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Décisions

CA Chambéry, ch. soc., 10 janvier 2006, n° 04-02949

CHAMBÉRY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Pétillot

Défendeur :

Lablabo (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Landoz

Conseillers :

M. Francke, Mme Broutechoux

Avocats :

Mes Lamotte, Turquand d'Auzay

CA Chambéry n° 04-02949

10 janvier 2006

La SA Lablabo a une activité de fabrication et commercialisation d'instruments de conditionnement destinés à l'industrie pharmaceutique et cosmétique. Elle emploie environ soixante salariés et est dirigée par Monsieur Taberlet.

Valérie Pétillot a été embauchée par la SA Lablabo en qualité de responsable commerciale selon contrat de travail signé le 15 septembre 1998 à effet du 31 août, ce contrat de travail faisant suite à un premier contrat du 24 juin 1998 à effet du 10 août qui n'a pas été signé par les deux parties.

Valérie Pétillot bénéficiait du statut de cadre Niveau VI échelon A coefficient 390 et sa rémunération était fixée à un salaire brut annuel de 39 102 euro.

Son contrat de travail a fait l'objet d'avenants successifs les :

- 13 décembre 2001 Valérie Pétillot devenant responsable des ventes,

- 4 février 2002 pour définir les conditions de passage à temps partiel dans le cadre du congé parental demandé par Valérie Pétillot,

- 17 juin 2002 modifiant la périodicité de la rémunération sur 13 mois.

Valérie Pétillot sera en arrêt maladie du 11 au 18 décembre 2000 pour une fausse couche.

Elle fera l'objet d'un entretien d'évaluation le 20 décembre 2000.

Elle sera en congé maternité du 2 août 2001 au 4 février 2002 et reprendra son travail à 80 % du 4 février au 1er octobre 2002 puis à temps complet à compter du 1er octobre 2002.

Entre temps courant juillet 2002 la SA Lablabo embauchera Monsieur Khoury en qualité de responsable de développement commercial.

Les 28 novembre et 8 décembre 2002 Valérie Pétillot écrira à son employeur pour lui faire part des difficultés qu'elle rencontrait dans l'exercice de son travail et par lettre du 12 décembre Monsieur Taberlet demandait à Valérie Pétillot de cesser le travail et de consulter un médecin le seul à même de juger de son état.

Valérie Pétillot consultera dès le 13 décembre 2002 le médecin du travail qui lui établira un avis d'aptitude, avis qui sera remis le même jour à l'employeur en présence d'un huissier de justice.

Valérie Pétillot reprendra son travail le 13 décembre et par courrier daté du 16 décembre son employeur la placera en congés RTT le 19 puis en congés payés du 20 décembre au 17 janvier 2003. Ceci sera contesté par Valérie Pétillot qui rencontrera Monsieur Taberlet le 18 décembre 2002 en présence du délégué du personnel.

Valérie Pétillot se présentera à son travail le 19 décembre et elle sera immédiatement convoquée par son employeur qui lui demandera de quitter l'entreprise et de partir en congés.

Les parties échangeront à nouveau des courriers ultérieurement à cette date.

Par lettre du 14 janvier 2003 réceptionnée le 15, la SA Lablabo convoquera Valérie Pétillot à un entretien préalable en vue de son licenciement pour faute lourde et elle lui notifiera sa mise à pied conservatoire. Suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 21 janvier 2003 Valérie Pétillot a été licenciée pour faute lourde par lettre du 23 janvier 2003.

Entre-temps Valérie Pétillot a saisi le 16 janvier 2003 le Conseil de prud'hommes d'Annemasse pour obtenir la résolution judiciaire de son contrat de travail aux torts de la SA Lablabo et pour solliciter la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse à la charge de la SA Lablabo. Elle formera dans le cadre de la procédure prud'homale diverses demandes indemnitaires.

Par jugement du 30 septembre 2004 le Conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de Valérie Pétillot était justifié pour faute grave et a condamné la SA Lablabo à lui verser les sommes de :

- 2 556,63 euro au titre des congés payés 2002/2003,

- 268,61 euro au titre d'un jour de congé supplémentaire,

- 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Valérie Pétillot a été déboutée du surplus de ses demandes.

