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Décisions

CCE, 20 avril 2004, n° 2005-262

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Decision

Aide mise à exécution par la France en faveur de la Coopérative d'exportation du livre français (CELF)

CCE n° 2005-262

20 avril 2004

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1), et vu ces observations, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par un arrêt en date du 28 février 2002 (2), le Tribunal de première instance des Communautés européennes a annulé l'article 1er, dernière phrase, de la décision 1999-133-CE de la Commission du 10 juin 1998 relative à l'aide d'État en faveur de la Coopérative d'exportation du livre français (CELF) (3) qui disposait que : "L'aide accordée au CELF pour le traitement des petites commandes de livres d'expression française est une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE. Étant donné que le Gouvernement français a omis de notifier cette aide à la Commission avant de la mettre en œuvre, celle-ci a été octroyée illégalement. L'aide est cependant compatible du fait qu'elle remplit les conditions pour bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point d,) dudit traité". (4)

(2) Cet arrêt fait suite à une longue procédure dont les étapes majeures sont rappelées ci-après.

A. PREMIÈRE PHASE DE LA PROCÉDURE

(3) Par courrier en date du 20 mars 1992, la Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) qui se présente comme "une entreprise française intervenant sur le marché de l'exportation du livre, qui a à subir la concurrence d'une coopérative d'éditeurs bénéficiant d'une aide de l'État" (5), a attiré l'attention de la Commission sur des mesures d'aides à la promotion, au transport et à la commercialisation octroyées par les autorités françaises au CELF, aides qui n'auraient pas fait l'objet d'une notification préalable auprès des services de la Commission, en violation de l'article 93, paragraphe 3 (devenu article 88, paragraphe 3), du traité.

(4) Par courrier du 2 avril 1992, la Commission, ayant rappelé aux autorités françaises que tout projet tendant à instituer ou à modifier des aides devait faire l'objet d'une notification préalable auprès de ses services, a demandé auxdites autorités de l'informer sur la nature et l'objet des mesures d'aides évoquées par la SIDE.

(5) Les autorités françaises, par courrier du 29 juin 1992, ont confirmé à la Commission l'existence de subventions au profit du CELF. Elles précisaient que ces mesures visaient à faire connaître la littérature et la langue française dans les pays non francophones et que le CELF s'était vu confier par ailleurs la gestion de trois systèmes d'aides ponctuelles visant également à faciliter l'accès des lecteurs éloignés aux livres français.

(6) Par courrier du 7 août 1992, la Commission confirmait à la SIDE l'existence d'aides en faveur du CELF, précisait leur objet et l'informait que les mesures en cause n'avaient pas été notifiées. Elle précisait cependant que les aides contestées ne semblaient pas de nature à altérer les échanges entre États membres. Dans ces conditions, la SIDE était invitée à présenter ses observations.

(7) Par courrier du 7 septembre 1992, la SIDE faisait savoir à la Commission qu'elle entendait dénoncer le caractère discriminatoire (6) des mesures et les conséquences qui en découlaient sur le commerce intracommunautaire, sans contester toutefois l'objectif culturel visé par le ministère de la Culture agissant dans le souci de voir diffuser la langue et la littérature françaises.

(8) La Commission, après avoir procédé à l'appréciation des mesures contestées, n'a pas retenu les objections de la SIDE et a considéré, par décision en date du 18 mai 1993 (7), que compte tenu de la situation particulière de la concurrence dans le secteur du livre et du but culturel des régimes d'aide en cause, la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point c) [(devenu article 87, paragraphe 3, point d)], du traité leur était applicable.

(9) La SIDE, par requête du 2 août 1993, a introduit un recours en annulation de cette décision devant le Tribunal. Par un arrêt du 18 septembre 1995 (8), le Tribunal a fait partiellement droit à la demande de la SIDE en prononçant l'annulation de la décision de la Commission du 18 mai 1993, mais uniquement en ce qui concerne certaines mesures en faveur des petites commandes.

(10) Par ailleurs, le Tribunal a validé les trois régimes d'aide suivants, gérés par le CELF pour le compte de l'État:

a) les aides au fret aérien ou au sac postal aérien;

b) le programme "Page à Page" (9) (aide à la diffusion de livres en langue française dans les pays d'Europe centrale et orientale);

c) le "Programme Plus" (manuels universitaires en langue française à destination des étudiants de l'Afrique subsaharienne).

(11) Le Tribunal a estimé que la Commission avait obtenu suffisamment d'informations sur ces trois derniers régimes pour justifier la constatation que leur impact sur le fonctionnement des règles de concurrence était négligeable. Le Tribunal rappelle notamment qu'il était possible à tout opérateur remplissant les conditions spécifiques établies par ces régimes d'introduire auprès du CELF des demandes de subventions. Il précise que la requérante n'a avancé aucun élément de nature à démontrer que l'octroi de ces trois régimes d'aides était susceptible d'affecter le commerce entre États membres.

(12) Le Tribunal conclut que la Commission était en mesure d'adopter une décision favorable à l'égard de ces trois régimes d'aides gérés par le CELF et qu'elle pouvait dès lors rejeter comme non fondée l'argumentation de la SIDE.

(13) Par ailleurs, le Tribunal indique que "Pour ce qui est du but culturel des aides litigieuses, il est constant entre les parties que l'objectif poursuivi par le Gouvernement français est la diffusion de la langue et de la littérature françaises ". Le Tribunal constate en outre que les éléments dont disposait la Commission lorsqu'elle a adopté la décision du 18 mai 1993, y compris ceux contenus dans la lettre du 7 septembre 1992 du conseil de la SIDE, étaient de nature à étayer l'appréciation qu'elle a portée sur la réalité et la légitimité de cet objectif. Dans ces circonstances, le Tribunal a estimé qu'il y avait lieu de conclure que l'appréciation de l'objectif culturel des aides litigieuses ne posait pas de difficultés particulières à la Commission et qu'il n'était pas nécessaire d'obtenir d'autres renseignements pour reconnaître le caractère culturel de cet objectif.

(14) En ce qui concerne les compensations accordées exclusivement au CELF pour les petites commandes, le Tribunal estime en revanche que la Commission aurait dû procéder à un examen approfondi des conditions de la concurrence dans le secteur concerné avant de se prononcer sur la compatibilité des mesures avec le Marché commun.

(15) Le Tribunal conclut, au point 76 de l'arrêt, que la Commission aurait dû engager la procédure contradictoire de l'article 93, paragraphe 2 (devenu article 87, paragraphe 2), du traité, et qu'il y a donc lieu d'annuler la décision de la Commission du 18 mai 1993, "pour autant qu'elle concerne la subvention accordée exclusivement au CELF pour compenser le surcoût de traitement des petites commandes de livres en langue française passées par des libraires établis à l'étranger".

B. SECONDE PHASE DE LA PROCÉDURE

(16) Par décision en date du 30 juillet 1996, la Commission a décidé, conformément à l'arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, d'ouvrir une procédure formelle d'examen à l'encontre des aides en cause. La décision d'ouverture a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (10). Les tiers intéressés, invités à présenter leurs observations à la Commission, lui ont adressé leurs commentaires au cours des mois de décembre 1996 et de janvier 1997.

(17) Au terme de cette instruction, la Commission a adopté une nouvelle décision positive, la décision 1999-133-CE.

(18) Par requête en date du 28 septembre 1998, la SIDE a saisi le Tribunal aux fins de voir prononcer l'annulation de l'article 1er, dernière phrase, de la décision 1999-133-CE.

(19) Les sept moyens d'annulation suivants ont été invoqués par la SIDE:

a) vice de procédure;

b) insuffisance de motivation;

c) erreur de fait;

d) erreur manifeste d'appréciation;

e) violation du principe de non-discrimination;

f) violation de l'article 92, paragraphe 3, point d) [devenu article 87, paragraphe 3, point d)], du traité;

g) défaut de cohérence de la décision attaquée avec les articles 85 et 86 (devenus articles 81 et 82) du traité.

(20) Par l'arrêt en date du 28 février 2002, le Tribunal a prononcé l'annulation de l'article 1er, dernière phrase, de ladite décision sur la base de l'erreur manifeste d'appréciation, sans qu'il juge nécessaire d'analyser les autres moyens visés par le recours.

(21) Le Tribunal, après avoir rappelé les principes issus de la jurisprudence communautaire concernant le degré d'interchangeabilité des produits, a considéré que la Commission aurait dû procéder aux vérifications nécessaires pour acquérir les données pertinentes en vue de distinguer le marché de la commission de celui de l'exportation du livre en langue française en général.

(22) Le Tribunal constate que la Commission, s'étant abstenue de procéder à cette vérification, a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant le marché de l'exportation du livre en langue française en général comme marché de référence, alors qu'il était établi que l'aide contestée était destinée aux seuls commissionnaires à l'exportation.

(23) Le Tribunal conclut que, dans ces conditions, la Commission était dans l'incapacité d'apprécier utilement les effets des aides contestées sur le marché pertinent, et prononce en conséquence l'annulation de l'article 1er, dernière phrase, de la décision 1999-133-CE sur ce fondement.

(24) Par ailleurs, les autorités françaises ont saisi la Cour de justice des Communautés européennes le 8 septembre 1998 aux fins d'annulation de la décision 1999-133-CE, en ce qu'elle avait écarté l'application en l'espèce de l'article 90, paragraphe 2 (devenu article 86, paragraphe 2), du traité. Selon la France, en effet, les aides contestées avaient pour objet de compenser les charges d'un service d'intérêt économique général qui avait été confié au CELF par le ministère de la Culture.

(25) Le Gouvernement français soutenait qu'il résultait de l'article 92 et de l'article 93, paragraphes 2 et 3 (devenus article 87 et article 88, paragraphes 2 et 3), du traité que, contrairement à une aide existante, une aide nouvelle ne peut pas être mise à exécution avant d'avoir été déclarée compatible avec le Marché commun, sauf lorsque l'entreprise bénéficiaire des mesures est susceptible de bénéficier des dérogations prévues à l'article 90, paragraphe 2, du traité. La France défendait la thèse de l'inapplicabilité "nécessaire" de l'obligation de suspension, dans le cas d'aides allouées à une entreprise en charge de la gestion d'un service d'intérêt économique général.

(26) La Cour, dans son arrêt du 22 juin 2000 (11), rejette l'argumentation française, sans aborder le fond de l'affaire, après avoir rappelé l'importance du mécanisme de sauvegarde institué par la dernière phrase de l'article 93, paragraphe 3 (devenu article 88, paragraphe 3), du traité. La Cour indique que le fait qu'un État membre estime qu'une aide est compatible avec le Marché commun ne l'autorise pas "à passer outre aux dispositions claires de l'article 93".

(27) En conséquence, la Cour rejette le recours de la France et confirme que l'obligation de notification préalable et l'effet suspensif qui s'y attache s'appliquent de façon indissociable, le fait qu'il s'agisse d'une aide susceptible de bénéficier des dispositions de l'article 86 du traité étant sans influence sur l'obligation de notification.

(28) Enfin, la SIDE a porté plainte le 5 octobre 1999 auprès de la Commission à l'encontre du CELF pour entente et abus de position dominante, sur la base des dispositions des articles 81 et 82 du traité. La SIDE évoque également la responsabilité de la France au titre de l'article 10 du traité, en ce qu'elle aurait favorisé lesdites pratiques anticoncurrentielles.

(29) Ce dossier est traité de façon distincte par les services de la Commission compétents en la matière.

C. TROISIÈME PHASE DE LA PROCÉDURE

(30) Suite à l'annulation partielle de la décision 1999-133-CE, la Commission a demandé aux autorités françaises et à la SIDE, par courriers du 14 juin 2002, de bien vouloir s'exprimer sur les motifs de l'annulation de la décision et en particulier sur les éléments relatifs au marché en cause.

(31) Les autorités françaises étaient invitées à commenter plus particulièrement les spécificités de l'offre du CELF par rapport à celles des autres acteurs sur le marché, dont la SIDE.

(32) La SIDE était invitée à commenter plus spécifiquement la notion de petites commandes et à indiquer quelle était la particularité éventuelle de son offre par rapport à celle du CELF et des autres acteurs sur le marché.

(33) Par courrier du 8 juillet 2002, la SIDE a sollicité un délai pour sa réponse, qui lui a été octroyé par courrier du 25 juillet 2002. Les autorités françaises, qui devaient rencontrer les services de la Commission le 17 juillet 2002, ont également sollicité un délai pour leur réponse par courrier du 10 juillet 2002. Un délai complémentaire leur a été accordé par courrier du 1er août 2002.

(34) La SIDE a adressé sa réponse à la Commission par courrier du 12 août 2002. Les autorités françaises ont transmis leur réponse par courrier du 17 septembre 2002.

(35) Après avoir demandé à la SIDE, par courrier du 19 septembre 2002, de bien vouloir lui indiquer si sa réponse contenait des informations confidentielles, et obtenu une réponse négative le 30 septembre 2002, la Commission, par courrier du 17 octobre 2002, a transmis pour commentaires aux autorités françaises la réponse de la SIDE accompagnée de ses annexes. Elle leur a également posé à cette occasion une nouvelle série de questions complémentaires.

(36) Par courrier du 30 octobre 2002, la Commission a également posé à la SIDE une série de questions complémentaires à laquelle il a été répondu par courriers des 31 octobre et 9 décembre 2002. La SIDE a fait savoir à la Commission, par courrier du 23 décembre 2002, suite à la demande de la Commission du 16 décembre 2002, que ses réponses ne contenaient aucune information confidentielle et qu'elles pouvaient être transmises pour commentaires aux autorités françaises.

(37) Entre-temps, les autorités françaises n'ayant pas répondu dans les délais prescrits, la Commission a été contrainte de leur adresser un rappel par courrier en date du 27 novembre 2002. Par courrier du 19 décembre 2002, les autorités françaises ont demandé un nouveau report de délai à la Commission.

(38) Le 9 janvier 2003, la Commission a adressé pour commentaires aux autorités françaises la réponse de la SIDE du 23 décembre 2002. Par courrier du 17 janvier 2003, les autorités françaises ont répondu aux questions de la Commission du 17 octobre 2002.

(39) Par courrier du 4 février 2003, les autorités françaises ont sollicité un nouveau report de délai de la Commission, en ce qui concerne la demande de commentaires à la seconde réponse de la SIDE du 23 décembre 2002. La Commission a accordé partiellement les délais sollicités par courrier du 11 février 2002. Par courrier en date du 11 mars 2003, les autorités françaises ont adressé leur réponse à la Commission.

(40) Entre-temps, la SIDE, sur sa demande, a été reçue par les services de la Commission et a pu exposer sa vision de l'affaire depuis son origine, lors d'une réunion qui s'est tenue le 4 mars 2003.

