consommateurs à se méprendre sur les liens que peuvent avoir les sociétés avec les sites annonceurs qui utilisent indûment leurs marques;
Considérant que les sociétés Google Inc. et Google Ireland, intervenantes volontaires, en cause d'appel, font valoir que les faits à l'origine du litige sont étrangers à la société Google France et demandent que cette dernière soit mise hors de cause;
Qu'elles sollicitent en substance la saisine du Conseil de la concurrence d'une demande d'avis en application des articles 15 du règlement CE 01-2003 et L. 462 du Code de commerce sur l'application aux faits de l'espèce des articles 81 et 82 du traité de Rome; elles soutiennent que le GIFAM et ses membres ont constitué une entente pour exercer collectivement une position dominante et se sont rendus coupables d'agissements anticoncurrentiels prohibés par les article précités et par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce;
Elles considèrent qu'elles n'ont pas fait usage, en tant que marque, des signes litigieux, comme l'a jugé le tribunal, que ce soit lors de l'affichage des "liens commerciaux", que lorsqu'elles fournissent à l'annonceur une liste de mots-clés; que pareillement, elles n'ont pu commettre aucun acte de concurrence déloyale et aucun acte de publicité mensongère;
Sur l'intervention volontaire des sociétés Google Inc. et Google Ireland Ltd.
Considérant que la société Google Inc. expose qu'elle est propriétaire du service Adwords en cause et qu'elle en a confié la commercialisation en Europe à la société Google Ireland Ltd; que la société Google France, conformément aux dispositions contractuelles dont elles sont convenues, n'a qu'une mission secondaire notamment de démonstration des services offerts par Google Ireland et ne peut aucunement être tenue pour responsable des informations mises en ligne sur le site;
Considérant que s'il convient d'accueillir l'intervention en cause d'appel de ces sociétés dont la recevabilité n'est d'ailleurs pas contestée, en revanche les documents produits ne permettent pas de mettre hors de cause la société Google France dans la mesure où c'est "Google France" qui apparaît bien sur la première page du site litigieux;
Sur la saisine du Conseil de la concurrence
Considérant que la cour est saisie d'un ensemble des faits imputés aux société Google et qualifiés par les appelants d'actes de contrefaçon de marques, d'actes de concurrence déloyale et d'actes de publicité mensongère; que l'appréciation de ceux-ci et leur qualification ne nécessitent aucunement que le Conseil de la concurrence en soient préalablement saisi pour avis; que s'agissant de la demande reconventionnelle des sociétés Google relative à l'existence alléguée d'une entente et d'un abus de position dominante, il incombe à ces sociétés de justifier de leurs prétentions, en fait en droit ; que l'issue du litige ne saurait être davantage différée pour recueillir l'avis d'une instance dont elles n'ont sollicité la saisine que dans leurs dernières conclusions signifiées quelques jours avant l'audience des plaidoiries;
Sur la demande d'annulation des constats de l'agence de protection des programmes en date des 18 et 19 avril 2005 et 21 et 22 mars 2007
Considérant que les sociétés Google soutiennent que les procès verbaux dits de constat datés des 18/19 avril 2005 et 21 et 22 mars 2007 seraient entachés de nullité car ils auraient été établis par des agents qui auraient outrepassé les limites de leur compétence matérielle, laquelle serait limitée à la seule constatation des atteintes portées à des droits visés par les article L. 335-2 et L. 335-5 du CPI et non pas à celle relevant du livre VII du dit Code et de la responsabilité civile;
Mais considérant que la preuve de la contrefaçon de marques peut être fournie par tous moyens;
Que si la compétence de l'agence pour la protection des programmes, organisme privé, s'étend à la constatation des atteintes portées à des droits d'auteur et à des droits voisins, il demeure que ses agents peuvent également constater des atteintes portées à d'autres droits, étant observé qu'il ne s'agit pas de constatations effectuées par des officiers ministériels en exécution d'une ordonnance juridictionnelle et que le régime des nullités des actes d'huissiers ne leur est pas applicable;
Qu'il est dès lors loisible aux sociétés Google de rapporter, par tout moyen, la preuve contraire;
Que par ailleurs ces dernières font valoir que les impressions d'écran réalisées pourraient avoir été falsifiées;
Qu'il s'agit d'une simple assertion qui n'est soutenue par aucun élément ni analyse et est dès lors dénuée de portée;
Que la demande d'annulation des constations litigieuses sera rejetée;
Sur les faits incriminés au titre du droit des marques
Sur le générateur de mots-clés
Considérant qu'il sera rappelé que les sociétés Google proposent aux annonceurs, parallèlement à l'activité de référencement gratuit, un référencement payant dénommé "Adwords" leur permettant de faire afficher sur les pages de résultats du moteur de recherche Google, des liens hypertextes qu'elles dénomment "liens commerciaux" et destinés à promouvoir les sites qu'ils exploitent;