Elle a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée avec avis de réception du 14 octobre 2004 l'appel portant sur l'ensemble des dispositions de la décision.

La SA Lablabo a également interjeté appel de cette décision le 29 octobre 2004, son appel étant limité en ce que le licenciement pour faute lourde a été requalifié en faute grave, en ce qu'elle a été condamnée à verser diverses sommes à Valérie Pétillot et en ce qu'elle a été déboutée de ses demandes.

Valérie Pétillot a demandé à la cour :

- à titre principal,

Vu les articles 9 du Code civil, L. 120-2, L. 121-7 du Code du travail,

Vu l'atteinte caractérisée au respect de l'intimité et de sa vie privée,

De juger illicites certains moyens de preuve et ordonner le rejet des débats des pièces 32 et 39 à 48 produites par la société Lablabo,

- à titre principal encore,

Vu les articles L. 120-2, L. 120-4 et L. 122-49 du Code du travail,

De prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail qui la liait à la société Lablabo à la date du 19 décembre 2002, aux torts exclusifs de cette dernière, avec toutes les conséquences en découlant,

- à titre subsidiaire,

De dire et juger que les faits motivant son licenciement, qui étaient connus de la société Lablabo le 19 décembre 2002 et qui, à cette date, ne justifiaient qu'une simple sanction disciplinaire, ne pouvaient en aucun cas justifier son licenciement, de surcroît prononcé pour faute lourde le 23 janvier 2003,

De dire et juger la lettre de licenciement du 23 janvier 2003 insuffisamment motivée et par suite que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

De dire et juger le licenciement prononcé abusif et injustifié,

- à titres principal et subsidiaire,

De condamner la société Lablabo à lui verser les sommes de :

- 12 195,92 euro bruts à titre de rappel de salaire correspondant à la rémunération variable figurant dans son contrat de travail pour les années 2001 et 2002,

- 9 775 euro bruts au titre de son indemnité compensatrice de préavis,

- 977,50 euro bruts au titre des congés payés afférents,

- 5 673 euro bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, et solde de congés payés,

- 268,61 euro bruts au titre de ses congés payés pour ancienneté,

- 3 985,45 euro à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 3 258,58 euro à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de carrière,

- 15 000 euro en réparation du préjudice subi du fait de la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail.

Valérie Pétillot a conclu au débouté de la société Lablabo de sa demande reconventionnelle dès lors que "seule la faute intentionnelle du salarié" permet à l'employeur de rechercher sa responsabilité devant le Conseil de prud'hommes et elle a sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 3 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Lablabo a demandé à la cour de :

- rejeter l'intégralité des demandes de Madame Pétillot,

- réformer le jugement du 30 septembre 2004 sur la qualification de la faute en jugeant que le licenciement est bien intervenu pour une faute lourde,

- réformer le jugement sur les conséquences de cette qualification en jugeant que Valérie Pétillot ne saurait prétendre à aucune indemnité compensatrice de congés payés sur la période d'acquisition en cours à la date du licenciement,

- réformer le jugement du 30 septembre 2004 sur sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner Madame Pétillot à rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement intervenu, soit les sommes de 2 277,03 euro et 140,766, avec intérêts légaux à compter du 29 octobre 2004, date de réception du paiement,

- dire et juger que les agissements de Madame Pétillot ont porté un grave préjudice moral à la société Lablabo et à la collectivité de ses salariés et de la condamner à lui verser la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts au titre de l'article 1382 du Code civil,

- condamner Madame Pétillot à payer à la société Lablabo la somme de 3 500 euro à titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs :

1) Sur la demande de rejet des débats des pièces 32, 39 à 48 produites par Valérie Pétillot.

