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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 8 avril 2008, n° 2007-07008

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Laboratoire GlaxoSmithKline France (SAS)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Président du Conseil de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Président de chambre :

Mme Guyot

Conseiller :

M. Remenieras

Avoué :

Me Teytaud

Avocats :

Mes Freget, Henin

CA Paris n° 2007-07008

8 avril 2008

La société Laboratoire GlaxoSmithKline (France) (ci-après Glaxo), est une filiale du groupe pharmaceutique GlaxoSmithKline, dont l'activité se déploie dans de nombreux secteurs thérapeutiques.

La société Flavelab, créée en 1996, avait pour activité la fabrication et la commercialisation auprès des hôpitaux et des cliniques privées de médicaments génériques injectables, dont des antibiotiques. Le 26 avril 2002, cette société a fait l'objet d'un plan de cession au bénéfice de la société Panpharma, laboratoire pharmaceutique créé en 1997, qui fabrique et commercialise des génériques.

Les produits en cause dans la présente affaire, initialement commercialisés par le seul laboratoire Glaxo, bénéficiaire de brevets, et qui sont devenus ensuite des génériques, sont des spécialités pharmaceutiques dont le principe actif est soit le céfuroxime, soit l'aciclovir.

Le céfuroxime est un antibiotique qui fait partie des anti-infectieux généraux à usage systémique, classe thérapeutique obéissant à la lettre J dans la classification ATC (Anatomical Thérapeutical Chemical). Le céfuroxime est répertorié au 3e niveau de la classification ATC dans la famille des "autres bétalactamines", sous le sigle JO1D. Les "autres bétalactamines" (JO1D) regroupent en majorité les céphalosporines, qui sont apparentées aux pénicillines. Les céphalosporines sont classées en "générations" selon leur ancienneté, leur spectre, et leur comportement vis-à-vis des enzymes produits par les bactéries devenues résistantes. Le céfuroxime est précisément classé parmi les céphalosporines de 2e génération.

Le céfuroxime se présente sous la forme :

- du céfuroxime axétil, vendu depuis 1987 par le laboratoire Glaxo sous le nom de Zinnat comprimés qui permet de lutter contre les germes responsables des infections respiratoires ;

- du céfuroxime sodique, vendu par ce laboratoire sous le nom de Zinnat injectable, en vue d'une utilisation exclusivement en milieu hospitalier et avec pour indications thérapeutiques la prophylaxie des infections pouvant survenir lors d'interventions chirurgicales.

L'aciclovir, classé au 3e niveau de la classification ATC dans la famille des anti-viraux à action directe, fait partie des anti-infectieux généraux à usage systémique, classe thérapeutique obéissant à la lettre J dans la classification ATC. Actif contre le virus de l'herpès ou de la varicelle-zona, il est administré par voie orale ou par injection. L'aciclovir injectable est commercialisé depuis 1983 par le laboratoire Glaxo sous le nom de Zovirax.

Par lettre du 21 juillet 2000, le laboratoire Flavelab a saisi le Conseil de la concurrence (ci-après le Conseil), en dénonçant à l'encontre de Glaxo des pratiques de prix anormalement bas ainsi que de ventes liées sur le marché du céfuroxime sodique. L'administrateur judiciaire de Flavelab a adressé ensuite au Conseil une lettre datée du 14 mai 2003 dans laquelle il l'informait du désistement de cette société. Le Conseil a décidé de se saisir d'office le 9 décembre 2003 et a joint les saisines le 27 janvier 2004.

Au regard des pratiques constatées, quatre griefs ont été notifiés à Glaxo le 17 juillet 2004 :

- "Il est fait grief [...] au Laboratoire GlaxoSmithKline qui détenait une position dominante sur le marché de l'aciclovir injectable commercialisé sous le nom de Zovirax injectable, d'avoir abusé de cette position sur le marché du céfuroxime sodique, sur lequel il était présent avec son médicament, le Zinnat injectable. Les pratiques abusives ont consisté à utiliser un système de remises, qui liait l'achat du Zovirax injectable à l'achat du Zinnat injectable, concurrencé par les génériques. Ces pratiques, qui se sont déroulées en 1999 et 2000, ont eu pour objet et pour effet l'éviction des concurrents sur le marché du céfuroxime sodique. Elles ont prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 82 du traité CE" (grief 1) ;

- "Il est fait grief [...] au Laboratoire GlaxoSmithKline qui détenait une position dominante sur le marché du céfuroxime axétil, commercialisé sous le nom de Zinnat comprimé d'avoir abusé de cette position sur le marché du céfuroxime sodique, sur lequel il était présent avec son médicament, le Zinnat injectable. Les pratiques abusives ont consisté à pratiquer une politique de prix de prédation sur les prix du Zinnat injectable proposés à différents hôpitaux et groupements d'achats. Ces pratiques, qui se sont déroulées en 1999 et 2000, ont eu pour objet et pour effet l'éviction des concurrents sur le marché du céfuroxime sodique. Elles sont prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 82 du traité CE" (grief 2) ;

- "Il est fait grief [...] au Laboratoire GlaxoSmithKline qui détenait une position dominante sur le marché du céfuroxime axétil, commercialisé sous le nom de Zinnat comprimé d'avoir abusé de cette position sur le marché du céfuroxime sodique, sur lequel il était présent avec son médicament, le Zinnat injectable. Les pratiques abusives ont consisté à utiliser un système de remises, qui liait l'achat du Zinnat comprimé au Zinnat injectable, concurrencé par les génériques. Ces pratiques, qui se sont déroulées en 1999 et 2000, ont eu pour objet et pour effet l'éviction des concurrents sur le marché du céfuroxime sodique. Elles sont prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 82 du traité CE" (grief 3) ;

Un grief complémentaire, ainsi rédigé, a été notifié le 24 mai 2006 :

