Cass. crim., 18 mars 2008, n° 07-83.449
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Brestoise de Lunetterie (Sté), Opti-Plus (Sté), Optique Centre Jaurès (Sté), Optique Hascoet (Sté), Optique Kergaradec (Sté), Optique Saint-Marc (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Agostini
Avocat général :
M. Finielz
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Delaporte, Briard, Trichet
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société Brestoise de Lunetterie, la société Opti-Plus, la société Optique Centre Jaurès, la société Optique Hascoet, la société Optique Kergaradec, la société Optique Saint-Marc, parties civiles, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 3 mai 2007, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de la société Y et de X du chef de publicité de nature à induire en erreur ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-2, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, 2 et 3 de l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur, 591, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé X des fins de la poursuite du chef de publicité de nature à induire en erreur, mis hors de cause la société Y et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
"aux motifs que " le délit retenu par la prévention suppose, pour être constitué, que les allégations, indications ou présentations que comportait la publicité aient été fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et conditions de vente des biens qui en faisaient l'objet ; que l'élément essentiel de ce délit consiste donc en une altération de la vérité ayant pour effet d'abuser le consommateur sur les prix et conditions de vente qui lui sont proposés et l'existence de cet élément constitutif doit être appréciée au regard du seul fait poursuivi, tel qu'énoncé à la citation, en application des dispositions de l'article 551, second alinéa du Code de procédure pénale, c'est-à-dire, exclusivement, de l'offre publicitaire ayant une date limite de validité au 31 juillet 2004 et de l'offre publicitaire ayant une date limite de validité au 31 mars 2005, seules retenues dans la citation délivrée le 28 juin 2005 ; qu'or, d'une part, rien ne permet, au vu des pièces fournies par les parties civiles, de déterminer à partir de quand ces deux offres ont été proposées au public alors que le prévenu indique que la distribution se fait début janvier pour la date limite de validité au 30 mars, début mai pour la date limite de validité au 31 juillet et début septembre pour la date limite de validité au 30 novembre ; qu'aucun élément de preuve ne permettant de contrer ces affirmations, il y a lieu de considérer qu'aucun caractère de permanence ne peut affecter les opérations publicitaires concernées par la prévention ; que la même carence de preuve affecte la prétendue généralité des opérations publicitaires dont les parties civiles n'établissent par aucun moyen probant qu'elles aient visé une très large population, si ce n'est par référence à des affaires antérieures, ce qui est inopérant, chaque infraction pénale ne pouvant être établie que si elle est fondée sur des faits prouvés ; qu'ainsi, dans le cas présent, rien ne permet de conclure, contrairement à ce que soutiennent les parties civiles, à une fictivité du prix de référence résultant de la permanence et de la généralité des publicités ; que, quant au caractère fictif du prix de référence résultant de l'inobservation des prescriptions de l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1977, ce texte impose certes à l'annonceur l'obligation d'être à même de justifier du prix de référence tel que déterminé selon les conditions et les critères posés à son article 3 mais, en précisant que cette justification doit être fournie à la demande des agents habilités pour procéder aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions relatives à la liberté des prix et à la concurrence, il implique nécessairement que des investigations aient été entreprises dans le cadre d'une enquête réalisée par l'Administration de la concurrence et de la consommation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où l'action publique a été mise en mouvement par une citation directe de la partie civile ; qu'il ne peut donc être relevé aucune infraction aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté 77-105-P du 2 septembre 1977 et, en l'absence de tout élément de nature à établir la fausseté des indications et présentations que comportent les publicités visées dans la poursuite, il n'est pas possible d'en conclure qu'elles aient pour effet d'induire en erreur les acheteurs potentiels ; qu'en conséquence, les informations données dans ces publicités n'étant pas affectées des vices définis par l'article L. 121-1 du Code de la consommation, le délit n'est pas constitué, de sorte qu'il y a lieu de prononcer la relaxe du prévenu et de mettre hors de cause la société Y " ;
"1°) alors que se rend coupable de publicité de nature à induire en erreur sur la réalité des réductions de prix annoncés, le commerçant qui diffuse dans le public des brochures publicitaires faisant état de rabais importants sur les produits qu'il propose à la vente, sans pouvoir justifier du mode de fixation du prix de base servant au calcul de la réduction offerte ni de la pratique habituelle de ce prix de référence ; qu'en retenant, pour entrer en voie de relaxe, que les parties civiles ne rapportaient pas la preuve du caractère permanent et général des remises de prix annoncées par le prévenu, quand il appartenait à ce dernier de justifier de la réalité de ses réductions de prix, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;
"2°) alors, en tout état de cause, que le prix de référence servant de base au calcul d'une réduction de prix annoncée par un commerçant doit être conforme à l'un des prix de référence définis par l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur ; qu'il résulte de l'alinéa 4 de l'article 3 de ce texte que lorsque l'annonceur d'une réduction de prix prétend utiliser comme prix de référence " le prix conseillé par le fabricant ou l'importateur du produit ", il doit " être à même de justifier de la réalité de cette référence et du fait que ce prix est couramment pratiqué par les autres distributeurs du même produit " ; qu'ayant constaté, en l'espèce, que le prévenu appliquait les réductions annoncées sur les " prix publics conseillés par les fabricants et les fournisseurs ", la cour d'appel ne pouvait dispenser le prévenu d'apporter la justification exigée par ce texte ; qu'en retenant que la justification du prix de référence n'était exigée de l'annonceur qu'à la condition d'avoir été demandée par des agents habilités à procéder aux enquêtes relatives à la liberté des prix et de la concurrence, quand cette condition ne s'applique, en vertu de l'alinéa 2 de l'article 3 dudit arrêté, qu'à l'annonceur ayant utilisé comme prix de référence " le prix le plus bas effectivement pratiqué ... au cours des trente derniers jours ayant précédé la publicité ", la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Y, dont X est le gérant, a fait diffuser par voie postale deux offres publicitaires, dont la date de validité expirait le 31 juillet 2004 et le 31 mai 2005, annonçant des rabais sur divers produits d'optique ; que, cités à comparaître devant le tribunal correctionnel, la société Y et son gérant ont été condamnés du chef de publicité de nature à induire en erreur ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus et débouter les parties poursuivantes, parties civiles, de leur demande, l'arrêt retient que celles-ci ne démontrent pas que les deux offres publicitaires visées à la prévention correspondaient à des offres permanentes et touchaient l'ensemble de la population ; que les juges ajoutent que les dispositions de l'arrêté du 2 septembre 1977, qui imposent à l'annonceur d'être à même de justifier du prix de référence dans les conditions fixées à son article 3, limitent cette obligation aux seules hypothèses dans lesquelles la demande de justification émane des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, justifié sa décision ; qu'en effet, les dispositions des articles L. 121-2 du Code de la consommation et 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977, qui permettent aux enquêteurs d'exiger de l'annonceur la mise à leur disposition de tous les éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations publicitaires, ne dispensent pas la partie poursuivante de rapporter la preuve de tous les éléments constitutifs du délit ; d'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.