Que l'affichage intervient lorsque le ou les mots-clés que l'annonceur a préalablement sélectionnés, en utilisant notamment le "générateur de mots-clés" que les sociétés Google lui proposent, est saisi par l'utilisateur du moteur de recherche et que cet utilisateur décide de cliquer sur ce lien commercial;
Considérant qu'il est constant que le contenu des annonces apparaissant sur l'écran de l'utilisateur lorsqu'il a cliqué sur ces liens, est laissé à la discrétion des annonceurs;
Qu'au cours de la procédure de souscription au système "Adwords", l'annonceur est accompagné par diverses recommandations destinées à faciliter la consultation de son annonce; qu'il est ainsi invité à choisir des mots-clés, par lui-même ou avec l'aide d'un générateur de mots-clés, lequel est un programme réalisé par les sociétés Google, qui lui proposera une liste de mots-clés "pertinents" par rapport au texte de l'annonce et aux produits et services dont l'annonceur veut faire la promotion ; que dans les pages écran annexées au constat de l'agence de protection des programmes des 18 et 19 avril 2005, figurent ainsi en réponse à une interrogation du générateur de mots-clés portant sur un équipement ménager (aspirateur, fer à repasser ... etc), les signes : Calor, Babyliss, Sauter, Rosières, Arthur Martin de Dietrich, parmi d'autres termes tirés du langage courant et le plus souvent associés à l'usage de ces équipements ; qu'il est acquis aux débats que ces signes correspondent à des marques dont sont titulaires les membres du GIFAM et qu'ils ont été enregistrés pour désigner de tels équipements ménagers;
Que le système "Adwords" est un service payant puisque Google facture une somme a l'annonceur à chaque visite du site référencé de sorte que la rémunération qu'elle perçoit est directement associée à la fréquence avec la quelle les internautes vont cliquer sur le lien commercial considéré ; que le coût par clic est choisi par l'annonceur et déterminera la position de son annonce;
Considérant que le service Adwords est un service publicitaire que les société Google qualifient elles-mêmes de "publicité contextuelle", comme l'a relevé le tribunal, pour la mise en œuvre duquel les sociétés Google jouent un rôle actif; que la nature de ce service exclut que celles-ci soient des prestataires de stockage au sens de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 sur "la confiance dans l'économie numérique", leur responsabilité étant d'ailleurs recherchée en tant que prestataire publicitaire;
Considérant que les sociétés Google, font valoir en substance que le générateur de mots-clés est d'un usage facultatif pour l'annonceur et ne lui fournit qu'une liste des requêtes les plus fréquentes réellement effectuées par les internautes sur le moteur de recherche, liste générée automatiquement de sorte qu'elle est établie sur des critères purement statistiques, comme le précise le texte de présentation de cet outil rédigé comme suit:
"Enfin, le générateur de mots-clés peut vous fournir des termes supplémentaires. Il vous propose une liste de requêtes courantes lancées sur notre moteur de recherche"; que Google ajoute que son rôle est totalement neutre et qu'il n'intervient pas dans l'analyse personnelle que le souscripteur doit faire des informations fournies par le générateur de mots-clés; qu'en outre, l'attention de l'annonceur est appelée sur le fait qu'il est seul responsable des mots-clés qu'il sélectionne et qu'il lui incombe de s'assurer que leur usage n'enfreint aucun droit;
Qu'il soutient qu'en tous cas, comme le tribunal l'a relevé, la présence fortuite dans la liste fournie par le générateur de mots-clés, de signes constituant des marques, ne correspond pas à un usage en tant que marque, pour désigner des produits et services, d'autant qu'il ne peut connaître la nature des activités des personnes qui consultent le générateur de mots-clés;
Mais considérant que dans le service "Adwords", Google intervient en tant que prestataire publicitaire; que la rémunération de Google est fonction notamment de la fréquence de consultation du site de l'annonceur;
Que sa prestation s'inscrit ainsi incontestablement dans la vie des affaires;
Que lorsque l'annonceur sollicite le générateur de mots-clés, il s'interroge sur le ou les mots- clés les plus pertinents pour faciliter la consultation de son site et ce, en fonction de l'activité qu'il y développe ou du moins qu'il veut y développer
Qu'il interroge donc le service de Google par rapport à un produit ou à un ensemble de produits désignés;
Que le générateur de mots-clés va répondre à son interrogation en lui fournissant les requêtes les plus fréquentes des internautes et les signes les plus fréquemment saisis, signes parmi lesquels se trouvent, comme indiqué ci-dessus (procès-verbal des 18 et 19 avril 2005) à propos des équipements ménagers, de nombreuses marques dont celles des membres du GIFAM;
Que dans cette opération, c'est bien Google qui fait apparaître ces marques à l'écran de l'internaute en association avec les produits ou services, objets de l'interrogation;