"Il est fait grief [...] au Laboratoire GlaxoSmithKline qui détenait une position dominante sur le marché de l'aciclovir injectable commercialisé sous le nom de Zovirax injectable, d'avoir abusé de cette position sur le marché du céfuroxime sodique, sur lequel il était présent avec son médicament, le Zinnat injectable. Les pratiques abusives ont consisté en la mise en œuvre d'une politique de prix de prédation sur les prix du Zinnat injectable proposé à différents hôpitaux et groupements d'achats. Ces pratiques, qui se sont déroulées en 1999 et 2000 sont prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 82 du traité CE" (grief 4) ;

Le Conseil a estimé qu'en l'état du dossier il n'était pas possible de se prononcer sur l'existence d'un marché pertinent réduit au seul céfuroxime axétil, et donc, a fortiori, d'établir une position dominante de Glaxo sur ce marché, ce qui l'a conduit à écarter les griefs 2 et 3. En revanche, procédant à l'examen du grief n° 4, le Conseil a conclu que les pratiques du laboratoire Glaxo en ce qui concerne le Zinnat injectable en 1999 et 2000 ont revêtu un caractère prédateur et qu'elles constituaient un abus de position dominante prohibé par l'article L. 420-2 du Code de commerce et que ces pratiques entraient dans le champ de l'article 82 du traité CE, sans qu'il y ait lieu, toutefois, de sanctionner, en tant que tel, le grief n° 1, qui se confond par son objet et ses effets avec le grief n° 4, les pratiques de remise liées étant, en réalité, un prolongement de la prédation.

C'est ainsi que, par décision n° 07-D-09 du 14 mars 2007, le Conseil a décidé :

Article 1er : Il est établi que le laboratoire GlaxoSmithKline (France) a abusé de sa position dominante sur le marché de l'aciclovir injectable en pratiquant en 1999 et 2000 des prix prédateurs sur le marché des céphalosporines de 2e génération injectables, dont les effets ont été renforcés par des remises de couplage anticoncurrentielles entre les médicaments Zovirax injectable (aciclovir injectable) et Zinnat injectable. Ces pratiques sont contraires aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE.

Article 2 : Il est infligé à la société Laboratoire GlaxoSmithKline (France) une sanction pécuniaire de 10 millions d'euro.

Le Conseil a également enjoint à cette société de publier dans un quotidien ainsi que dans deux journaux un texte résumant le contenu de sa décision.

LA COUR

Vu le recours en annulation ou subsidiairement en réformation déposé au greffe de la cour le 20 avril 2007 par la société Laboratoire GlaxoSmithKline (France) ;

Vu le mémoire déposé le 18 mai 2007 par cette société à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique déposé le 5 décembre 2007 ;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence du 25 septembre 2007 ;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie du 29 août 2007 ;

Vu les observations écrites du Ministère public du 4 février 2008 mises à la disposition des parties à l'audience, et tendant au rejet du recours ;

Les conseils des parties, les représentants du Conseil de la concurrence et du ministre chargé de l'Economie ainsi que le Ministère public ayant été entendus lors de l'audience publique du 12 février 2008 et chacune des parties ayant été mise en mesure de répliquer ;

Sur ce,

Sur la procédure

En ce qui concerne la prescription et le désistement de Flavelab

Considérant que Glaxo poursuit l'annulation de la décision déférée en soutenant, à titre principal, qu'en raison du désistement de la société Flavelab, la saisine d'office du Conseil porte sur des faits prescrits et en soutenant, à titre subsidiaire, que l'absence de notification des actes d'instruction et des griefs à Flavelab vicie irrémédiablement la procédure suivie devant le Conseil ;

Mais considérant qu'il suffit de constater que, à la date de la saisine d'office, le 9 décembre 2003, les faits examinés dans le cadre de la saisine de la société Flavelab du 21 juillet 2000, à laquelle elle a été ultérieurement jointe, n'étaient pas prescrits, dès lors que plusieurs actes tendant à la recherche et à la constatation des faits dénoncés, dont notamment la transmission du rapport administratif d'enquête intervenue le 31 octobre 2001, ont interrompu la prescription ;

Qu'en outre, seule la société Flavelab aurait eu qualité pour se prévaloir d'une irrégularité au titre de la non-application des dispositions de l'article 36 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 devenu l'article R. 463-11 du Code de commerce, sur la notification à l'auteur de la saisine des griefs retenus et du rapport, formalité dont le défaut d'accomplissement est au demeurant sans incidence sur l'exercice des droits de la défense de la requérante qui a été mise en mesure de prendre connaissance de l'intégralité des pièces du dossier et d'en débattre contradictoirement ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

En ce qui concerne la loyauté de l'instruction

Considérant que la requérante prétend aussi que la procédure est entachée de nullité en raison de la déloyauté et de la partialité de l'instruction, dès lors que la rapporteure a adressé une demande d'enquête aux services de la DGCCRF dès le 11 octobre 2000, soit quelques jours après la séance du Conseil qui a examiné la recevabilité de la saisine au fond et la demande de mesures conservatoire et avant la décision du Conseil entérinant la recevabilité de cette demande, ce qui implique que la rapporteure a participé au délibéré du Conseil puisqu'elle n'aurait pas alors pris le risque de lancer une enquête qui serait devenue inutile si le Conseil avait déclaré la saisine de Flavelab irrecevable ; qu'elle soutient également que les affirmations portées dans une "note d'orientation" jointe à la demande d'enquête de la rapporteure sur le comportement anticoncurrentiel attribué à la requérante, tout comme le fait qu'elle s'est écartée, dans la notification de griefs, des conclusions favorables du rapport d'enquête, démontrent qu'elle était convaincue de la culpabilité du laboratoire ;

Mais considérant que, le Conseil étant régulièrement saisi d'une plainte sur le fond, rien n'interdisait à la rapporteure, chargée d'instruire cette affaire, de rédiger et de transmettre à la DGCCRF une demande d'enquête, avant la notification de la décision du Conseil relative à la demande de mesures conservatoires et statuant sur la recevabilité, sans qu'une telle initiative permette de déduire, comme le fait à tort Glaxo, qu'elle aurait participé au délibéré du Conseil ;

