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Décisions

Cass. crim., 19 mars 2008, n° 07-80.473

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SNF (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Labrousse

Avocat général :

M. Fréchède

Avocats :

SCP Défrénois, Levis, SCP Delaporte, Briard, Trichet

Lyon, ch. corr., du 20 déc. 2006

20 décembre 2006

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société SNF SAS, partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Lyon, en date du 20 décembre 2006, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre Olivier R... et la société X du chef d'abus de position dominante, a constaté la prescription de l'action publique ; - Vu l'article 575, alinéa 2, 3° et 5° du Code de procédure pénale ; - Vu les mémoires et les observations complémentaires produits en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 1er octobre 1993, la société SNF, commercialisant un produit chimique dénommé PMD, dans la composition duquel entre un composant, dénommé AMD, a conclu avec la société X (X), concurrente sur le marché des PMD, un contrat d'approvisionnement exclusif, d'une durée de huit ans, par lequel elle s'engageait à n'acheter qu'auprès d'elle ce dernier composant ; que, le 10 janvier 2000, la société SNF a dénoncé ce contrat comme contraire aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne et a cessé tout achat fin janvier 2000 ; que, le 12 mai 2000, la société X a saisi la Cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce et d'industrie aux fins de voir constater que la société SNF avait violé le contrat de 1993 et devait l'indemniser ; que, le 15 septembre 2004, le Président du Tribunal de grande instance de Paris a rendu une ordonnance d'exequatur, confirmée en appel, des sentences arbitrales des 5 novembre 2002 et 28 juillet 2004, déclarant nul le contrat de 1993 et condamnant la société SNF à indemniser X du préjudice résultant de l'annulation ; que, le 10 novembre 2004, la société SNF a porté plainte et s'est constituée partie civile en reprochant à la société X un abus de position dominante ayant sa source dans le contrat de 1993 précité ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 7, 8, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré l'action publique prescrite et a dit qu'il n'y avait pas lieu à suivre contre Olivier R... et la société X du chef d'abus de position dominante ;

"aux motifs que la chambre de l'instruction est saisie de l'appel d'une ordonnance du juge d'instruction refusant la demande d'Olivier R..., mis en examen, de voir déclarer l'action publique éteinte par prescription ; que cet appel, interjeté dans les formes et délais légaux, est régulier et recevable ; qu'ainsi la société SNF n'est pas fondée dans ses deux premiers moyens ; que la prescription de l'action publique constitue une exception d'ordre public que le juge a le devoir d'examiner, même d'office ; que la société SNF reproche à la société X un abus de position dominante ayant sa source dans le contrat de 1993 ; qu'il est acquis que ce contrat a été dénoncé le 10 janvier 2000 et que les parties ont cessé toute relation contractuelle fin janvier 2000 ; que, dès lors, l'élément matériel du délit reproché a nécessairement disparu, SNF reprenant sa liberté économique qui n'a pu être entravée par l'action en justice aux fins d'indemnisation pour rupture de contrat diligentée par la société X ; qu'il n'existe, par ailleurs, entre fin janvier 2000 et le 10 novembre 2004, aucune cause légale d'interruption ou de suspension de la prescription, telles que définies dans les articles 7 et 8 du Code de procédure pénale ; que cette prescription étant de 3 ans, il apparaît que l'action de la société SNF était prescrite au moment de sa constitution de partie civile ; qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle n'a pas constaté la prescription de l'action publique, et l'action publique étant éteinte de dire qu'il n'y a lieu à suivre contre Olivier R... et la société X du chef d'abus de position dominante ;

