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Décisions

Conseil Conc., 21 mai 2008, n° 08-D-12

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production du contreplaqué

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Komiha, par M. Lasserre, président, Mmes Aubert, Perrot, vice-présidentes.

Conseil Conc. n° 08-D-12

21 mai 2008

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la décision du 14 mai 2004 par laquelle le Conseil s'est saisi d'office de pratiques dénoncées dans le secteur du bois, saisine enregistrée sous le numéro 04/0030 F ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par les sociétés Jean Thébault SAS, SNC Plysorol, Rougier SA et Rougier Panneaux, Etablissements A. Mathé SA, Etablissements Guy Joubert SA, Etablissements Allin SA et UPM Kymmene Wood SA ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Jean Thébault SAS, SNC Plysorol, Rougier SA et Rougier Panneaux, Etablissements A. Mathé SA, Etablissements Guy Joubert SA, Etablissements Allin SA et UPM Kymmene Wood SA, entendus lors de la séance du 13 février 2008 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA PROCÉDURE

1. Par procès-verbal du 7 mai 2004, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a reçu une demande de la société UPM Kymmene Corporation sollicitant l'application de la procédure de clémence, prévue au IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce, pour elle et ses filiales.

2. Par un avis en date du 14 mai 2004, le Conseil a accordé à cette société, au titre de cette procédure, le bénéfice conditionnel d'une exonération totale de sanction. Par une décision du même jour, il s'est saisi d'office des pratiques dénoncées, qui concernaient le secteur du bois.

3. Une enquête a en conséquence été effectuée, donnant lieu à des visites et saisies.

4. A la suite de cette enquête, une notification de griefs a été adressée à huit sociétés, dont la société UPM Kymmene Wood SA. Elle vise des pratiques mises en œuvre par les fabricants français de contreplaqués réunis au sein de l'Union des fabricants de contreplaqués (UFC), concernant, d'une part, des hausses tarifaires concertées, d'autre part, la mise en place d'une structure tarifaire commune.

5. Deux des sociétés en cause ont alors sollicité le bénéfice de la procédure de non contestation des griefs prévue au III de l'article 464-2 du Code de commerce, qui a fait l'objet d'un procès-verbal signé le 13 avril 2007 par la société Rougier Panneaux et le 25 avril 2007 par la société Allin. Ces sociétés ont indiqué ne pas contester les griefs notifiés à leur encontre et ont formulé des engagements. En contrepartie, le rapporteur général adjoint a proposé une réduction des sanctions qu'elles étaient susceptibles d'encourir de 10 %. Après réception des observations des parties sur la notification de griefs, un rapport a été établi conformément à l'article R. 463-11 du Code de commerce.

B. LE SECTEUR D'ACTIVITÉ

1. LE PRODUIT

6. Le contreplaqué est un panneau de bois constitué d'une âme, de plis intérieurs et de deux faces en placage de bois. Il est obtenu par superposition et collage de fines feuilles de placage, issues du déroulage de billes de bois. Le contreplaqué s'adapte aux utilisations les plus diverses pour les équipements sportifs (pistes de skate-board, âme des skis), le nautisme, l'aéronautique, l'emballage et le mobilier. C'est cependant dans le bâtiment que l'utilisation est la plus importante (50 % de la consommation) notamment pour réaliser des coffrages.

7. Deux formats de panneaux contreplaqués, le " 250x122 " et le " 310x153 ", représentent 90 % de la production française. Les fabricants disposent d'une gamme d'épaisseurs allant de 3 à 40 mm, les ventes se faisant cependant essentiellement en 5, 10, 15 et 18 mm, ces épaisseurs couvrant 80 % des usages du marché français.

8. En 2003, la production mondiale a atteint 57 millions de m3. L'Europe, qui consomme 5,5 millions de m3, importe plus de la moitié de ses besoins. Le Royaume-Uni (1,2 millions de m3), l'Allemagne (1,1 millions de m3) et le Bénélux (700 000 m3) sont les principaux utilisateurs.