Considérant que le grief de partialité n'est pas non plus fondé, dès lors que la rapporteure n'était pas liée par les conclusions formulées dans le rapport d'enquête, et qu'au surplus, la requérante n'allègue pas qu'elle aurait été privée en l'espèce des garanties du contradictoire consistant dans la faculté de consulter le dossier, de demander l'audition de témoins au Conseil, de présenter ses observations sur les griefs notifiés et sur le rapport ainsi que de la possibilité de s'exprimer ensuite en séance ;

Que le moyen sera rejeté ;

En ce qui concerne le renvoi à l'instruction et la notification d'un grief complémentaire

Considérant que le requérant poursuit encore l'annulation de la décision déférée en raison de " l'immixtion " d'un membre de la formation de jugement qui aurait "orienté" le contenu de l'instruction et influencé la formulation du grief en précisant qu'alors que le renvoi à l'instruction décidé par le Conseil le 11 mai 2006 était limité à la réponse que la rapporteure souhaitait apporter à une étude qu'il avait produite, ce détournement de la procédure avait conduit à la notification d'un grief complémentaire, seul retenu par le Conseil ;

Mais considérant que, contrairement à ce que soutient Glaxo, la décision du Conseil du 11 mai 2006, prise à la suite d'une séance à laquelle Glaxo a été convoquée et a été mise en mesure de présenter ses observations, se borne à indiquer que "le dossier doit être renvoyé à l'instruction afin que cette dernière soit complétée ou poursuivie", sans limiter le champ de l'instruction complémentaire, et cela conformément aux dispositions de l'article 33 du décret 2002-689 du 30 avril 2002, devenu l'article R. 463-7 du Code de commerce, qui, précisant que "lorsqu'il estime que l'instruction est incomplète, le Conseil de la concurrence peut décider de renvoyer l'affaire en tout ou partie à l'instruction. Cette décision n'est pas susceptible de recours", ne fixe aucune condition pour décider du renvoi à l'instruction ;

Qu'en outre, rien n'interdit la notification de griefs complémentaires, même après l'envoi du rapport, étant de surcroît observé, au cas d'espèce, que la requérante avait elle-même fait valoir, dans ses observations du 16 décembre 2005 en réponse au rapport, qu'afin de dissiper toute ambiguïté sur le lien entre la position dominante et le grief de prédation, il convenait "soit d'abandonner le grief (...) soit, le cas échéant, d'en notifier un nouveau" ;

Que, dans ces conditions, le moyen, inopérant, sera rejeté ;

En ce qui concerne le respect des droits de la défense

Considérant que Glaxo soutient, enfin, que la longueur de la procédure et son caractère intermittent, d'une part, le fait que des économistes étrangers au Conseil intervenant comme "rapporteurs temporaires" ont procédé en violation des dispositions de l'article L. 463-8 du Code de commerce à une contre-expertise sur une étude économique, d'autre part, et enfin la production, à l'audience, de pièces nouvelles ou tronquées non préalablement soumises au contradictoire ont violé les droits de la défense et porté atteinte à l'égalité des armes, ce qui doit conduire à l'annulation de la décision déférée ;

Considérant, tout d'abord, sur les délais, que le délai raisonnable prescrit par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit s'apprécier au regard de l'ampleur et de la complexité de la procédure et que la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation de se prononcer dans un délai raisonnable n'est pas l'annulation de la procédure mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi, sous réserve, toutefois, que la conduite de la procédure n'ait pas irrémédiablement privé les entreprises en cause des moyens de se défendre, de telles circonstances devant être appréciées concrètement ;

Qu'au cas d'espèce, l'ampleur et la complexité de la procédure qui concerne, selon les griefs notifiés, des pratiques mises en œuvre en 1999 et 2000 par Glaxo sur plusieurs marchés et qui concerne une série de spécialités pharmaceutiques d'une grande technicité apparaissent à l'évidence ;

Qu'au surplus, la requérante se borne à faire état, sans plus de précision, du départ de la directrice responsable des marchés publics au sein de son laboratoire ainsi que de changements intervenus au sein du personnel de Flavelab, sans démontrer en quoi ces événements auraient fait concrètement obstacle à l'exercice des droits de la défense ;

Considérant, ensuite, sur l'avis critiqué, qu'il est constant que l'une des deux économistes recrutées à titre temporaire par le Conseil a été chargée de commenter l'étude d'un auteur italien publiée dans une revue spécialisée et qu'il est vrai que, dans le cadre de sa mission, cette personne a été conduite à échanger des courriers électroniques avec l'auteur de l'étude en question ;

Mais considérant que l'économiste recrutée par le Conseil s'est simplement bornée à clarifier une étude publique, citée dans une autre étude économique produite par la requérante, sans avoir pour autant accès au dossier et, en outre, que les courriels échangés avec les auteurs de l'étude ont été régulièrement soumis au contradictoire ;

Que, de surcroît, la cour observe, comme le Conseil (point 122 de la décision), que la requérante avait de toute façon elle-même, dans ses observations, minimisé la portée de l'étude en question en ces termes : "Pour autant, la disponibilité sur Internet d'une étude italienne sur l'intensité de la concurrence après l'expiration des brevets dans le secteur pharmaceutique est apparu comme un élément de référence pertinent. (...) Pour autant, l'intérêt de cette étude était presque anecdotique par rapport à l'enjeu réel du débat ... " ;

Considérant, enfin, que sous couvert d'une production de pièces nouvelles en séance, Glaxo critique seulement la projection par la rapporteure de "transparents" destinés à illustrer sa présentation orale du dossier et à synthétiser sa position, pièces sur lesquelles il lui était loisible de présenter toutes observations qu'il jugeait utiles ;

Que, dès lors, le moyen sera écarté ;

