CA Metz, ch. soc., 23 octobre 2007, n° 04-02243
METZ
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Risser
Défendeur :
CGEA de Rennes, Dupont (ès qual.), Transport Morand (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Dory
Conseillers :
M. Schneider, Mme Mailhes
Avocats :
Mes Brocard Le Blanc, Rozenek & Monchamps, Matrytowski, Reiss, Gourvennec
M. Jean-Claude Risser a été engagé par la SARL Transport Morand par contrat à durée indéterminée à compter du 17 juillet 2000 en qualité de responsable d'agence au statut de cadre, coefficient 132 du groupe 5 de l'annexe des cadres à la convention collective nationale des transports. Il a démissionné de son emploi par lettre recommandée avec accusé de réception remise le 1er août 2001.
M. Risser a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz le 25 janvier 2002 aux fins de voir condamner la SARL Transport Morand son ancien employeur à lui verser, avec exécution provisoire:
- 928,67 euro à titre de rappel de repos bonifiés,
- 2 731,38 euro au titre du salaire de septembre 2001,
- 273,14 euro au titre des congés payés y afférents,
- 990,92 euro à titre de rappel de congés payés au 31 août 2001,
- 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SARL Transport Morand a été mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire le 7 janvier 2004 et Me Dupont a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Me Dupont ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand a demandé reconventionnellement la condamnation de M. Risser à lui verser en se qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand:
- 4 344,80 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture de préavis,
- 100 000 euro à titre de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale,
- 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le CGEA de Rennes est intervenu et s'en est remis aux observations formulées par Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand.
Par jugement rendu le 21 mai 2004, le Conseil de prud'hommes de Metz a:
- condamné M. Risser à verser à Me Dupont ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice résultant de l'exécution déloyale de son contrat de travail au sens de l'article 1134 du Code civil,
- fixé la créance de M. Risser sur la SARL Transport Morand en liquidation judiciaire aux sommes suivantes:
- 820,69 euro au titre des repos bonifiés non pris,
- 2 731,38 euro au titre des salaires de septembre 2001,
- 273,14 euro au titre des congés payés y afférents,
- 868,96 euro brut au titre des congés payés restant à prendre, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 25 janvier 2002 date de la saisine du Conseil de prud'hommes jusqu'au 18 décembre 2002 date d'ouverture de la procédure collective
- dit que ces sommes seront inscrites par Me Dupont ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand sur l'état des créances déposé au greffe du Tribunal de commerce de Vannes,
- ordonné la compensation de ces sommes avec celle allouée à la SARL Transport Morand en liquidation judiciaire au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- débouté M. Risser de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouté Me Dupont ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand de ses autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement dans sa totalité conformément aux dispositions de l'article 515 du nouveau Code de procédure civile,
- dit que chaque partie supportera ses éventuels dépens.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 mai 2004 au CGEA de Rennes, du 26 mai 2004 à M. Risser et du 27 mai 2004 à Me Dupont ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand.
Par déclaration au greffe du Conseil de prud'hommes de Metz du 28 mai 2004, M. Risser a interjeté appel de la décision, appel dirigé contre Me Dupont ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand.
Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand a le 24 juin 2004, représenté par son avocat, formé appel incident.
Aux termes des écritures de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie du 11 septembre 2007, M. Risser demande à la cour de:
- recevoir M. Risser en son appel de la décision du Conseil de prud'hommes du 21 mai 2004,
- confirmer cette décision en ce qu'elle a fixé la créance de M. Risser sur la SARL Transport Morand en liquidation judiciaire aux sommes de :
* 820,69 euro au titre des repos bonifiés non pris,
* 2 731,38 euro au titre des salaires de septembre 2001,
* 273,14 euro au titre des congés payés y afférents
* 868,96 euro brut au titre des congés payés restant à prendre, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 25 janvier 2002 date de la saisine du Conseil de prud'hommes jusqu'au 18 décembre 2002 date d'ouverture de la procédure collective,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2002,
- débouter la SARL Transport Morand de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SARL Transport Morand en la personne de Me Dupont ès qualité de liquidateur judiciaire aux frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2000 euro en application des dispositions de l'article 700 de nouveau Code de procédure civile.