9. Trois grandes catégories de contreplaqués sont identifiées selon les essences utilisées. La première est celle du contreplaqué d'okoumé. Sur 1,8 million de m3 utilisés en Europe, 400 000 m3 y sont fabriqués, dont 325 000 m3 en France (18 % du total), et 1,4 million de m3 viennent d'ailleurs dont 350 000 m3 du Brésil. D'autres bois exotiques que l'okoumé peuvent y être substitués. La deuxième catégorie est celle du contreplaqué de feuillu. Sur 1,7 million de m3 utilisés en Europe, 950 000 m3 y sont produits, dont 25 000 m3 en France, et 750 000 m3 viennent d'ailleurs. La troisième catégorie est celle du contreplaqué de conifère. Sur 2 millions de m3 vendus en Europe, la moitié y est produite et 800 000 m3 viennent du Brésil. La production française, estimée à 125 000 m3 est exportée à 70 %, notamment vers l'Allemagne. L'essence utilisée est le pin maritime.

10. Au cours de l'instruction et en séance, les représentants des entreprises ont confirmé que des contreplaqués à base d'autres bois exotiques sont substituables aux contreplaqués à base d'okoumé qu'elles fabriquent et commercialisent en France. Cependant, ils ont aussi précisé qu'il existe en France une longue tradition d'utilisation de contreplaqués à base d'okoumé tenant aux qualités et à la teinte " rouge " de ce bois. A cet égard, Thébault a exposé dans ses écritures : " L'okoumé est un bois tropical qui permet d'obtenir un parement d'excellente qualité et qui confère au contreplaqué des propriétés mécaniques sans équivalent. Ainsi que la Commission européenne le relevait dans sa décision du 17 mai 2004, "le contreplaqué d'okoumé possède donc des caractéristiques spécifiques liées à son apparence et à ses propriétés mécaniques qui rendent le produit clairement identifiable par rapport à d'autres types de contreplaqué". Cette essence de bois tropical ne se trouve qu'au Gabon, en Guinée équatoriale et au Cameroun. "

11. La substituabilité des autres types de bois, feuillus et résineux est moindre et se manifeste essentiellement lorsque l'utilisateur est sensible à la variable de prix, notamment pour des usages pour lesquels l'aspect extérieur ou les qualités de résistance, notamment à l'humidité, sont d'un moindre intérêt.

2. LA PRODUCTION FRANÇAISE

12. La production française est principalement orientée vers le contreplaqué d'okoumé. Les intéressés ont précisé que cette orientation s'explique essentiellement par des raisons historiques résultant des liens traditionnels avec le Gabon, principal producteur des grumes d'okoumé.

13. La production de contreplaqué à base de feuillus régresse régulièrement et devient marginale. Enfin, la production de contreplaqué à base de résineux est limitée à deux sociétés, Smurfit Rol Pin et SIB Thébault, dont l'une assure 75 % de cette production. Pour abaisser le prix de revient, les panneaux dits " okoumé " sont fabriqués en combinaison avec des placages de peuplier ou de résineux en feuilles intérieures, l'okoumé constituant le placage externe.

14. Les producteurs français sont confrontés à diverses formes de concurrence. En premier lieu, celle des importations de contreplaqué. Ainsi, une forte concurrence brésilienne existe pour le contreplaqué à base de conifères, de façon structurelle à des niveaux de prix inférieurs d'environ 25 à 30 % à ceux des fabricants européens. La concurrence s'est aussi développée sur les contreplaqués exotiques. On assiste à une montée des importations de contreplaqué okoumé en provenance, initialement d'Asie du Sud-Est, et, depuis 2002, de Chine. Les importations chinoises sont passées de 1 093 m3 en 1999 à 83 606 m3 en juin 2003, leur part de marché en Europe passant de 0,3 % à 18,7 %.

15. En second lieu, des produits nouveaux et substituables au contreplaqué sont apparus, en particulier l'OSB (Oriented Strand Board) en dalle ou en panneaux. Il s'agit de lamelles de copeaux de bois orientées et encollées qui possèdent une résistance mécanique élevée. Ce produit peut être utilisé pour la fabrication de charpentes, de planchers mais aussi pour l'emballage industriel. Un directeur d'UPM Kymmene a précisé que " l'OSB est 70 % moins cher que le contreplaqué. Il peut être fabriqué avec toutes sortes de bois, il est très résistant et très léger. " En 2003, la consommation d'OSB en France a été estimée à 110 000 m3.

16. Dix fabricants français produisent du contreplaqué. Certains sont adossés à des groupes européens, tels Smurfit Rol Pin, Sonae/Plysorol ou UPM Kymmene, qui interviennent sur toute la filière du bois et sur d'autres productions que le contreplaqué (pâte à papier, bois sciés ou rabotés, OSB). Les autres sont des PME indépendantes à capitaux familiaux, spécialisées dans le contreplaqué : Thébault, Joubert-Sopegar, Allin, Rougier Panneaux, Mathé, Burguet et Drouin.

