CCE, 30 septembre 2005, n° M.3876
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Diester Industrie/Bunge/JV
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPÉENNES,
Messieurs, Mesdames,
Objet : Affaire n° COMP/M.3876 - Diester Industrie/Bunge/JV
Votre notification du 26.08.2005 conformément à l'article 4 du règlement du Conseil n° 139-2004.
1. Le 26.08.2005, la Commission a reçu notification d'un projet de concentration par lequel les entreprises Diester SAS (" Diester ", France), contrôlée par Sofiprotéol (" Sofiprotéol ", France), et Koninklijke Bunge BV (" KBBV ", Pays-Bas), contrôlée par Bunge Limited (" Bunge ", Bermudes), acquièrent le contrôle en commun de l'entreprise Diester Industrie International (" D2I ", France) par achat d'actions dans une société nouvellement créée constituant une entreprise commune.
I. LES PARTIES
2. Sofiprotéol est une holding financière française possédant des participations et finançant des activités dans la filière oléagineuse (1) et protéagineuse (2) en France. Ses principaux actionnaires sont composés des organisations interprofessionnelles et d'associations de producteurs d'oléagineux et de protéagineux, d'une part, et de sociétés financières spécialisées d'autre part. Ses activités industrielles et commerciales concernent la trituration de graines, le raffinage et la production d'huiles alimentaires, leur conditionnement et leur commercialisation. Sofiprotéol est également active, via sa filiale Diester Industrie, dans la production et la commercialisation de bio-diesel à partir des graines oléagineuses.
3. Les organisations interprofessionnelles actionnaires de Sofiprotéol sont habilitées par la loi française à prélever des " cotisations volontaires obligatoires " sur les membres des professions les constituants. Les représentants de Sofiprotéol ont indiqué que, conformément à la déclaration qu.ils avaient faite dans le cadre de l'affaire COMP/M.3039 - Soprol/Céréol-Lesieur " les nouvelles cotisations volontaires obligatoires, depuis la récolte 2002, sont exclusivement utilisées au financement d'actions spécifiques de la filière portant principalement sur des actions de promotion, d'expérimentation et de recherche-développement ". En outre, les représentants de Sofiprotéol ont indiqué " qu'il n'a pas été mis en place de nouvelle cotisation volontaire obligatoire en vue du financement de D2I. Le financement de cette opération sera donc intégralement assuré sur les ressources propres de Diester Industrie et, le cas échéant, sur la base de financement extérieurs à la filière ". Enfin, les représentants de Sofiprotéol ont déclaré que " Diester Industrie et D2I ne pourront bénéficier du produit de ces cotisations à l'avenir qu'au travers d'actions spécifiques comme celles visées ci-dessus communes à la filière qui pourraient être mises en place ".
4. La société KBBV est la holding européenne du groupe Bunge. Bunge est un groupe d'origine nord-américaine actif dans l'industrie agro-alimentaire à l'échelle mondiale. Dans l'UE, Bunge est notamment actif dans la transformation des graines oléagineuses (trituration et raffinage), la commercialisation des tourteaux (partie de la graine restant après extraction de l'huile) et le conditionnement et la vente au détail d'huiles alimentaires (3). A travers sa filiale Novaol, Bunge est également présent dans la production de bio-diesel à partir des graines oléagineuses.
5. Préalablement à la présente transaction, les groupes Sofiprotéol et Bunge exercent un contrôle conjoint sur Saipol (4). Saipol regroupe la quasi-totalité des activités de Sofiprotéol (5) dans les domaines de la trituration et du raffinage d'huile alimentaire. En outre, Saipol contrôle Lesieur, une entreprise active dans le domaine du raffinage, de l'embouteillage et de la commercialisation au détail d'huile alimentaire (6).