Selon les conclusions de son avocat, Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand demande à la cour de:
- dire et juger les appels principaux et incidents recevables,
- Sur l'appel principal de M. Risser, débouter ce dernier de ses demandes fins et conclusions,
- Sur l'appel incident de Me Dupont, statuant à nouveau, dire et juger la rupture du préavis imputable à M. Risser, en conséquence,
- Condamner M. Risser à payer à Me Dupont ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand la somme de 4 344,80 à titre de dommages et intérêts pour rupture de préavis,
- Dire et juger que M. Risser s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale aux dépens de la SARL Transport Morand,
- Confirmant la décision à ce titre et infirmant celle-ci quant au quantum,
- Condamner M. Risser à payer à Me Dupont ès qualité la somme de 100 000 à titre de dommages et intérêts,
- Condamner M. Risser au paiement de la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Ordonner l'éventuelle compensation judiciaire entre les sommes éventuellement dues au titre de l'appel principal et celles au titre de l'appel incident,
- Condamner M. Risser aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel,
- Dire et juger la décision à intervenir commune au CGEA de Rennes.
Aux termes des écritures de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoiries, le CGEA de Rennes s'en rapporte aux conclusions de Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand et demande de:
- statuer ce que de droit sur l'appel principal et l'appel incident,
- dire que le CGEA de Rennes n'est redevable que des seules garanties légales,
- dire qu'il n'est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 143-11-1 du Code du travail et de l'article L. 621-48 du Code de commerce,
- dire qu'au regard du principe de subsidiarité le CGEA de Rennes ne doit sa garantie qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective,
- dire que le CGEA de Rennes ne garantit que les montants strictement dus au titre de l'exécution du contrat de travail,
- dire que le CGEA de Rennes ne garantit pas les montants sollicités en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- dire qu'en application de l'article L. 621-48 du Code du commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective
- condamner M. Risser aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'affaire a été mise en délibéré au 23 octobre 2007.
Sur ce,
Vu le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Metz le 21 mai 2004,
Vu les conclusions des parties (déposées le 13 septembre 2006 pour le CGEA de Rennes, le 3 décembre 2004 pour Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand et les 10 septembre 2004, 22 mai 2006 et 29 juin 2006 pour M. Risser) présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoiries, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et prétentions émises;
Attendu que M. Risser a été engagé par la SARL Transport Morand aux termes d'un contrat à durée indéterminée à compter du 17 juillet 2000 en qualité de responsable d'agence, relevant du groupe 5 coefficient 132 de l'annexe cadres de la Convention Collective Nationale des Transports, pour le salaire mensuel brut de 19 000 F ; qu'il avait pour fonction de diriger l'agence de Metz, la SARL Transport Morand ayant son siège social à La Gacilly dans le Morbihan;
Attendu que par courrier avec accusé de réception an date du 1er août 2001, M. Risser a donné sa démission à la SARL Transport Morand, en indiquant qu'au regard de ses états de service, son préavis se terminera le 31 août 2001; que le 8 septembre 2001, il a envoyé une lettre à la SARL Transport Morand indiquant qu'il avait bien pris note de leur accord concernant la fin de son " délai-congé " qui aura lieu le 28 septembre 2001 ; par courrier an retour la SARL Transport Morand a contesté l'accord dont M. Risser faisait état et a précisé que contractuellement la période de préavis qui est de trois mois se termine le 1er novembre 2001; qu'elle a par ailleurs envisagé la possibilité de décharger M. Risser de sa période de préavis à la condition que soient mises en place des conditions normales d'exploitation et de gestion de l'agence de Ennery ; qu'entre le 20 et le 21 septembre 2001, la SARL Transport Morand a fait changer les serrures des locaux de l'agence, que M. Risser n'a plus travaillé pour elle à compter de cette date;
Sur les actes concurrentiels et déloyaux invoqués à l'encontre de M. Risser
Attendu que Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand estime que M. Risser a exercé des activités concurrentielles et déloyales au motif qu'il a créé une société de transport ayant le même objet social alors même qu'il était encore salarié, qu'il a débauché du personnel de la SARL Transport Morand pour l'employer au sein de sa société Trans Est Logistique, qu'il a détourné de la clientèle, utilisé sur son temps de travail les locaux et la logistique de la SARL Transport Morand pour développer sa propre activité concurrentielle, détourné les locaux contigus que la SARL Transport Morand souhaitait louer, au profit de la société Trans Est Logistique, utilisé le même réseau de loueurs de véhicules, loué des véhicules de même type et de même couleur, récupéré les documents contractuels, financiers, et techniques de la SARL Transport Morand ; qu'il soutient que M. Risser a ainsi organisé le désordre au sein de la société et l'a vidée d'une partie de sa substance, au mépris de son obligation d'exécuter son contrat de travail de bonne foi, au mépris de son obligation de non-concurrence résultant d'une clause contractuelle et au mépris de son obligation de fidélité également prévue au contrat;
Attendu que M. Risser s'oppose à cette demande, faisant valoir que la SARL Transport Morand ne prouve pas la déloyauté qu'elle lui reproche;
Attendu que le contrat de travail de M. Risser comporte en son article 11 une clause de non-concurrence ainsi rédigée :
" M. Risser s'interdit en cas de cessation du présent contrat, quelle qu'en soit la cause :
- d'entrer au service d'une entreprise pouvant concurrencer la société,
- de s'intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit à un entreprise de cet ordre.
