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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 11 mars 2005, n° 03-07363

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Bahuon (Epoux)

Défendeur :

Créatis (Sté), De Saint Rapt (ès qual.), Rafoni (ès qual.), Panorimmo (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Piperaud

Conseillers :

Mme Sillard, M. Bohuon

Avoués :

SCP Bazille & Genicon, SCP Chaudet & Brebion

Avocats :

Mes Le Brozec, Marqui

TI Brest, du 21 oct. 2003

21 octobre 2003

Par jugement du 21 octobre 2003 le Tribunal d'instance de Brest a débouté les époux Bahuon de leur demande de nullité du contrat de prestation de services conclu avec la société Panorimmo et de nullité du contrat de prêt conclu avec la société Créatis, a débouté ces dernières de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a condamné les demandeurs aux dépens ;

Les époux Bahuon ont interjeté appel de cette décision et, par écritures du 4 février 2004 exposant leurs moyens et arguments, ont conclu, à titre principal à son infirmation et au prononcé de la nullité des contrats souscrits par eux le 17 juillet 2002 en application des dispositions des articles L. 122-21 à L. 122-33, L. 311-20, L. 311-37, R. 121-3 à R. 121-6 et L. 132-1 du Code de la consommation ainsi que de l'article 6 du Code civil, subsidiairement au prononcé de la nullité de ces contrats pour dol, et en tout état de cause à ce que le notaire Gernicon soit autorisé à se libérer entre leurs mains des fonds qu'il détient à la suite de la vente de leur appartement, à la condamnation in solidum des sociétés Panorimmo et Créatis à leur payer la somme de 1 524 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 2 287 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à la fixation de leur créance à l'égard de la société Panorimmo à la somme de 3 811 euro et à la condamnation in solidum des deux sociétés aux dépens ;

Par écritures du 29 novembre 2004 dans lesquelles elles ont fait valoir leurs moyens et arguments la société Panorimmo et la société Créatis ont conclu au débouté des appelants et à la confirmation du jugement dont appel ; subsidiairement, pour le cas où la nullité des contrats serait prononcée la société Créatis a conclu à la condamnation solidaire des époux Bahuon à lui rembourser la somme de 6 758 euro perçue dans le cadre de leurs relations contractuelles et à lui payer la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Régulièrement assigné à sa personne le 13 décembre 2004 en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Panorimmo Dominique Rafoni n'a pas constitué avoué ;

Régulièrement assignés à leurs personnes les 18 février 2004 et 1er octobre 2004 en qualité respectivement de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire du redressement judiciaire de la société Panorimmo Dominique Rafoni et Bernard de Saint Rapt n'avaient pas constitué avoué ;

Sur quoi :

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'à la suite d'un démarchage à leur domicile les époux Bahuon ont conclu le 17 juillet 2002 :

- avec la société Panorimmo un contrat par lequel cette dernière, moyennant le paiement forfaitaire et définitif de sa prestation au moyen d'un crédit de 6 578 euro dont elle prenait en charge les intérêts, s'engageaient à diffuser sur différents supports l'annonce de l'offre de vente d'un bien immobilier leur appartenant jusqu'à sa vente et dans une limite de 24 mois ;

- avec la société Créatis une offre de crédit accessoire à cette prestation de service de la société Panorimmo d'un montant de 6 578 euro remboursable en une seule mensualité soit lors de la vente de l'immeuble en cause soit à l'expiration du délai de 24 mois ;

Considérant, quant au contrat de prestation de service souscrit avec la société Panorimmo que, s'agissant d'une opération de démarchage à domicile sont applicables les dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation aux termes desquelles "avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25 nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services que quelque nature que ce soit" ;

Or considérant qu'en l'espèce il est établi qu'à la date même de la signature du contrat de prestation de services, le 17 juillet 2002, soit donc avant l'expiration du délai de rétractation de 7 jours, le démarcheur de la société Panorimmo, qui représentait également la société Créatis, a obtenu des époux Bahuon la signature la remise du document suivant, destiné à être remis par la société Créatis au notaire chargé de la vente de l'immeuble "Maître j'ai l'honneur de vous faire connaître que par un acte du 17 juillet 2002 Créatis m'a consenti un prêt de 6 578 euro amortissable en une seule fois par une mensualité unique de 6 578 euro et destiné au financement de la prestation Panorimmo selon l'ordre de mission n° 74880 - Je vous serais obligé de considérer la présente comme valant opposition au paiement entre mes mains, à due concurrence, de la partie du prix de vente devant me revenir au titre du local objet de l'ordre de mission ci-dessus, ceci dans l'hypothèse où, pour quelque raison que ce soit je resterai au moment de ladite vente débiteur de sommes envers la société Créatis au titre du prêt rappelé ci-dessus" ;