II. DESCRIPTION DES MESURES EN CAUSE: AIDE VISANT AU MAINTIEN D'UNE ACTIVITÉ PARTIELLEMENT NON RENTABLE

(41) Le ministère de la Culture a décidé en 1980, conformément aux orientations de politique générale du Gouvernement français concernant la promotion du livre et de la littérature en langue française, d'octroyer des aides aux commissionnaires à l'exportation qui accepteraient tout type de commandes, quelles que soit leur montant et leurs rentabilités. Ces mesures avaient été mises en œuvre afin de pallier la carence du marché et de promouvoir le maintien d'une activité "petites commandes non rentables " au sein du marché de la commission à l'exportation.

(42) Les autorités françaises expliquent que des petites librairies, établies dans des zones essentiellement non francophones, parfois difficiles d'accès et/ou lointaines, rencontraient de sérieuses difficultés d'approvisionnement, leurs demandes ne pouvant pas être satisfaites par les circuits de distribution traditionnels, quand les quantités d'ouvrages commandés étaient insuffisantes ou encore lorsque le prix unitaire des livres commandés n'était pas assez élevé pour que la prestation puisse être rentable.

(43) Les subventions d'exploitation en cause avaient pour objectif d'encourager les entreprises à intervenir auprès de tels clients (les librairies et non pas le consommateur final), qui n'auraient pas pu être servis dans le cadre d'une relation commerciale "normale", fondée exclusivement sur le profit.

(44) Les aides en cause avaient donc pour objectif de permettre aux commissionnaires à l'exportation de servir l'ensemble des commandes émanant de libraires établis à l'étranger dans des zones essentiellement non francophones, quels que soit leur montant, leur rentabilité et leur destination. L'objectif était que puisse être assurée, dans le cadre de la politique française de soutien à la diversité culturelle, une distribution optimale de livres en langue française, et que soit ainsi favorisée la diffusion de la littérature francophone dans le monde entier.

(45) Le mécanisme d'aide retenu par les autorités françaises, dénommé "Programme petites commandes", consistait en une subvention d'exploitation ayant pour objet de compenser les surcoûts de traitement des petites commandes d'un montant inférieur ou égal à 500 francs français (FRF), soit environ 76 euro.

(46) Deux autres systèmes de financement, consistant en des aides directes aux libraires ou en des aides directes aux éditeurs, avaient été envisagés, mais ces solutions alternatives avaient été finalement écartées, car jugées moins efficaces et plus coûteuses par les autorités françaises. Le système contesté par la SIDE leur était apparu comme le plus rationnel sur le plan économique et le plus sûr en matière d'utilisation des fonds publics.

(47) Conformément au "Programme petites commandes", l'entreprise bénéficiaire de subventions devait s'engager à communiquer à la direction du livre et de la lecture du ministère de la Culture l'ensemble des éléments concernant l'activité générale de l'entreprise (chiffre d'affaires global, comptes financiers, budgets prévisionnels, copies des délibérations ayant validé ces données, le cas échéant, rapport du commissaire aux comptes, et grille récapitulative des salaires), ainsi que toutes pièces relatives à l'activité à subventionner, notamment le compte d'emploi des subventions, justifiant de l'exécution des prestations donnant lieu à la subvention allouée l'année précédente.

(48) En pratique, une seule entreprise, le CELF, a bénéficié du "Programme petites commandes". L'entreprise devait justifier chaque année des surcoûts engendrés par la prestation "petites commandes" à l'appui de sa demande de subvention pour l'année suivante (12).

(49) Concrètement, un quart de la subvention accordée aux cours de l'année précédente était versé en début d'année, le solde étant attribué à l'automne suivant, après examen par les pouvoirs publics du budget prévisionnel de l'entreprise bénéficiaire et des fluctuations enregistrées au cours de la première partie de l'exercice.

(50) Il était convenu que si le montant de l'aide n'était pas utilisé dans son intégralité, les sommes restantes étaient déduites des subventions prévues pour l'année suivante.

(51) Il convient de préciser que les aides ont été supprimées en 2002 (voir à l'annexe I le tableau concernant l'évolution des aides attribuées depuis 1980 en euro).

III. OBSERVATIONS DE LA SIDE ET DES TIERS INTÉRESSÉS

A. MOTIFS D'INTERVENTION DE LA SIDE

(52) Aux termes de l'article 2 de ses statuts, la SIDE (13), a pour objet : "La vente, en France et à l'étranger de livres, de presse, de tous produits culturels, l'édition, la création ou l'acquisition et l'exploitation de tous fonds de commerce de même nature et plus généralement toutes opérations industrielles, commerciales ou financières, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou susceptibles d'en faciliter l'extension ou le développement".

(53) Par courrier en date du 20 mars 1992, la SIDE a saisi la Commission d'une plainte (14), à la suite d'un refus du ministère de la Culture de lui octroyer les aides décrites à la partie II.

(54) La SIDE, en substance, demande à la Commission de prendre une décision qui puisse mettre fin aux distorsions de concurrence dont elle est victime sur le marché de l'exportation de livres en langue française, les troubles dénoncés ayant pour origine les aides attribuées exclusivement au CELF.

(55) La SIDE indique avoir refusé l'allocation des aides litigieuses, qui lui a été proposée par le ministère de la Culture lors d'un entretien tenu le 26 septembre 1996. Elle explique qu'elle ne pouvait accepter cette offre tardive, qui intervenait opportunément après l'arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995. Elle précise qu'elle ne souhaitait pas bénéficier d'un programme dont la compatibilité avec les règles du droit communautaire pouvait être remise en cause par la Commission, et que, en outre, cette proposition lui était faite à seule fin qu'elle s'engage à mettre un terme à la procédure qu'elle avait elle-même suscitée.

(56) En outre, la SIDE se dit convaincue que l'activité de commissionnaire à l'exportation ne nécessite aucune aide. Elle conteste, en conséquence, l'utilité du "Programme petites commandes". Elle n'écarte plus, cependant, toute possibilité d'y avoir accès à l'avenir, "de façon à ce que ses activités s'exercent dans des conditions de concurrence non faussée", mais uniquement dans l'hypothèse où un mécanisme clairement compatible avec les règles du traité serait adopté par les autorités françaises.

(57) La SIDE indique que "sur le marché de la commission à l'exportation, sont considérés comme exportateurs "généralistes" les intervenants dont le chiffre d'affaires est essentiellement réalisé à destination des intermédiaires tels que les librairies et non des utilisateurs finaux". Pour elle, les seuls commissionnaires généralistes sont le CELF et la SIDE. Elle précise qu'il existe, par ailleurs, des libraires exportateurs qui vendent directement aux utilisateurs finaux.

(58) La SIDE a fait savoir à la Commission, lors d'un entretien qui s'est tenu le 4 mars 2003, qu'elle intervient essentiellement en Europe occidentale. Elle travaille également sur les marchés de l'Europe de l'Est, mais peu du fait du programme "À l'Est de l'Europe" (15) dont bénéficie le CELF. La SIDE travaille également en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est. Elle travaillait également en Argentine avant que ce pays ne connaisse la crise actuelle. La SIDE a précisé qu'elle ne souhaite pas intervenir en Afrique, car il y a peu de clientèle intéressée dans ces territoires, en particulier en Afrique Noire. Elle n'intervient pas non plus dans les territoires qui ne sont pas couverts par la Coface (16).

(59) La SIDE combat la thèse des autorités françaises qui consiste à soutenir que les commandes importantes seraient rentables, tandis que les "petites commandes", ne le seraient pas, ce qui justifierait qu'elles soient subventionnées pour être servies. Elle ajoute même, finalement, que les "petites commandes" sont dans l'ensemble plus rentables à traiter que les commandes plus importantes.

(60) La SIDE précise que les notions de "petites commandes" et de "seuils de rentabilité" sont des arguments avancés par le Gouvernement français pour tenter de justifier l'aide attribuée spécifiquement au fonctionnement du CELF sous le couvert d'une aide au traitement des petites commandes de livres français destinés à l'étranger, alors qu'il ne s'agit en fait que d'une simple aide au fonctionnement.

(61) La SIDE affirme qu'il n'existe pas de seuil de rentabilité pour le type d'activité concerné. Elle précise que des économies d'échelle peuvent bien sûr être réalisées lorsque plusieurs exemplaires d'un même titre sont commandés en même temps. C'est la raison pour laquelle le barème des remises de la SIDE prévoit une remise supplémentaire de 5 % pour chaque titre commandé en dix exemplaires ou plus.

(62) La SIDE indique que toutes les commandes ont un coût de traitement et une rentabilité identique, puisque seul le nombre de lignes saisies par une personne dans une journée, ainsi que la quantité de livres pour chaque ligne de commande, sont significatifs. Elle précise que le montant global de la facture émise est sans incidence pour l'évaluation du coût de la prestation. Elle explique que la personne qui saisit dans la journée mille lignes de commandes passe presque exactement le même temps, que la commande d'un client comporte deux ou cents lignes, la seule différence résidant dans le fait qu'elle devra identifier le client afférent à chaque commande émanant d'un client différent, ce qui ne prend que quelques secondes. Le montant du chiffre d'affaires réalisé pendant une période donnée ne dépend donc pas du nombre de clients, il dépend uniquement du nombre de lignes saisies pendant cette même période.

(63) La SIDE indique également qu'elle accepte, tout comme le CELF, l'ensemble des commandes qui lui sont adressées quel qu'en soit leur montant, seule la solvabilité du client constituant pour la SIDE un critère de sélection.

(64) La SIDE précise toutefois que certaines commandes peuvent contenir des demandes d'ouvrages non répertoriés qui impliquent des recherches spéciales; ce type de commandes avoisine 4,5 % de son activité.

(65) La SIDE considère dès lors que les aides qui sont attribuées au CELF pour le traitement des petites commandes lui permettent de proposer à la clientèle des remises particulièrement attractives, qu'elle-même est dans l'incapacité de proposer.

(66) La SIDE, outre la contestation du principe même de l'existence de surcoûts de nature à justifier les aides en cause, relève certaines erreurs contenues dans les données issues de la comptabilité analytique du CELF, produites par les autorités françaises, et utilisées par la Commission à l'appui de la décision 1999-133-CE. Elle réfute ainsi l'existence de surcoûts liés à la télétransmission des petites commandes, tels qu'ils ressortaient de la décision 1999-133-CE. Elle relève également que certaines des données tirées de la comptabilité analytique du CELF, concernant les charges sociales, sont différentes de celles concernant le même poste dans la comptabilité générale de l'entreprise, et qu'en conséquence les données chiffrées comptables du CELF, communiquées par les autorités françaises, ne sont pas pertinentes.

(67) La SIDE précise qu'elle a choisi de ne faire apparaître dans son offre au public que les éditeurs qui proposent les remises les plus attractives. Elle ajoute que la liste des éditeurs qu'elle propose est beaucoup plus restreinte que celle du CELF, car elle n'a pas la possibilité d'offrir de remises intéressantes pour tous les éditeurs, contrairement au CELF qui a l'opportunité de le faire, grâce aux aides qu'il perçoit et aux relations privilégiées qu'il entretient avec les éditeurs.

(68) La SIDE fait valoir qu'elle a subi un préjudice, car certains de ses clients se seraient détournés de ses services pour aller vers le CELF qui propose, grâce aux aides qu'il perçoit et à la complaisance des éditeurs, des remises particulièrement attractives (17). La SIDE estime que le CELF aurait ainsi acquis une position dominante sur le marché de la commission à l'exportation.

(69) La SIDE précise qu'elle subit désormais un autre type de préjudice, qui trouve son origine dans les changements de politique tarifaire du CELF, qui applique "depuis au moins deux ans des conditions dissuasives aux petits comptes" (18) (19). En effet, depuis que le CELF ne touche plus qu'une partie symbolique des subventions contestées, et, plus encore, depuis leur suppression totale en 2002, les petits comptes sollicitent les services de la SIDE. Cette nouvelle demande lui cause un nouveau préjudice "car les clients qui sont les plus intéressants sont également ceux qui ont un fort volume de commandes".

(70) La SIDE conclut que "la politique ainsi menée par le CELF est évidemment en totale contradiction avec l'affirmation du CELF selon laquelle sa prétendue mission de service public, qui selon lui et le Gouvernement français justifierait l'aide qu'il perçoit, l'oblige à traiter de manière identique toutes les commandes et tous les clients".

(71) À l'appui de ses protestations, la SIDE produit deux rapports externes de 1996, le premier de la Fondation nationale des sciences politiques, le second de la Cour des comptes.

(72) Le rapport de la Fondation nationale des sciences politiques, intitulé "la diffusion assistée du Livre scientifique et universitaire français", publié en novembre 1996, concerne un segment particulier du marché, celui de la diffusion des livres scientifiques et universitaires français. La SIDE indique que ce document, bien que sortant du cadre de la présente procédure, comporte des éléments d'informations particulièrement éloquents qui auraient dû être pris en compte par la Commission dans sa décision 1999-133-CE, pour apprécier la légalité des aides en cause.

(73) La SIDE produit également un rapport de la Cour des comptes, publié en octobre 1996, qui critique globalement la politique du ministère de la Culture en matière de subventions et vise plus spécifiquement certains programmes financés par le ministère de la Culture, dont le "Programme Page à page" qui a été géré par le CELF.

(74) La SIDE soulève d'autres questions plus ponctuelles. Elle dénonce une recapitalisation du CELF par l'État en 1980, qu'elle juge constitutive d'une aide au sauvetage. Elle estime que le CELF aurait bénéficié d'une seconde recapitalisation en 1993, également constitutive d'une aide d'État, par l'intermédiaire de l'Association pour le développement de l'édition française (ADEF). La SIDE évoque enfin les avantages dont le CELF bénéficierait, grâce à la "gestion de programmes publics" qui lui a été confiée, ainsi que toute une série d'avantages ponctuels, liés aux relations privilégiées qu'entretient cette entreprise avec les pouvoirs publics.

B. AVIS DES PARTIES TIERCES INTÉRESSÉES

(75) Suite à la publication au Journal officiel des Communautés européennes (20) de la décision d'ouverture du 30 juillet 1996, et antérieurement à celle-ci, plusieurs tiers intéressés se sont manifestés (21).

(76) Monsieur Van Ginneken (22), dans son avis du 21 décembre 1996, expose, en sa qualité de grossiste exportateur de livres français vers des pays non francophones, que "le CELF s'était déjà imposé la tâche (23) à lui-même de devenir grossiste exportateur et rentable, en contradiction avec la raison pour laquelle il avait été créé à savoir en tant qu'organisme de service".

(77) Monsieur Van Ginneken évoque également la problématique d'une entente possible entre le CELF et les éditeurs, ces derniers étant, pour partie, membres du CELF (24). Il dénonce une situation "manifestement injuste" dans laquelle l'initiative privée représentée par les grossistes exportateurs est mise à mal.

(78) Hexalivre, société exportatrice de livres français (25), intervient, également sous la signature de Monsieur Van Ginneken qui en est le président, en qualité de libraire dont la clientèle est constituée "d'institutionnels" établis à l'étranger. Elle indique, dans son avis du 23 décembre 1996, que l'activité du CELF, dont la vocation serait d'approvisionner les libraires établis à l'étranger, ne devrait pas en principe interférer avec ses propres activités. Hexalivre maintient que finalement la subvention en cause profite à une "société privée soutenue par l'administration et tendant autant qu'il se peut vers une situation de monopole".