II. L.OPERATION
6. Dans le cadre de la présente opération, Sofiprotéol et Bunge ont décidé d'apporter à une filiale commune, dénommée Diester Industrie International (" D2I "), l'ensemble de leurs actifs en matière de bio-diesel (esters méthyliques d'huiles végétales, " EMHV "), à l'exception de ceux détenus et exploités en France par la société Diester Industrie, filiale de Sofiprotéol. En outre, les parties ont indiqué que Novaol France, filiale de Bunge, cessera son activité au 31 décembre 2005 et ne sera donc pas apportée à D2I. La présente opération consiste donc dans le regroupement au sein de D2I des actifs suivants :
- du côté de Bunge : l'intégralité des actions dans Novaol Italie et de sa filiale Novaol Austria, ainsi qu.une participation de 25% dans la société allemande Natural Energy West (" NEW ") ;
- du côté de Sofiprotéol : une participation de 25% dans la société NEW.
7. Après la réalisation de la transaction, D2I détiendra 50% du capital et des droits de vote de NEW. Les 50% restants du capital de NEW sont détenus par Thywissen (25%) et Agravis (25%). D2I nommera deux membres du conseil d'administration de NEW, Thywissen et Agravis en nommant chacun un.
8. [...] Il en résulte que du fait de l'opération notifiée, D2I acquerra le contrôle de NEW (7).
9. La répartition du capital et des droits de vote au sein de D2I sera de 60% pour Sofiprotéol et de 40% pour Bunge. Toutefois, aux termes des statuts de D2I et en application d'un pacte d'actionnaires entre Sofiprotéol et Bunge, cette dernière sera en mesure d'exercer un contrôle conjoint sur D2I. En effet, toutes les décisions stratégiques concernant D2I (adoption du budget et du plan d'affaires, nomination du personnel d'encadrement, investissements significatifs, etc.) devront être prises à la majorité des 4/5e du conseil exécutif de D2I, avec au moins une voix favorable d'un représentant de Bunge.
10. Enfin, D2I sera une entreprise commune de plein exercice. Elle disposera de l'ensemble des actifs et des ressources nécessaires à la conduite de ses activités, en particulier le personnel, les sites de production et les droits de propriété intellectuelle et commerciale qui lui seront apportées par Novaol Italie et Novaol Austria. Cette conclusion n'est pas remise en cause par le fait qu.il est prévu que D2I (y compris NEW) se fournisse obligatoirement à hauteur de 50% de ses besoins en huiles végétales auprès de Bunge. En effet, d'une part, D2I (y compris NEW) se fournira pour 50% de ses besoins sur le marché et, d'autre part, D2I apportera une valeur ajoutée significative (supérieure à 50%) à l'huile végétale qu'elle achètera à ses mères.
11. Au vu de ce qui précède, l'opération notifiée constitue une concentration au sens du Règlement Concentration.
III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
12. Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 000 millions d'euro (8). Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans la Communauté de plus de 250 millions d'euro, mais aucune d'entre elles ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre. L'opération a donc une dimension communautaire.
IV. ANALYSE CONCURRENTIELLE
A. Marchés de produit
13. Le bio-diesel est produit à partir d'huile végétale brute, raffinée ou semi raffinée par un processus dit d'estérification (9). Les huiles les plus communément utilisées pour la production de bio-diesel sont les huiles de colza et de tournesol. Au terme du processus de fabrication du bio-diesel, on obtient également de la glycérine, qui est donc un coproduit fatal du bio-diesel. Globalement, avec une tonne d'huile végétale et 100 kg de méthanol, les fabricants obtiennent une tonne de bio-diesel et 100 kg de glycérine.
14. Les principaux secteurs d'activités concernés par la présente transaction sont donc ceux de la production et de la commercialisation de bio-diesel et de glycérine. En outre, est également concerné le secteur de la production et de la commercialisation d'huile végétale, dans la mesure où ce secteur présente un lien vertical avec la production de biodiesel.