Sur le fond

Considérant que, courant mars 1998, le laboratoire Flavelab, qui venait d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché du générique du céfuroxime sodique puis l'agrément pour la vente aux collectivités par l'Agence du Médicament, a commencé à répondre aux demandes des hôpitaux, à qui elle a proposé son générique lors de la campagne d'appel d'offres lancée pour leur consommation de l'année ; que le laboratoire Glaxo qui, jusqu'en 1998, était le seul offreur de céfuroxime sodique sur le marché, le Zinnat injectable étant en effet protégé par un certificat complémentaire de protection qui expirait en mai 1999, a comme l'a indiqué sa directrice commerciale estimé devoir réagir : "En 1998, Flavelab a commencé à répondre aux appels d'offres sur le céfuroxime, de façon surprenante pour Glaxo dont les droits de propriété intellectuelle se terminaient en mai 1999. C'est ainsi qu'au milieu de l'année 1998, nous avons perdu le marché de l'AH-HP et j'ai appris que les prix de Flavelab étaient très inférieurs aux nôtres. Il fallait réagir (...)" ; que Glaxo a alors assigné en contrefaçon Flavelab qui a finalement été condamnée pour contrefaçon du Zinnat par jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 31 mars 2000 ; que la directrice commerciale de Glaxo expose que le laboratoire a également réagi en baissant ses prix : "Il fallait réagir (...) et adapter notre niveau de prix à l'offre de Flavelab. Cette adaptation s'est faite progressivement et au cas par cas" ; que c'est dans ces conditions que Glaxo a commencé à baisser les prix du Zinnat, tout d'abord dans un secteur limité pour la campagne 1999 (centrale d'achat de l'hospitalisation privée, centrale d'achat, de conseil et d'information des cliniques et Générale de santé) puis, pendant la campagne de 2000, en réponse aux appels d'offres des hôpitaux concernant également Flavelab et Panpharma ; qu'en 2000, les prix offerts par le laboratoire Glaxo à l'occasion des différents appels d'offres lui ont permis de remporter 29 marchés, alors que Flavelab, qui a finalement été évincée du marché du Zinnat, n'en avait obtenu que 3 et Panpharma un seul ;

En ce qui concerne la prédation et en ce qui concerne la méthodologie du Conseil et son application au cas d'espèce

Considérant que la pratique de prix prédateurs se définit comme une politique de prix par laquelle une entreprise dominante baisse ses prix et, de ce fait, subit délibérément des pertes ou réduit ses profits à court terme, pour éliminer ou discipliner un ou plusieurs concurrents ou pour bloquer l'entrée sur le marché de concurrents potentiels dans le but de protéger ou de renforcer sa position dominante ;

Considérant que, s'attachant à définir "la méthodologie et la jurisprudence pertinentes" (points 164 à 189 de la décision déférée) pour analyser les griefs de prix prédateurs dénoncés à l'encontre de Glaxo, le Conseil a précisé, à titre liminaire, qu'il convenait de se référer à l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 3 juillet 1991 (arrêt Akzo, aff. C-62-86) ;

Qu'il convient de rappeler que cet arrêt définit ainsi le critère de légalité du comportement d'une entreprise dominante en matière de prix :

"(...) la notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits et des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence.

Il s'ensuit que l'article 86 du traité interdit à une entreprise dominante d'éliminer un concurrent et de renforcer sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites. Dans cette perspective, toute concurrence par les prix ne peut, toutefois, être considérée comme légitime.

Des prix inférieurs à la moyenne des coûts variables (c'est-à-dire de ceux qui varient en fonction des quantités produites) par lesquels une entreprise dominante cherche à éliminer un concurrent doivent être considérés comme abusifs. Une entreprise dominante n'a en effet, aucun intérêt à pratiquer de tels prix, si ce n'est celui d'éliminer ses concurrents pour pouvoir, ensuite, relever ses prix en tirant parti de sa situation monopolistique, puisque chaque vente entraîne pour elle une perte, à savoir la totalité des coûts fixes (c'est-à-dire de ceux qui restent constants quelles que soient les quantités produites), et une partie, au moins, des coûts variables afférents à l'unité produite.

Par ailleurs, des prix inférieurs à la moyenne des coûts totaux, qui comprennent les coûts fixes et les coûts variables, mais supérieurs à la moyenne des coûts variables doivent être considérés comme abusifs lorsqu'ils sont fixés dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer un concurrent. Ces prix peuvent, en effet, écarter du marché des entreprises, qui sont peut-être aussi efficaces que l'entreprise dominante mais qui, en raison de leur capacité financière moindre, sont incapables de résister à la concurrence qui leur est faite " ;

Que c'est dans ces conditions que le Conseil a précisé qu'il fallait effectuer, tout d'abord, à l'aide d'un test de coût, une comparaison, pendant la période alléguée de prédation, entre d'une part, les prix pratiqués et, d'autre part, les coûts exposés par l'entreprise pour fournir le produit ou le service vendu ;

Que la décision déférée relève que, en tenant compte du résultat du test de coût, il convenait ensuite d'examiner le comportement de l'entreprise et, en particulier :

- la nature de la stratégie à l'œuvre, le Conseil précisant toutefois, à cet égard :

"(...) Comme cela a été le cas dans l'affaire Akzo, la jurisprudence a reconnu que, si l'entreprise dominante peut chercher à protéger sa position en appliquant des prix prédateurs sur le marché dominé, elle peut aussi le faire sur un marché connexe si ce comportement a pour effet de protéger ou renforcer sa dominance sur le marché d'origine. Par ailleurs, loin de se limiter à un test de coût, l'arrêt Akzo a également examiné l'analyse globale du fonctionnement du marché avancé par les parties. Il convient donc, au-delà du test de coût et comme l'a déjà fait le Conseil dans des décisions antérieures en matière d'abus de position dominante, de caractériser, au regard des faits de l'espèce, la stratégie de prédation imputée au laboratoire Glaxo" ;

- la connexité des marchés concernés et les mécanismes permettant la protection de la dominance par la pratique sur le marché connexe ;

- la rationalité de la prédation au cas d'espèce ;

Qu'après avoir examiné les explications de Glaxo, notamment sur l'alignement de ses prix sur Flavelab et sur l'impossibilité de récupération de ses pertes, le Conseil a conclu :