(79) Monsieur Fenouil, pour Lavoisier Tec et Doc, ancien coopérateur du CELF, éditeur et libraire-exportateur spécialisé dans les ouvrages scientifiques et techniques, dans un avis en date du 7 janvier 1997, ne conteste pas le bien-fondé des aides attribuées au CELF à partir de 1980, et évoque même "un soutien inconditionnel jusqu'en 1994 (26)". En revanche, il conteste la diversification des activités du CELF (27), qui aurait été financée grâce aux subventions litigieuses. Il indique également que 50 % des commandes traitées par son entreprise sont des petites commandes de moins de 500 FRF. Enfin, Monsieur Fenouil "appelle au rétablissement des conditions d'une concurrence normale à l'exportation, passant notamment par la suppression des aides non fondées sur une véritable mission de service public ou un objectif culturel indiscutable qui ne peut être atteint par les moyens existants".

(80) Monsieur de la Rochefoucauld, pour "Aux amateurs de Livres international", intervient dans un avis du 2 janvier 1997. Il conteste et regrette que le CELF puisse servir des bibliothèques étrangères et/ou des clients institutionnels tout en percevant des subventions pour satisfaire aux besoins d'un autre marché. Il souhaiterait que le CELF limite ses ventes aux seuls libraires étrangers, à l'exclusion de toute autre clientèle. Il estime que la subvention compensatoire permettait au CELF d'accorder 3 points de pourcentage de remise supplémentaire à ses clients. Pour lui, "l'aide est une hypocrisie", il "s'étonne que l'aide puisse correspondre à plus de 60 % du montant des commandes en cause". Il conclut que l'aide sert au développement des activités commerciales du CELF. Il estime en conséquence que les aides devraient être réparties "entre les librairies concernées en proportion de leur chiffre d'affaires vers les pays tiers" et qu'il convient d'interdire au CELF d'approvisionner d'autres clients que les libraires établis à l'étranger.

(81) Le Syndicat national des importateurs et exportateurs de livres (SNIEL) fait observer, dans son avis du 31 décembre 1996, que les affirmations de la SIDE concernant le CELF n'avaient pas été jugées suffisamment crédibles pour qu'il se joigne dans un premier temps à son action judiciaire. Il conteste cependant le fait que le CELF, à partir de 1996, ait pu intervenir dans "des domaines où il n'était pas prévu à l'origine qu'il intervienne" (28), et estime qu'il a développé ces activités grâce aux subventions compensatoires perçues, qu'il juge trop élevées.

(82) De la même manière, la SIDE, dans son avis du 6 janvier 1997, indiquait que "... à supposer même, que la notion de petites commandes ait une signification commerciale, il est apparu très vite que le CELF ne s'est pas limité à cette activité prétendument non rentable".

(83) Le CELF, qui intervient également en qualité de partie tierce, conteste les allégations de la plaignante et produit plusieurs lettres d'éditeurs qui expriment leur satisfaction à l'égard de ses services.

IV. COMMENTAIRES DES AUTORITÉS FRANÇAISES

(84) Les autorités françaises indiquent que le traitement des petites commandes de livres avait longtemps été assuré par les sociétés Hachette et les Messageries du livre. Ces entreprises jouaient un rôle de distributeurs pour le compte de nombreuses maisons d'édition qui ne disposaient pas de structures de distribution adaptées aux petites commandes ponctuelles et/ou qui ne souhaitaient pas en développer.

(85) Le CELF, qui rassemble divers acteurs du monde de l'édition, a été créé en 1977, initialement sous la forme d'une société coopérative à capital variable, pour pallier la carence constatée du marché de la commission à l'exportation, à un moment où Hachette et les Messageries du livre avaient décidé d'abandonner leur activité de commissionnaire, faute de rentabilité (29). Le capital du CELF, initialement de 50 000 FRF, a été porté ultérieurement à 80 500 FRF. Dès 1979, le CELF a rencontré des difficultés financières importantes, mais attendues, puisque les deux entreprises qui géraient précédemment l'activité avaient justement préféré se retirer d'un marché qu'elles considéraient comme non rentable. La profession, les éditeurs, le Syndicat national de l'édition (SNE) et les pouvoirs publics ont estimé que l'activité du CELF devait être maintenue en tout état de cause, pour que puisse être assurée une diffusion optimale des livres en langue française vers l'étranger. Dans la mesure où aucun autre opérateur ne semblait disposé à assurer le service, il a été décidé, en 1980, que le CELF serait restructuré et recapitalisé.

(86) Les autorités françaises indiquent que le CELF, dans ces circonstances, a été transformé en société anonyme coopérative à capital fixe. Son capital a été porté de 80 500 FRF à 1 280 500 FRF. La recapitalisation a été réalisée pour moitié par les actionnaires et pour moitié par l'ADEF (30), association financée par l'État. L'ADEF a été dissoute en 1994; ses actions ont été cédées à titre gratuit au SNE, lui-même coopérateur du CELF.

(87) La France indique que le CELF est resté jusqu'à ce jour une société anonyme coopérative qui fonctionne sur la base de ses fonds propres. Elle précise qu'il s'agit d'une structure qui a toujours été ouverte à tous, aucune condition de nationalité n'étant requise pour devenir actionnaire, l'unique obligation ayant toujours été d'avoir "une activité se rapportant à un titre quelconque aux opérations d'exportation de livres en langue française". Ainsi, des éditeurs d'œuvres francophones établis dans un autre État membre peuvent tout à fait participer à la coopérative et bénéficier de ses interventions (31).

(88) Aux termes de l'article 3 de ses statuts, le CELF a pour objet de "Traiter directement des commandes (32) vers l'étranger et les territoires et départements d'outre-mer de livres, brochures et tous supports de communication et plus généralement d'exécuter toutes opérations visant notamment à développer la promotion de la culture française à travers le monde, au moyen des supports sus désignés. Aux effets ci-dessus, la coopérative effectuera toutes opérations industrielles, commerciales ou financières, mobilières ou immobilières en vue de la réalisation de l'objet social. Étant donné l'objet particulier de la coopérative, nulle personne physique ou morale ne pourra devenir ou demeurer actionnaire, si elle n'exerce une activité se rapportant à un titre quelconque aux opérations d'exportation visées ci-dessus".

(89) Les autorités françaises précisent que le CELF comptait, au 6 novembre 2002, 76 actionnaires coopérateurs qui sont principalement, mais non exclusivement, des éditeurs. Chaque actionnaire dispose d'une seule voix à l'assemblée générale, quel que soit le montant de sa participation. Elles précisent que la forme interprofessionnelle de la société a été un gage de transparence, de souci de l'intérêt collectif et de bonne gestion de la subvention accordée.

(90) Les principaux acteurs de la diffusion du livre sont les suivants:

a) les éditeurs qui "produisent" les livres;

b) les diffuseurs, intégrés ou non aux maisons d'édition, qui assurent la promotion commerciale des livres auprès des détaillants ou de certains gros utilisateurs institutionnels;

c) es distributeurs, intégrés ou non aux maisons d'édition, qui assurent la logistique de la diffusion des éditeurs; ils reçoivent leurs commandes des libraires, de certains gros utilisateurs institutionnels ou d'intermédiaires diversifiés et s'approvisionnent auprès des éditeurs;

d) les grossistes, qui n'interviennent pas toujours dans le circuit de distribution, et qui sont des intermédiaires entre les distributeurs et les détaillants ou certains gros utilisateurs institutionnels;

e) les commissionnaires, qui ne s'adressent qu'aux détaillants et non à l'utilisateur final.

(91) La France précise que les librairies en ligne doivent désormais être comptées parmi les acteurs présents sur le marché et qu'elles doivent également être considérées comme des concurrents potentiels des commissionnaires à l'exportation. Elle est toutefois dans l'incapacité de communiquer des données relatives à la part de marché qui serait détenue par ces nouveaux entrants (33).

(92) Les autorités françaises expliquent que la diversité des opérateurs présents sur le marché doit permettre de diffuser et de promouvoir le livre auprès de tout type de public, quelle que soit, en principe, sa localisation géographique, le "Programme petites commandes" ayant permis de pallier utilement les carences du mécanisme complexe de diffusion des livres.

(93) Les autorités françaises ont communiqué certaines informations qui s'appliquent au marché global de l'exportation du livre en langue française. Elles illustrent la politique commerciale du CELF, qui privilégie, conformément à ses statuts et aux engagements pris auprès des autorités françaises, les zones où les éditeurs sont peu présents.

(94) Ainsi, il apparaît dans le tableau 1 que le CELF est peu actif dans les zones où les éditeurs sont très actifs et qu'inversement, le CELF est très actif sur des zones où les éditeurs sont peu présents.

<emplacement tableau>

(95) Les autorités françaises font valoir que le "Programme petites commandes" n'avait pas été conçu comme une aide spécifique pour le CELF, mais comme un régime de soutien à la diffusion du livre d'expression française, celle-ci pouvant utiliser le canal d'autres opérateurs susceptibles de répondre au même type de commandes.

(96) Elles expliquent que la modification structurelle du CELF, intervenue en 1980, a été accompagnée par une décision d'attribution d'aides dans le cadre du "Programme petites commandes". Elles confirment que le CELF a été, en pratique, le seul opérateur généraliste à recevoir les subventions en cause (34), aucun autre opérateur, excepté la SIDE, douze ans après la mise en œuvre du programme, n'en ayant fait la demande, alors même que le programme était connu de la profession.

(97) La France ne conteste pas que le ministère de la Culture ait refusé d'allouer les aides à la SIDE (35) en 1991, car cette entreprise ne remplissait pas les conditions de transparence requises pour bénéficier desdites aides et refusait de se soumettre aux contraintes inhérentes à leur allocation. En outre, la France rappelle que le ministère de la Culture s'est rapproché de la SIDE en 1996, afin de lui proposer lesdites aides et que la SIDE les a refusées.

(98) Les autorités françaises font valoir que l'un des objectifs de la politique culturelle française consiste à assurer, de par le monde, la diffusion d'ouvrages en langue française. Cet objectif doit être compris comme constituant une mission de service public. C'est pourquoi les autorités françaises estiment que la Commission doit analyser les mesures en cause au regard des dispositions de l'article 86, paragraphe 2, du traité.

(99) La France rappelle que le CELF avait été créé, puis doté des subventions contestées, à un moment où les acteurs économiques en charge de cette activité avaient décidé de se retirer du marché. En l'absence de la mise en œuvre des mesures contestées, la diffusion des livres en langue française à destination de petites librairies établies dans des zones souvent éloignées, où la demande est peu importante en termes de chiffre d'affaires et de volume, aurait manifestement été pénalisée.

(100) Les autorités françaises ont en conséquence décidé de mettre en œuvre le programme contesté, pour que puissent être honorées toutes les commandes, y compris les commandes non rentables d'ouvrages francophones, dans les mêmes conditions que les commandes plus importantes.

(101) La France fait valoir que le ministère de la Culture apportait "son aide aux charges opérationnelles de service public du CELF, liées aux petites commandes" et que le CELF était investi en conséquence d'une véritable mission de service public.

(102) À l'appui de leur argumentation, les autorités françaises ont communiqué à la Commission plusieurs textes:

a) l e décret no 82-394 du 10 mai 1982 relatif à l'organisation du ministère de la Culture insiste sur le rôle de celui-ci dans le "rayonnement de la culture française et de l'art français dans le libre dialogue des cultures du monde";

b) le décret no 93-797 du 16 avril 1993 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la francophonie, qui dispose que "le ministre de la culture et de la francophonie ... met en œuvre, conjointement avec les autres ministres intéressés, les actions menées par l'État en vue d'assurer le rayonnement de la culture française et celui de la francophonie dans le monde";

c) les arrêtés relatifs à l'organisation de la direction du livre et de la lecture, dont le dernier date de 1996, fondés sur lesdits décrets, qui précisent les missions du ministère de la Culture dans le domaine de l'exportation du livre.

(103) Les autorités françaises indiquent que c'est sur le fondement de ces textes que la direction du livre et de la lecture concluait des conventions annuelles avec les partenaires chargés de mettre en œuvre des actions issues de la politique culturelle du gouvernement. Ces conventions définissent les objectifs de la collaboration entre le ministère et les organismes qu'il subventionne ainsi que les obligations respectives des parties.

(104) Les autorités françaises expliquent que le ministère de la Culture passait chaque année avec le CELF (36) une convention qui le chargeait de l'exécution d'une mission de service public consistant à "honorer toute commande d'ouvrages francophones émanant de librairies étrangères quel que soit son montant".

(105) Par ailleurs, les autorités françaises exposent que, quelle que soit la délimitation du marché de référence, la SIDE et le CELF ne sont pas en concurrence sur les commandes de faible volume.

(106) Elles relèvent en particulier la contradiction de la SIDE, laquelle, tout en affirmant qu'elle travaille avec le même type de clients que ceux du CELF, et qu'elle traite tous ses clients de la même façon "quel que soit le montant de leurs commandes", applique aux commandes de moins de dix exemplaires un taux de remise inférieur de cinq points.

(107) Elles considèrent que cette "pénalisation" significative que la SIDE applique aux commandes de faible volume inférieures à dix ouvrages est bien la preuve que les petites commandes ne constituent pas une cible privilégiée de la SIDE, à la différence des commandes qui lui permettent de réaliser des économies d'échelle importantes, telles que celles passées par les clients institutionnels, cible privilégiée servie par la SIDE.

(108) La différence fondamentale de stratégie commerciale se traduit bien, notamment, par le nombre moyen de livres par ligne et par facture, nettement plus important pour la SIDE que pour le CELF.

(109) Les autorités françaises indiquent que le CELF, en contrepartie des aides qui lui sont octroyées, et même si cela n'est pas compensé en tant que tel par les aides du "Programme petites commandes", doit être en mesure de proposer à sa clientèle une offre très vaste et diversifiée d'éditeurs, l'objectif politique du ministère de la Culture étant la diffusion la plus large possible de livres d'expression française. Elles font observer que des centaines d'éditeurs figurant dans l'offre du CELF sont en fait de très petits éditeurs, associations ou organismes divers très peu connus (37), dont l'activité éditoriale n'est pas de nature à susciter des commandes importantes et rentables. En proposant cette liste élargie d'éditeurs, le CELF encourage la diversité. Il doit de ce fait s'approvisionner auprès d'un nombre très important de fournisseurs, pour des montants qui souvent sont très peu élevés, ce qui l'oblige également à gérer de très nombreux petits comptes éditeurs sans que cela soit compensé par des aides quelles qu'elles soient.

(110) Or les petits comptes éditeurs sont économiquement moins rentables, car contrairement aux grands éditeurs, ils n'accordent pas de conditions très intéressantes. La SIDE suit pour sa part une politique commerciale qui privilégie les éditeurs plus populaires, susceptibles de susciter des commandes importantes. Les autorités françaises exposent qu'il convient, en conséquence, de faire une distinction entre "petits comptes" et "petites commandes". La notion de "petites commandes" correspond certes à la qualification donnée au "programme" contesté, cependant elle rend insuffisamment compte du pendant des "petits comptes clients", que constituent les "petits comptes fournisseurs".