Bio-diesel
15. Pour l'essentiel, le bio-diesel est vendu par les producteurs aux compagnies pétrolières ou à la grande distribution. Celles-ci le revendent en tant que carburant aux consommateurs finals, soit sous une forme pure (une telle utilisation étant pour l'essentiel limitée à l'Allemagne), soit en mélange avec du gazole minéral. Une faible part du bio-diesel est vendue en tant que fioul domestique (uniquement en Italie) ou à l'industrie chimique en vue de diverses applications dans ce secteur.
16. Les parties expliquent que le bio-diesel et le gazole minéral sont totalement substituables, tant techniquement qu'économiquement vis-à-vis des opérateurs pétroliers et des consommateurs finals.
17. D'un point de vue technique, les parties expliquent que le bio-diesel est largement substituable au gazole minéral. Ainsi, la plupart des véhicules à moteur diesel actuellement en circulation dans l'UE peuvent utiliser sans problème technique un mélange faible de bio-diesel (il est à noter qu'en application de l'article 5 de la directive 2003/30/CE (10) un mélange de gazole contenant jusqu'à 5% de bio-diesel peut être vendu aux consommateurs finals sans obligation d'information spécifique). En outre, grâce aux dernières évolutions technologiques, les véhicules à moteur diesel peuvent parfaitement fonctionner avec un mélange de gazole contenant jusqu'à 10% de bio-diesel voire davantage11. Enfin, les parties soulignent que les véhicules à moteur diesel peuvent fonctionner avec du bio-diesel pur moyennant des adaptations mineures. D'ailleurs, certains constructeurs automobiles allemands garantissent déjà ce type d'utilisation pour certains de leurs modèles, ce qui explique qu'en Allemagne une part significative du bio-diesel (70%) est commercialisé sous une forme pure.
18. D'un point de vue économique, les parties expliquent que le prix de vente du biodiesel au consommateur final est étroitement corrélé à celui du gazole minéral. En effet, le bio-diesel a un prix de revient sensiblement supérieur à celui du gazole minéral (de l'ordre du triple). Ainsi, selon les parties, dans la mesure où il n'existe pas à ce jour d'obligation légale d'incorporation du bio-diesel au gazole minéral, le développement des ventes de bio-diesel est entièrement conditionné par divers mécanismes fiscaux incitatifs mis en place dans les Etats membres. D'une manière générale, ces mécanismes fiscaux visent à inciter les groupes pétroliers à acheter du bio-diesel en permettant un alignement du prix de vente du bio-diesel aux consommateurs finals sur celui du gazole minéral. La Directive 2003/96/CE (12) qui encadre ces mécanismes fiscaux nationaux proscrit toute surcompensation de la différence de coût de production entre bio-diesel et gazole minéral.
19. Les parties estiment donc qu.il n'existe pas un marché spécifique du bio-diesel. Dans une décision précédente (13), la Commission a noté qu.il existait une forte substituabilité technique entre gazole minéral et bio-diesel et que le prix du bio-diesel au consommateur final était " complètement lié à celui du gazole minéral ". Toutefois, dans ladite décision, la Commission a laissé ouverte la question de savoir s.il existait un marché du bio-diesel distinct de celui du gazole minéral.
20. En outre, les parties considèrent qu.il n'y a pas lieu de distinguer des marchés spécifiques du bio-diesel vendu en tant que fioul domestique ou à l'industrie chimique qui l'utilise par exemple en tant que solvant ou lubrifiant, dans la mesure où quelle soit l'utilisation finale qui en est faite, le produit et le prix de vente sont les mêmes.
21. Dans le cadre de l'enquête de marché, plusieurs clients et concurrents ont indiqué que le développement de la consommation de bio-diesel est encore limitée pour des raisons techniques tenant au fait que seule une part restreinte des véhicules à moteur diesel actuellement en circulation dans l'UE pouvait utiliser comme carburant du biodiesel pur ou bien un mélange de gazole minéral intégrant une forte proportion de bio-diesel.