Cette interdiction de concurrence est limitée pour une période de 2 ans commençant le jour de la cessation effective du contrat et couvre le territoire de...
Toute violation de la présente clause expose M. Risser au paiement de dommages et intérêts dont le montant est égal, par jour de violation de la clause, au double de son salaire journalier au moment de la rupture.
La société pourra libérer M. Risser de l'interdiction de concurrence à tout moment au cours du contrat ou à l'occasion de sa cessation. "
Que cette clause de non-concurrence qui ne comporte aucune contre-partie financière ni délimitation géographique est nulle, de sorte qu'il ne peut être fait grief à M. Risser d'actes de concurrence en violation de celle-ci;
Attendu qu'il n'est pas contesté que M. Risser a créé la société Trans Est Logistique immatriculée le 6 mars 2001 au RCS de Metz, 434 810 776 ; qu'elle avait pour siège social 4 square des Acacias à Argancy et pour objet social, le transport routier de marchandises inter urbain, que M. Risser en était le gérant, tel qu'il résulte du contrat de travail de M. Ben El Rhali en date du 2 juillet 2001 et de l'attestation d'emploi de salarié le 29 juin 2001 qu'il a lui-même établie; qu'il ressort par ailleurs de la note de service en date du 29 juin 2001 établie par M. Gerlei agissant pour le compte de la société Trans Est Logistique, outre l'embauche le même jour de M. Ben El Rhali, que cette société avait une activité;
Attendu que l'agence de la SARL Transport Morand sur Metz est située dans la zone Garolor à Ennery, locaux C le long des quais de déchargement ; que le constat de Me Louyot, Huissier de justice établit que la société Trans Est Logistique a des locaux contigus à la SARL Transport Morand au 18 décembre 2002, date à laquelle le procès-verbal a été dressé, et non à une date antérieure à la rupture du contrat de travail; que d'ailleurs, il ressort du procès-verbal de plainte de M. Gerlei en date du 21 juillet 2001, que l'adresse de la société Trans Est Logistique était encore au 4 square des Acacias;
Attendu qu'il est constant et avéré que M. El Rhali et M. Gerlei étaient employés par la SARL Transport Morand ; que l'attestation d'emploi de M. Ben El Rhali établie par M. Risser le 29 juin 2001 sur un papier à entête de la société Trans Est Logistique, la plainte de M. Gerlei déposée en sa qualité de directeur technique de la société Trans Est Logistique le 21 juillet 2001 à l'encontre de M. Ben El Rhali outre le jugement du Tribunal correctionnel de Strasbourg rendu le 17 juin 2003 déclarant M. Ben El Rhali coupable de faits d'abus de confiance, courant juillet 2001, en utilisant à son profit la carte bancaire que lui avait confiée son employeur pour effectuer des retraits d'argent liquide ou régler des achats personnels, déclarant recevable la constitution de partie civile de la société Trans Est Logistique, et condamnant celui-là à lui verser des dommages et intérêts, sont de nature à établir que tant M. Ben El Rhali que M. Gerlei avaient été embauchés par la société Trans Est Logistique avant la démission de M. Risser le 1er août 2001 ; que la SARL Transport Morand ne, justifie d'aucun élément concernant M. Akataya et Lebel au soutien de son allégation de débauchage;
Attendu que néanmoins, pour être fautif, le débauchage doit avoir été causé par des manœuvres frauduleuses dans un but précis ; qu'en l'espèce, la SARL Transport Morand invoque la volonté de M. Risser de vider la SARL Transport Morand d'une partie de sa substance ; que la SARL Transport Morand ne produit aucune pièce de nature à justifier que le débauchage de deux de ces salariés était au regard de la structure de sa plate-forme messine de nature à la désorganiser; que par ailleurs, il n'est pas prouvé qu'il pouvait y avoir confusion dans l'esprit de la clientèle entre les deux sociétés dès lors qu'il n'est pas établi que la société Trans Est Logistique avait ses focaux à proximité immédiate de la SARL Transport Morand avant la rupture du contrat de travail;
Attendu que le détournement de clientèle invoqué par la SARL Transport Morand est limité au contrat avec La Poste ; que la SARL Transport Morand n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation; qu'au surplus, l'attestation de IGL, service comptable de la société Trans Est Logistique établit que la société Trans Est Logistique n'a jamais eu de contrat avec La Poste;