(111) L'allocation des subventions est certes fondée sur les surcoûts générés par les petites commandes, mais l'opérateur bénéficiaire des aides est également soumis à des obligations qui ne sont pas à proprement parler "compensées".

(112) Les autorités françaises indiquent que des aides compensatoires étaient attribuées au CELF, de manière à compenser les charges additionnelles engendrées par les petites commandes dont le seuil avait été fixé de manière empirique à 500 FRF. Ce seuil constituait une référence qui n'impliquait pas que chaque commande d'une valeur comprise entre 0 et 500 FRF devait se situer juste au seuil de rentabilité. Certaines commandes de 500 FRF pouvaient être rentables tandis que d'autres ne l'étaient pas. Tout dépendait du nombre de titres et de livres inclus dans la commande, de la nature de ces livres, de la qualité de la commande passée, du fait que le client bénéficiait ou non de la garantie Coface, ainsi que des moyens et délais de paiement.

(113) Les autorités françaises précisent que ce qui apparaissait en revanche avec certitude, c'était que le créneau des commandes de 0 à 500 FRF n'était globalement pas rentable et n'aurait pas été, en principe, couvert par un opérateur qui n'aurait pris en considération que les seuls critères économiques. Elles explicitent ce dernier argument au regard d'une analyse de coûts fondée sur l'année de référence 1994.

(114) Ainsi que le montrent les tableaux 2 a) et 2 b), les autorités françaises précisent que le CELF a été amené au cours des dernières années, et plus particulièrement depuis l'amorce de leur désengagement financier en 1996/1997, à diversifier ses activités, notamment en développant une clientèle rentable constituée de grands comptes librairies et de clients institutionnels, tels que des bibliothèques, des universités ou encore des centres culturels. Dans le même temps, une baisse du chiffre d'affaires "petits comptes" ainsi qu'une diminution du nombre des clients ont été observées. Parallèlement, une augmentation globale du chiffre d'affaires du CELF a été constatée. Les autorités françaises confirment dans ces conditions que le traitement des petites commandes a été pour le CELF un facteur de ralentissement de l'activité.

<emplacement tableau>

V. APPRÉCIATION DE LA COMMISSION

(115) Le CELF et la SIDE sont deux entreprises concurrentes établies en France, qui exercent, notamment, une activité de commissionnaire à l'exportation de livres en langue française (38). Cette activité consiste en la diffusion (39) de livres en langue française, afin de satisfaire les commandes de petits détaillants (petites librairies ou institutions telles que les bibliothèques ou les universités), principalement vers les pays et les zones non francophones. Pour les zones telles que la Belgique, le Canada ou encore la Suisse francophones, la diffusion de livres est assurée par les éditeurs eux-mêmes ou par l'intermédiaire de réseaux de distribution, le volume du marché étant suffisamment important pour que les entreprises investissent dans des réseaux de distribution intégrés. Ce type de service permet d'assurer une diffusion optimale du nombre d'ouvrages.

(116) La SIDE et les autorités françaises s'accordent pour expliquer que le commissionnaire procède, en pratique, au regroupement de commandes individuellement peu importantes, dont le traitement serait trop coûteux pour les éditeurs et les distributeurs traditionnels. Ce service permet aux clients, qu'ils soient libraires ou institutionnels, d'éviter de s'adresser à une multitude de fournisseurs.

(117) Parallèlement, les commandes sont adressées aux éditeurs et/ou aux distributeurs qui n'ont ainsi qu'un seul point de livraison: le commissionnaire. Aussi, ils réalisent également, grâce à ce type de prestations, des économies de temps et d'argent, en évitant d'entretenir des relations avec de nombreux clients, par hypothèse très dispersés géographiquement.

(118) Les commissionnaires à l'exportation sont donc des prestataires essentiels pour le circuit de l'exportation des livres vers des pays où la demande est irrégulière, fragmentée et/ou de faible volume. Le recours aux services d'un commissionnaire à l'exportation est donc souvent l'unique moyen pour un acheteur (il ne s'agit jamais du client final) établi dans un pays non francophone de passer et de recevoir ses commandes. La prestation du commissionnaire permet de réduire les coûts fixes liés au traitement de chaque commande.

(119) En l'espèce, il est constant que les autorités françaises ont mis en œuvre le "Programme petites commandes" contesté, pour soutenir, au sein du marché de la commission à l'exportation, les petites commandes inférieures ou égales à 500 FRF, considérées en principe comme non rentables. Il convient donc de vérifier, si ce programme, non notifié, dont le CELF a en pratique été le seul bénéficiaire, était compatible avec le traité.

A. APPLICABILITÉ DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 87 DU TRAITÉ

1. LES MESURES EN CAUSE SONT DES AIDES AU SENS DE L'ARTICLE 87, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ

(120) L'article 87, paragraphe 1, du traité dispose que "Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions".

(121) La mesure en cause procure un avantage au CELF puisqu'il s'agit d'une subvention destinée à réduire le coût des petites commandes. Ce point n'a d'ailleurs jamais été contesté par les autorités françaises.

(122) Elle est financée au moyen de ressources budgétaires gérées par la direction du livre et de la lecture du ministère de la Culture, c'est-à-dire au moyen de ressources d'État.

(123) Elle est destinée aux commissionnaires en livres et, en pratique, n'a bénéficié qu'au CELF. Elle est donc sélective.

(124) En ce qui concerne l'affectation des échanges entre États membres et la distorsion de concurrence induite par la mesure, la Commission a tenu compte de ce qui suit.

(125) L'aide est attribuée à des commissionnaires français qui exportent des livres en langue française principalement dans des pays non francophones. Lesdits commissionnaires français sont donc en concurrence, au moins potentiellement, avec d'autres commissionnaires à l'exportation de livres francophones installés dans d'autres pays francophones de la Communauté (Belgique et Luxembourg principalement). Il y a toutefois lieu de mentionner que, compte tenu de l'écart considérable existant entre le volume des livres francophones exportés dans des pays non francophones depuis la France, d'une part, la Belgique et le Luxembourg, d'autre part, la distorsion de concurrence engendrée par l'aide sur le marché est par nature très limitée.

(126) L'aide peut également engendrer une distorsion de concurrence et affecter les échanges en ayant des effets induits sur les autres activités du CELF. Toutefois, celles-ci semblent circonscrites à la diffusion à l'étranger et le site internet du CELF (40) indique clairement que ce dernier ne vend ni en France ni aux particuliers. L'aide en cause a été accordée au CELF dans le cadre du "Programme petites commandes", qui consistait à assurer que toutes les commandes qui émanent de librairies étrangères situées dans des territoires non francophones puissent être servies quel qu'en soit le montant. La Commission relève que le mécanisme contesté pouvait profiter aux acheteurs et aux éditeurs de livres francophones, dans la mesure où les premiers pouvaient bénéficier de prix abordables et où les ventes des seconds étaient facilitées. Une telle affectation des échanges est toutefois extrêmement indirecte et somme toute très limitée, compte tenu de la très faible substituabilité entre les livres en langue française et en d'autres langues.

(127) Dans ces conditions, l'aide accordée au CELF constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, puisqu'elle répond aux quatre conditions consubstantielles à la notion d'aide. Il doit toutefois être mentionné que l'impact sur les échanges et la distorsion de concurrence engendrée par la mesure sont très faibles.

(128) Il convient, par ailleurs, de relever que les États membres sont tenus d'informer la Commission en temps utile des projets tendant à instituer des aides, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité.

(129) Or, le Gouvernement français n'a pas notifié le programme en cause, pas plus que l'aide en faveur du CELF pour le traitement des petites commandes, avant de procéder à leur attribution. Les aides ont donc été octroyées illégalement.

(130) De plus, dans la mesure où le Tribunal a partiellement annulé la décision de la Commission du 18 mai 1993, puis la décision 1999-133-CE, qui autorisaient les aides accordées au CELF, l'aide qui avait été octroyée au CELF pour le traitement des petites commandes est demeurée illégale.

(131) Il convient à présent de vérifier si l'une des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, était applicable en l'espèce, de sorte que les mesures en cause auraient pu être exemptées de l'interdiction générale prévue au paragraphe 1 dudit article.

2. APPRÉCIATION DES MESURES AU REGARD DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 87, PARAGRAPHES 2 ET 3, DU TRAITÉ

(132) La Commission relève que les dérogations de l'article 87, paragraphe 2, du traité ne sont pas applicables en l'espèce, car les mesures en cause ne visaient manifestement pas à atteindre les objectifs qui y sont définis. L'aide ne remplissait pas non plus les conditions fixées par la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité, dans la mesure où elle n'était pas destinée à favoriser le développement de régions pouvant bénéficier de ladite disposition. La dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point b), concernant la promotion de la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun, ne saurait pas non plus être appliquée en l'espèce, puisque la mesure en cause ne visait pas à promouvoir ce type de projet. Comme l'aide ne visait pas non plus à remédier à une perturbation grave de l'économie française, la dérogation contenue dans la seconde partie de l'article 87, paragraphe 3, point b), n'est pas non plus applicable au cas d'espèce. Enfin, l'article 87, paragraphe 3, point c), concernant la contribution au développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, ne saurait être invoqué, car l'aide ne poursuivait pas des objectifs régionaux ou horizontaux et la Commission estime que cette disposition ne saurait être utilisée en l'espèce sur une base sectorielle.

(133) En revanche, l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité précise que: "Peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun [...] les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun".

(134) Il est constant que l'objectif culturel des aides en cause, reconnu dans un premier temps par la plaignante (41), a d'ores et déjà été admis par la Commission dans sa décision du 18 mai 1993, puis confirmé par le Tribunal dans son arrêt du 18 septembre 1995, confirmé à nouveau par la décision 1999-133-CE, et non remis en cause par l'arrêt du Tribunal du 28 février 2002.

(135) Cet objectif est clairement affirmé par le Gouvernement français qui a souhaité mener une politique volontariste visant à favoriser la diffusion de par le monde des ouvrages en langue française. Cette volonté participe d'un courant qui tend de plus en plus à préserver et à encourager la diversité culturelle au niveau international.

(136) La Commission s'est déjà exprimée sur ce thème dans sa communication au Conseil et au Parlement européen, "Vers un instrument international sur la diversité culturelle " (42). Elle considère que la diversité culturelle est devenue un sujet majeur des débats internationaux au sein des organisations internationales et régionales, qui permet de répondre à une préoccupation croissante de la société civile et des gouvernements quant à la préservation des spécificités culturelles en tant qu'héritage commun des populations.

(137) La préservation et la promotion de la diversité culturelle figurent parmi les principes fondateurs du modèle européen. Ils sont inscrits au traité, à l'article 151, paragraphe 1, qui dispose: "La Communauté contribue à l'épanouissement des cultures des États membres, dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun", ou encore à l'article 151, paragraphe 4, qui dispose: "La Communauté tient compte des aspects culturels dans son action au titre d'autres dispositions du traité, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures".

(138) Le traité requiert, de la Communauté et des États membres qui la composent, la promotion de la diversité culturelle dans leurs relations internationales, au titre d'une contribution à un ordre mondial fondé sur le développement durable, la coexistence pacifique et le dialogue entre les cultures. Les autorités françaises, en favorisant et en soutenant financièrement la diffusion d'ouvrages francophones, ont mis en œuvre une politique culturelle qui correspond aux objectifs fixés par le traité.

(139) Dans ces conditions, la Commission considère que les aides qui ont été attribuées au CELF par les autorités françaises en vue d'assurer la diffusion d'ouvrages en langue française, quel que soit par ailleurs le montant de la commande, poursuivaient bien un objectif culturel tel qu'il est compris aux termes du traité.

3. COMPATIBILITÉ DES AIDES EN CAUSE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE

(140) Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité, les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine peuvent être compatibles avec le Marché commun, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

a) Observations liminaires de la Commission concernant les avis des tiers

(141) La Commission note que les tiers qui se sont manifestés, suite à la publication de la décision d'ouverture de la procédure, ne se présentent pas, excepté la SIDE et le CELF, comme des commissionnaires à l'exportation, mais plutôt comme des prestataires "grossistes" spécialisés. Aucun des tiers intervenants n'indique avoir fait de demande auprès du ministère de la Culture pour percevoir les aides en cause.

(142) Il apparaît, aux termes de plusieurs des avis des tiers, que le mécanisme de soutien mis en œuvre par les autorités françaises n'a pas été, à tout le moins dans un premier temps, mis en cause par les professionnels qui se sont manifestés.

(143) La Commission a également pu constater que la plaignante, comme les tiers, n'ignorait rien des aides dont le CELF avait été doté dès sa création en 1980. Or, ce n'est qu'en 1991 (43) que la SIDE a demandé au ministère de la Culture que lui soient également allouées les aides en cause, la Commission n'ayant été saisie de l'affaire que plusieurs mois plus tard, en mars 1992.

(144) La Commission relève que les avis des tiers sont essentiellement critiques à l'égard de la politique de diversification de ses activités par le CELF (44). Il lui est reproché d'être intervenu au fil du temps, avec la complicité des éditeurs qui lui accorderaient des remises préférentielles, sur d'autres marchés que celui pour lequel il avait été créé à l'origine, c'est-à-dire celui des petites commandes.

(145) Il ressort des pièces produites que, au moment de sa création, le CELF ne servait effectivement que les librairies. Ce n'est que plus tard, au cours des années 1990, qu'il a commencé à prospecter d'autres types de clientèle. Cependant, rien n'indique que la diversification de ses activités par le CELF ait été financée grâce aux subventions contestées, bien au contraire puisqu'elles avaient pour objectif et effet de compenser exclusivement les surcoûts générés par les petites commandes, ainsi que cela est démontré aux considérants 198 et suivants.

(146) Certains des tiers, qui se présentent comme des grossistes exportateurs ou encore des libraires exportateurs, font valoir que les aides étaient inutiles pour satisfaire la demande, sans toutefois que des éléments pertinents soient produits au soutien de ces allégations.

(147) Enfin, certains des tiers ont prétendu que le CELF bénéficiait d'avantages issus des relations privilégiées que cette entreprise entretenait avec certains organismes publics, tels que "France édition". Hexalivre, en particulier, a critiqué l'attitude de "France édition", qui aurait accordé un traitement privilégié au CELF, en lui donnant accès à son stand dans les foires internationales, ce qu'elle refuse de faire pour Hexalivre.

(148) La Commission a pu relever, comme l'attestent les pièces communiquées par les autorités françaises, que le CELF, qui est membre de "France édition", a payé tant pour la location d'espace sur le stand de "France édition", que pour les catalogues commandés à "France édition". En tout état de cause, ainsi que les autorités françaises l'ont relevé, ce type de relations ne concernait en aucune façon les pouvoirs publics.