22. Enfin, certains tiers interrogés ont indiqué que la vente de biodiesel en tant que fioul domestique ou en tant que solvant ou lubrifiant pour l'industrie chimique obéissait à des conditions de concurrence différentes de celles existant pour la vente de biodiesel en tant que carburant, notamment dans la mesure où les spécifications techniques et les prix sont sensiblement différents pour ces trois types d'utilisation du bio-diesel.
23. Toutefois, pour les besoins de la présente décision, la question de savoir si le biodiesel et le gazole minéral appartiennent à un même marché de produit peut être laissée ouverte car, quelle que soit la définition de marché retenue, l'opération notifiée ne soulève pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun. Pour la même raison, la question de savoir s.il y a lieu de distinguer des marchés spécifiques du bio-diesel vendu en tant que fioul domestique ou à l'industrie chimique peut être laissée ouverte.
Glycérine
24. Dans le cadre de leurs activités de production de bio-diesel, les parties produisent également de la glycérine brute. Celle-ci est inutilisable en l'état et doit nécessairement être raffinée. Aucune des parties n'ayant d'activités de raffinage, elles vendent la totalité de leur production à des raffineurs (essentiellement à des entreprises du secteur chimique). La glycérine ainsi raffinée est ensuite commercialisée auprès de nombreuses catégories de clients, en vue de diverses applications essentiellement dans les domaines pharmaceutique et cosmétique.
25. Il n'existe pas de décision antérieure de la Commission relative au marché de la glycérine. Bien que les parties affirment que la glycérine est substituable à d'autres produits (tels que le sorbitol, les glycols et les polyols) en fonction de l'utilisation qui en est faite, elles estiment que le marché de la production et de la commercialisation de glycérine brute constitue un marché de produit distinct. Ce point a été largement confirmé par l'enquête de marché.
26. Toutefois, pour les besoins de la présente décision, la définition exacte du marché de produit en cause peut être laissée ouverte car, quelle que soit la définition retenue, l'opération notifiée ne soulève pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.
Huiles végétales
27. Jusqu'à présent, la Commission a, dans ses précédentes décisions, laissé ouverte la définition précise du marché des huiles végétales. C'est en particulier le cas en ce qui concerne les questions de savoir si : (i) les huiles brutes et les huiles raffinées forment ou non deux marchés distincts et (ii) s.il est nécessaire de distinguer les huiles en fonction du type de graines d'oléagineux à partir duquel elles sont produites. Les parties suggèrent qu.il existe un seul marché amont des huiles végétales, notamment du fait de la substituabilité des différentes graines oléagineuses pour produire du biodiesel.
28. Comme indiqué ci-dessus, le bio-diesel peut être produit à partir d'huiles végétales brutes, raffinées ou semi-raffinées, provenant de la trituration de diverses graines d'oléagineux. En conséquence, pour les besoins de la présente décision, la question de la définition exacte du marché des huiles végétales peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché retenu, l'opération notifiée ne soulève pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.
B. Marchés géographiques
Bio-diesel
29. Dans des décisions antérieures, la Commission a constaté que le marché de l'acquisition de gazole minéral ex raffineries était de dimension au moins européenne. Toutefois, la Commission a laissé ouverte la définition géographique d'un éventuel marché du bio-diesel (14). Les parties estiment qu'un hypothétique marché du bio-diesel serait de dimension européenne, notamment en raison du développement sensible des échanges intra-communautaires liés à l'augmentation générale de la demande au niveau européen et à l'existence de déséquilibres significatifs entre l'offre et la demande dans de nombreux Etats membres.