"Il résulte de tout ce qui précède, et notamment des observations tirées du test de coût (...) ainsi que de la caractérisation de la stratégie mise en œuvre, qui ne sont pas utilement démenties par les explications alternatives fournies par le laboratoire Glaxo, que les pratiques de ce dernier en ce qui concerne le Zinnat injectable en 1999 et 2000 ont revêtu un caractère prédateur" ;

Considérant que Glaxo, qui conteste les griefs qui lui sont imputés en maintenant que c'est l'attitude de Flavelab qui l'avait conduit à adapter ses prix à la baisse, ne remet pas sérieusement en cause la méthode d'analyse conforme au droit communautaire qui a été mise en œuvre par le Conseil, l'article 82 du traité CE étant en effet applicable aux pratiques poursuivies, en faisant toutefois valoir que les conditions fixées par le Conseil pour caractériser le grief d'abus de position dominante par prix prédateurs ne sont pas réunies, dès lors :

- qu'il n'est pas en position dominante sur le marché de l'aciclovir ;

- que le seuil de prédation ne peut être calculé sur des prix de transfert intragroupe ;

- que le marché du céfuroxime sodique n'entretient pas un lien de connexité étroit avec le marché dominé de l'aciclovir injectable et qu'il n'y a pas de lien entre la domination sur ce marché et les pratiques en cause ;

- que la stratégie qui lui est imputée qui, de surcroît, ne correspond pas à celle qui avait été conduite dans l'affaire Akzo, n'est nullement démontrée ;

En ce qui concerne la position dominante de Glaxo sur le marché de l'aciclovir injectable (Zovirax injectable)

Considérant que c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil a décidé que l'importance des parts de marché de Glaxo et la faiblesse de la concurrence réelle ou potentielle suffisent à caractériser la position dominante de Glaxo sur le marché de l'aciclovir, au moins jusqu'en 2002 ;

Que le Conseil a en effet constaté (point 152 de la décision) :

- que le laboratoire Glaxo a bénéficié d'une situation de monopole sur le marché de l'aciclovir injectable jusqu'en septembre 1999, compte tenu de la protection de la molécule par un brevet et qu'en 2000, un premier générique est apparu sur le marché hospitalier avec des quantités relativement faibles, de l'ordre de 10 % ;

- que, selon les données de l'AFSSAPS, non critiquées par la requérante, les parts de marché de Glaxo sur le marché de l'aciclovir injectable (Zovirax injectable et génériques) sont restées très élevées (environ 90 % en 2000 et 80 % en 2001, aussi bien en valeur qu'en volume) ;

- que la protection du médicament princeps était revendiquée par Glaxo jusqu'en septembre 2002 et qu'aucun autre générique que celui de Merck n'est entré sur le marché jusqu'à cette date ;

Considérant que le requérant oppose vainement à cette analyse de sa part de marché une décision de la Commission européenne du 8 mai 2000 relative à la concentration Glaxo Wellcome Smith Kline, qui démentirait sa position dominante, dès lors que la Commission, qui n'examinait pas particulièrement le marché de l'aciclovir injectable sur les marchés hospitaliers en France, s'était limitée, pour les besoins de la décision d'autorisation de concentration, à une "analyse générale du niveau 3 de la classification ATC" correspondant aux anti-viraux et cela dans la plupart des pays européens ;

Qu'en ce qui concerne la France, la Commission indiquait seulement à ce sujet, en ne contredisant ainsi en rien la décision déférée, que la nouvelle entité détiendra en France une part de marché comprise entre 60 et 70 % dans la mesure où Glaxo Wellcome détient elle-même une part de marché comprise entre 60 et 70 % et où Smith Kline détient, de son côté, une part de marché inférieure à 5 % ;

Qu'au demeurant, Glaxo ne serait pas fondé à se prévaloir d'une prétendue contradiction entre la décision de la Commission et la décision du Conseil, dès lors que l'analyse de marché intervenue dans le cadre, distinct, du contrôle d'une concentration, dont les effets ainsi qu'éventuellement les facteurs d'évolution ultérieurs doivent être pris en compte, revêt nécessairement un caractère prospectif, tandis que l'examen au cas d'espèce de pratiques anticoncurrentielles par le Conseil le conduisait seulement à une définition ex post du marché pertinent affecté par ces pratiques ;

En ce qui concerne la pertinence du test de coût

Considérant que le rapport relate que le laboratoire Glaxo n'ayant donné aucune information exploitable sur ses coûts (coûts moyens variables ou coûts moyens totaux) en faisant valoir qu'ayant acheté le Zinnat à une société du même groupe, le prix pratiqué n'était pas un prix d'achat mais un "prix de cession interne", sans relation avec le coût moyen variable qui ne pouvait servir de base à un calcul pour établir un prix prédateur, il n'était pas possible d'utiliser un autre prix que ce prix d'achat pour connaître les coûts de revient du Zinnat ;

Que c'est dans ces conditions que, se référant aux résultats du test de coût (points 190 à 252 de la décision), le Conseil a relevé qu'en l'absence d'éléments chiffrés sur les différents coûts supportés par Glaxo, cette entreprise avait vendu aux hôpitaux le Zinnat injectable (céfuroxime sodique) en dessous de ses coûts d'achat, qui sont un "minorant des coûts variables pertinents" ;

Considérant que le requérant conteste la validité des résultats de ce test de coût, en maintenant qu'il n'était qu'une simple filiale dépourvue d'autonomie au sein d'un groupe dans lequel les prix pratiqués constituent des "prix de transfert" ou "prix de cession intragroupe", sans lien avec les coûts variables unitaires ;

Mais considérant que pour conclure que le laboratoire Glaxo déterminait ses prix de manière autonome, le Conseil a constaté à juste titre (points 197, 198 et 199 de la décision) :

- que le laboratoire Glaxo disposait d'une direction commerciale chargée des ventes aux hôpitaux, laquelle détermine librement sa politique de vente ;

- que la fixation des prix de vente des médicaments vendus aux hôpitaux en France relevait d'une compétence partagée entre sa direction commerciale et les responsables des relations hospitalières de la filiale française ;