Attendu que les pièces litigieuses sont constituées d'une part par un rapport d'enquête interne établi par Jean-Pierre Taberlet et d'autre part par des attestations établies en février et mars 2003 par des salariés de la société;

Que la Valérie Pétillot prétend que l'établissement de ces pièces a porté atteinte à sa vie privée la société ayant communiqué à des tiers, les comptes rendus d'évaluation, ses conclusions en défense dans le cadre de la présente procédure, ainsi que l'ensemble des pièces accompagnant ses conclusions à savoir des certificats médicaux, des photos de son enfant ainsi que son numéro de sécurité sociale ; qu'elle prétend ainsi qu'il y a eu une divulgation orchestrée par la direction;

Attendu toutefois qu'il ne serait pas fait droit à cette demande;

Qu'en effet le rapport d'enquête interne établi par Jean-Pierre Taberlet daté du 14 janvier 2003 est antérieur à l'échange des pièces et conclusions dans le cadre de la procédure prud'homale qui n'était même pas encore introduite lors de son établissement ; qu'il ne peut être reproché à Jean-Pierre Taberlet d'avoir communiqué dans le cadre de la réalisation de cette enquête interne suite aux faits de harcèlements dénoncés par Valérie Pétillot, une copie de la lettre du 8 décembre 2002, dès lors que pour pouvoir mener utilement cette enquête et recueillir l'avis des autres cadres ou salariés il était pour le moins indispensable que ceux-ci aient connaissance de manière complète et non déformée des faits dénoncés par Valérie Pétillot à son employeur; que d'ailleurs sa lettre du 8 décembre ne comporte aucune mention pour réclamer la confidentialité de ce courrier;

Que de même Valérie Pétillot n'établit pas que la SA Lablabo aurait transmis à ses collaborateurs des éléments relevant de sa vie privée (photographie, certificats médicaux etc) ; que les salariés qui ont attesté au profit de la SA Lablabo ont chacun personnellement attesté des pièces qui leur avaient été communiquées par leur employeur en février 2003 soit avant la communication des pièces produites par Valérie Pétillot dans le cadre de la procédure prud'homale en avril 2003, les pièces portées à leur connaissance par la SA Lablabo concernant uniquement la relation de travail et la procédure de licenciement;

Qu'il est sans incidence sur la validité des attestations établies par les salariés de la SA Lablabo qu'ils n'aient pas mentionné expressément leur lien de subordination ou de collaboration avec cette société, dès lors que leur qualité est parfaitement connue de l'appelante et que dans le corps des attestations il est fait mention de leur fonction au sein de la société ; que cette absence de mention ne cause au surplus aucun grief à Valérie Pétillot; que s'agissant des attestations Lefèvre et Bret rien ne démontre que ces personnes auraient un lien de collaboration ou de subordination avec la SA Lablabo;

2) Sur la demande de résiliation du contrat de travail et le harcèlement.

Attendu que Valérie Pétillot sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur en invoquant des faits de harcèlement moral dont elle aurait été la victime ; qu'elle met notamment en cause des agissements de Louis Khoury responsable du développement commercial avec lequel elle a du travailler à compter du mois de juillet 2002;

Attendu que le harcèlement moral est constitué selon l'article L. 122-49 du Code du travail par "des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel";

Qu'il est constant que des faits de harcèlement ne peuvent être confondus avec l'exercice fut-il autoritaire du pouvoir général d'organisation du chef d'entreprise et que l'établissement de tels faits exige que soient constatés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail dans les termes de l'article L. 122-49 du Code du travail ; qu'en effet toute activité professionnelle peut être à l'origine de contrainte, de difficultés relationnelles ou de stress sans que les problèmes de santé qui en découlent soient ipso-facto rattachés à des situations de harcèlement moral;

Que Valérie Pétillot a ainsi établi les 28 novembre 2002 et 8 décembre 2002 deux lettres dont la dernière de neuf pages, pour faire état de griefs à l'encontre de son employeur et de Louis Khoury en exposant avoir été victime de petites agressions subtiles et régulières ; que ces griefs ont été immédiatement contestés par Jean-Pierre Taberlet, celui-ci décidant de mettre en œuvre une enquête approfondie sur les problèmes de harcèlement évoqués par Valérie Pétillot;