30. Toutefois, les arguments avancés par les parties doivent être relativisés. D'un côté, la production et la vente de biodiesel relèvent de dispositifs législatifs ou réglementaires nationaux qui différent sensiblement d'un pays à l'autre, notamment en termes de mécanismes fiscaux incitatifs, y compris l'existence dans certains Etats membres, tels que la France et l'Italie, de quotas de production pouvant bénéficier de mesures de défiscalisation. Ce constat permettrait de poser la question de l'existence de plusieurs marchés nationaux du bio-diesel. D'un autre côté, plus de 95 % de la consommation communautaire de bio-diesel est concentrée dans trois pays : l'Allemagne (64% de la consommation communautaire en 2004), l'Italie (16 %) et la France (16 %). De surcroît, selon les données fournies par les parties, plus de 90 % des flux intracommunautaires de biodiesel observés en 2004 ont consisté en des ventes vers l'Allemagne, provenant quasi exclusivement de pays frontaliers15. Ces dernières constatations pourraient être de nature à poser la question de l'existence, à la date de la présente décision, d'un marché régional du bio-diesel incluant l'Allemagne, l'Italie, l'Autriche et la France.
31. Pour les besoins de la présente décision, la question de la délimitation du marché géographique du bio-diesel peut cependant être laissée ouverte, dans la mesure où quelle que soit la délimitation géographique retenue, l'opération notifiée ne soulève pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.
Glycérine
32. Comme indiqué ci-dessus, il n'existe pas de décision antérieure de la Commission relative au marché de la glycérine. Les parties estiment que ce marché est de dimension mondiale dans la mesure où (i) il existe des flux d'importation et d'exportation significatifs entre les Etats-Unis, l'Asie et l'UE et (ii) les prix de la glycérine sont établis au niveau mondial.
33. L'enquête de marché réalisée a confirmé l'existence significative de flux transnationaux, conférant à ce marché une dimension au moins communautaire. Pour les besoins de la présente décision, la question de savoir si le marché de la glycérine revêt une dimension mondiale peut être laissée ouverte, dans la mesure où quelle que soit la délimitation retenue (mondiale ou européenne), l'opération notifiée ne soulève pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.
Huiles végétales
34. Le marché géographique des huiles végétales a toujours été considéré comme étant de dimension européenne, notamment du fait de l'existence de bourses de commodités, d'où résulte l'établissement d'un prix transparent et uniforme pour l'ensemble des consommateurs (16). Toutefois, dans une décision antérieure (17), la Commission avait abordé l'existence de conditions de marché spécifiques à la France. Les parties sont d'avis que le marché des huiles végétales est de dimension européenne.
35. Au cas d'espèce, la question de l'existence de conditions de marché spécifiques au niveau national pour ce qui concerne les huiles végétales peut être laissée ouverte, dans la mesure où l'opération n'a pas d'effets horizontaux sur le marché des huiles végétales et où les activités des parties ne se chevauchent pas, ou seulement de manière limitée, au niveau national,
C. Analyse concurrentielle
C.1 Aspects horizontaux
Bio-diesel
Positions des parties et de leurs concurrents
36. Si l'on considère un marché européen du bio-diesel (incluant toutes les utilisations finales), les parties disposent, selon les estimations qu'elles ont fournies, d'une part de marché cumulée de [25-35]% en termes de ventes et de [20-30]% en termes de capacités de production, ainsi qu'indiqué dans le tableau ci-dessous :
<emplacement tableau>
37. Les principaux concurrents des parties seront les groupes ADM ([5-15]% de part de marché en termes de ventes), MUW ([5-15]%) et Fox Petroli ([0-10]%). Tous les autres concurrents détiennent des parts de marché inférieures à [0-10]%.
38. Les parties ont indiqué que leur part de marché cumulée a constamment décliné au cours des trois dernières années. Ainsi, en termes de ventes, les parties avaient une part de marché cumulée de [40-50]% en 2002, de [40-50]% en 2003 et de [25-35]% en 2004.
39. Les parts de marché des parties sont peu différentes si l'on considère un marché régional du bio-diesel qui comprendrait les seuls pays dans lesquelles l'une ou l'autre des parties réalise des ventes de bio-diesel (Allemagne, Italie, France et Autriche). En effet, ces Etats membres représentent 97% de la consommation totale et 88% des capacités de production de biodiesel dans l'UE.