17. La société Smurfit Kappa Rol Pin, qui a produit environ 89 000 m3 de contreplaqué en 2004 pour un chiffre d'affaires de 31,7 millions d'euro, occupe sur le marché du contreplaqué un positionnement spécifique. Elle fabrique du contreplaqué exclusivement à base de pin maritime d'Aquitaine venant d'une exploitation forestière elle-même intégrée au groupe. Les panneaux fabriqués par Smurfit sont destinés aux débouchés suivants : coffrage pour le bâtiment, structures en construction (planchers, parois), emballage industriel, carrosserie industrielle.

18. Le groupe Plysorol est intégré au groupe portugais Sonae Industria, qui a réalisé en 2003 un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euro. Plysorol se divise en deux entités. D'une part Plysorol SAS, société de fabrication, qui détient trois sites de production en France. Elle fabrique essentiellement des contreplaqués okoumé pour 90 % de la production (121 000 m3 en 2004), et accessoirement des contreplaqués peuplier (6 500 m3). D'autre part, la SNC Plysorol, qui assure la commercialisation des produits tant en France qu'à l'exportation, laquelle représente environ 50 % des ventes, sur un chiffre d'affaires global d'environ 96 millions d'euro en 2004.

19. Le groupe finlandais UPM Kymmene fait partie des leaders mondiaux de l'industrie forestière (9,9 milliards de chiffre d'affaires consolidé en 2001). L'activité bois sciés, bois rabotés et autres bois transformés, contreplaqués et placages représente 1,5 milliard d'euro de chiffre d'affaires. Les activités de contreplaqués (11 usines en Finlande, 1 en Estonie, 2 en Russie et 1 en France) sont regroupées au sein de la filiale Schauman Wood. En France, le groupe a racheté à la fin des années 1980 la société Malvaux dont la raison sociale est devenue UPM Kymmene Wood SA en février 2000 (désignée ci-après " UPM Kymmene "). Son chiffre d'affaires s'est élevé à près de 42 millions d'euro en 2003 pour une production de contreplaqué de 25 000 m3.

20. La société Jean Thébault SAS a réalisé un chiffre d'affaires de 24 millions d'euro en 2004, dont 60 % à l'exportation. Sa production de contreplaqué exotique a été de 19 000 m3 environ en 2003, soit 7 % de la production nationale. Sa filiale SIB Thébault fabrique du contreplaqué en pin maritime pour environ 29 000 m3 en 2003, soit 25 % de la production nationale. Pour les deux catégories de produits, la commercialisation est assurée par Jean Thébault SAS.

21. La holding Etablissements Guy Joubert SA constitue l'entité qui commercialise l'ensemble de la production de deux filiales de production, Joubert SAS et Sopegar SAS. La production en 2004 était de 62 000 m3 pour un chiffre d'affaires d'environ 51 millions d'euro, dont 21 000 m3 vendus en France pour un chiffre d'affaires de 15,7 millions d'euro. Environ 60 à 65 % de la production est exportée vers des pays européens.

22. La société Etablissements Allin SA produit des contreplaqués essentiellement okoumé, pour un chiffre d'affaires de 22,7 millions d'euro en 2004, soit 24 700 m3. Cette production est exportée pour 55 % à 60 % du chiffre d'affaires.

23. Le groupe Rougier est constitué de la société Rougier SA, holding dont la filiale française de commercialisation est la société Rougier Panneaux. Le groupe assure notamment sa fabrication de contreplaqués okoumé dans une usine implantée au Gabon, gérée par la filiale locale Rougier International avec une production de 11 200 m3 en 2003. Le chiffre d'affaires total du groupe est de 148 millions d'euro, le contreplaqué représentant 33 millions d'euro. Rougier Panneaux en France commercialise 24 500 m3 de contreplaqué dont 11 200 m3 sont donc issus du groupe, le reste étant importé de différents pays. Son chiffre d'affaires en 2005 est de 15,7 millions d'euro. Sur le marché français du contreplaqué okoumé, Rougier Panneaux couvre 5,6 % de la consommation française et est assimilé à un fabricant national pour sa production d'origine gabonaise. Il est ainsi intégré aux instances professionnelles regroupant les industriels et est considéré comme un importateur pour le reste et rattaché alors aux instances regroupant les négociants.

