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Décisions

Cass. com., 6 mai 2008, n° 05-11.382

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Palma (Consorts), Palma (SA), Palma et compagnie (SNC), Etablissements Palma et fils (SARL), Rafoni (ès qual.)

Défendeur :

Volkswagen France (SA), Volkswagen Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Maitrepierre

Avocat général :

M. Jobart

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Peignot, Garreau

TGI Paris, du 11 janv. 2001

11 janvier 2001

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2004), que la société VAG France, devenue la société Groupe Volkswagen France (la société GVF), qui est l'importateur exclusif en France des véhicules de marques Volkswagen et Audi, a, le 17 janvier 1990, conclu avec la société Etablissements Palma et fils (la société Palma) un contrat de concession à durée indéterminée ; que ce contrat a été résilié par la société GVF, le 30 juin 1991, au terme d'un préavis d'un an, à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire commune à l'ensemble des sociétés du groupe Palma (le groupe Palma) et à MM. Christophe et Gérard Palma (les consorts Palma) ; que s'estimant victime de pratiques anticoncurrentielles, du fait du refus de la société GVF de continuer à l'approvisionner et de l'interdiction faite par celle-ci à ses distributeurs agréés de lui revendre les produits concernés, au motif qu'il ne faisait plus partie du réseau de distribution, le groupe Palma a, le 15 décembre 1993, porté plainte auprès de la Commission des Communautés européennes ; qu'il a contesté devant cette dernière la validité, au regard de l'article 85 du traité instituant la Communauté européenne (devenu l'article 81 du traité), de diverses clauses du contrat-type organisant en France la distribution exclusive et sélective des véhicules considérés, dont s'était prévalu la société GVF pour justifier les agissements dénoncés ; qu'à la suite du rejet de cette plainte par une décision de la Commission du 23 septembre 1996, le groupe et les consorts Palma, représentés par Mme Rafoni, en qualité de liquidateur judiciaire, ainsi que d'autres anciens concessionnaires du réseau Volkswagen, ont formé un recours contre cette décision ; que ce recours a été rejeté par un arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 21 janvier 1999 (T-185-96, T-189-96 et T-190-96), devenu irrévocable ; que Mme Rafoni a repris, pour le compte du groupe et des consorts Palma, l'action en indemnisation de leur préjudice et en nullité du contrat-type et du contrat de concession ayant lié la société Palma et la société GVF, qu'ils avaient introduite devant les juridictions nationales, le 24 mars 1994, juste avant leur mise en liquidation judiciaire ; que, par jugement du 11 janvier 2001, le tribunal de grande instance a déclaré les consorts Palma irrecevables en leurs demandes et a rejeté celles formulées par Mme Rafoni, ès qualités ; que cette décision a été confirmée par la cour d'appel ;

Sur le premier moyen : - Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; - Attendu que, pour rejeter l'ensemble des demandes de Mme Rafoni, la cour d'appel retient notamment que, par l'arrêt du 21 janvier 1999, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a écarté, pour absence de fondement, le recours formé contre la décision de la Commission selon laquelle aucune des stipulations ou pratiques contractuelles en cause ne constituait une restriction de concurrence au sens de l'article 85 du traité, de sorte que tous les griefs invoqués par les appelants ont déjà été rejetés par la Commission, dans une décision elle-même confirmée par ce tribunal ;

Attendant qu'en statuant ainsi, alors que, dans cet arrêt, le Tribunal de première instance des Communautés européennes s'était limité, pour certaines clauses du contrat-type, à indiquer que la Commission n'avait commis aucune erreur manifeste d'appréciation en décidant de ne plus poursuivre l'examen des griefs initialement formulés à l'encontre de ces clauses, sans se prononcer sur le bien-fondé de ceux-ci, tout en écartant, pour d'autres clauses du contrat-type, que la Commission ait commis une prétendue erreur de droit en retenant que ces dernières ne constituaient pas de restrictions de concurrence au sens de l'article 85 du traité, la cour d'appel a dénaturé cet arrêt et violé le principe susvisé ;

Et sur le même moyen, pris en ses première et deuxième branches : - Vu l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne et le règlement CEE n° 123-85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles ;

Attendu qu'après avoir rappelé la jurisprudence communautaire selon laquelle la circonstance qu'un accord ne remplit pas toutes les conditions prévues par un règlement d'exemption par catégories n'a pas pour effet de rendre cet accord nul de plein droit, l'arrêt retient que tous les griefs invoqués par les appelants ont déjà été rejetés par la Commission, dans une décision elle-même confirmée par le Tribunal de première instance des Communautés européennes, sans que ces derniers n'aient apporté d'éléments nouveaux devant les juges d'appel ; qu'il relève que ni l'incidence des prétendues irrégularités contractuelles sur la validité du contrat, ni l'existence d'une faute de la société GVF, ni celle d'un préjudice des sociétés ou consorts Palma ne sont démontrés ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les stipulations contractuelles sur lesquelles le Tribunal de première instance des Communautés européennes ne s'était pas prononcé quant à leur prétendu caractère restrictif de concurrence n'avaient pas pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser de manière sensible le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief : Casse et annule, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il a rejeté l'ensemble des demandes de Mme Rafoni et a condamné cette dernière aux dépens, l'arrêt rendu le 29 octobre 2004, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.