40. Si l'on considère les marchés nationaux du bio-diesel, les activités des parties ne se chevauchent qu'en Allemagne. Dans cet Etat membre, les parties possèdent chacune une participation de 25 % dans NEW, qu'elles apportent à D2I. Par ailleurs, elles vendent également du bio-diesel à partir de sites implantés en France et en Autriche. En 2004, les parties avaient en Allemagne une part de marché combinée de [10-20]% en termes de ventes (Novaol : [0-10]%, NEW : [0-10]% et Diester Industrie : [0-10]%). En termes de capacité de production, l'opération notifiée ne conduit à aucune addition de parts de marché, seule NEW disposant de capacité de production en Allemagne, lesquelles ont représenté en 2004 environ [0-10]% des capacités de production dans cet Etat membre. En outre, les parties continueront à faire face en Allemagne à la concurrence de groupes importants tels qu.ADM (part de marché de [10-20]% en 2004 en termes de ventes) et MUW (part de marché de [5-15]% en 2004 en termes de ventes).
41. En France, Diester Industrie est le principal producteur de bio-diesel. Bunge est également implantée en France au travers de sa filiale Novaol France. Toutefois, cette dernière n'est pas apportée à D2I et doit cesser ses activités au 31 décembre 2005 (18). L'opération ne conduit donc à aucune addition de parts de marché en France que ce soit en termes de ventes ou de capacités de production. En outre, la disparition de la concurrence potentielle exercée sur Diester Industrie par les autres filiales de Bunge actives sur le marché du bio-diesel, à savoir Novaol Italie et Novaol Autriche, n'aura pas un effet significatif sur la concurrence en France. En effet, d'autres concurrents, notamment les principaux acteurs dans les Etat membres limitrophes, exercent une concurrence potentielle au moins équivalente sur Diester Industrie, dans la mesure où ils sont également capables d'introduire rapidement des quantités non négligeables de biodiesel sur le marché français en répondant aux appels d'offres organisés par les autorités françaises en vue de l'attribution de quotas de production défiscalisée. De tels appels d'offres, qui sont publiés au niveau européen, sont organisés sur une base régulière. Pour les mêmes raisons, la disparition de la concurrence potentielle exercée sur Novaol Italie et Novaol Autriche par Diester Industrie n'aura pas un effet significatif sur la concurrence en Italie et en Autriche (19).
42. Enfin, l'opération ne conduit à aucune addition de parts de marché sur d'hypothétiques marchés du bio-diesel utilisé comme fioul domestique ou à destination de l'industrie chimique. En effet, seule Novaol, via sa filiale Novaol Italie, commercialise (uniquement en Italie) du bio-diesel utilisé comme fioul domestique, tandis que seule Diester Industrie, via sa filiale Novance et sa participation dans le GIE Oléoroute, commercialise du bio-diesel destiné à l'industrie chimique.
Corrélation des prix du bio-diesel et du gazole minéral
43. Il apparaît que les producteurs ne disposent pas de marge de manœuvre significative dans la détermination de leur prix de vente de bio-diesel. Comme indiqué ci-dessus, le bio-diesel n'est compétitif que dans la mesure où il bénéficie d'avantages fiscaux importants destinés à corriger son surcoût par rapport au gazole minéral. Or, dans l'ensemble des Etats membres, ces mécanismes fiscaux visent à aligner le prix de vente du bio-diesel au consommateur final sur celui du gazole minéral. Au total, le prix de vente du bio-diesel par les producteurs est donc étroitement corrélé au prix du gazole minéral sur les marchés internationaux. En l'absence d'obligation juridiquement contraignante imposant aux opérateurs pétroliers de commercialiser une proportion minimale de bio-diesel sous forme de mélange avec du gazole minérale (20), il n'est pas envisageable que les prix du bio-diesel et du gazole minéral puissent sensiblement diverger.
44. Au vu de ce qui précède, l'opération notifiée n'est pas susceptible d'avoir des effets sensibles sur la concurrence sur un quelconque marché du bio-diesel.