Attendu que s'agissant des faits de harcèlement moral, les attestations émanant de Monsieur Marquet licencié par la SA Lablabo depuis 1984 et de Madame Cousineau en fonction au Québec ne rapportent la preuve d'aucun fait de harcèlement dont ils auraient été les témoins; qu'il en est de même s'agissant des attestations Goudal-Job, Mariani, Moritz anciens collègues ou relations de travail de Valérie Pétillot qui n'ont lamais travaillé avec elle au sein de la SA Lablabo ou de celle de Madame Depraz assistante maternelle de l'enfant de Valérie Pétillot; que Madame Blarel amie de Valérie Pétillot ne fait que rapporter les propos tenus par celle-ci ; que Madame Prodomme salariée de la SA Lablabo ne relate aucun élément précis démontrant des faits de harcèlement dont Valérie Pétillot aurait été la victime alors qu'elle déclare avoir été le témoin auditif de la lente et inexorable dégradation des relations Direction Valérie Pétillot mais donne son avis sur la procédure (j'ai lu attentivement les conclusions de Monsieur Taberlet et je suis étonnée après la lecture du volumineux dossier ...) et sur les témoignages versés;

Que s'agissant de Madame Duranton elle ne peut attester que des faits de décembre 2002, faits qui sont d'ailleurs parfaitement établis sur les circonstances du départ de Valérie Pétillot et il convient de relever que ces propos sur Louis Khoury sont plutôt favorables à ce dernier;

Qu'il y a donc lieu de reprendre les motifs et griefs invoqués par Valérie Pétillot dans ses deux lettres pour déterminer au vu des pièces du dossier et des éléments de réponse fournis par l'employeur si ces griefs sont établis et s'ils présentent une répétition susceptible de caractériser des faits de harcèlement moral;

Attendu que pour la période antérieure à décembre 2000 les relations de travail n'ont posé aucune difficulté ; que si en décembre 2000 Valérie Pétillot a été soumise à une évaluation, cet entretien n'était pas exceptionnel puisqu'elle y avait été soumise en août 2000 et elle n'est pas fondée à rapprocher la mise en œuvre de cette évaluation à sa fausse couche alors que son employeur n'était pas informé des raisons ayant motivé son arrêt maladie d'une semaine;

Que l'évaluation de décembre 2000 n'est pas "très négative" mais comporte tant des éléments favorables à la salariée que des éléments critiques sur son travail; qu'il fixe des objectifs pour l'année 2001 à Valérie Pétillot et il convient de relever que l'employeur a maintenu pour l'année 2000 sa rémunération variable fixée à 40 000 F aux fins d'encouragement;

Qu'aucun élément ne démontre que Jean-Pierre Taberlet aurait réagi de manière critique à l'annonce de la grossesse de Valérie Pétillot (si je pouvais licencier les femmes enceintes je le ferais) et les questions posées par Louis Khoury à une autre salariée lors de son embauche en décembre 2002 sur ses projets de maternité sont sans objet dans le présent litige, Louis Khoury n'étant pas encore embauché dans l'entreprise lors de la grossesse de Valérie Pétillot, grossesse pendant laquelle Valérie Pétillot a travaillé normalement et son employeur n'a invoqué à son encontre aucune difficulté;

Attendu que Valérie Pétillot fait état dans ses courriers de son remplacement dans ses fonctions par Louis Khoury, de sa mise à l'écart, de faits de retranchement à ses responsabilités et à ses fonctions;

Attendu qu'il ne saurait être déduit du choix de la société qui faisait face à l'accroissement non contesté et justifié de son activité, de réorganiser et de renforcer le service commercial par l'embauche d'un autre cadre, la volonté d'écarter Valérie Pétillot de ses fonctions ; qu'au moins un entretien a eu lieu sur ce point entre Jean-Pierre Taberlet et Valérie Pétillot et celle-ci était dûment informée des intentions et motifs invoqués par son employeur ; qu'elle a accepté sans réserve la modification de son contrat de travail par avenant du 13 décembre 2001 en optant pour le poste de responsable des ventes, ses salaire, coefficient et niveau étant conservés et il convient de relever que la société n'a mis en œuvre la procédure de recrutement du responsable développement commercial que postérieurement à la signature de l'avenant au contrat de travail de Valérie Pétillot;