Que l'usage de ces signes déposés à titre de marques est dès lors bien un usage à titre de marque, c'est-à-dire dans la fonction d'individualisation de produits ou services;
Qu'il est indifférent de soutenir que ce service de suggestion de mots-clés fonctionnerait de façon purement statistique et à la seule demande des annonceurs, dès lors que c'est Google qui l'a mis en œuvre, qui en contrôle le fonctionnement et qui en propose l'usage aux annonceurs;
Qu'il est également indifférent que figurent dans les pages du système "Adwords" des mises en garde à l'adresse des annonceurs, car le fait ici incriminé n'est pas le choix par les annonceurs d'un signe déposé à titre de marque mais le choix de Google de reproduire, en réponse à une sollicitation d'un annonceur, un ou des signes déposés à titre de marque, ce qui constitue une captation du pouvoir attractif de ceux-ci dans le champ des produits pour la désignation desquels ils ont été enregistrés;
Qu'il suit que l'usage des marques du GIFAM que Google réalise dans la vie des affaires avec son générateur de mots-clés, constitue la contrefaçon de ces dernières au sens des articles L. 713-2 du CPI, Google ne contestant pas que les signes déposés à titre de marques apparaissent tels quels dans les listes fournies par le générateur de mots-clés;
Sur la contrefaçon de marques par les annonces publicitaires
Que le GIFAM incrimine ici les annonces publicitaires qui apparaissent à l'écran par le vecteur des liens commerciaux et qui reprennent les signes déposés à titre de marques; qu'il s'agit, selon le GIFAM, d'un véritable classement par rapport à une marque "forte", laquelle apparaît le plus souvent en plus gros caractères que ceux de la dénomination ou du nom commercial de l'annonceur, qui ne serait d'ailleurs pas toujours mentionné; que de telles annonces qui, par leur présentation, font croire à la clientèle que les annonceurs sont en lien avec les titulaires des marques reprises, constitueraient des actes de contrefaçon engageant la responsabilité de Google en tant que régisseur publicitaire;
Considérant que Google oppose que la plupart des liens Adwords déclenchés par la saisie de requêtes portant sur les marques des membres du GIFAM font la promotion de sites de revendeurs de produits authentiques (Mistergooddeal, shoppingattitude ...) et qu'il s'agit d'un usage tout à fait légitime d'autant que les annonces renvoient en cas de clic, sur des pages entièrement dédiées aux produits de la marque concernée; que Google ajoute qu'en tous cas, l'usage incriminé est celui des annonceurs et qu'il n'y prend aucune part;
Considérant, ceci étant rappelé, qu'il est acquis aux débats que nombre des annonces litigieuses sont le fait d'éditeurs de services de comparaison de prix et de recherche d'enchères; qu'il n'est pas plus contesté que certains des éditeurs revendent des produits authentiques puisque le GIFAM leur fait reproche de faire un usage "d'appel", de leurs marques ;
Considérant que ce faisant le GIFAM incrimine globalement un ensemble d'annonces qui obéissent à des finalités bien distinctes, sans procéder dans ses écritures à l'analyse précise de leur contenu;
Que surtout, face aux prétentions de Google qui soutient que les usages litigieux seraient le fait de revendeurs de produits authentiques, le GIFAM n'a pas cru devoir appeler dans la cause les responsables de ces annonces;
Que la cour ne peut donc que débouter le GIFAM et ses membres de l'ensemble de leurs prétentions puisqu'ils ne rapportent pas la preuve du caractère contrefaisant de ces usages et a fortiori que la responsabilité de Google pourrait être engagée du fait de ceux-ci;
Sur la concurrence déloyale
Considérant par ailleurs que le GIFAM soutient que l'usage contrefaisant des marques de ses membres dans le cadre du générateur de mots-clés, réalise en outre des actes de concurrence déloyale dans la mesure où les signes déposés à titre de marques sont aussi la dénomination sociale et le nom commercial de ces sociétés et sont également le nom de domaine des sites exploités par ces dernières;
Mais considérant que l'internaute qui prend connaissance de la liste des mots-clés dont certains constituent la dénomination sociale, le nom commercial ou même le nom de domaines des sociétés membres du GIFAM, ne peut se méprendre sur l'usage de ces signes par le générateur de mots-clés;
Qu'en l'absence d'un risque de confusion, cet usage ne saurait-être incriminé au titre de la concurrence déloyale;
Sur la publicité mensongère
Considérant en revanche que c'est à bon droit que le GIFAM et ses membres incriminent la présentation des annonces publicitaires, regroupées sous l'intitulé "liens commerciaux", intitulé qui, nonobstant sa généralité, peut en effet laisser croire aux internautes que les sites Internet affichés entretiennent des rapports commerciaux avec la ou les sociétés mises en regard des dits liens ; que partant, cet intitulé peut par lui même, créer une confusion malgré les différences de situation et de présentation des annonces (à droite de l'écran, dans un encart séparé, avec la mention d'une phrase promotionnelle ...)