Glycérine brute
45. Sur un marché mondial de la glycérine brute, les parties ont une part de marché cumulée de [0-10]% en termes de ventes (Diester Industrie : [0-10]%, Novaol : [0- 10]%, NEW : [0-10]%). Sur un éventuel marché européen de la glycérine brute, leur part de marché cumulée s'établit à [10-20]% (Diester Industrie : [0-10]% ; Novaol : [0-10]%; NEW : [0-10]%).
46. Les parties n.ont pas été en mesure de fournir des parts de marché pour leurs principaux concurrents sur le marché de la glycérine brute qui ne sont pas aussi producteurs de bio-diesel. Toutefois, pour ce qui concerne leurs concurrents producteurs de bio-diesel, elles indiquent qu.ADM et MUW ont des parts de marché au niveau européen voisines de [0-10]% (ADM : [0-10]% et MUW : [0-10]%). En outre, Fox Petroli détient une part de marché au niveau européen de [0-10]% et Cargill de [0-10]%. Les clients interrogés dans le cadre de l'enquête de marché ont indiqué que ces producteurs constituaient des fournisseurs alternatifs aux parties.
47. En outre, une part significative de la production de glycérine brute (80% au niveau mondial et 50% au niveau européen) provient d'entreprises chimiques qui ne sont pas producteurs de bio-diesel. Parmi celles-ci, il convient de citer Peter Cremer, Cognis, et AKZO, à propos desquelles les clients interrogés dans le cadre de l'enquête de marché ont indiqué qu'elles constituaient des fournisseurs alternatifs tant aux parties qu'à leurs concurrents producteurs de bio-diesel.
48. Sur la base de ce qui précède il peut donc être conclu que l'opération notifiée n'est pas susceptible d'avoir des effets sensibles sur la concurrence sur un quelconque marché de la glycérine brute.
C.2 Aspects verticaux
Huiles végétales
49. Il doit d'abord être souligné que l'essentiel de la production d'huile végétale de Sofiprotéol est réalisée par Saipol, qui est une filiale commune de Sofiprotéol et Bunge (21). En conséquence, l'existence d'une coordination du comportement concurrentiel de Sofiprotéol et de Bunge sur le marché de la production et de la vente d'huile végétale peut donc être tenue pour acquise dès avant la réalisation de la présente transaction.
50. En 2004, la production combinée de Sofiprotéol et de Bunge a représentée [10-20]% de la consommation totale européenne d'huiles végétales en Europe. En tenant compte de la seule consommation des huiles végétales les plus utilisées dans la production de bio-diesel (colza, tournesol et soja), leur production combinée a représenté [10-20]% de la consommation totale européenne. Enfin, Sofiprotéol et Bunge détiennent ensemble environ [15-25]% des capacités de production d'huiles végétales dans l'UE. A priori, il n'existe donc pas de risque sérieux qu'à l'issue de l'opération notifiée Sofiprotéol et Bunge puissent se comporter dans une mesure appréciable indépendamment de leurs concurrents, de leurs clients et finalement des consommateurs sur le marché des huiles végétales en Europe.
51. Cette conclusion semble en outre être renforcée les éléments suivants. Tout d'abord, les parties ont indiqué que les capacités de production d'huile végétale ne sont utilisées qu'à hauteur de 85% dans l'UE et qu.il existe de nombreux projets en cours de création de nouvelles capacités de production. De plus, il est prévisible que la baisse constatée ces dernières années de la demande en huiles alimentaires se poursuivra, ce qui est de nature à dégager des quantités d'huiles végétales pouvant être utilisées pour la production de bio-diesel.
52. Enfin, il n'existe pas de risque sérieux que la présente opération se traduise par une diminution sensible de la demande en huiles végétales adressée par les parties à des producteurs tiers. Comme indiqué ci-dessus, il est prévu que D2I (y compris NEW) s'approvisionne à l'avenir à hauteur de 50% de ses besoins auprès de ses mères, soit un pourcentage sensiblement équivalent à la situation existant préalablement à la présente opération.