Qu'aucun élément objectif ne permet d'établir que Valérie Pétillot s'est trouvée placée sous l'autorité hiérarchique de Louis Khoury alors que dans l'organigramme de la société ils figurent au même niveau ; qu'aucun élément sérieux ne peut être tiré d'un document manuscrit "réunion avec Louis K le 05 septembre 2002" dont la cour ignore par qui il a été établi et à quoi il correspond, les schémas (brouillons?) étant totalement inexploitables ; que les affirmations de Valérie Pétillot selon lesquelles Louis Khoury se posait en position hiérarchique supérieure ne sont pas établies et au contraire contredites par les attestations versées par la SA Lablabo;

Qu'il est manifeste que la réorganisation du service commercial avec l'arrivée de Louis Khoury s'est accompagnée d'une réorganisation des fonctions dévolues à Valérie Pétillot mais que cette circonstance ne permet pas de caractériser une volonté de mise à l'écart de Valérie Pétillot dans l'entreprise;

Qu'ainsi si Valérie Pétillot n'a pas participé au salon HBA 2002 alors qu'elle avait participé à ce salon les trois années précédentes, elle n'avait toutefois pas de droit acquis à y participer chaque année ; que le choix d'y emmener Louis Khoury se justifie eu égard à la nature des fonctions qui lui étaient confiées et au fait qu'il était nouvellement embauché dans la société ; que Jean-Pierre Taberlet s'est d'ailleurs expliqué sur ce point ainsi que cela résulte de la lettre de Valérie Pétillot du 8 décembre ; que Valérie Pétillot est particulièrement mal fondée à le reprocher à Jean-Pierre Taberlet et de s'être notamment fait accompagner de son épouse à ce salon;

Que de la modification de l'horaire de pause repas de Valérie Pétillot de 13 h à 14 h au lieu de 12 h 30 à 13 h 30 demandée par Madame Taberlet par mail du 11 juillet 2002 ne traduit pas une volonté de la mettre à l'écart, cette demande ayant été formulée dans le but d'assurer une permanence téléphonique et force est de constater que Valérie Pétillot ne produit aucune pièce aux débats démontrant que d'une part qu'elle déjeunait avec des collègues de l'entreprise Labcatal et d'autre part du fait de cette modification d'une demi-heure elle ne pouvait plus déjeuner avec ceux-ci;

Que les griefs invoqués à l'encontre de Louis Khoury pour des faits s'étant produits de septembre 2002 à fin novembre 2002 ne sont étayés par aucune pièce, que notamment la relation faite par Valérie Pétillot d'une réunion auprès de Caudalie le 23 septembre 2002 faisant état de l'absence d'échange, Louis Khoury étant selon elle le seul à parler est contredite par l'attestation faite par Monsieur Arghyris qui y a assisté et qui relate les faits en des termes forts différents;

Que si Valérie Pétillot n'a peut être pas apprécié les critiques formulées par Louis Khoury sur la décoration du stand au salon de Luxepack ce fait est insuffisant pour caractériser un fait de harcèlement rien ne démontrant d'ailleurs que Louis Khoury avait eu une " attitude machiste " pour ne pas l'avoir aidée; que ce grief est d'ailleurs contredit par l'attestation de Madame Avettand-Nicoud relatant les circonstances de cet incident et expliquant les motifs de la reprise de la décoration du stand ; que la circonstance que le 12 novembre Louis Khoury ait demandé à Valérie Pétillot de lui apporter son repas, à savoir un sandwich, ne démontre nullement que celui-ci aurait entendu la rabaisser mais relève des services qu'il est usuel de demander à un collègue de travail ;

Que de même les griefs relatifs au choix du mobilier lors du déménagement des locaux relèvent de l'anecdote insignifiante, Madame Dole ayant attesté des conditions d'aménagement et d'achat des bureaux, ce qui démontre que Valérie Pétillot a été traitée comme tous les autres salariés;

Que s'il n'est pas contesté que Louis Khoury a dans un premier temps refusé la demande de congés formée par Valérie Pétillot, il s'est expliqué dans son attestation des raisons motivant son refus (répartir équitablement la présence au bureau entre Valérie Pétillot et lui à l'occasion des fêtes et se partager les vacances) ; que ces explications à son refus sont objectives et ne traduisent pas une volonté agressive ou malicieuse de Louis Khoury à son encontre, Valérie Pétillot ayant au demeurant obtenu in fine les congés qu'elle sollicitait;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les "petites agressions subtiles et régulières" invoquées par Valérie Pétillot dans ces deux courriers ne sont pas établies et que les griefs dénoncés ne constituent nullement des faits susceptibles de constituer des faits de harcèlement moral;