- que le directeur juridique du laboratoire Glaxo avait déclaré : "Le Zinnat est acheté à la société Adechsa qui appartient au même groupe que le laboratoire Glaxo Wellcome mais n'a pas de dirigeant commun. Le prix d'achat peut varier en fonction des quantités. Le contrat-cadre est révisé chaque année" ;

Qu'en ce qui concerne l'utilisation du prix d'achat d'un produit à une société du même groupe comme coût pertinent dans le test de coût, le Conseil s'est référé à bon droit à la Convention OCDE (Principes applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, 1995) dont le principe central est, en ce qui concerne le prix de transfert au sein d'un groupe, "le prix de pleine concurrence" qui consiste à fixer des prix de transfert comme si les deux sociétés, celle qui achète et celle qui vend, étaient autonomes et confrontées à la réalité économique ;

Que, dès lors, Glaxo n'est pas fondé à remettre en cause les constatations du Conseil selon lesquelles, pendant la période considérée, il avait vendu aux hôpitaux du Zinnat injectable en dessous de ses coûts d'achat ;

En ce qui concerne la stratégie de prédation imputée au laboratoire Glaxo

Considérant que la décision attaquée observe que l'analyse économique relève trois types de stratégies possibles en matière de prédation (...) "la prédation financière" (...) "la prédation par signal" (...) et "la prédation par construction d'une réputation". Cette stratégie "est celle dans laquelle le prédateur cherche à se bâtir une réputation d'agressivité. Typiquement, il s'agit d'une situation dans laquelle le prédateur est soumis à la menace d'entrée de plusieurs concurrents sur des marchés différents (soit des marchés successifs, soit des marchés de produits distincts). Il choisit l'un d'entre eux et se comporte sur celui-ci de manière très agressive en tarifant en dessous de ses coûts. Observant cette agressivité, et pourvu, là encore, que la crédibilité du message soit assurée, les concurrents potentiels s'abstiendront d'entrer sur les autres marchés, redoutant un comportement identiquement agressif du prédateur" (point 257 de la décision) ;

Que le Conseil précise encore : "Les trois schémas comportementaux précédemment décrits reposent tous sur une manipulation de l'information par le prédateur. Par exemple, la prédation par réputation, consistant à signaler aux rivaux actuels ou potentiels le type de réponse que l'entreprise dominante est prête à apporter aux tentatives d'entrée sur le marché dominé, n'a pas nécessairement pour objectif d'éliminer un concurrent. Elle peut préférer discipliner un concurrent sans l'éliminer, c'est-à-dire l'amener à cesser une compétition trop vigoureuse, dès lors que le but général est de freiner le développement de la concurrence sur le marché" (point 259 de la décision) ;

Que, s'agissant de la stratégie imputée au laboratoire Glaxo, le Conseil relève ensuite :

- "Dans l'affaire en cause, il s'agit bien, pour le laboratoire Glaxo, de la même stratégie que celle décrite dans l'affaire Akzo, consistant à se bâtir une réputation d'agressivité en pratiquant des prix très bas sur le marché du céfuroxime injectable mais également sur d'autres marchés menacés par l'expiration du brevet" (point 262 de la décision) ;

- "Au cas d'espèce la politique de prix bas pratiqués sur le marché du céfuroxime sodique pouvait être un signal destiné à décourager les petits génériqueurs d'entrer sur le marché des spécialités hospitalières, et notamment sur celui de l'aciclovir injectable dont le monopole était menacé dès 1999, c'est-à-dire à l'époque des pratiques en cause, ou pour lequel était anticipée une arrivée massive des génériques en 2002. Ce signal, constitué par ces prix en dessous des coûts maintenus pendant deux ans, a permis au laboratoire Glaxo de se forger une réputation d'agressivité" (point 265 de la décision) ;

Considérant, toutefois, que le requérant est fondé à rappeler que l'arrêt de la Cour de justice du 3 juillet 1991 est intervenu dans une espèce dans laquelle le comportement abusif de l'entreprise Akzo tel qu'il a été caractérisé par la cour, concernait, notamment, des menaces directes proférées lors de réunions à l'encontre de l'entreprise ECS "dans l'intention d'assurer son retrait du marché des péroxydes organiques dans leur application aux plastiques" (attendus 76 à 82), marché sur lequel Akzo était en position dominante, et que cette stratégie tendant à nuire à un concurrent, clairement affichée, n'est pas alléguée ici ;

Qu'en outre, pour considérer que "le marché des péroxydes organiques était le marché en cause et cela même si le comportement abusif allégué était destiné à saper l'activité principale d'ECS sur un marché distinct" (attendus 35 à 45 de la décision), la Cour de justice a relevé une série de circonstances (lien entre les produits en cause au niveau de leur composition, nature des activités de l'entreprise visée et enjeux spécifiques pour celle-ci, déclarations d'un cadre d'Akzo...) attestant que les deux marchés étaient étroitement liés ce qui, comme le soutient le laboratoire Glaxo, avait en effet permis à l'entreprise mise en cause d'utiliser le marché non dominé pour démontrer ses intentions sur le marché dominé ;

Qu'en revanche, les liens existant dans la présente affaire entre les marchés de l'aciclovir et du céfuroxime sodique restent limités à des caractéristiques générales des marchés concernés (marchés hospitaliers et identité de fonctionnement de ceux-ci) ;

Considérant qu'au delà de ces constatations, il est vrai que l'instruction a permis d'établir l'existence d'une pratique sélective par Glaxo de fixation du prix de vente du Zinnat injectable en dessous de ses coûts d'achat sur le marché non dominé du céfuroxime sodique en 1999 et 2000, ce qui a ainsi permis à ce laboratoire, confronté à la concurrence de Panpharma et de Flavelab, finalement évincé de ce marché, de remporter en 2000 la plupart des marchés, avant de remonter ensuite ses prix à partir de 2001 ;

