CA Chambéry, ch. com., 2 octobre 2007, n° 06-01561
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Andey (SA)
Défendeur :
Vanica (SAS), Sabo (SA), Odysée (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Robert
Conseillers :
Mme Carrier, M. Betous
Avoués :
SCP Fillard/Cochet-Barbuat, SCP Dormeval-Puig
Avocats :
SCP DFP, Associés, Me Garnier
La société Andey est propriétaire d'une surface commerciale sur la Commune de Bonneville qu'elle a exploitée sous l'enseigne Intermarché dans le cadre d'un contrat de franchise conclu avec la société ITM Entreprises et auquel elle a mis un terme à l'échéance du 28 septembre 2004. Elle a par la suite adhéré au groupement Champion.
Les sociétés Vanica, Sabo et Odysée exploitent des points de vente sous l'enseigne Intermarché sur les communes d'Amancy, Thiez et Saint-Jeoire. Ces points de vente Intermarché sont les plus proches de celui exploité par la société Andey à Bonneville.
Le groupement Intermarché a mis en place en 2002 un programme de fidélisation de la clientèle à l'enseigne Intermarché par le biais de cartes de fidélité.
Au mois d'octobre 2004, un courrier à en-tête du Groupement Intermarché et signé des dirigeants des points de vente Intermarché d'Amancy, Thiez et Saint-Jeoire a été adressé aux clients du magasin de Bonneville titulaires d'une carte de fidélité Intermarché leur faisant connaître qu'ils pouvaient utiliser, dans ces points de vente, les points accumulés sur leur carte. Ce courrier précisait les horaires d'ouverture de chacun des magasins ainsi que les conditions de conservation et d'utilisation des points acquis dans le magasin de Bonneville et se terminait pas les termes suivants : " les équipes des magasins d'Amancy, Thiez et Saint-Jeoire se tiennent à votre entière disposition pour vous proposer des produits de qualité aux meilleurs prix tout au long de l'année ".
La société Andey, estimant que l'envoi de ce courrier à sa clientèle était constitutive de manœuvres déloyales, a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bonneville lequel a, par ordonnance du 10 janvier 2005, confirmée sur ce point par un arrêt du 24 janvier 2006, ordonné la cessation de la diffusion de toute lettre libellée dans la forme de celle du 15 octobre 2004.
Par exploits des 28 avril et 1er mars 2005, la société Andey a fait assigner les sociétés Vanica, Sabo et Odysée devant le Tribunal de grande instance de Bonneville à l'effet d'obtenir l'indemnisation du préjudice causé par la lettre litigieuse.
Par jugement en date du 12 juin 2006, ce tribunal l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens.
La société Andey a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures, signifiées le 3 novembre 2006, elle conclut à la réformation du jugement déféré, demande à voir constater que les sociétés Vanica, Sabo et Odysée ont entrepris des manœuvres déloyales lui portant préjudice, à voir présumer l'existence d'un lien de causalité entre les actes de concurrence déloyale et la perte de chiffre d'affaires et à voir condamner les sociétés Vanica, Sabo et Odysée à lui payer la somme de 346 824 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 12 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Subsidiairement, elle demande à voir réparer la perte de chance par elle subie à hauteur de 100 000 euro.
Elle conclut au rejet de toutes les demandes contraires.
Les sociétés Vanica, Sabo et Odysée, aux termes d'écritures signifiées le 1er juin 2007, concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Andey de ses demandes et à sa réformation pour le surplus. Elle sollicitent l'allocation de la somme de 1 500 euro chacune en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et de la même somme au titre de ceux exposés en cause d'appel ainsi que la condamnation de la société Andey aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Motifs de la décision
Le contrat de prestation de services conclu entre la direction d'enseigne Intermarché et la société Andey le 12 juin 2002 énonce que le programme de fidélisation de la clientèle au moyen d'une carte de fidélité a été développé par la direction d'enseigne Intermarché. Ses articles 3 2° et 3 3° précisent : le point de vente reconnaît que le concept de système de fidélisation qui lui est communiqué dans le cadre du présent accord est la propriété de la direction d'enseigne Intermarché [...], qu'il ne dispose d'aucun droit sur ces données pour lesquelles il n'intervient qu'en qualité de collecteur". La déclaration du traitement informatisé des données nominatives concernant les titulaires de carte en date du 8 juillet 2002 a été faite par la direction d'enseigne Intermarché. Les conditions générales d'utilisation de la carte de fidélité Intermarché destinées à la clientèle du magasin adhérant au programme de fidélisation rappellent que ce programme est développé par la direction d'enseigne Intermarché, que les documents et cartes de fidélité sont remis à titre de dépôt aux titulaires et qu'ils demeurent la propriété de la direction d'enseigne Intermarché.
Il résulte de ces éléments que la société Andey n'est pas propriétaire du fichier des cartes de fidélité détenues par les clients de son magasin.
D'autre part, l'article 6 du contrat de prestation de service précise : "la direction d'enseigne Intermarché versera au point de vente une rémunération calculée sur la base des avantages qui seront effectivement utilisés par le consommateur porteur de carte", ce dont il résulte que l'avantage financier offert aux clients du magasin titulaires de la carte de fidélité n'est pas, à terme, supporté par le magasin lui-même mais par la direction d'enseigne Intermarché.
Il se déduit nécessairement de l'ensemble de ces éléments que la clientèle du magasin titulaire de la carte de fidélité Intermarché est une clientèle attachée à l'enseigne Intermarché et que la direction d'enseigne Intermarché ne commet aucun détournement de clientèle en utilisant les fichiers des titulaires de cartes de fidélité. Il en résulte que les sociétés intimées n'ont commis aucune faute en utilisant lesdits fichiers à la demande et sous le couvert de la direction d'enseigne Intermarché.
La carte de fidélité Intermarché n'étant utilisable que dans le point de vente où elle a été souscrite, la clientèle du magasin de Bonneville titulaire d'une carte s'est trouvée privée de la possibilité de dépenser les points accumulés à compter du 28 septembre 2004. Dans ce contexte, le courrier adressé à cette clientèle le 15 octobre 2004, date à laquelle le magasin n'était plus sous l'enseigne Intermarché, correspondait à la nécessité de l'informer des modalités mises en place pour conserver les avantages acquis par l'utilisation antérieure de la carte. D'autre part, les termes de ce courrier, qui précisent les modalités de conservation et d'utilisation de ces avantages, n'excèdent pas la légitime information de la clientèle, la seule indication en conclusion que les équipes des magasins accueillants sont à la dispositions des clients pour leur proposer "des produits de qualité aux meilleurs prix tout au long de l'année" n'étant pas de nature à fausser le jeu d'une concurrence loyale comme n'édictant qu'une généralité auprès de consommateurs connaissant par hypothèse les produits Intermarché.
Aucune faute n'est dès lors caractérisée de la part des sociétés intimées et c'est justement que les premiers juges ont rejeté les demandes de la société Andey.
Les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile imposent de faire supporter les dépens de première instance et d'appel à la société Andey qui succombe en ses prétentions.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées par la société Andey. Le reforme en ses dispositions relatives à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens. Statuant à nouveau, Condamne la société Andey à payer aux sociétés Vanica, Sabo et Odysée la somme de 2 000 euro chacune en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP Dormeval Puig par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.