Que s'il est indéniable qu'il y a eu une dégradation des conditions de travail de Valérie Pétillot à compter de sa reprise suite à son congé maternité, la cause de cette dégradation ne résulte pas de faits de harcèlement imputables à la SA Lablabo ou à Louis Khoury ; que cette dégradation a pour origine l'insatisfaction de Valérie Pétillot dans ses fonctions, le fait qu'elle se soit sentie à tort exclue de la société suite à la réorganisation justifiée du service commercial et l'analyse systématiquement négative de l'ensemble des décisions prises pour le compte de la société même les plus insignifiantes;

Attendu que Valérie Pétillot reproche au surplus à son employeur de l'avoir par deux fois mise à la porte;

Que s'agissant de la lettre du 12 décembre 2002 adressée par Jean-Pierre Taberlet lui demandant de "cesser le travail dès la remise de la présente et de consulter un médecin qui sera le même de juger de son état" ces termes ne peuvent pas être retenus à l'encontre de l'employeur;

Que celui-ci pouvait, au vu de la lettre de neuf pages adressée par Valérie Pétillot et dans laquelle elle dénonçait des faits de harcèlement, exposait avoir pensé mettre fin à ses jours le 15 novembre et avoir repris le travail contre l'avis de son médecin, légitimement s'inquiéter de la santé de sa salariée ; que Jean-Pierre Taberlet l'invitait d'ailleurs à consulter le médecin du travail aux frais de la société et lui précisait qu'elle serait rémunérée normalement;

Qu'aucun élément ne justifie d'ailleurs que Valérie Pétillot aurait été abandonnée ce jour sur le parking de l'entreprise sans moyen de transport comme elle le soutient, l'attestation de Mademoiselle Duranton étant taisante sur ce point;

Que l'attitude de Valérie Pétillot lors de la reprise de son travail est tout aussi surprenante puisque après avoir consulté comme l'avait préconisé son employeur le médecin du travail qui lui a délivré un avis d'aptitude elle s'est fait accompagner d'un huissier pour remettre ce document;

Que la mise en " congés forcés " de Valérie Pétillot, que cette dernière n'a pas acceptée en se présentant à l'entreprise le 19 décembre, ne peut pas être analysée comme traduisant une intention de nuire de l'employeur ou son intention de mettre fin au contrat de travail;

Que quand bien même l'entreprise n'aurait pas respecté les dispositions de l'article L. 223-4 du Code du travail ce fait ne peut justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, la lettre du 16 décembre 2002 justifiant du solde important de congés de Valérie Pétillot sur la période juin 2001-mai 2002 et de l'impossibilité de reporter ce solde sur les congés 2003 et la SA Lablabo pouvant se prévaloir de circonstances exceptionnelles liées à la dénonciation par Valérie Pétillot de nouveaux faits considérés par elle comme étant une agression;

Que la preuve de faits réitérés susceptibles de constituer des faits de harcèlement moral n'étant pas rapportée et l'employeur n'ayant pas manqué à ses obligations, Valérie Pétillot sera déboutée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail;

Qu'elle sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée au titre du préjudice moral;

3) Sur le licenciement.

Attendu que la résiliation judiciaire n'étant pas prononcée aux torts de l'employeur il convient d'examiner la validité et le bien fondé de la procédure de licenciement dont Valérie Pétillot a fait l'objet;

Attendu que par lettre du 19 décembre 2002, Valérie Pétillot a été convoquée pour le 22 janvier 2003 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire, que le 14 janvier 2003 elle a été convoquée un entretien préalable en vue de son licenciement la SA Lablabo précisant dans ce courrier que "cette convocation a pour effet d'annuler la précédente convocation prévoyant un entretien le 22 janvier 2003";

Qu'elle a été licenciée pour faute lourde par lettre du 23 janvier 2003;

Attendu que Valérie Pétillot n'est pas fondée à se prévaloir de la règle du non-cumul des sanctions disciplinaires dès lors qu'il est établi qu'elle n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire, l'entretien auquel elle était convoquée à cette fin ayant été annulé pour être remplacé par une convocation du 14 janvier 2003 réceptionnée le 15 à un entretien préalable prévu pour le 21 janvier 2003 en vue de son licenciement;