Considérant que par ce document non seulement les époux Bahuon faisaient expressément interdiction au notaire chargé de la vente de leur immeuble de leur verser la partie du prix de vente correspondant à la somme qu'ils devaient rembourser à la société Créatis mais encore, ainsi qu'il résulte d'un document émanant de cette dernière et décrivant le mode de financement de la prestation Panorimmo, "autorisaient à cette occasion Créatis à se rembourser de l'intégralité du crédit consenti par voie d'opposition directement auprès du notaire rédacteur de la vente dès connaissance de celle-ci" ; que cette procédure a d'ailleurs bien été appliquée puisque par lettre du 16 décembre 2002 adressée au notaire, suite à la vente de l'immeuble par les époux Bahuon, la société Créatis lui a écrit : "Nous formulons donc par la présente, conformément aux instruction de Monsieur Bahuon, opposition au paiement du prix de vente...ceci aux fins de régler le solde restant dû à Créatis au titre de l'emprunt... soit à la date des présentes la somme de 6 578 euro - Vous voudrez bien nous confirmer que vous considérez cette opposition comme nous étant valablement notifiée et nous adresser par prélèvement sur le prix de vente un chèque de 6578 euro à l'ordre de Créatis" ;

Considérant que de l'ensemble de ces éléments de fait il ressort que dès le 17 juillet 2002, soit avant l'expiration du délai de rétractation de sept jours, la société Panorimmo et la société Créatis s'étaient fait remettre un document valant ordre de prélèvement du prix de la prestation de service sur le produit de la vente de l'immeuble à détenir par le notaire charge de cette dernière ; qu'ainsi ont été violées les dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation dès lors que par la remise de ce document et de l'usage qui pouvait conventionnellement en être fait par son bénéficiaire la liberté des époux Bahuon de se rétracter se trouvait entravée par le doute qui pouvait exister pour eux quant aux conséquence de leur rétractation sur l'engagement de paiement qu'ils avaient souscrit, peu important, au regard des dispositions générales du texte précité, que ce paiement puisse n'intervenir qu'après l'expiration du délai de rétractation ;

Considérant que la violation de l'article L. 121-26 du Code de la consommation est sanctionnée par la nullité du contrat de prestation de services conclu entre les époux Bahuon et la société Panorimmo ; qu'en application des dispositions de l'article L. 311-21 du même Code cette nullité entraîne la nullité du contrat de prêt souscrit avec la société Créatis, s'agissant d'un crédit affecté ;

Considérant que le jugement dont appel sera donc infirmé en ce qu'il a débouté les époux Bahuon de leur demande de nullité des contrats en cause ;

Considérant, sur la demande reconventionnelle subsidiaire de la société Créatis en condamnation des époux Bahuon à lui rembourser la somme de 6 578 euro "perçue dans le cadre des relations contractuelles", qu'elle en sera déboutée dès lors que force est de constater qu'elle ne justifie aucunement avoir réglé effectivement une quelconque somme à la société Panorimmo pour le compte des époux Bahuon, étant observé que pour sa part la société Panorimmo ne justifie d'ailleurs pas avoir exécuté pour ces derniers quelque prestation conventionnelle que ce soit avant le 7 octobre 2002, date à laquelle ils l'ont avisée de la vente de leur immeuble, ce qui mettait fin à toute annonce par ses soins ;

Considérant, au surplus, que s'agissant d'un crédit affecté en application duquel le montant du prêt devait être versé directement au prestataire de services financé il résulte des dispositions de l'article L. 311-22 du Code de la consommation que seul ce dernier est tenu d'en rembourser le montant au prêteur dès lors que l'annulation du contrat principal intervient du fait du prestataire de services et pour une cause qui était connue du prêteur, lequel avait participé à la violation des dispositions de l'article L. 121-26 du même Code lors de la remise du document précité ;

Considérant, sur la demande de dommages-intérêts présentée par les appelants, que ces derniers font à juste titre valoir que la somme de 6 578 euro a été bloquée à tort auprès du notaire à la suite de la demande faite auprès de ce dernier le 16 décembre 2002 par la société Créatis ; qu'en conséquence il leur sera alloué à titre de dommages-intérêts les intérêts au taux légal sur cette somme à compter de cette dernière date et jusqu'à sa restitution par le notaire Gernicon, lequel est par la présente décision autorisé à s'en libérer auprès d'eux ; que la société Panorimmo et la société Créatis seront débiteurs in solidum de cette somme ;

Considérant enfin qu'il sera accordé aux appelants la somme de 2 250 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, - Met hors de cause Bernard de Saint Rapt et Dominique Rafoni pris en leurs qualités d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la société Panorimmo ; - Infirme le jugement du Tribunal d'instance de Brest du 21 octobre 2003 ; - Prononce la nullité du contrat de prestation de services conclu le 17 juillet 2002 entre les époux Bahuon et la société Panorimmo et du contrat de prêt conclu à la même date entre les époux Bahuon et la société Créatis ; - Autorise le notaire Gernicon à se libérer entre les mains des époux Bahuon des fonds bloqués par la société Créatis ; - Déboute la société Créatis de sa demande en paiement à l'encontre des époux Bahuon ; - Condamne la société Créatis à payer aux époux Bahuon à titre de dommages-intérêts les intérêts au taux légal sur la somme de 6 578 euro à compter du 16 décembre 2002 et jusqu'à la date de sa restitution par le notaire Gernicon ; - Fixe au montant de ces intérêts la créance in solidum des époux Bahuon à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société Panorimmo représentée par son mandataire liquidateur Dominique Rafoni ; - Condamne in solidum la société Créatis et Dominique Rafoni, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Panorimmo à payer aux époux Bahuon la somme de 2 250 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - Les condamne in solidum aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.