(149) Toutefois, ces éléments n'étant pas compris dans la décision d'ouverture de la procédure en date du 30 juillet 1996, ils ne concernent pas la problématique "petites commandes". En conséquence, la Commission ne se prononcera pas sur cette question dans le cadre de la présente procédure.

(150) Les autorités françaises se voient également reprocher de favoriser le CELF par le biais de commandes publiques. Ces allégations portent en particulier sur le soutien accordé à la mise en œuvre du programme "nouveautés" géré par le ministère des Affaires étrangères et le rôle joué par les commandes passées par des associations liées à ce ministère et au ministère de la Coopération, telles que l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF) et l'Association pour le développement de l'enseignement et de la culture en Afrique et à Madagascar (l'AUDECAM).

(151) Ces éléments n'étant pas compris dans la décision d'ouverture de la procédure en date du 30 juillet 1996, ils ne concernent pas la problématique "petites commandes". En conséquence, la Commission ne se prononcera pas sur cette question dans le cadre de la présente procédure.

(152) Enfin, la SIDE dénonce "l'ensemble complexe d'aides dont bénéficient non seulement le CELF, mais aussi divers organismes réunissant, comme lui, les éditeurs et les autorités publiques dans la plus grande opacité", ainsi que la politique culturelle menée par les pouvoirs publics en général.

(153) À l'appui de ses arguments, la SIDE produit notamment un rapport de la Cour des comptes en date de novembre 1996. La Commission observe que ce rapport contient essentiellement des critiques d'ordre général sur la façon dont les aides à la culture ont été dispensées en France. Il ne contient aucun élément sur les aides octroyées au CELF pour le traitement des petites commandes. Le CELF est évoqué, mais uniquement en ce qui concerne le "Programme page à page" et l'opération "programme plus", programmes qui ont été validés par le Tribunal dans son arrêt du 18 septembre 1995 (45).

(154) Dans ces conditions, la Commission considère que les conclusions du rapport de la Cour des comptes ne sont pas de nature à éclairer son appréciation dans le cadre de la présente procédure. En tout état de cause, les critiques d'ordre général formulées par la SIDE sur la politique française en matière d'aides à la culture n'étaient pas comprises dans la décision d'ouverture de la procédure en date du 30 juillet 1996 concernant le "Programme petites commandes". En conséquence, la Commission ne se prononcera pas sur cette question dans le cadre de la présente procédure.

b) Réponse aux allégations connexes formulées par la SIDE

(155) Au cours de la première phase de la procédure d'examen des aides, la SIDE avait soulevé certaines questions ponctuelles relatives à la recapitalisation du CELF et aux avantages dont il bénéficierait grâce à la "gestion de programmes publics". La SIDE conteste également toute une série d'avantages ponctuels, liés aux relations privilégiées qu'entretiendrait le CELF avec les pouvoirs publics.

Recapitalisation du CELF en 1980

(156) Il convient de noter que le capital du CELF a été porté en 1980 de 80 500 FRF à 1 280 500 FRF. L'opération a été financée, d'une part, par l'ADEF, à hauteur de 50 % et, d'autre part, par des actionnaires (privés) du CELF, à hauteur de 50 %.

(157) Le principal objectif de l'ADEF, qui regroupait un certain nombre d'éditeurs, était de stimuler la présence des livres en français à l'étranger et de soutenir les investissements réalisés par les éditeurs ou les exportateurs. L'association bénéficiait d'une contribution publique qui lui était accordée par le ministère de la Culture.

(158) Après avoir analysé la documentation que lui ont soumise les autorités françaises, la Commission est parvenue à la conclusion que l'augmentation de capital contestée n'était pas constitutive d'une aide d'État, mais était une simple prise de participation. Il n'est en effet ni contesté ni contestable que des investisseurs privés ont pris part à la création de l'entreprise dans sa forme actuelle. Le ministère de la Culture n'est pas intervenu dans le capital du CELF et l'ADEF, association certes financée pour partie par l'État, a toutefois agi comme un investisseur privé dans une économie de marché. La souscription de l'ADEF répond en effet pleinement au point 3.2, troisième tiret, de la communication de la Commission sur l'application des articles 92 et 93 du traité CE aux prises de participation publique (46). Dans ces conditions, l'opération ne contenait pas d'élément d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(159) En outre, cette recapitalisation avait déjà eu lieu depuis plus de dix ans lorsque la SIDE a adressé son premier courrier à la Commission, le 20 mars 1992, et que la Commission a demandé des informations aux autorités françaises par courrier du 2 avril 1992. En conséquence et conformément aux dispositions de l'article 15 du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (47), la Commission ne pourrait donc pas, le cas échéant, ordonner la récupération de l'augmentation de capital, même s'il s'agissait d'une aide d'État.

Recapitalisation du CELF via l'ADEF en 1993

(160) La SIDE dénonce également une aide qui aurait été accordée au CELF en 1993, via une cession d'actions de l'ADEF au SNE, qui est coopérateur du CELF.

(161) Dans ses observations du 5 décembre 2003, la SIDE faisait observer à la Commission qu'elle devrait, conformément aux écritures qu'elle a déposées lors de l'audience du 4 juillet 2001, se prononcer sur les aides qui, selon elle, auraient été octroyées au CELF lors de la liquidation de l'ADEF en juin 1993.

(162) La Commission relève que ce point n'était pas compris dans la décision d'ouverture de la procédure en date du 30 juillet 1996. En conséquence, elle ne se prononcera pas sur cette question dans le cadre de la présente procédure.

Avantages du CELF liés à la "gestion de programmes publics"

(163) La SIDE explique que le CELF a pu maintenir sa présence sur le marché et continuer à accorder le même type de remise à sa clientèle après la suppression du "Programme petites commandes", car il continue par ailleurs à percevoir de multiples subventions publiques, par le biais de programmes comme "À l'Est de l'Europe" qui a pris le relais du programme "Page à page", ou encore le "Programme plus", qui seraient dotés de fonds en constante augmentation.

(164) Il convient de rappeler que lesdits programmes, qui ont déjà été approuvés par la Commission dans sa décision du 18 mai 1993, avaient également été validés par le Tribunal dans son arrêt du 18 septembre 1995 (48).

(165) Il s'ensuit que ces aspects n'ont pas été rapportés dans la décision d'ouverture de la procédure en date du 30 juillet 1986. En conséquence, la Commission ne se prononcera pas sur cette question dans le cadre de la présente procédure.

c) L'aide aux petites commandes n'était pas de nature à altérer les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

i) Un mécanisme destiné à promouvoir une activité délaissée par la profession

(166) Le "Programme petites commandes" a été conçu en 1980 par le ministère de la Culture, à un moment où la profession (le Groupe Hachette et les Messageries du livre) souhaitait abandonner le marché de la commission à l'exportation. Le mécanisme contesté a été institué de façon à encourager les opérateurs à intervenir sur le marché pour que l'ensemble des commandes de livres en langue française, qui émanent de librairies situées dans des zones non francophones, puisse être satisfait.

(167) La Commission constate en premier lieu, en accord avec certains des avis des tiers intervenus dans la procédure, que le "Programme petites commandes", qui de fait a accompagné la création du CELF en sa forme actuelle, était connu des professionnels qui l'ont, au moins dans un premier temps, bien accueilli (49) ou, à tout le moins, ne l'ont pas mis en cause, sans en demander pour autant le bénéfice.

(168) La SIDE soutient, pour sa part, que le "Programme petites commandes" était exclusivement réservé au CELF. Le refus qui lui a été opposé par le ministère de la Culture en 1991 viendrait selon elle confirmer ce fait. Dans le même temps, la SIDE ne conteste pas que le rejet de sa demande d'attribution des aides ait été justifié par son propre refus de se soumettre à l'obligation de transparence requise pour bénéficier desdites aides.

(169) Par ailleurs, en 1996, suite à l'annulation de la décision de la Commission du 18 mai 1993, le ministère de la Culture, soucieux de mettre un terme à la procédure, a rappelé à la SIDE que le régime d'aide aux petites commandes n'était pas par nature réservé au CELF. Il lui a proposé, par courrier du 3 septembre 1996, un entretien afin d'examiner si elle était en mesure de rendre, dans les mêmes conditions de transparence, les mêmes services que ceux rendus par le CELF.

(170) Lors d'un entretien qui s'est tenu le 26 septembre 1996, les dirigeants de la SIDE ont refusé la proposition qui leur était faite. Ils ont fait savoir au ministère de la Culture qu'ils refusaient de bénéficier d'un programme dont la compatibilité avec le droit communautaire pouvait être mise en cause par la Commission.

(171) Afin d'étayer son argumentation, la SIDE produit un rapport de la Fondation nationale des sciences politiques qui critique essentiellement le choix fait par les autorités françaises de ne pas verser directement les subventions aux libraires. À cet égard, la Commission rappelle que les autorités nationales restent libres de choisir le mode de subvention qui leur paraît le mieux adapté aux objectifs qu'elles poursuivent, sous réserve de respecter le droit communautaire pertinent. En tout état de cause, la Commission relève le manque de pertinence du document produit et note d'ailleurs que ses rédacteurs eux-mêmes portent un regard critique sur leur propre évaluation (50).

(172) Enfin, la SIDE maintient que les aides étaient inutiles. À cet égard, la Commission souligne que les bénéficiaires de l'aide étaient obligés de traiter toutes les commandes de moins de 500 FRF. Ceci garantissait que les livres francophones pouvaient atteindre toutes les librairies, y compris les plus petites dans des pays lointains, même dans l'hypothèse où elles n'avaient besoin que de quelques livres, d'ailleurs souvent publiés par différents éditeurs. Ceci n'était pas garanti par la SIDE qui d'ailleurs, ainsi que cela a déjà été indiqué, ne fournissait pas tous les pays.

(173) Aux termes des éléments qui précèdent, la Commission a pu constater que le "Programme petites commandes" était en principe accessible à toute entreprise qui en aurait fait la demande, dès lors qu'elle aurait accepté les conditions relatives à l'attribution des aides. Elle relève également que la SIDE, à partir de 1996, a clairement fait observer qu'elle ne souhaitait pas en bénéficier. Dans ces conditions, la Commission considère que les aides contestées n'étaient pas discriminatoires, et qu'elles étaient nécessaires pour atteindre les objectifs recherchés par les autorités françaises.

(174) En tout état de cause, la Commission considère que, même dans l'hypothèse où les aides en cause auraient pu être considérées jusqu'en 1996 comme exclusivement réservées au CELF, il appartenait aux autorités françaises d'apprécier quelles étaient les mesures les plus appropriées et utiles pour atteindre de façon optimale l'objectif poursuivi, dès lors que les aides n'allaient pas au-delà de ce qui était nécessaire à la réalisation de cet objectif ainsi qu'il sera démontré ci-après.

ii) Vérification de la Commission fondée sur les données chiffrées communiquées par les autorités françaises et la plaignante

Le marché de la commission à l'exportation de livres en langue française

(175) Le CELF et la SIDE, dans le cadre de leur activité de commissionnaire à l'exportation, distribuent des livres dans des pays et des territoires non francophones. En effet, dans les pays francophones, comme la Belgique, le Canada et la Suisse, le marché local est couvert par les grands éditeurs grâce à leurs filiales ou à leurs représentants.

(176) La commission à l'exportation ne joue donc qu'un rôle très marginal sur les marchés qui constituent les principaux débouchés pour les livres d'expression française, c'est-à-dire les trois pays susmentionnés.

(177) Il est constant que le CELF avait été créé, à la fin des années soixante-dix, pour pallier les carences d'un marché délaissé par les professionnels pour cause de non-rentabilité, et que l'aide litigieuse a eu pour objet de soutenir un segment manifestement non rentable de l'activité des commissionnaires.

(178) Dans sa décision 1999-133-CE, la Commission avait défini le marché sur lequel elle avait examiné les effets de l'aide litigieuse comme étant celui de l'exportation de livres en langue française "en général". Le Tribunal, suivant en cela l'argumentation de la SIDE, avait sanctionné cette analyse et estimé que la Commission avait commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où l'exportation de livres en langue française et la commission à l'exportation de livres en langue française ne constituaient pas des marchés substituables, mais des marchés distincts, le second étant un sous-marché du premier.

(179) La Commission, sans remettre en cause l'appréciation du Tribunal, observe que les pièces produites au cours de l'examen de l'affaire, tant par la SIDE (51) que par les autorités nationales, démontrent que les mécanismes de diffusion vers l'étranger de livres en langue française sont très divers (52), complémentaires, et parfois substituables, la commission à l'exportation constituant l'un des nombreux systèmes existants.

(180) La Commission relève que la SIDE et les autorités françaises semblent s'accorder pour reconnaître qu'il n'est pas toujours aisé de définir les contours exacts des différents marchés dans le secteur particulier de la diffusion du livre.

(181) La SIDE indique dans ses dernières observations que sont présents sur le marché national en cause des commissionnaires généralistes comme elle-même et le CELF. D'autres opérateurs, qu'elle définit tantôt comme des commissionnaires, tantôt comme des libraires exportateurs (53), vendent également, de façon marginale, directement aux utilisateurs finaux et seraient en concurrence de façon extrêmement marginale avec les deux commissionnaires généralistes.

(182) Les autorités françaises partagent pour partie l'analyse de la SIDE, tout en précisant que les libraires exportateurs auxquels la plaignante fait référence sont en réalité des commissionnaires spécialisés. Elles ajoutent à la liste des concurrents potentiels un certain nombre de librairies qui servent, même à titre occasionnel, des commandes aux libraires étrangers. La France précise que les librairies en ligne doivent désormais être comptées parmi les concurrents des commissionnaires généralistes, ce que la Commission considère comme pertinent même si les données précises, en termes de volume, concernant ce segment issu de l'utilisation des nouvelles technologies, sont encore indisponibles.

(183) Il convient de noter que la SIDE a communiqué à la Commission certaines données chiffrées visant à illustrer la "position dominante" occupée par le CELF (54) sur le sous-marché concerné.

(184) La Commission, ainsi que cela a été rappelé au considérant 29, ne se prononcera pas dans la présente décision sur la plainte de la SIDE fondée sur les articles 81 et 82 du traité, cette question faisant l'objet d'un examen distinct. À cet égard, il convient de préciser qu'une lettre communiquant l'intention préliminaire de la Commission de rejeter la plainte a été adressée à la SIDE le 7 août 2003.

(185) Cependant, et sans présumer de la position définitive qu'elle sera amenée à prendre dans l'autre branche du dossier, la Commission rappelle que le CELF, société interprofessionnelle, a été créé, ce qui n'est pas contesté au regard notamment des avis des tiers, pour combler les carences d'un marché désaffecté par la profession. Aussi, il n'est pas surprenant que les parts de marché détenues par cette entreprise soient très importantes.

(186) La Commission considère que la position du CELF sur le marché en cause reste toutefois sans lien direct avec la question de l'attribution des aides allouées. La Commission s'attache uniquement à vérifier la compatibilité de l'aide sur le marché de la commission à l'exportation au regard de l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité. Pertinence de la notion de "petite commandes" dans le cadre de la commission à l'exportation

(187) La commission à l'exportation de livres consiste à honorer des commandes peu importantes. Ce marché avaient été délaissé à la fin des années soixante-dix par les éditeurs et les distributeurs traditionnels, car insuffisamment rentable. La commission à l'exportation concerne donc, en tout état de cause, des petites commandes.