Que le fait que la SA Lablabo n'ait pas diligenté une procédure de licenciement avant le 14 janvier 2003 pour des faits qui se sont produits antérieurement au 19 décembre 2002, ne s'oppose pas à ce que cette société puisse invoquer à l'encontre de sa salariée une faute lourde dès lors qu'il est justifié que le délai écoulé a été nécessaire à la réalisation de l'enquête interne diligentée par la SA Lablabo sur les faits de harcèlement dénoncés par Valérie Pétillot; que ce rapport ayant été établi le 14 janvier 2003 après que l'employeur a entendu ou sollicité le témoignage de collaborateurs ou de salariés il n'y a pas ou de carence de sa part dans la mise en œuvre de la procédure de licenciement;

Que contrairement à ce que soutient Valérie Pétillot la lettre de licenciement est parfaitement motivée au regard des dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; qu'elle comporte des griefs précis notamment sur la mise en cause de Louis Khoury, la dénonciation de faits de harcèlement moral qui ne sont pas fondés, les accusations portées à l'encontre de Jean-Pierre Taberlet sur ces déclarations concernant ses congés maternité, le refus d'obtempérer pour prendre ses congés, les accusations portées contre son collègue et son employeur dans le but d'obtenir le versement d'une indemnité de départ ; que ces faits sont parfaitement datés puisque l'employeur vise notamment les deux lettres de Valérie Pétillot en date des 28 novembre et 8 décembre 2002, le refus d'obtempérer et les propos tenus le 18 décembre en présence du délégué du personnel;

Attendu que la faute lourde est la faute commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ; que quand bien même les griefs invoqués par Valérie Pétillot à l'encontre de Louis Khoury et de Jean-Pierre Taberlet au titre du harcèlement moral ne sont pas établis, il est nullement démontré que Valérie Pétillot a porté de telles accusations dans le but de nuire à la SA Lablabo;

Que le fait pour cette salariée de se croire à tort victime de harcèlement moral et de persister dans cette logique ne permet pas d'établir qu'elle a agi dans l'intention de nuire aux intérêts de la société ; que l'intention de nuire ne résulte même pas des propos tenus par Valérie Pétillot lors de l'entretien du 18 décembre 2002 relatifs à son départ moyennant une négociation financière, les relations entre les parties étant parvenues à leur paroxysme et Valérie Pétillot dans la poursuite de sa logique ne pouvant envisager notamment qu'une solution de rupture dont elle ne porterait pas la responsabilité;

Attendu que la faute intentionnelle de Valérie Pétillot n'étant pas établie, il convient de débouter la SA Lablabo de la demande de dommages et intérêts qu'elle a formée à ce titre;

Attendu que les griefs visés dans la lettre de licenciement (accusations mensongères de harcèlement mettant en cause un autre salarié, refus d'obtempérer) sont établis par les pièces du dossier et ils constituent une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis, tout dialogue et collaboration de travail entre Valérie Pétillot et Louis Khoury ainsi que la direction étant devenus inconcevables ;

Que Valérie Pétillot sera donc déboutée de sa demande d'indemnité au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande pour non-respect de la procédure celle-ci étant régulière;

Que le licenciement intervenant pour faute grave, Valérie Pétillot sera déboutée de ses demandes d'indemnités compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement;

Attendu qu'il sera fait droit aux demandes de Valérie Pétillot s'agissant :

- de l'indemnité de congés payés qui n'est pas contestée dans son quantum soit 5 673 euro,

- des jours de congés supplémentaires prévus par la convention collective soit 268,61 euro;

4) Sur la prime variable

Attendu que le contrat de travail de Valérie Pétillot prévoyait une rémunération brute outre une rémunération variable pouvant atteindre 40 000 F par an selon les résultats obtenus ; que Valérie Pétillot a perçu cette prime en 1998 (au prorata de son temps de présence) en 1999 et en 2000 ; que cette prime ne lui a pas été versée pour les années 2001 et 2002;