24. La société Mathé SA a fait l'objet d'un dépôt de bilan en février 2004, suivi d'une période d'observation de 18 mois jusqu'en octobre 2005. A l'issue de cette période, un plan de continuation proposé par l'administrateur judiciaire a été entériné par le tribunal de commerce de Niort. Avant ses difficultés, Mathé fabriquait du contreplaqué dans trois catégories : principalement en " combi " (faces okoumé, intérieur peuplier) pour 50 % du volume, commercialisé principalement auprès des négociants spécialisés, en peuplier pour l'emballage vendu à l'industrie de l'emballage (30 %), et du tout okoumé (20 %) que Mathé vendait surtout aux Pays-Bas au coup par coup ainsi qu'à l'industrie nautique. Son chiffre d'affaires en 2004 a été de 14 millions d'euro. Depuis novembre 2005, pour redresser l'entreprise, Mathé a réorienté largement son activité vers la fabrication de placages de peuplier destinés aux fabricants de contreplaqués français ou étrangers, placages qu'ils intègrent dans leur propre fabrication.

25. La société Etablissements Burguet SAS est spécialisée dans le contreplaqué marine haut de gamme et les contreplaqués spéciaux destinés à la fabrication des portes d'entrée ou de garage. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 7,8 millions d'euro en 2004/2005, pour une production de 3 600 m3.

26. La société Drouin SA fabrique principalement des produits transformés à base de bois tels que des panneaux usinés ou des emballages qui représentent 75 % du chiffre d'affaires. Sa production de contreplaqués, de 7 700 m3 en 2004, est essentiellement à base de peuplier. Le débouché principal de l'entreprise est la vente directe à l'industrie. Globalement les ventes de panneaux contreplaqués ont atteint 4,9 millions d'euro en 2004.

27. Les fabricants français (et assimilés tel Rougier) sont regroupés au sein de l'Union des fabricants de contreplaqué (UFC), constituée en 1999. Ce syndicat professionnel emploie un seul permanent, le secrétaire général. L'UFC réunit 90 % des industriels français du contreplaqué avec une douzaine d'adhérents. L'UFC est membre de l'Union des industries du bois (UIB) et de la Fédération européenne de l'industrie du contreplaqué (FEIC).

28. Lors de son audition du 15 septembre 2004, le président de l'UFC a indiqué que cette enceinte permet d'évoquer l'ensemble des sujets concernant le marché et les " matières premières " dont l'okoumé, la colle, et le transport maritime représenteraient environ 70 % du coût du produit final.

29. L'UFC procède au recensement des données concernant les stocks, la production et les ventes en France et à l'exportation de chaque membre et les amalgames avec les données douanières pour dégager les tendances du marché. Chaque adhérent lui adresse mensuellement les informations nécessaires à cet effet. Ces données ont servi de base aux discussions entre fabricants pour fixer le taux des hausses examinées dans la présente décision, ainsi que l'a exposé le directeur général d'UPM Kymmene dans un procès-verbal de déclaration du 17 juin 2004 : " ... était examinée également la faisabilité [de la hausse] en fonction du contexte commercial (situation des stocks, carnet de commande, niveau des stocks chez les clients, équilibre, déséquilibre offre demande) ".

3. L'EVALUATION DU MARCHÉ CONCERNÉ

30. Il ressort de l'instruction ainsi que des déclarations des intéressés que les pratiques examinées se sont développées sur le créneau spécifique des contreplaqués exotiques, notamment à base d'okoumé, qu'il s'agisse de panneaux intégralement constitués de bois exotiques ou de panneaux combinant d'autres bois, appelés " combi ".

31. Sur la base des statistiques de l'UFC, des données recueillies au cours de l'instruction et des chiffres communiqués par les sociétés en cause à l'appui de leurs observations, le tableau suivant a été établi. Il concerne d'une part le marché global du contreplaqué tous bois confondus, d'autre part le créneau spécifique du contreplaqué à base de bois exotiques, dont l'okoumé, pour la période la plus récente couverte par les pratiques.