Que la responsabilité de Google est en conséquence engagée sur le fondement des articles L. 115-3 3 et L. 121-1 du Code de la consommation;
Sur les demandes reconventionnelles
Considérant que Google avance que l'attitude du GIFAM et de ses membres, qui le contraint à maintenir un système de blocage généralisé de tout usage des marques de ceux-ci, s'inscrit dans une politique concertée visant à restreindre l'activité de la filière "commerce électronique" dans le secteur de l'électroménager, activité qui contribue selon lui, à maintenir une forte pression sur les prix auprès des fournisseurs ; que ce comportement serait d'autant plus anticoncurrentiel que certaines des sociétés appelantes ont développé elles-mêmes leurs propres sites de vente en ligne et se retrouveraient en concurrence directe avec ses annonceurs;
Qu'il sollicite la condamnation du GIFAM et de ses membres dès lors qu'ils se seraient manifestement entendus pour exercer collectivement et de manière concertée, sous son égide, des pressions juridiques dont rendent compte tant les menaces adressées à Google avant le procès, que l'engagement de la présente action devant le tribunal puis devant la cour;
Qu'il soutient également que le GIFAM regroupe les dix principaux groupes d'appareils électroménagers en France représentant 80 % du marché de l'électroménager et que la réunion de ces sociétés et leur capacité à agir de concert dans la présente affaire à des fins anticoncurrentielles démontreraient l'existence de liens structurels et d'une coordination stratégique caractéristiques d'une position dominante dont elles ont abusé;
Mais considérant que l'allégation d'une violation des articles 81 du traité CE et L. 420-1 du Code de commerce est fondée sur les seuls éléments suivants : la mise en demeure adressée par le GIFAM à Google France et l'engagement de la présente action;
Que la lettre adressée le 19 avril 2005 par le GIFAM à Google France a trait à la constatation que "des requêtes sur le moteur de recherche Google " déclenchaient l'affichage de liens commerciaux proposant des produits et services couverts par (les) marques (de ses membres) " ; que le GIFAM précise dans ce courrier qu'il a actionné le service de réservation des mots-clés et que le générateur lui a alors proposé d'opter pour des marques telles que "Arthur Martin ou Siemens"; qu'il en conclut que ces agissements sont constitutifs de contrefaçon de marques au sens des articles L. 713-2 et L. 713-3 du CPI avant de mettre en demeure Google France de supprimer de son système Adwords les marques de ses adhérents et de lui en justifier sous huitaine; qu'il ajoute qu'il se réserve le droit de donner les suites judiciaires que ces actes appellent;
Considérant que ce faisant, le GIFAM et ses membres ont légitimement fait valoir leurs droits sur leurs marques, en dénonçant l'atteinte qui leur était portée par le générateur de mots-clés; que la qualification d'actes de contrefaçon qu'ils donnent dans ce courrier aux actes précités est d'ailleurs celle que la cour retient;
Qu'en mettant en demeure Google de cesser de porter atteinte à leurs droits, ils n'ont nullement agi de façon concertée pour freiner tout développement du commerce électronique des équipements ménagers, mais ont entendu agir pour que cesse dans le système Adwords, l'usage contrefaisant de leurs signes;
Qu'ils ont ainsi agi conformément à l'objet spécifique et à la fonction essentielle des droits attachés aux marques qui sont les leurs ;
Que si les termes de leur mise en demeure étaient cependant trop larges dans la mesure où, pour les motifs sus exposés, la cour estime qu'il n'est pas justifié du caractère contrefaisant des annonces publicitaires, cette seule considération ne saurait à l'évidence caractériser une action concertée destinée à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence sur le marché du commerce électronique des équipements ménagers;
Qu'elle ne saurait pas davantage caractériser l'exploitation abusive d'une position dominante, à supposer établi que les membres du GIFAM soient dans cette position, d'autant que ceux-ci ont rapidement soumis à l'appréciation du tribunal les comportements qu'ils dénoncent dans ce courrier;