Considérant qu'en se fondant sur une comparaison des prix moyens de vente de Glaxo et de Flavelab, le Conseil a réfuté les explications données par Glaxo en ce qui concerne l'alignement des prix sur Flavelab (points 283 à 287 de la décision), en relevant qu'il y avait bien eu en 2000 une pratique de prix très bas, en dessous des prix pratiqués par les concurrents pour des produits génériques ;

Que le Conseil a également réfuté la thèse du laboratoire Glaxo concernant l'alignement des prix du Zinnat injectable sur ceux du Céfamandole commercialisé par Panpharma, en retenant que cette explication, tardive, n'était de surcroît pas recevable car reposant sur une confusion entre le prix moyen, impossible à connaître en début de campagne et les prix marché par marché, qui ne peuvent être connus qu'après le résultat de chaque appel d'offres en interrogeant l'hôpital sur les conditions offertes par le titulaire du marché ;

Que le Conseil a aussi écarté les explications avancées par le requérant sur l'impossibilité de récupérer ses pertes, en observant :

- en ce qui concerne la récupération des pertes sur le marché du céfuroxime injectable, que leur montant relativement modeste de 75 000 euro pour une entreprise de la taille Glaxo a permis une récupération facile par les hausses de prix qui ont suivi la sortie de Flavelab du marché ;

- en ce qui concerne la récupération des pertes sur le marché de l'aciclovir injectable, que compte tenu de l'étendue de la gamme des spécialités du laboratoire, du caractère des marchés concernés, marchés hospitaliers où les prix sont libres, les transferts financiers entre secteurs protégés et secteurs soumis à la concurrence peuvent être envisagés et le coût limité d'une politique de prédation peut être facilement absorbé (points 325 à 329 de la décision) ;

Mais considérant qu'à supposer même que les éléments de l'analyse économique opérée par le Conseil conduisent à ne pas accorder de crédit aux explications avancées par le laboratoire Glaxo sur la réaction à l'attitude de Flavelab, aucun élément du dossier ne permet pour autant de démontrer un lien nécessaire entre, d'une part, ces pratiques de prix suivies de la sortie de Flavelab du marché du céfuroxime sodique et, d'autre part, la conception et la mise en œuvre d'un plan ou d'une stratégie d'éviction caractérisée par l'acquisition d'une réputation d'agressivité démontrée sur ce marché non dominé et finalement destinée à dissuader, par un "signal", certains fabricants de génériques d'entrer sur le marché dominé de l'aciclovir injectable (Zovirax injectable) ;

Considérant, en effet, que rien ne permet d'établir que les concurrents potentiels de Glaxo, qui, à l'exception de Panpharma et de Ggam, n'étaient pas présents sur le marché du céfuroxime sodique, disposaient immédiatement d'informations précises et complètes, non seulement sur les prix pratiqués sur ce marché par les différents opérateurs mais encore sur les pertes de Glaxo, informations devant les conduire à analyser et à interpréter avec certitude des "messages" à implications concurrentielles lancés par ce laboratoire et à influencer ainsi leur propre décision d'entrer ou non sur le marché dominé de l'aciclovir injectable, les notions de perception d'une "réputation" et d'identification d'un "signal" étant empreintes, de surcroît, d'une forte part de subjectivité ;

Considérant que le Conseil affirme également :

"Cette stratégie a produit des effets puisqu'elle a conduit non seulement à éliminer Flavelab du marché hospitalier (...) mais aussi "à décourager les laboratoires Panpharma et Ggam, présents sur le marché du céfuroxime sodique, d'orienter leur production vers d'autres génériques des spécialités du laboratoire Glaxo. Ces deux laboratoires ont pu observer le comportement du laboratoire Glaxo sur le marché du céfuroxime sodique, notamment Panpharma qui a été évincé en 2000 de nombreux appels d'offres pour la livraison de cette spécialité aux hôpitaux, avant d'adapter leur comportement sur d'autres marchés ; ils ont renoncé à entrer sur le marché de l'aciclovir injectable, dans le cas de Panpharma, ou n'y sont entrés que pour en sortir l'année suivante, dans celui du laboratoire Ggam". (Point 266 de la décision) ;

- "Panpharma a notamment déclaré avoir renoncé à utiliser l'AMM qu'il détenait sur l'aciclovir en raison de l'anticipation qu'il faisait de l'évolution des prix sur ce marché (...) Or, cette anticipation d'un prix bas ne pouvait résulter de l'observation, entre 1999 et 2001, du marché de l'aciclovir injectable sur lequel il n'y avait pas de concurrence agressive en prix entre le laboratoire Glaxo et Merck, comme l'a reconnu le laboratoire Glaxo lui-même, mais pouvait logiquement être déduite du comportement agressif du laboratoire Glaxo sur le marché du céfuroxime injectable en 1999 et 2000" (Point 267 de la décision) ;

Que le Conseil observe encore :

"Cette stratégie a produit des effets sur chacun des marchés concernés, de façon directe (sortie d'un concurrent, remontée des prix) ou indirecte (dissuasion de l'entrée de concurrents potentiels)" (point 351 de la décision) ;

- Sur le marché du céfuroxime sodique : "(...) On constate que les fabricants de génériques ayant obtenu une AMM et présentés par le laboratoire Glaxo comme étant des concurrents ne sont, en réalité, pas entrés sur le marché du céfuroxime sodique : Teva et Merck, titulaires d'une AMM en 2004, n'ayant par exemple effectué aucune vente, ni en 2004 ni en 2005. En fin de période seuls Panpharma et le laboratoire Glaxo sont présents sur le marché, le médicament princeps n'ayant perdu que très lentement ses positions malgré des prix supérieurs de moitié à celle du générique. En 2002, trois ans après l'expiration du brevet, la part de marché du laboratoire Glaxo était de 55 % en valeur et, en 2005, six ans après l'expiration du brevet, elle était encore de 17 % en valeur. La politique d'éviction du second offreur de génériques a donc été efficace." (Point 353 de la décision) ;

- Sur le marché de l'aciclovir injectable : "Les parts de marché à l'hôpital du laboratoire Glaxo ont très faiblement baissé après l'arrivée du premier générique, Merck, en 1999 ; le médicament princeps conservait 90,5 % de part de marché en valeur en 2000 et 80,9 % en 2001. Après 2003, bien qu'arrivent de nouveaux laboratoires proposant des génériques, la part de marché du laboratoire Glaxo demeure élevée : elle atteint 65 % en 2003, baisse en 2004 à 46 % et remonte en 2005 à 52 %. Le laboratoire Glaxo détient donc, trois ans après l'expiration du brevet, encore la moitié du marché en valeur, niveau remarquable puisque ces parts de marché sont équivalentes à celles qu'il avait sur le marché du céfuroxime injectable où il a pratiqué directement des prix prédateurs.