<emplacement tableau>

32. La valeur globale des ventes de contreplaqué en France par les fabricants et importateurs oscille donc entre 315 et 345 millions d'euro, celle du contreplaqué exotique entre 150 et 180 millions d'euro. La part de marché des producteurs français pour l'ensemble des contreplaqués s'érode légèrement, de presque 50 % à 47,3 % entre 2001 et 2004. Pour le contreplaqué exotique, les producteurs français restent majoritaires, tant en volume (autour de 60 %) qu'en valeur (entre 68 et 70 %). On note une baisse de la consommation des contreplaqués exotiques (de 10 points en volume) au profit des contreplaqués à base de feuillus et résineux, bien que l'orientation de la production française vers le contreplaqué exotique reste prédominante.

33. En valeur, les parts de marché des différents intervenants sur la même période ont été les suivantes :

<emplacement tableau>

34. Il ressort que sur le créneau du contreplaqué exotique, un producteur prédomine, Plysorol, avec plus de 27 % en 2004. Suivent Joubert et UPM Kymmene avec près de 10 %, soit à eux trois 47 %.

4. LA DISTRIBUTION

35. Le contreplaqué est distribué pour l'essentiel par des négociants, indépendants ou appartenant à des groupes de distribution dotés de centrales d'achat. Deux catégories de distributeurs peuvent être distinguées : celle des généralistes, d'une part, tels Point P, MCD, Dubois, Gedimat, Big Mat, et celle des spécialistes, d'autre part, tels Nebopan, PBM, Accueil, Sylvalliance et les indépendants bois et panneaux.

36. Le directeur général d'UPM Kymmene estime que " ce sont les négociants qui dictent les conditions du marché ". Ces derniers accroîtraient en permanence leurs exigences en matière de remises et ristournes. Un directeur d'usine de la société a estimé à cet égard : " la distribution du contreplaqué est dominée, en France, par deux ou trois acteurs (Point P, PBM, etc.) et les producteurs ne peuvent représenter une force de résistance collective. "

C. LES PRATIQUES CONSTATÉES

37. Dans le cadre de l'UFC, les adhérents ont mis en œuvre pour le contreplaqué okoumé, d'une part une coordination des hausses tarifaires, d'autre part une structure tarifaire commune.

1. LA COORDINATION DES HAUSSES TARIFAIRES

38. L'instruction a établi que les structures professionnelles ont servi de cadre à une concertation tarifaire entre les fabricants français de contreplaqué, d'abord au sein de l'ancien syndicat des fabricants de panneaux de contreplaqués, puis de l'UFC qui lui a succédé en 1999. Le directeur d'usine d'UPM Kymmene a ainsi indiqué : " Les réunions avaient pour objet de réguler la production en tant que de besoin et d'harmoniser la politique tarifaire de chacun d'entre nous. (...) Les réunions se sont poursuivies jusqu'à très récemment (elles se tenaient soit à Paris soit à Poitiers). " Ces déclarations ont été confirmées par le directeur général d'UPM Kymmene.

39. L'UFC tient ses réunions soit à l'hôtel Ibis de Poitiers, soit à son siège à Paris. Le directeur d'usine précité présente ces réunions de la façon suivante : " J'ai rejoint Schaumann Wood SA en 1995. Dès mon arrivée, j'ai pris part aux réunions régulières qui regroupaient les concurrents ; j'ajoute que ces réunions se tenaient dès avant mon arrivée et que mon prédécesseur y participait comme en témoigne un compte-rendu, que je vous remets. A l'ordinaire, les réunions débutaient par un tour de table sur les approvisionnements en Afrique, l'évocation des hausses sur les marchés français et export (notamment l'Italie et la Hollande). (...), le secrétaire général de l'UFC, était pour l'essentiel l'organisateur des réunions au plan de l'intendance et y jouait un rôle de modérateur ; en revanche, il ne prenait aucune part aux décisions qui étaient prises de façon collégiale par les membres. "

40. La teneur de ces réunions ressort des comptes-rendus ou des notes manuscrites des participants qui ont été saisis par les services d'enquête. Ces comptes-rendus et notes évoquent la situation du secteur et de chaque entreprise en ce qui concerne l'évolution de l'activité et des stocks, les pressions des négociants sur les prix et les remises ainsi que la situation des importations. Des questions relatives à la normalisation, à la qualité ou à la promotion des contreplaqués sont aussi mentionnées. Enfin, y figurent des mentions relatives aux hausses de tarifs.

41. Ainsi, pour la réunion tenue à Poitiers le 20 décembre 1999, le représentant de la société Allin rend compte des interventions de ses concurrents puis note : " 3 % au 1er février 2000 ". D'après ce document, étaient présents au moins les représentants des entreprises suivantes : Allin, Thébault, Joubert (V...), Rougier (ROG), Mathé et Plysorol.