"alors que la société SNF faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la société X et Olivier R... avaient une première fois saisi le juge d'instruction d'une demande tendant à la constatation de la prescription et que l'ordonnance du juge d'instruction rejetant cette première demande, frappée d'un appel irrégulier, avait acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que, par ordonnance en date du 7 juillet 2005, le Président de la chambre de l'instruction de Lyon a déclaré irrecevable l'appel formé le 3 juin 2005 par X Industries de l'ordonnance du juge d'instruction en date du 25 mai 2005 rejetant la demande de cette société tendant à voir constater la prescription de l'action publique ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation de la société SNF selon laquelle cette ordonnance aurait autorité de chose jugée, l'arrêt relève que la chambre de l'instruction est saisie de l'appel d'une ordonnance du juge d'instruction refusant la demande d'Olivier R..., mis en examen, de voir constater l'action publique éteinte par la prescription et que cet appel est régulier et recevable ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'aucune autorité de chose jugée ne s'attache aux décisions des juridictions d'instruction déclarant l'action publique non prescrite, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-6 du Code de commerce, 7, 8, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré l'action publique prescrite et a dit qu'il n'y avait pas lieu à suivre contre Olivier R... et la société X du chef d'abus de position dominante ;

"aux motifs que la société SNF reproche à la société X un abus de position dominante ayant sa source dans le contrat de 1993 ; qu'il est acquis que ce contrat a été dénoncé le 10 janvier 2000 et que les parties ont cessé toute relation contractuelle fin janvier 2000 ; que, dès lors, l'élément matériel du délit reproché a nécessairement disparu, SNF reprenant sa liberté économique qui n'a pu être entravée par l'action en justice aux fins d'indemnisation pour rupture de contrat diligentée par la société X ; qu'il n 'existe, par ailleurs, entre fin janvier 2000 et le 10 novembre 2004, aucune cause légale d'interruption ou de suspension de la prescription, telles que définies dans les articles 7 et 8 du Code de procédure pénale ; que cette prescription étant de trois ans, il apparaît que l'action de la société SNF était prescrite au moment de sa constitution de partie civile ;

"alors que, d'une part, il résulte du réquisitoire du procureur général près la Cour d'appel de Lyon et du mémoire de la société SNF que les poursuites ont été engagées pour pratiques anticoncurrentielles, soit tout à la fois pour abus de position dominante et pour entente anticoncurrentielle, ainsi que pour conception, organisation ou mise en œuvre de ces infractions, de sorte qu'en estimant qu'il n'y avait pas lieu de suivre contre Olivier R... et la société X du chef d'abus de position dominante sans examiner l'infraction d'entente anticoncurrentielle, la chambre de l'instruction a violé les textes visés ;

"alors que, d'autre part, en toutes hypothèses, la juridiction répressive est saisie in rem, de sorte qu'en se prononçant uniquement sur l'infraction d'abus de position dominante sans examiner celle d'entente anticoncurrentielle, la chambre de l'instruction a violé les textes visés" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-6 du Code de commerce, 7, 8, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré l'action publique prescrite et a dit qu'il n'y avait pas lieu à suivre contre Olivier R... et la société X du chef d'abus de position dominante ;

"aux motifs que la prescription de l'action publique constitue une exception d'ordre public que le juge a le devoir d'examiner, même d'office ; que la société SNF reproche à la société X un abus de position dominante ayant sa source dans le contrat de 1993 ; qu'il est acquis que ce contrat a été dénoncé le 10 janvier 2000 et que les parties ont cessé toute relation contractuelle fin janvier 2000 ; que, dès lors, l'élément matériel du délit reproché a nécessairement disparu, SNF reprenant sa liberté économique qui n'a pu être entravée par l'action en justice aux fins d'indemnisation pour rupture de contrat diligentée par la société X ; qu'il n'existe, par ailleurs, entre fin janvier 2000 et le 10 novembre 2004, aucune cause légale d'interruption ou de suspension de la prescription, telles que définies dans les articles 7 et 8 du Code de procédure pénale ; que cette prescription étant de 3 ans, il apparaît que l'action de la société SNF était prescrite au moment de sa constitution de partie civile ;