Que les demandes reconventionnelles de Google seront rejetées;
Sur les mesures réparatrices
Considérant qu'il est justifié par les procès verbaux des 18 et 19 avril 2005, de l'usage par les générateur de mots-clés, des marques : Indesit, SMEG, Arthur Martin, Miele, Electrolux, Rosières Whirpool, Rowenta, Tornado, Hoover, Brandt, Moulinex, Liebher, Sauter, De Dietrich, Ariston, Magimix, SEB, Kenwood, Krups, Faure, Candy, Laden, Fagor, Vedette;
Considérant que cet usage a perduré; que si Google a fait le choix de ne fournir que quelques éléments comptables qui ne permettent pas d'apprécier la fréquence et l'importance de la reproduction de l'ensemble des marques par le générateur de mots-clés, il est toutefois constant qu'elles n'ont pu qu'être souvent reproduites et que faire l'objet d'une large consultation par les annonceurs, s'agissant de signes désignant des produits de consommation courante; que le préjudice des sociétés appelantes recouvre aussi la banalisation et la vulgarisation de ces signes
Qu'il convient en conséquence de condamner in solidum les sociétés Google, - y compris la société Google France dont la dénomination apparaît sur les premières pages écran et qui se borne à faire état très tardivement de son absence d'implication dans les faits dénoncés -, à verser sur le fondement de la contrefaçon, la somme de 10 000 euro à chaque société titulaire des marques et à chacune des sociétés appelantes la somme de 1 500 euro en réparation de la publicité trompeuse ; que le préjudice du GIFAM qui défend l'intérêt collectif de la profession, sera réparé par la condamnation des société Google à lui verser la somme de 1 000 euro;
Considérant que la mesure de publication prononcée par les premiers juges sera confirmée quant à la mesure d'interdiction, elle sera circonscrite dans les termes du dispositif ci-après;
Considérant enfin que l'équité commande d'allouer au GIFAM et aux sociétés intimées la somme globale de 8000 euro sur le fondement de l'article 700 du NCPC;
Par ces motifs, Reçoit les interventions des sociétés Google Inc., Google Ireland Ltd, et De Dietrich SAS, Rejette la demande de saisine du Conseil de la concurrence, Réforme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité du constat de l'APP, dit que l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 n'était pas applicable, considéré comme établis les actes de publicité mensongère, rejeté la demande reconventionnelle, et prononcé une mesure de publication, Statuant à nouveau, Dit que les sociétés Google en proposant aux annonceurs l'usage, comme mots-clés, des signes suivant déposés à titre de marque (Indesit, SMEG, Arthur Martin, Miele, Electrolux, Rosières Whirpool, Rowenta, Tornado, Hoover, Brandi, Moulinex, Liebher, Sauter, De Dietrich, Ariston, Magimix, SEB, Kenwood, Krups, Faure, Candy, Laden, Fagor, Vedette) ont commis des actes de contrefaçon au préjudice des sociétés appelantes qui en sont titulaires, Dit qu'elles ont en outre commis des actes de publicité mensongère, En conséquence, Leur interdit la poursuite de ces actes sous astreinte de 500 euro par infraction constatée passé un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, Dit en revanche que le GIFAM et les sociétés appelantes ne justifient pas du caractère contrefaisant de l'usage de ces signes dans le cadre des annonces publicitaires, Condamne in solidum les sociétés Google à verser à chacune des sociétés présentes dans la cause et titulaires des marques contrefaites, la somme de 10 000 euro en réparation de leur préjudice, Les condamne en outre à verser à chacune des sociétés appelantes la somme de 1 500 euro en réparation des actes de publicité mensongère, et à verser au GIFAM la somme globale de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts; Rejette toute autre demande, Condamne in solidum les sociétés Google à verser aux appelants la somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Oudinot-Flauraud, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.