Attendu que contrairement à ce que soutient Valérie Pétillot cette prime n'a pas été contractualisée mais elle est versée en tout ou partie en fonction des résultats obtenus par la salariée ; que ce principe lui a d'ailleurs été rappelé lors de l'entretien d'évaluation de décembre 2000;

Attendu qu'aucun entretien d'évaluation n'a eu lieu pour les années 2001 et 2002 et aucun élément du dossier ne permet d'établir que Valérie Pétillot n'aurait pas rempli les objectifs qui lui avaient été fixés;

Que notamment nonobstant les difficultés relationnelles et le conflit ayant existé entre les parties à compter de septembre 2002, aucun grief n'est invoqué sur un plan strictement professionnel à l'encontre de Valérie Pétillot et sur le travail qu'elle a effectué pour le compte de la société pendant ces deux années ; que Valérie Pétillot est donc fondée à réclamer le versement de la prime variable pour les années 2001-2002 soit la somme de 12 195,92 euro bruts;

5) Sur la clause de non-concurrence.

Attendu que le contrat de travail de Valérie Pétillot signé le 15 septembre 1998 comporte une clause de confidentialité se terminant par la phrase suivante : " D'une façon générale Valérie Pétillot s'interdit de s'intéresser de quelque manière que ce soit, à toute affaire susceptible de faire directement ou indirectement concurrence aux articles et produits fabriqués ainsi qu'aux activités exercées par la SA Lablabo ";

Que cette clause excède la simple portée d'une clause de confidentialité aux termes de laquelle l'employé s'engage à garder secrètes les informations relatives aux techniques, procédés mis en œuvre par la société, à la situation financière de celle-ci etc et excède également le simple rappel d'une obligation de loyauté;

Que cette clause dont il n'est nullement précisé qu'elle n'a vocation à s'appliquer que pendant les relations contractuelles et dont le libellé a été rappelé à Valérie Pétillot dans sa lettre de licenciement s'analyse en une clause de non-concurrence dès lors qu'elle interdit au salarié de s'intéresser à toute entreprise susceptible de faire concurrence à l'activité de la SA Lablabo ; qu'il y a lieu d'en prononcer la nullité cette clause ne comportant aucun terme et ne prévoyant aucune contrepartie financière;

Que Valérie Pétillot est donc fondée à réclamer l'indemnisation du préjudice résultant de l'insertion de cette clause de non-concurrence sans contrepartie financière dans son contrat de travail ; que toutefois faute pour elle de justifier de ses recherches d'emploi et d'apporter tout élément démontrant qu'elle a été empêchée de trouver une activité salariée du fait de l'existence de cette clause, le préjudice qui résulte de sa stipulation sera réparé justement par la somme de 1 500 euro;

Attendu qu'il sera fait droit à la demande d'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile formulée par Valérie Pétillot à concurrence de la somme de 1 000 euro en sus de la somme déjà allouée à ce titre par le Conseil de prud'hommes;

Attendu qu'il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts par année entière;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré, Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces 32, 39 à 48 produites par la SA Lablabo, Dit que la preuve de faits de harcèlement moral n'est pas rapportée, Confirme la décision du Conseil de prud'hommes d'Annemasse du 30 septembre 2004, - en ce qu'il a jugé que le licenciement de Valérie Pétillot était intervenu pour faute grave et l'a déboutée de ses demandes au titre du préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour non-respect de la procédure, - en ce qu'il a fait droit aux demandes formées par Valérie Pétillot au titre des congés payés et congés payés supplémentaires sauf à porter le montant des condamnations prononcées aux sommes respectives de 5 673 euro et de 268,61 euro outre intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2003, - en ce qu'il a débouté la SA Lablabo de sa demande reconventionnelle, L'infirme pour le surplus et y ajoutant, Condamne la SA Lablabo à verser à Valérie Pétillot les sommes de : - 12 195,92 euro bruts au titre de la prime variable avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2003, - 1 500 euro au titre de la clause de non-concurrence nulle avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, - 1 000euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en sus de la somme déjà allouée par le Conseil de prud'hommes à ce titre, Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière conformément aux dispositions de l'article 1153 du Code civil, Condamne la SA Lablabo aux dépens de première instance et d'appel.