"alors que, d'une part, les infractions de pratiques anticoncurrentielles, lorsqu'elles trouvent leur source dans un contrat cadre suivi de contrats d'exécution, sont des infractions continues ou continuées ; que la saisine d'un arbitre et les actes de procédure subséquents, destinés à obtenir l'exécution d'une convention, source de pratiques anticoncurrentielles, perpétue l'infraction - continue ou continuée - de pratiques anticoncurrentielles ; que le délai de prescription des infractions continues ou continuées court à compter du dernier acte de réalisation de l'infraction ; qu'ainsi en considérant que l'action de la société SNF était prescrite au moment de sa constitution de partie civile, par la considération que le contrat avait été dénoncé le 10 janvier 2000 et que les parties avaient cessé toutes relations contractuelles fin janvier 2000, quand il résulte des énonciations de l'arrêt que la société X a saisi la Cour internationale d'arbitrage de la CCI le 12 mai 2000 et que cette dernière a décidé, le 5 novembre 2002 que le contrat litigieux était nul, la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Lyon n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des textes visés ;

"alors que, d'autre part, les infractions de pratiques anticoncurrentielles, lorsqu'elles trouvent leur source dans un contrat cadre suivi de contrats d'exécution sont des infractions continues ou continuées ; que la saisine d'un arbitre et les actes de procédure subséquents, destinés à obtenir l'exécution d'une convention, source de pratiques anticoncurrentielles, perpétue l'infraction - continue ou continuée - de pratiques anticoncurrentielles ; que le délai de prescription des infractions continues ou continuées court à compter du dernier acte de réalisation de l'infraction ; qu'ainsi en estimant que l'action de la société SNF était prescrite au moment de sa constitution de partie civile, sans rechercher la date du point de départ de la prescription, correspondant au dernier acte de la société X dans la procédure arbitrale, la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Lyon a privé sa décision de base légale au regard des textes visés ;

"alors, enfin, que sont prohibées tant l'exploitation abusive d'une position dominante et les ententes anticoncurrentielles que la mise en œuvre de ces infractions ; que la saisine d'un arbitre, et les actes de procédure subséquents, visant à l'exécution d'un contrat source de pratiques anticoncurrentielles caractérisent la mise en œuvre de ces pratiques ; qu'ainsi en considérant que l'action de la société SNF était prescrite au moment de sa constitution de partie civile, par la considération que le contrat litigieux avait été dénoncé le 10 janvier 2000, que les parties avaient cessé toutes relations contractuelles fin janvier 2000 et qu'il n'existerait, entre fin janvier 2000 et le 10 novembre 2004, aucune cause légale d'interruption ou de suspension de la prescription, lorsqu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la société X a saisi un tribunal arbitral d'une demande visant à l'exécution du contrat organisant des pratiques anticoncurrentielles et que cet arbitre a rendu sa sentence le 5 novembre 2002, ce dont il résulte que la mise en œuvre des pratiques prohibées a perduré au-delà du 12 mai 2000 et jusqu'à une date proche du 5 novembre 2002, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des textes visés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour constater la prescription de l'action publique, l'arrêt énonce que les parties ont cessé toute relation contractuelle fin janvier 2000 ; que les juges ajoutent que l'élément matériel du délit d'abus de position dominante a nécessairement disparu à compter de cette date, la société SNF reprenant sa liberté économique qui n'a pu être entravée par l'action en justice aux fins d'indemnisation pour rupture de contrat diligentée par la société X ; qu'ils en déduisent, qu'en l'absence de cause légale d'interruption ou de suspension de la prescription, l'action publique était éteinte le 10 novembre 2004, jour de la constitution de partie civile de la société SNF ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, la société SNF n'établit pas que la saisine de la juridiction arbitrale par la société X serait constitutive d'un abus de position dominante, d'autre part, le délit d'abus de position dominante, résultant de la conclusion d'un contrat d'approvisionnement exclusif, se prescrit à compter du dernier acte d'exécution dudit contrat, la chambre de l'instruction, qui a statué sur l'ensemble des faits dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.