VI. CONCLUSION
53. Au vu de ce qui précède, la Commission conclut que l'opération notifiée n'entravera pas de manière significative une concurrence effective dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d'une position dominante.
54. Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun et avec l'accord EEE. Cette décision est prise sur la base de l'article 6, paragraphe 1, point b, du règlement du Conseil n° 139-2004.
Notes
1 Les oléagineux sont des plantes cultivées pour la richesse en huile de leurs graines ou de leurs fruits. Les graines oléagineuses sont également riches en protéines : la partie riche en protéines restant après extraction de l'huile est appelée "tourteau". Le colza est le principal oléagineux à graines cultivé en France et en Europe. Viennent ensuite le tournesol, le soja et le lin oléagineux.
2 Les protéagineux sont des plantes cultivées pour la richesse en protéines de leurs graines. Ces graines sont une source de protéines et d'énergie pour l'alimentation du bétail.
3 Voir affaire n° COMP/M.2886-Bunge/Céréol (décision du 20 septembre 2002).
4 Affaire N°IV/M.1125 - Céréol/Sofiprotéol/Saipol (décision du 10 mars 1998). Il convient toutefois de préciser qu'à l'époque Céréol n'était pas contrôlée par Bunge mais par Eridania Beghin-Say
5 Les parties ont indiqué dans le formulaire CO que seules les unités de production de Robbe et d'Auvergne Trituration sont toujours détenues par Sofiprotéol, mais que la commercialisation issue de la production de ces sites est réalisée par le groupe Bunge.
6 Voir affaire n° COMP/M.3039 - Soprol/Céréol - Lesieur (décision du 30 janvier 2003).
7 Voir point 39 de la Communication de la Commission concernant la notion de concentration au sens du règlement sur les concentrations. JO C 66 du 02.03.1998, page 5.
8 Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5(1) du règlement relatif au contrôle des opérations de concentrations et à la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaire (JO C 66, du 02.03.1999, page 25).
9 Processus chimique consistant à faire réagir l'huile végétale avec du méthanol en présence d'un catalyseur.
10 Directive 2003-30-CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports. JO L123 du 17.05.2003, page 42.
11 Voir considérants 8 et 12 de la Directive 2003-30-CE précitée.
12 Voir article 16 de la Directive 2003-96-CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité. Journal officiel n° L 283 du 31.10.2003 page 51.
13 Voir affaire n° COMP/M.3039 - Soprol/Céréol - Lesieur, précitée.
14 Voir affaire n° COMP/M.3039 - Soprol/Céréol - Lesieur, précitée.
15 France (31 % des ventes vers l'Allemagne), Danemark (25 %), République Tchèque (17 %), Autriche (13 %) et Italie (10 %).
16 Voir notamment affaire n° COMP/M.2886-Bunge/Céréol, précitée.
17 Voir affaire n° COMP/M.2886-Bunge/Céréol, précitée.
18 Novaol France ne dispose pas de capacités de production propres, mais a recours à celles d'un tiers, Ineos, dans le cadre d'un contrat à façon. Ce contrat vient à échéance au 31 décembre 2005. Les parties ont indiqué que ce contrat ne sera pas renouvelé, Ineos récupérant pour son compte les capacités de production en question. En outre, les parties ont indiqué que Novaol France ne dispose plus d'aucun quota de production pouvant bénéficier de mesures de défiscalisation
19 Il n'existe par de quotas de production pouvant bénéficier de mesures de défiscalisation en Autriche, de sorte que tout le bio-diesel importé dans cet Etat membre bénéficie des mesures de défiscalisation.
20 A l'heure actuelle, seule l'Autriche impose aux opérateurs pétroliers des seuils obligatoires de pénétration du bio-diesel. Toutefois, la sanction actuellement applicable en cas de non-respect de ces seuils est largement symbolique (une amende de 2000 euro).
21 Voir affaire n° COMP/M.3039 - Soprol-Céréol/Lesieur, précitée.