Attendu que SARL Transport Morand ne justifiant d'aucun élément, ne rapporte pas plus la preuve de ce que la société Trans Est Logistique utilisait le même réseau de fournisseur de véhicules, que ces véhicules étaient identiques à ceux qu'elle utilisait, de ce que la société Trans Est Logistique a récupéré les locaux contigus aux siens à son détriment et de ce que M. Risser a récupéré ses documents contractuels, financiers et techniques;
Attendu que M. Risser est tenu selon son contrat de travail par une clause intitulée " pacte de fidélité " aux termes de laquelle, il s'engage formellement à ne divulguer aucune information de quelque nature que ce soit dont il pourrait avoir connaissance du fait de sa présence dans l'entreprise, demeurant après la rupture du contrat et sans limitation de durée ; qu'il s'agit aux termes même du contrat d'une obligation de discrétion; que la SARL Transport Morand ne prouve pas que M. Risser a manqué à son obligation de discrétion ; que sa double activité à la fois de responsable d'agence salarié de la SARL Transport Morand et de gérant de la société Trans Est Logistique n'est pas en elle-même constitutive d'un manquement à une telle obligation;
Attendu que les actes avérés dont il peut être fait reproche à M. Risser sont constitués par la création et l'exploitation d'une société ayant un objet social identique à celui de son employeur, pendant huit mois précédant la rupture de son contrat de travail et située dans une localité dépendant du même département et du même bassin d'activité; que ces faits caractérisent la concurrence déloyale et le manquement de M. Risser à son obligation d'exécuter de bonne foi son contrat de travail ; qu'il a ainsi causé un préjudice à la SARL Transport Morand, son employeur, qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 7 500 euro de dommages et intérêts ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce chef;
Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture anticipée de préavis
Attendu que la SARL Transport Morand soutient que la rupture anticipée du préavis est imputable à M. Risser dès lors qu'en ayant créé une société commerciale concurrente, il ne travaillait pas pour elle et que de ce fait il ne respectait pas son préavis;
Attendu que M. Risser s'opposant à la demande de ce chef, fait valoir qu'il n'a pas eu la possibilité de travailler en raison du changement de serrures effectué par la SARL Transport Morand;
Attendu que M. Risser a démissionné de son emploi par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 1er août 2001 par son employeur; qu'il devait alors un préavis de trois mois à son employeur en application des clauses contractuelles ; que par courrier du 11 septembre 2001, la SARL Transport Morand a clairement notifié à son salarié son refus de le dispenser d'exécuter ses deux derniers mois de préavis;
Attendu qu'il est constant et reconnu par la SARL Transport Morand qu'elle a fait changer les serrures des locaux de l'agence d'Ennery entre le 20 et 21 septembre 2001 et qu'elle a ainsi interdit l'accès de M. Risser à son lieu de travail; que néanmoins, ce changement de serrure a été effectué immédiatement après que la société Transport Morand a eu connaissance des actes de déloyauté reprochés à son salarié ; que ce dernier a par les actes de concurrence déloyale qu'il a commis, mis son employeur dans l'impossibilité de le laisser exécuter l'intégralité de son préavis, de sorte que sa demande de dommages-intérêts pour rupture anticipée du préavis sera rejetée ; que le jugement querellé sera infirmé de ce chef;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 122-8 du Code du travail, l'inobservation du délai-congé ouvre droit à une indemnité compensatrice qui est due par celle des parties à qui elle est imputable; que le contrat de travail prévoit que l'inobservation du préavis par l'une ou l'autre des parties ouvre droit pour l'autre, à une indemnité égale au salaire correspondant à la période non effectuée, à laquelle pourraient éventuellement s'ajouter des dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la brusque rupture; que Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Transport Morand est dès lors fondé à solliciter une indemnité qui sera toutefois limitée à un mois et 10 jours de salaire (19 000 F + 19 000 x 10 130 = 25 333,33 F) soit 3 862,04 euro ;