A cet égard, la comparaison entre la liste des laboratoires ayant demandé une AMM (13 au total) et ceux effectivement entrés sur le marché (5 en incluant Merck) montre que beaucoup de laboratoires offrant des génériques autres que ceux confrontés directement à la politique de prix bas du laboratoire Glaxo, comme Panpharma et Ggam, et ayant demandé et obtenu une AMM (dont certains très importants comme Teva), ont renoncé à entrer sur ce marché pourtant de taille importante (...) et exempt de difficultés particulières pour commercialiser ce produit.

Le petit nombre de fabricants de génériques présents sur ce marché et surtout leur faiblesse en terme de part de marché, certains n'ayant que des ventes marginales, plusieurs années après la fin des droits de propriété intellectuelle, constitue donc un indice fort de la réussite de la stratégie de prédation qui s'est traduite par la construction d'une réputation d'agressivité sur les prix pratiqués sur le céfuroxime injectable, notamment auprès de Panpharma qui était présent sur les deux marchés. La stratégie a donc rendu très incertaine l'entrée sur le marché de l'aciclovir.

Cela concerne au premier chef Panpharma qui disposait d'une AMM sur l'aciclovir injectable depuis 1998, ne l'a pas utilisée et l'a revendue, en 2002, à Aguettant.

Les déclarations de Panpharma sont très éclairantes à cet égard : "Les raisons pour lesquelles le laboratoire Panpharma décide de demander une AMM et donc de rentrer sur le marché tiennent à l'existence du marché, c'est-à-dire sa taille, aux volumes qu'il est possible de réaliser. Parmi les indicateurs qui éclairent le choix de la décision finale, le prix de vente pratiqué les années avant la fin du brevet par le laboratoire titulaire est bien entendu déterminante. Si le prix est trop bas, il est dissuasif. Bien évidemment, nous anticipons sur les évolutions de ce prix."

Le terme important est ici le verbe "anticipons", qui montre bien que l'effet de réputation ou de signal a pu jouer pour dissuader une entrée sur le marché, alors même que l'évolution du prix du médicament princeps était beaucoup moins orientée à la baisse que pour le céfuroxime injectable, marché sur lequel Panpharma n'a pas hésité à entrer. Il faut observer qu'en 2002, année où Panpharma cède son AMM, le prix est encore très au dessus de son niveau d'équilibre concurrentiel de moyen terme puisque ce prix sera encore divisé par deux en 2005.

Ainsi, même si le laboratoire Glaxo a effectivement fini par baisser ses prix, ceux-ci restent nettement plus élevés en fin de période que ceux des génériques des laboratoires les plus actifs et Glaxo conserve 51 % de part de marché en valeur en 2005" ; (Points 357 à 363 de la décision) ;

Or considérant que les déclarations du représentant de Panpharma qui ont été mises en exergue par le Conseil (point 267 de la décision) pour expliquer son comportement sur le marché de l'aciclovir injectable ne font pas référence au comportement de Glaxo sur le marché du céfuroxime sodique ;

Que, de surcroît, Glaxo est fondé à faire observer que la réputation d'agressivité qui lui est attribuée, qui aurait été construite sur le marché du céfuroxime sodique au détriment de Panpharma, ne peut se concilier avec le fait qu'il n'a pas résisté à la progression continue de ce laboratoire qui, après avoir racheté Flavelab, a dépassé dès 2001 le seuil de 50 % de part de ce marché puis n'a cessé de conforter sa position à son détriment ;

Que Glaxo est aussi en droit de faire valoir, concernant le marché dominé de l'aciclovir injectable (Zovirax injectable) où il était le seul offreur en 1998 et où Merck était entré en septembre 1999, avant l'expiration, en 2002, des droits de propriété intellectuelle concernant ce produit, que l'absence d'engagement d'une action judiciaire à l'encontre de cette entreprise pour contester son entrée irrégulière sur ce marché n'est pas non plus conciliable avec la stratégie d'acquisition d'une réputation d'agressivité qui lui est imputée par le Conseil ;

Qu'il est constant, par ailleurs, que trois fabricants de génériques (Aguettant, Arrows, Dakota Pharm) sont effectivement entrés sur le marché de l'aciclovir injectable à la fin de l'année 2002 et que rien ne permet de faire un lien entre l'absence d'entrée sur ce marché d'autres fabricants de génériques et les pratiques de prix de Glaxo sur le marché du céfuroxime sodique ;

Qu'aucun élément du dossier ne permet non plus d'exclure les hypothèses avancées à ce sujet par le requérant sur l'effet de dissuasion créé par l'entrée préalable de ces fabricants de génériques qui ne permettrait pas de capter une part de marché résiduelle suffisante ou encore sur la diminution importante et constante de la valeur du marché de l'aciclovir ;

Qu'enfin, si le laboratoire Ggam a rapidement quitté ce marché pour des raisons qui sont inconnues, il est constant, en tout cas, qu'il n'avait nullement été dissuadé d'y entrer par le comportement de Glaxo sur le marché du céfuroxime sodique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs d'abus de position dominante par prix prédateurs imputés à Glaxo ne peuvent être retenus et que cette entreprise doit, en conséquence, être mise hors de cause ;

Par ces motifs, Réforme la décision 07-D-09 rendue par le Conseil de la concurrence le 14 mars 2007, Et, statuant à nouveau, dit qu'il n'est pas établi que la société le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) a enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE, Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.