(188) La SIDE et les autorités françaises s'accordent sur la définition de la prestation en cause. En revanche, leurs positions divergent lorsqu'il s'agit d'identifier, au sein du marché de la commission à l'exportation, les commandes "moins importantes" (par exemple commande d'un ouvrage bon marché par une librairie africaine), qui génèrent des surcoûts tels que la prestation ne saurait être rentable.

(189) Le ministère de la Culture avait fixé le montant des "petites commandes" qu'il convenait de subventionner à un seuil de 500 FRF (76,22 euro). Les autorités françaises ont toujours précisé que certaines commandes inférieures à 500 FRF pouvaient être rentables, tandis que d'autres, supérieures à ce montant, pouvaient ne pas l'être. L'objectif était de trouver une méthode économiquement acceptable pour que des opérateurs veuillent bien prendre en charge les commandes délaissées, car insuffisamment rentables.

(190) La Commission a demandé à la plaignante et aux autorités françaises de s'expliquer sur la problématique de la rentabilité de l'activité. À cette fin, elle leur a notamment demandé de décrire les différentes tâches à exécuter pour accomplir la prestation, de façon à établir, le cas échéant, quelle pouvait être l'origine des surcoûts à compenser.

(191) Les autorités françaises et la SIDE s'accordent globalement en ce qui concerne le processus de traitement des commandes, décrit à l'annexe III par la SIDE et non contesté par les autorités françaises.

(192) Leurs divergences concernent donc essentiellement la question de la rentabilité qui s'attache aux prestations. Pour la SIDE, toutes les commandes sont rentables quelle qu'en soit la nature. Pour les autorités françaises, certaines prestations ne le sont manifestement pas, ce qui justifie les aides allouées.

(193) La Commission relève à cet égard certaines affirmations de la SIDE, qui, lues conjointement, peuvent apparaître comme contradictoires. Ainsi en est-il des affirmations suivantes: "les clients les plus intéressants sont ceux qui ont un fort volume de commandes", et "les petites commandes sont dans l'ensemble plus rentables à traiter que les commandes plus importantes".

(194) La Commission a pu observer que la SIDE et le CELF ne semblaient pas viser systématiquement le même type de clientèle. La SIDE s'intéresserait plus spécifiquement à une clientèle institutionnelle, tandis que le CELF privilégierait plutôt une clientèle de libraires. La SIDE conteste ce dernier point. Cependant, elle n'a pas souhaité communiquer à la Commission, comme cette dernière le lui avait demandé, des précisions quant à la typologie de sa clientèle. La plaignante a simplement fait valoir, dans ses commentaires écrits, que le nombre de ses clients, entre 1991 et 2002, avait été de 1 308 et qu'elle servait le même type de clients que le CELF.

(195) Afin de vérifier la pertinence des commentaires contradictoires produits, la Commission a reconstitué, à partir de données communiquées tant par la SIDE que par les autorités françaises, les tableaux comparatifs 3 a), 3 b) et 3 c) suivants :

<emplacement tableau>

(196) La Commission constate que les données reproduites aux tableaux 3 a), 3 b) et 3 c) montrent que si le CELF, hormis ce qu'il considère comme "petites commandes", vend un nombre de livres moyen par facture comparable à la SIDE (44 contre 41 en 1999, 46 contre 53 en 2000 et 48 contre 48 en 2001), il répond également à un grand nombre de commandes particulièrement petites (inférieures en moyenne à trois livres et d'une valeur moyenne approximative de 35 euro): 9 688 commandes en 1999, 8 763 en 2000 et 7 702 en 2001. Il s'ensuit que globalement (colonne "CELF total"), le nombre de livres par commande est nettement plus faible pour le CELF que pour la SIDE: 28 contre 41 en 1999, 28 contre 53 en 2000 et 31 contre 48 en 2001.

(197) Il résulte de ce qui précède que l'activité du CELF est tout particulièrement caractérisée par un grand nombre de très petites commandes (en moyenne moins de trois livres et environ 35 euro), ce qui le distingue nettement de la SIDE et pouvait fonder l'allocation des aides en cause. Vérification des éléments générateurs des aides: les surcoûts liés au "Programme petites commandes"

(198) Après avoir constaté la pertinence du critère de "petites commandes" comme élément de référence pour justifier l'allocation des aides, la Commission a procédé à l'analyse des données de comptabilité analytique fournies par les autorités françaises. Ces éléments comptables justifient les surcoûts du CELF sur le segment "petites commandes". Les éléments communiqués par les autorités françaises à la Commission concernent l'année 1994, année au cours de laquelle le CELF a reçu du ministère de la Culture une subvention de 2 000 000 de FRF (304 900 euro).

(199) La vérification de la Commission porte sur les éléments de comptabilité analytique se référant aux coûts des petites commandes d'une valeur de moins de 500 FRF. La Commission a pris bonne note des explications fournies par les autorités françaises qui indiquent que le seuil de 500 FRF retenu pour définir une "petite commande" a été déterminé de manière empirique (56).

(200) Les autorités françaises ont proposé une démonstration du fait que le traitement des petites commandes entraîne des surcoûts évidents. Elles explicitent ce dernier argument au regard d'une analyse de coûts qui s'appuie sur les éléments de base du tableau 4 suivant pour l'année de référence 1994.

<emplacement tableau>

(201) Ainsi que cela est décrit en détail à l'annexe III, le traitement d'une commande nécessite que plusieurs tâches soient accomplies:

a) a réception du bon de commande du libraire;

b) la codification de la commande;

c) la saisie de la commande ;

d) l'envoi de la commande chez l'éditeur;

e) la réception des ouvrages;

f) l'attribution pour chaque client d'un emplacement physique, la "case" dans laquelle les livres commandés sont stockés;

g) l'emballage.

(202) L'approche analytique de la comptabilité permet d'enregistrer l'ensemble des flux relatifs aux opérations mentionnées ci-dessus. Une facture de 100 FRF génère en principe autant de travail qu'une facture de 10 000 FRF.

(203) Les explications des autorités françaises ont permis à la Commission d'estimer les coûts et de les attribuer aux différentes tâches liées au traitement d'une commande. La rentabilité d'une commande dépend notamment du type et du nombre de livres concernés, de l'exactitude des informations contenues dans le bon de commande ainsi que de la difficulté d'exécution de la commande - 20 % des commandes du CELF et 4,5 % de celles de la SIDE pouvant être considérées comme "difficiles" à exécuter (57). De surcroît, les commandes d'une valeur inférieure à 500 FRF concernent, dans 67 % des cas, des maisons d'édition de type artisanal (58). Enfin, le traitement des petites commandes implique la gestion d'une multitude de petits comptes.

(204) Les coûts seront plus élevés pour les petites commandes dans la mesure où quel que soit le montant d'une commande, l'opérateur qui la traite doit nécessairement répéter, pour chacune d'elle, les mêmes opérations matérielles. Une entreprise qui traite de nombreuses petites commandes devra mettre en œuvre une organisation susceptible d'assumer la multiplication des différentes étapes du processus de traitement et donc les coûts supplémentaires que cela implique.

(205) Les autorités françaises expliquent que, pour chaque type d'opération, un coefficient a été appliqué. À cette fin, il a été tenu compte des diverses actions mises en œuvre lors de chacune des opérations telles que décrites à l'annexe IV.

(206) Sur la base des informations transmises par la France, la Commission est en mesure de conclure que pour l'année 1994, les coûts pour le traitement des petites commandes s'élevaient à 4 446 706 FRF. Le chiffre d'affaires des commandes inférieures à 500 FRF était de 2 419 006 FRF. Les aides pour cette même année s'étaient élevées à la somme de 2 000 000 FRF. Il en résulte un résultat d'exploitation d'un montant de - 27 700 FRF.

Chiffre d'affaires 2 419 006 FRF

Subventions 2 000 000 FRF

Revenu total 4 419 006 FRF

Coûts de traitement - 4 446 706 FRF

Résultat d'exploitation - 27 700 FRF

(207) La Commission conclut en conséquence que les aides d'un montant de 2 000 000 FRF n'étaient pas susceptibles de surcompenser les coûts engendrés par le traitement des petites commandes.

(208) Afin de vérifier la pertinence des éléments communiqués pour l'exercice de référence 1994, la Commission a demandé des informations complémentaires aux autorités françaises concernant l'activité de traitement des petites commandes du CELF pour d'autres périodes. Les pièces et explications transmises par la France pour d'autres exercices montrent que la structure des petites commandes (chiffre d'affaires par rapport au nombre de petites commandes, quantité de livres commandés, nombre de factures s'y rapportant, nombre de clients, lignes de commandes, etc.) restait stable d'une année sur l'autre. Dans ces conditions, la Commission considère que les données de 1994 peuvent raisonnablement servir de référence pour l'appréciation de la Commission.

(209) La Commission a également pu vérifier, aux termes des conventions qui lui ont été communiquées, que toute somme excédentaire éventuelle était déduite du montant de l'aide versée l'année suivante. L'aide n'était donc pas susceptible de financer d'autres activités commerciales du CELF, contrairement aux allégations de la SIDE et de plusieurs tiers intervenus dans la procédure. (210) En effet, les aides étaient attribuées annuellement sur la base de la communication par le CELF d'éléments comptables, dont des comptes d'emploi, justifiant des surcoûts engendrés par le programme "petites commandes". Les aides n'étaient donc pas susceptibles d'être utilisées à d'autres fins que celles pour lesquelles elles avaient été attribuées.

Appréciation des erreurs relevées par la SIDE

(211) La SIDE a fait observer à la Commission dans ses derniers commentaires que les éléments de comptabilité qui avaient été communiqués par les autorités françaises à la Commission pour justifier l'existence de surcoûts, lors de la seconde phase de la procédure, contenaient certaines erreurs. Les autorités françaises ont été saisies de cette question et ont présenté à la Commission les explications utiles.

(212) La SIDE a relevé que les autorités françaises avaient inversé les pourcentages des commandes télétransmises avec ceux des commandes adressées sur papier. La Commission a pu vérifier que l'incidence financière de l'inversion représentait une somme de 0,24 euro par livre sur le coût d'une petite commande. Cette différence n'est pas de nature à remettre en cause le mécanisme de compensation présenté par la France.

(213) En ce qui concerne les variations de chiffre d'affaires que la SIDE a pu relever au sein des premiers éléments comptables produits par la France, la Commission confirme que les autorités françaises avaient elles-mêmes procédé aux rectifications nécessaires dès l'ouverture de la procédure, en 1996, et que, en conséquence, les allégations reprises dans les derniers commentaires de la SIDE ne sont pas fondées.

(214) La variation des autres données chiffrées s'explique par le fait que, dans un cas, il est fait référence au produit généré par la vente des livres seuls (2 284 536 FRF) alors que dans l'autre, le chiffre communiqué (2 535 818 FRF) correspond au produit généré par les livres et les produits annexes (emballages, assurances et transport).

(215) La SIDE a cru pouvoir relever également certaines "distorsions" entre la comptabilité générale et la comptabilité analytique concernant les données relatives aux salaires. Les autorités françaises précisent que ces différences s'expliquent par le fait que certaines taxes ne sont pas comprises dans les charges sociales figurant sur la liasse fiscale et sont cependant directement rattachées aux salaires. La Commission a pu vérifier l'exactitude de cette explication au regard des pièces comptables qui lui ont été communiquées.

(216) La Commission considère en conséquence que les observations additionnelles de la SIDE sur l'inexactitude des données comptables transmises par les autorités françaises, lors de l'ouverture de la procédure en 1996, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation de la Commission concernant la pertinence des données comptables justifiant la compensation des surcoûts générés par les petites commandes. Contraintes additionnelles du CELF

(217) La Commission a pu constater, sur la base de l'analyse des pièces produites par la plaignante elle-même, que l'offre du CELF était beaucoup plus large que celle de la SIDE (3 000 éditeurs proposés par le CELF, 200 proposés par la SIDE).

(218) La Commission a pris note de cet élément (qui n'est pas pris en compte pour le calcul des surcoûts) et observe que l'offre élargie du CELF répond aux exigences du ministère de la Culture, qui consistaient à assurer une diffusion la plus large possible de livres en langue française. L'offre de la SIDE, qui précise cependant qu'elle peut satisfaire tout type de demandes, ne tient pas compte, ce qui apparaît tout à fait légitime, de cet objectif culturel.

(219) Les autorités françaises ajoutent que le CELF a été souvent amené à prendre des risques financiers. Ainsi, il a continué à assurer ses services dans certains pays sinistrés comme cela fut le cas pour l'Algérie ou plus récemment pour l'Argentine. Il a pu également assurer des prestations dans certains pays qui ne bénéficiaient pas de la garantie Coface.

(220) La SIDE assume tout à fait légitimement ses choix commerciaux et indique ne pas souhaiter intervenir dans des zones difficiles comme l'Afrique subsaharienne ou encore dans des pays non couverts par la Coface. Elle précise qu'il s'agit de décisions qui relèvent de la stratégie de développement commercial des entreprises, et qu'elle a pour sa part opéré d'autres choix.

iii) Vérification de la Commission concernant les transferts de clientèle dénoncés par la SIDE

Transferts de clientèle de la SIDE vers le CELF

(221) La Commission a constaté que les allégations de la SIDE concernant les transferts de clientèle n'étaient pas fondées, sur la base d'une analyse des explications et des documents produits par la SIDE elle-même.

(222) Ainsi, la Commission a demandé à la SIDE de justifier des transferts de clientèle dont elle aurait été victime, du fait des remises avantageuses que "seul le CELF" était en mesure d'offrir grâce aux aides perçues. À cette fin, la SIDE a produit un très volumineux document (59), dont les données étaient inexploitables, sous cette forme, par la Commission, notamment parce que lesdits transferts n'y étaient absolument pas apparents. La Commission a demandé des explications complémentaires à la SIDE sur ce point, qui a pu notamment (60) préciser qu'un client, "Librairie française de Milan", se serait progressivement détourné de ses services au profit de ceux du CELF, au cours de l'année 1987/1988, le CELF ayant proposé à ce client des remises plus attractives.

(223) Les autorités françaises ont fait valoir en réponse que le marché italien était connu pour son caractère concurrentiel, et qu'en outre la progression du chiffre d'affaires du CELF avec ladite librairie n'avait été sensible qu'à partir de l'année 1999, c'est-à-dire bien après la période invoquée par la SIDE.

(224) La Commission a pu constater que les autres exemples cités par la SIDE n'apparaissaient pas plus pertinents (61). Ainsi, une des librairies citées par la SIDE, la librairie Grupodis de Madrid, n'a jamais été un client important du CELF, ou encore les librairies japonaises citées sont en fait de grand comptes clients qui ne sont pas concernés par le segment de marché "petites commandes".