42. Lors de la réunion du 11 mai 2000, la même personne note, à propos d'une nouvelle hausse : " - Plysorol : annonce et hausse tarif ; hausse au 1er juin = PBM, Dubois ? PtP ;

- Rog : après annonce hausse = remarques habituelles ; - JBT : hausse au 1er juin. 3 % en Région Parisienne, il faudrait les appliquer. [X...] demande pourquoi le 1er juin ? . blanc

- Mathé : prix variés en F. nécessaire . prix. " Étaient présents au moins les représentants des entreprises suivantes : Allin, Malvaux, Thébault, Joubert (JBT), Rougier (ROG), Mathé et Plysorol.

43. A la réunion du 30 mai 2000 à Paris cette personne note encore : " - Mathé : monter les prix ; JBT : Fce : nouveaux prix en place ; Rog : annonce hausse 3 % au 1er septembre ; - 1er juillet 00 + 3 % + dossiers. " Les trois entreprises ici concernées avec Allin sont Mathé, Joubert et Rougier.

44. A la réunion du 18 décembre 2002, elle note encore : " Appliquer la hausse en France. " Plus tard, à la réunion du 24 février 2003 elle rend compte des commentaires de ses concurrents sur une nouvelle hausse : " Joubert : Fce hausse passe mais difficile ; Appliquer la hausse Plysorol OK !?- Plysorol : hausse ; globalement oui, mais pas rapide ; Thébault : tarif pas appliqué partout, espoir pour consolider ; Schaumann : Prix. Impression que la hausse passe ; - hausse 1er mai 5 % 2ème quinzaine de mars. " Cette dernière mention révèle qu'une hausse de 5 % est envisagée à compter du 1er mai 2003, et que l'annonce en sera faite pendant la première quinzaine de mars. Les notes relatives à cette réunion permettent de relever la présence des entreprises suivantes : Allin, Joubert, Plysorol, Thébault, UPM Kymmene et Rougier.

45. Dans un cahier à spirales, un responsable de Mathé a rendu compte de la réunion du 5 novembre 2003 au cours de laquelle a été décidée une augmentation des tarifs 2004. Ces notes débutent par la liste des participants, représentant les entreprises UPM Kymmene, Thébault, Plysorol, Burguet, Joubert, Rougier et Allin. Figurent ensuite des indications sur la future hausse : " JC Thébault : réunion précédente, condit non réunies pour . et camper sur position. Prix encore dégradés depuis- Appro grumes saison pluies.hausse au 1er janvier " puis, plus loin, parmi d'autres notes des mentions telles que : " Hausse France. (...) 5 %a5 %. (...) Nveau Tarif//5 %. (...) Hausse au 1er janvier- Circulaire- frêt, tspt, fiscalité forestière, . générale des coûts, fret. Avant le 21 novembre 2003- envoi circulaire semaine prochaine. (...) Application au 1er janvier- 1er janvier-Date annonce à décider le 14/11. (...)- Applicable au 1/01/04. " La date du 14 novembre 2003 mentionnée correspond à la tenue d'une assemblée générale de l'UFC. Les mentions après " circulaire " portent sur les arguments à présenter aux clients pour justifier la hausse par l'évolution des différents postes de coûts.

46. Dans une note interne du 18 décembre 2003, intitulée " compte rendu réunion Décines " le responsable du segment distribution d'une région pour UPM Kymmene indique pour sa part : " La hausse des contreplaqués faces okoumé est générale et concerne l'ensemble des producteurs français. Cette décision de modification tarifaire a été prise de manière unanime après concertation des principaux acteurs de la profession. Nous avons, comme nos concurrents, diffusé un avis de hausse auprès de la clientèle faisant état d'une application au 1er janvier 2004. Cependant, la décision et la diffusion ayant été un peu tardives, certains groupes significatifs de distribution nous ont déjà fait savoir qu'ils n'accepteraient la hausse qu'au 1er février. Concernant le reste de la clientèle, le mot d'ordre est de passer aux nouvelles conditions dès le 1er janvier, chaque fois que cela est possible. "

47. Le suivi des directives communes de hausse lors des réunions est attesté dans des notes saisies chez Allin, Joubert et Thébault. Pour la réunion du 16 décembre 2003, Joubert indique entre autres : " Allin : France circ. Tarifs envoyés ; Mlx : France tarifs partent aujourd'hui. " D'après ces notes étaient au moins présentes les entreprises Joubert, Plysorol, Allin, UPM Kymmene (désigné par Mlx), Rougier, Thébault, et Mathé.