Sur le salaire et l'indemnité de congé payés du mois de septembre 2001
Attendu que M. Risser exerçait une activité concurrente du 1er septembre au 20 septembre 2001 ; que ces faits démontrent qu'il n'a pas travaillé pour le compte de son employeur, ce d'autant qu'il a manifesté sa volonté de ne pas exécuter de préavis selon ses courriers du 1er août 2001 et 8 septembre 2001, de sorte qu'il ne peut prétendre à obtenir un salaire pour la période considérée; que le jugement entrepris sera infirmé;
Attendu que M. Risser est en conséquence mal fondé à réclamer les indemnités de congés payés et compensatrices de congés payés relatives au mois de septembre 2001 ; que le jugement entrepris sera infirmé;
Sur le repos bonifié et l'indemnité de congés payés jusqu'au 31 août 2001
Attendu que les parties ne remettent pas en cause les sommes accordées à M. Risser au titre des repos bonifiés non pris et de l'indemnité de congés payés tant dans leur principe que dans leurs modalités de calcul ; que dès lors et au regard des pièces versées aux débats, les sommes de 820,69 euro au titre des repos bonifiés non pris et de 868,96 euro au titre de l'indemnité de congés payés fixées par le Conseil de prud'hommes seront retenues par la cour ; que la décision entreprise sera confirmé de ces chefs;
Sur la garantie du CGEA de Rennes
Attendu que la garantie du CGEA de Rennes ne peut être due que dans les limites de l'article L. 143-11-1 du Code du travail et de l'article L. 621-48 du Code du commerce, étant précisé que s'en trouvent exclus les montants éventuellement octroyés sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu qu'au regard du principe de subsidiarité le CGEA ne doit sa garantie qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective ; qu'il ne garantit que les montants strictement dus au titre de l'exécution du contrat de travail;
Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Attendu que tant l'appelant principal que l'appelant incident succombent pour partie ; qu'ils garderont chacun à leur charge les frais, compris dans les dépens, qu'ils ont exposés;
Attendu que l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; que M. Risser et Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand seront déboutés de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Déclare recevable l'appel principal interjeté par M. Risser contre le jugement du Conseil de prud'hommes de Metz en date du 21 mai 2004; Déclare recevable l'appel incident formé par Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand contre le dit jugement ; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de M. Risser sur la SARL Transport Morand en liquidation judiciaire aux sommes de 820,69 euro au titre des repos bonifiés non pris, 868,96 euro brut au titre des congés payés restant à prendre, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 25 janvier 2002 date de la saisine du Conseil de prud'hommes jusqu'au 18 décembre 2002 date d'ouverture de la procédure collective; Infirme le jugement entrepris pour le surplus; Statuant à nouveau, Condamne M. Risser à verser à Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand la somme de 7 500 euro de dommages et intérêts au titre des actes de concurrence déloyale; Condamne M. Risser, à verser à Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Transport Morand la somme de 3 862,04 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis; Dit que la garantie du CGEA de Rennes ne peut être due que dans les limitas de l'article L. 143-11-1 du Code du travail et de l'article L. 621-48 du Code du commerce, étant précisé que s'en trouvent exclus les montants éventuellement octroyés sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Dit qu'au regard du principe de subsidiarité le CGEA ne doit sa garantie qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective; Dit que le CGEA ne garantit que les montants strictement dus au titre de l'exécution du contrat de travail; Déboute Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire du surplus de ses demandes; Déboute M. Risser du surplus de ses demandes; Dit que les parties garderont chacune à leur charge les dépens qu'elles ont exposés.