(225) Par ailleurs, la liste des remises communiquées par la SIDE n'est pas de nature à justifier que celles qu'elle propose seraient moins attractives que celles proposées par le CELF. Ainsi, sur les 28 éditeurs que la SIDE a sélectionnés pour illustrer sa démonstration, la Commission constate qu'elle offre des remises plus attractives dans 16 cas, contre 12 pour le CELF (62). L'écart est encore plus important si l'on prend en compte les cinq points supplémentaires de remise accordés par la SIDE pour les commandes de plus de 10 exemplaires par titre, puisque dans ce cas, le CELF n'offre plus de meilleures remises que pour 6 éditeurs contre 22 pour la SIDE.

(226) La Commission considère donc que la réalité des transferts de clientèle de la SIDE vers le CELF, qui auraient pour origine des remises plus attractives proposées par le CELF à ses clients, grâce aux aides qu'il a pu percevoir, n'est pas établie.

Transfert de clientèle du CELF vers la SIDE

(227) Comme il a été relevé au considérant 69, dans une lettre du 12 août 2002 à la Commission, la SIDE affirme que le CELF appliquerait depuis au moins deux ans des conditions dissuasives aux "petits comptes". La SIDE fait valoir que "cette politique ne fait également qu'accroître la distorsion de concurrence par SIDE puisque, dans ces conditions, certains anciens clients du CELF qui ont de "petits comptes" se tournent maintenant vers SIDE [...]. Cependant, pour la SIDE, il est bien évident que les clients les plus intéressants sont ceux qui ont un fort volume de commandes [...]".

(228) La Commission constate en premier lieu que les adaptations tarifaires dénoncées (63) sont intervenues dans la période où les aides en cause avaient été supprimées et/ou très sensiblement réduites, c'est-à-dire à partir du moment où le CELF a dû trouver des solutions alternatives pour continuer à tenter de satisfaire les petites commandes qui lui étaient adressées.

(229) La Commission a procédé à une comparaison (64) des données chiffrées des deux entreprises, et constate qu'il n'en ressort aucun élément qui soit susceptible de confirmer les propos de la SIDE relatifs aux récents transferts de clientèle qu'elle dénonce. En effet, la Commission ne constate pas d'augmentation du nombre de factures établies par la SIDE. En 1999, elles étaient au nombre de 2 187, et en 2000 au nombre de 2 137; quant au nombre des clients, la Commission rappelle qu'elle ne peut opérer de comparaison sur ce point, faute d'avoir pu obtenir de données de la part de la SIDE.

(230) La Commission ne relève pas non plus d'éléments qui seraient susceptibles de montrer que le nombre de "petites commandes" servies par la SIDE aurait augmenté depuis que le CELF ne perçoit plus d'aides. Au contraire, les chiffres communiqués par la SIDE montrent que le nombre moyen de livres par facture augmente, passant de 40,31 en 1999 à 49,38 en 2001, alors que le report de clientèle du CELF vers la SIDE, s'il était avéré, aurait dû se traduire par une diminution du nombre moyen de livres par facture.

(231) La Commission note enfin que le nombre moyen de livres vendus par ligne par la SIDE est encore supérieur à la moyenne de ceux vendus par le CELF, et ce pour l'ensemble de son activité et non pas pour les seules petites commandes. En conséquence, la suppression des aides n'a pas entraîné de redéploiement des clients du CELF vers la SIDE.

(232) En tout état de cause, dans l'analyse des aides d'État, seules les distorsions de concurrence causées par ces aides sont pertinentes, et non les effets de la réduction et/ou de la suppression des aides, considérés comme négatifs par la SIDE. Conclusions de la Commission concernant les transferts de clientèle

(233) La Commission considère, au vu des données communiquées tant par la SIDE que par les autorités françaises, que les seules conséquences visibles de la suppression des aides résident dans une diminution du chiffre d'affaires des petites commandes servies par le CELF et dans une réduction sensible du nombre de ses clients (- 17,34 % entre 1999 et 2001) ainsi que l'illustre le tableau 5 suivant.

<emplacement tableau>

(234) La Commission considère également que les commentaires de la SIDE viennent contredire ses propres affirmations, selon les quelles seul le nombre de lignes saisies par le prestataire devait être pris en considération, et que le montant global de la commande est indifférent en termes de rentabilité. Si cela était le cas, la SIDE n'aurait aucune raison pour considérer que le transfert allégué de clientèle du CELF vers ses services (qui de plus ne ressort pas des données chiffrées produites) accroît la distorsion de concurrence subie par la SIDE (65). En outre, la Commission relève que la SIDE semblerait se contredire lorsqu'elle indique, dans une note en date du 9 décembre 2002, que "... les petites commandes sont dans l'ensemble plus rentables à traiter que les commandes importantes".

(235) Le tableau 6, reconstitué par la Commission à partir des données communiquées par les autorités françaises et par la SIDE, montre qu'il n'y a pas de lien automatique entre les hausses et les baisses de chiffre d'affaires de la SIDE et les augmentations ou les diminutions des subventions octroyées.

<emplacement tableau>

(236) Les données chiffrées, communiquées tant par le CELF que par la SIDE, ont permis à la Commission d'établir que le niveau des aides versées au CELF n'avait pas d'incidence automatique sur les activités et les résultats de la SIDE, seul autre commissionnaire généraliste sur le marché (66). Par exemple, sur plusieurs années, le chiffre d'affaires de la SIDE diminuait même si l'aide attribuée au CELF diminuait.

(237) La Commission a pu observer par ailleurs qu'une conséquence visible et significative de la suppression des aides au CELF sur le marché avait été une baisse de son chiffre d'affaires "petites commandes" et une diminution du nombre de ses "petits comptes".

(238) La Commission constate, en se référant aux données chiffrées communiquées, que sans les aides, une partie des demandes ne semble plus être satisfaite aujourd'hui par le CELF, sans que la SIDE profite de la désaffection constatée.

(239) La Commission a pu de surcroît constater que pour la période 1994-2001, les subventions attribuées n'avaient pas couvert la totalité du déficit du "Programme petites commandes", et ont représenté une part relativement faible du chiffre d'affaires global du CELF: de 3,95 % en 1994 à 0,29 % en 2001 (67).

(240) Aux termes de l'ensemble des éléments qui viennent d'être analysés, il apparaît que les aides contestées concernent une part extrêmement marginale de l'activité de la commission à l'exportation, qui n'aurait manifestement pas été réalisée sans les aides en cause. La Commission a également pu constater que les aides octroyées par la France n'étaient pas de nature à surcompenser les coûts inhérents à l'activité en cause.

(241) La Commission rappelle également, comme cela a été mentionné aux considérants 132 et suivants, que l'affectation des échanges et la distorsion de concurrence au niveau communautaire sont, en l'espèce, très limités. Ces éléments doivent être pris en compte par la Commission lorsqu'elle apprécie la compatibilité des aides avec l'article 87, paragraphe 3, du traité, comme l'a clairement indiqué le Tribunal dans l'arrêt du 27 janvier 1998 dans l'affaire Ladbroke Racing Ltd contre Commission (68).

(242) En conséquence, les aides attribuées aux CELF dans le cadre du "Programme petites commandes" n'étaient pas de nature à altérer la concurrence et les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. L'intervention des autorités françaises était proportionnelle à l'objectif poursuivi, elle a exclusivement permis qu'une partie de la demande qui n'aurait pas été satisfaite puisse être servie en dehors de tout souci de rentabilité de la part de l'entreprise prestataire.

B. APPLICABILITÉ DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 86, PARAGRAPHE 2, DU TRAITÉ

1. POSITION DES AUTORITÉS FRANÇAISES

(243) Les autorités françaises soutiennent, comme elles l'avaient fait en 1998 (69), que le CELF a été investi d'une mission de service public, et que, en conséquence, les mesures contestées doivent être appréciées au regard des dispositions de l'article 86, paragraphe 2, du traité, qui dispose que "Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté."

(244) À cet égard, les autorités françaises ont communiqué plusieurs textes (70) qui seraient, selon elles, de nature à confirmer le caractère de service d'intérêt économique général qui s'attache à la mission confiée au CELF.

(245) Les autorités françaises ont indiqué, sur le fondement de ces textes, que la direction du livre et de la lecture avait conclu jusqu'en 2001 des conventions annuelles avec le CELF, qui définissent les objectifs de la collaboration entre le ministère et le CELF, ainsi que les obligations respectives des parties.

(246) Les autorités françaises ont communiqué plusieurs de ces conventions. La première, en date du 25 avril 1991, dispose à son article 1er que "le ministère apporte son aide aux activités de regroupement des petites commandes de livres par le CELF, destinées à l'étranger... ". Une autre convention, en date du 23 octobre 1997, mentionne, semble-t-il pour la première fois, que "le ministère apporte son aide aux charges opérationnelles de service public du CELF, liées aux petites commandes". Les conventions conclues par la suite, jusqu'en 2001, sont identiques, sauf en ce qui concerne le montant des aides octroyées.

2. ÉVALUATION PAR LA COMMISSION

(247) La Commission a déjà conclu dans la présente décision que l'aide accordée au CELF est une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité et qu'elle est compatible avec le Marché commun en application de l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité. Par conséquent, conformément à la jurisprudence de la Cour (71), il n'y a pas lieu pour la Commission d'apprécier plus avant les activités subventionnées du CELF à la lumière de l'article 86, paragraphe 2, du traité. Cette position a été confirmée par la Cour dans son arrêt du 22 juin 2000 (72), la Cour ayant conclu que même une aide justifiée sur la base de l'article 86, paragraphe 2, du traité doit être notifiée à la Commission. Il n'est dès lors pas nécessaire de déterminer si les aides au CELF sont également justifiées au titre de l'article 86, paragraphe 2, du traité.

(248) La Commission note qu'entre-temps, dans l'arrêt Altmark (73), en date du 24 juillet 2003, la Cour a précisé dans quelles conditions une subvention à une entreprise chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général ne constitue pas une aide d'État. Or, la Commission constate qu'en l'espèce ces conditions ne sont pas réunies. D'abord, la Commission considère que la condition prévue au point 89 de l'arrêt Altmark n'a pas été respectée, puisque la base juridique de l'aide ne concerne pas expressément le CELF. Ensuite, la Commission considère que le point 90 dudit arrêt, qui concerne la fixation préalable des paramètres sur la base desquels est calculée la compensation, n'a pas non plus été observé, même si l'aide n'a pas dépassé globalement le montant nécessaire pour compenser les frais afférents aux traitements des petites commandes.

VI. CONCLUSION

(249) Eu égard à ce qui précède, il apparaît que les aides en cause répondent aux exigences fixées par les dispositions de l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité, en ce qu'elles sont proportionnées à l'objectif culturel poursuivi. Il a en effet été constaté par la Commission qu'elles n'étaient pas de nature à altérer les échanges et la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun,

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'aide en faveur de la Coopérative d'exportation du livre français (CELF) pour le traitement des petites commandes de livres d'expression française, mise à exécution par la France entre 1980 et 2001, constitue une aide relevant de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Étant donné que la France a omis de notifier cette aide à la Commission avant de la mettre en œuvre, celle-ci a été octroyée illégalement. L'aide est cependant compatible avec le Marché commun au titre de l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité.

Article 2

La République française est destinataire de la présente décision.

Notes

(1) JO C 366 du 5.12.1996, p. 7.

(2) Affaire T-155-98, Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) contre Commission, Rec. 2002, p. II - 1179.

(3) JO L 44 du 18.2.1999, p. 37.

(4) Le soulignement correspond à la phrase annulée par le Tribunal.

(5) Extrait du courrier de la SIDE en date du 20 mars 1992.

(6) La SIDE indique notamment que le ministère de la Culture lui a refusé l'accès aux aides qui sont octroyées au CELF.

(7) Décision NN 127/92 "Aides aux exportateurs de livres français" (JO C 174 du 25.6.1993, p. 6).

(8) Affaire T-49-93, Société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) contre Commission, Rec. 1995, p. II - 2501.

(9) Devenu par la suite le programme "À l'Est de l'Europe".

(10) Voir la note 1 de bas de page.

(11) Affaire C-332-98, France contre Commission, "Aide à la Coopérative d'exportation du livre français", Rec. 2000, p. I - 4833.

(12) En outre, le ministère de la Culture assistait en tant qu'observateur invité aux conseils d'administration et aux assemblées générales du CELF.

(13) Société familiale créée en 1980.

(14) Voir le considérant 3.

(15) La Commission précise que ce programme permet d'accorder des remises aux libraires sur les prix publics. Le CELF participe au programme au même titre que d'autres opérateurs; il ne s'agit pas dans ce cas de commission à l'exportation.

(16) Assurance qui couvre les risques liés au paiement des produits exportés. La SIDE refuse de livrer dans des pays non couverts.

(17) Elle produit notamment à cette fin un document intitulé "Détermination des préjudices subis par la SIDE du fait des subventions versées par le ministère de la Culture au CELF entre le 1er avril 1980 et le 31 mars 1996".

(18) Années 2000/2002. Il s'agit de la période comprise entre le début des baisses significatives de subventions et leur suppression.

(19) La SIDE produit notamment un courrier du CELF en date du 18 mars 2002 qui informe un client allemand d'une modification de ses conditions générales de vente pour les "petits comptes", qui se traduit par une augmentation de ses tarifs.

(20) Voir la note 1 de bas de page.

(21) À noter que deux des tiers intervenants ont été rachetés par le CELF, Monsieur Van Ginneken étant également intervenu au nom d'Hexalivre en 1996.

(22) Ancien représentant multicartes du CELF dont les relations avec le CELF "se sont mal terminées". Il a été racheté par le CELF.

(23) Référence aux années 1996/1997.

(24) Pour information, la Commission a pu relever que les coopérateurs du CELF sont en moyenne une centaine, alors que le marché compte plusieurs milliers d'éditeurs.

(25) Hexalivre a été rachetée en 1998 par une filiale du CELF, qui a elle-même été depuis rattachée au CELF.

(26) Gras et soulignement ajoutés par la Commission.

(27) Le CELF, selon Tec et Doc, devrait limiter ses activités à la commission à l'exportation et ne pas intervenir dans le domaine de l'exportation du livre scientifique.

(28) Les petites commandes représentent, selon le SNIEL, 6 % de l'activité du CELF, ce qui signifie, selon ce syndicat, que le "CELF a développé 94 % de son activité dans des domaines où il n'était pas prévu à l'origine qu'il intervienne".

(29) Un courrier du Syndicat national de l'édition en date du 18 juillet 1980, communiqué par la plaignante, vient corroborer ce fait.

(30) Cette association regroupait un certain nombre d'éditeurs dont les axes d'intervention étaient le développement de la présence du livre français à l'étranger et le soutien aux investissements des éditeurs exportateurs. Cette association bénéficiait du soutien de l'État via la direction du livre et de la lecture du ministère de la Culture.

(31) Une seule entreprise étrangère est à l'heure actuelle membre du CELF. Il s'agit de l'éditeur Casterman dont le siège social est en Belgique; il s'agit d'une filiale française de Flammarion, elle-même filiale de l'Italien Rizzoli.

(32) Avant une délibération de l'assemblée générale en date du 29 juin 1994, les statuts du CELF faisaient expressément référence aux petites commandes. Il y était indiqué, dans ce qui était alors l'article II des statuts, que "la Coopérative a pour objet de traiter directement ou de faciliter le traitement des petites commandes vers l'étranger et les territoires et départements d'outre-mer ...".

(33) Ce marché n'étant pas identifiable au sein des statistiques douanières.

(34) Certaines entreprises, Servedit, pour l'Afrique francophone de 1988 à 1993, et l'École des loisirs, en 1995, pour les pays du bassin méditerranéen, ont pu bénéficier d'aides de même nature mais sur des secteurs spécialisés.

(35) Seule autre entreprise à en avoir fait la demande.

(36) Jusqu'en 2001 puisque la subvention a été supprimée à partir de 2002.

(38) Le CELF est exclusivement commissionnaire pour les livres en langue française, ce qui n'est pas le cas de la SIDE qui traite également les livres en d'autres langues.

(39) L'activité du CELF, contrairement à celle de la SIDE, est exclusivement tournée vers l'exportation.

(40) www.celf.fr

(41) Courrier du conseil de la SIDE à la Commission du 7 septembre 1992.

(42) COM(2003)520 final.

(43) Courriers de la SIDE en date des 22 mai et 4 juin 1991.

(44) Voir le considérant 81.

(45) Voir le considérant 10.

(46) Bulletin des Communautés européennes, 9- 1984.

(47) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(48) Voir le considérant 10.

(49) Au moins jusqu'en 1991. Voir les considérants 79 et suivants.

(50) Page 163 du rapport communiqué par la SIDE.

(51) La SIDE fait elle-même référence, dans plusieurs de ses commentaires écrits, à des aides à l'exportation de livres.

(52) Voir le considérant 90.

(53) Courriers en date du 7 septembre 1992 et du 9 décembre 2002 concernant "Aux amateurs du livre international".

(54) Le CELF serait passé de 86,60 % de part de marché en 1992, à 92,75 % en 2001, ce qui signifierait que le montant des aides est sans influence sur la position du CELF, les aides qui lui ont été attribuées ayant été en constante diminution depuis 1996/1997.

(55) La Commission regrette que la SIDE n'ait pas souhaité produire de données concernant le nombre de ses clients et la valeur moyenne d'un compte client.

(56) Voir les considérants 112 et 113.

(57) Pourcentages communiqués par les autorités françaises pour le CELF et par la SIDE pour elle-même.

(58) Les grandes maisons d'édition suscitent en principe des commandes plus importantes; elles impliquent souvent la diffusion d'ouvrages "grand public", vendus généralement en grande quantité.

(59) Document intitulé "Détermination des préjudices subis par la SIDE du fait des subventions versées par le ministère de la Culture au CELF entre le 1er avril 1980 et le 31 mars 1996".

(60) Cinq autres exemples sont donnés par la SIDE.

(61) Les autorités françaises contredisent les autres exemples donnés par la SIDE.

(62) La présentation initiale des remises par la SIDE faisait référence à la liste des remises consenties par le CELF sur le prix public France TTC, alors que les ventes exports se font sur la base d'un prix hors taxe. C'est sur la base d'une liste de prix ainsi corrigés que la comparaison est désormais établie.

(63) Les modifications tarifaires du CELF ne sont pas contestées par la France qui a indiqué qu'il avait dû momentanément revoir ses tarifs "petits comptes"suite à la diminution des aides.

(64) Voir également les tableaux 3A, 3B et 3C.

(65) La SIDE, pour commenter ce point, a précisé que "Il est bien évident que les clients les plus intéressants sont ceux qui ont un fort volume de commandes, - non parce que les autres ne seraient pas rentables, mais tout simplement parce que, comme toute entreprise commerciale, il est toujours préférable d'avoir des clients générant un gros volume d'affaires".

(66) Pour mémoire, la Commission rappelle que des aides ponctuelles de même nature que celles aujourd'hui en cause avaient été versées à deux autres entreprises, Servedit et l'Ecole des Loisirs.

(67) Voir également sur ce point l'annexe II.

(68) Affaire T-67-94, Recueil p. II - 1. Voir en particulier les points 150 à 162.

(69) Voir le considérant 24.

(70) Voir le considérant 102.

(71) Arrêt du 15 mars 1994, affaire C-387-92, Banco Exterior de España c/Ayuntamiento de Valencia, Recueil p. I-0877.

(72) Voir les considérants 24 et suivants.

(73) Affaire C-280-00, Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg c/Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH, Recueil p. I-7747.

ANNEXE I

Tableau concernant l'évolution des aides attribuées depuis 1980 en euro

1980 : 91 470

1981 : 91 470

1982 : 205 510

1983 : 164 640

1984 : 137 200

1985 : 141 780

1986 : 248 490

1987 : 214 950

1988 : 213 430

1989 : 259 160

1990 : 304 900

1991 : 373 500

1992 : 422 280

1993 : 382 650

1994 : 304 900

1995 : 304 900

1996 : 304 900

1997 : 243 920

1998 : 182 940

1999 : 121 960

2000 : 60 980

2001 : 38 110

2002 : 0

ANNEXE II

Vers une diminution de la compensation des charges du CELF

Éléments communiqués par les autorités françaises

<emplacement tableau>

ANNEXE III

Le processus de traitement des commandes

Éléments extraits des commentaires de la Side

Nouveau client

a) Envoi à l'acheteur d'un dossier qui comprend:

- les conditions générales de vente (adresse électronique, télécopieur ou poste)

- la demande d'ouverture d'un compte (adresse électronique, télécopieur ou poste).

b) Après réception de la demande d'ouverture de compte, vérification de la solvabilité du client auprès de la Coface.

c) L'ouverture ne pose pas de problème: ouverture du compte au client.

d) L'ouverture pose problème: le client ne pourra être servi que sur "proforma" c'est-à-dire après paiement d'un devis).

Client titulaire d'un compte

a) Identification du client (notamment grâce à son numéro de compte)

Saisie de l'article commandé (recherche parmi 640 000 titres, ceci comprend les livres, cassettes audio, CD audio et CD Rom).

Saisie; une fois l'article identifié; introduction de la quantité, la date de la commande, la référence du client, validation de la saisie.

- Si d'autres lignes de commandes doivent être saisies, on réitère l'opération.

- Il reste possible de modifier le mode d'expédition des commandes en fonction du souhait du client.

b) L'ouvrage commandé n'est pas dans la base de données

- Saisie manuelle de l'article

On indique, le titre, le nom de l'auteur, l'ISBN, l'éditeur, le fournisseur.

c) Chaque commande d'un livre génère automatiquement une commande "fournisseur".

d) Un logiciel transmet automatiquement les commandes vers les fournisseurs équipés donc référencés.

e) Les bons de commandes sont alors automatiquement imprimés et sont transmis par télécopieur, par poste, ou par coursiers aux fournisseurs concernés.

Réception des marchandises

a) Livraison des marchandises - par la poste ou par un coursier.

b) Vérification de la concordance des factures ou bons de livraison avec les colis.

c) Entrée dans le logiciel de réception des marchandises qui permet d'identifier l'ouvrage et son destinataire.

d) Les réclamations éventuelles sont retransmises automatiquement auprès des fournisseurs.

e) L'ordinateur imprime alors, pour chaque client concerné la liste des livres reçus pour lui et "le numéro de sa case".

f) Lorsque la commande est complète ou si l'on décide que les ouvrages d'un client doivent être expédiés, on prépare le colis pour expédition. On procède à l'indication du poids et du prix du transport s'il y a lieu.

Facturation et expédition

a) Les factures sont imprimées automatiquement, de même que le bordereau d'expédition. L'expédition se fait selon le mode choisi par le client. La génération comptable des factures se fait automatiquement. Les factures sont adressées par courrier aux clients.

b) Les relevés sont édités chaque fin de mois, à la suite de quoi les paiements sont reçus en fonction des échéances de chaque client. Donc dans ce contexte on présume que les clients concernés sont en compte.

c) Mode de paiement: carte de crédit - Les montants les plus importants sont réglés par virements bancaires ou par chèques, parfois par lettre de crédit.

ANNEXE IV

Vérification des éléments de la comptabilité analytique du CELF - 1994

Sur la base des informations communiquées par les autorités françaises

Données chiffrées en francs et en euro

FRF euro

Coût d'achat de livres 2 068 293 FRF ; 315 309 euro

- achat 2 026 011 FRF ; 308 863 euro

- transport et coursiers 42 282 FRF ; 6 446 euro

Frais de personnel 1 670 963 FRF ; 254 737 euro

- réception (des ouvrages) main-d'œuvre directe 217 641 FRF ; 33 179 euro

- emballage main-d'œuvre directe 53 409 FRF ; 8 142 euro

- service commercial main-d'œuvre directe

- zone 1 : 149 770 FRF ; 22 832 euro

- zone 2 : 157 627 FRF ; 24 030 euro

- zone 3 : 49 390 FRF ; 7 529 euro

- salaires services généraux 1 022 285 FRF ; 155 846 euro

- salaires marketing 20 841 FRF ; 3 177 euro

Frais généraux 518 926 FRF ; 79 110 euro

- emballages consommés 14 770 FRF 2 252 euro

- fourniture administrative 183 784 FRF 28 018 euro

- transports sur ventes 148 056 FRF 22 571 euro

- commission sur ventes 36 540 FRF 5 570 euro

- téléphone télex 29 103 FRF 4 437 euro

- frais sur encaissements 26 294 FRF ; 4 008 euro

- assurance-crédit 20 929 FRF 3 191 euro

- amortissements des immobilisations corporelles 20 609 FRF 3 142 euro

- autres 38 841 FRF ; 5 921 euro

Frais fixes indirects isolés 188 524 FRF ; 28 740 euro

- taxe professionnelle 14 064 FRF 2 144 euro

- dotations aux provisions 51 890 FRF ; 7 911 euro

- services extérieurs 66 828 FRF 10 188 euro

- charges exceptionnelles 46 733 FRF ; 7 124 euro

- autres 9 009 FRF ; 1 373 euro

Coût total 4 446 706 FRF ; 677 896 euro

Taux d'échange appliqué: 1 euro = 6,55957 FRF

Commentaires et explications

(1) Coût d'achat et de transport (dont celui des coursiers) : Ce coût a été calculé en prenant en compte le coût total des ces activités attribué en fonction du nombre de livres, soit 38 795 874 FRF (5 914 393 euro). On divise ce montant par le nombre de livres pour obtenir le coût unitaire par livre. Le total du nombre de livres vendu par le CELF en 1994 était de 467 673; en conséquence, le coût unitaire par livre est de 82,95 FRF (12,65 euro). Afin de déterminer quel a été le coût d'achat et de transport à attribuer aux petites commandes on multiplie le coût unitaire par livre par le nombre de livres des petites commandes, ce qui donne un montant de 2 068 293 FRF (315 309 euro) pour les petites commandes.

(2) Coût de personnel : Un coefficient de 3 (sur la base du nombre de livres) a été appliqué à ce poste, la réception des "petites commandes" étant génératrice de difficultés inhérentes à leur spécificité. La réception des ouvrages provenant des grands éditeurs ou distributeurs est automatisée grâce au code EAN qui permet la reconnaissance de l'ouvrage par lecture optique. À l'inverse, il est fréquent que les ouvrages publiés par les petits éditeurs ne comportent pas de code-barres, ce qui entraîne une reconnaissance manuelle. Par ailleurs, les grands éditeurs livraient les clients parisiens moyennant une participation aux frais de transports fixés par l'interprofession, qui était de 0,75 FRF/kg, alors que le prix payé aux coursiers est de 6,5 FRF/kg pour les paquets utilisés pour les ouvrages provenant de petits distributeurs. La facturation aux libraires étrangers étant forfaitaire, cette source d'approvisionnement entraînait une baisse des marges. L'affectation d'un coefficient 3 pour les petites commandes permet donc d'intégrer dans la comptabilité analytique la juste charge de leur traitement.

(3) Emballage: La main-d'œuvre directe était prise en compte sur la base du nombre de livres.

(4) Service commercial: Le coût de la main-d'œuvre directe était calculé en appliquant un coefficient de 3, car les petites commandes impliquent un traitement plus lourd au niveau de l'administration des ventes. Les différences de traitement permettent d'intégrer dans la comptabilité analytique la juste charge de leur traitement.

Explications complémentaires concernant la codification de la commande: Dans l'hypothèse de difficultés liées à la codification des commandes, des travaux supplémentaires sont nécessaires. Il convient de noter que ces travaux doivent être exécutés quel que soit le montant de la commande.

En outre, la saisie de la commande s'accompagne de recherches préalables: ISBN, catalogue des éditeurs, banques de données diverses, vérification de la disponibilité (ou non) de l'ouvrage, validation de l'adéquation commande/éditeur. En cas de difficultés liées à la qualité du bon de commande, notamment dans l'identification de la commande, des coûts supplémentaires sont engendrés. Souvent ces difficultés apparaissent lorsqu'il s'agit de petites commandes. Les grandes librairies, dont le chiffre d'affaires réalisé avec le CELF est important, sont généralement des entreprises de grande taille qui utilisent des outils performants leur permettant de rationaliser leur gestion, et notamment de transmettre des commandes normalisées, c'est-à-dire comportant des indications claires d'identification. Le CELF compte parmi ses clients de très nombreuses petites librairies dont l'activité ne permet pas toujours d'utiliser les moyens modernes du commerce international. Aussi, les commandes issues de ce type d'établissement sont parfois difficiles à déchiffrer et ne comportent qu'une partie des informations nécessaires à la réalisation de la commande, ce qui implique un travail et donc des coûts additionnels.

(5) Salaires services généraux : (direction, informatique, standard, comptabilité, marketing, ménage) Les coûts sont affectés en fonction du nombre de livres, sauf pour la comptabilité en fonction du nombre de factures.

(6) Frais généraux - emballages consommés, transports sur ventes et amortissements des immobilisations corporelles : Les coûts sont calculés par livre.

(7) Frais généraux - fourniture administrative : Les coûts sont calculés par nombre de factures.

(8) Frais généraux - commission sur ventes et assurance-crédit : Les coûts sont calculés en fonction du chiffre d'affaires.

(9) Frais généraux - téléphone, télex et frais sur encaissement : Un coefficient de 2,5 a été appliqué, car les coûts lié au téléphone varient en fonction de multiples facteurs, notamment, des réponses clients et des recherches éditeurs. Ces coûts concernent plusieurs opérations, dont la réception du bon de commande du libraire, la codification de la commande, la saisie de la commande et la comptabilité qui a pour mission d'enregistrer l'ensemble des flux relatifs aux opérations décrites.

(10) Taxe professionnelles et dotations aux provisions: Coûts calculés en fonction du chiffre d'affaires. Services extérieurs (exemple les loyers, voyages et déplacements, frais de promotion, etc.) et charges exceptionnelles: coûts calculés en fonction du nombre de livres.