48. Concernant la réunion du 30 janvier 2004, les notes d'Allin indiquent : " Rougier : (...). pb avec la hausse de janvier ; Hausse Fce (...) - Hausse devrait être appliquée au 1/03/04. Fermeté de la hausse + importante. Toutes commandes sont enregistrées avec la hausse. " Les notes de Joubert indiquent : " Plysorol : F : nouveaux prix passent chez les groupes sur les prix actuels. Autres clients- pas de fermeté des collègues ; MLX : France : la . passe ; Allin : F : application de la . en bricolant. " La liste des participantes peut être déduite des noms figurant en début de ces notes et des entreprises citées : Joubert, Plysorol (G...), Allin, UPM Kymmene, Rougier (M...), Thébault, Mathé, Burguet et Drouin. Sur les derniers feuillets, sous la mention du " 24/1/04 ", on retrouve des données identiques : " Plysorol : hausse en France :OK ; Thébault : hausse appliquée- doit être intégrale ; Allin : prix résistance ; (...) France : + 5 % en mai. " Cette ultime mention porte manifestement sur une nouvelle hausse commune en mai 2004.

49. Des notes Thébault prises lors de la réunion du 23 février 2004 permettent de suivre l'application de la hausse de janvier : " 1. Joubert : hausse passe parfois difficilement ; 2. Plysorol : hausse passée intégralement ; 4. Rougier : hausses appliquées. Exceptions en Bretagne ; Allin : Prix encore résistance. " D'après cette note, outre Thébault, on retrouve à cette réunion au moins Joubert, Plysorol, Rougier, Allin et UPM Kymmene.

50. Le directeur général d'UPM Kymenne avait indiqué par déclaration : " Le mécanisme [de fixation de la hausse et de sa date d'application] fonctionnait depuis de nombreuses années. " Cette déclaration est confirmée par l'examen des circulaires que les fabricants ont envoyées à leurs clients et dont ils se donnaient mutuellement copie dans le même temps. Il permet de constater que les hausses ont été programmées pour intervenir au même moment pour la plupart des entreprises de la profession. Notamment, des documents retrouvés au sein de l'entreprise Joubert permettent de retracer l'historique des hausses communes depuis 1994 :

- au 15 septembre 1994 : 3 % : Joubert, Isoroy [devenu Plysorol], Rol Tech, Allin ;

- au 1er janvier 1996 : 6 % : Mathé, Joubert, Thébault, Isoroy ; sans indication de taux de hausse : Allin. Pour cette hausse, un compte rendu manuscrit d'octobre 1995 du " Syndicat panneaux " communiqué par UPM, confirme que cette décision a été prise au cours d'une réunion syndicale : " prix + 6 % 1/1/96 ". Une annotation précise : " besoin de hausse de prix, il faut que chacun joue le jeu, les membres du syndicat doivent absolument tenir cette hausse pour respirer. Depuis un an, ces hausses ne sont pas passées. " Dans ce même document figure l'avertissement : " loi sur les ententes ?? attention danger ! "

- au 1er janvier 1997 : 5 % Joubert, Rol Tech ;

- entre le 5 mars et le 17 mars 1997 : 5 % : Joubert, Isoroy, Thébault, Mathé, Allin, Rol Tech ;

- au 7 avril 1997 et au 1er mai 1997 : 5 % : Joubert, Allin, Thébault ;

- au 1er juillet 1997 : 5 % : Joubert, Allin, Thébault ;

- en mai 1998 : 3 % : Rol Tech, Isoroy, Thébault, Allin ;

- entre le 15 mars et le 1er avril 1999 : 2 % : Rol Tech, Rougier Panneaux, Isoroy, Allin, Joubert), 2 % Mathé. Dans une note manuscrite, la société Joubert précise : " la prochaine fois, nos pourrons peut-être faire comme Mathé nous accorder 15 j de + " ;

- 1er août et 1er septembre 1999 : 5 % : Joubert, Rougier Panneaux, Isoroy, Rol Tech, Thébault, Allin, UPM, Mathé. Par message la direction commerciale de la société Rol Tech qui deviendra Plysorol, envoie à Joubert le 21 juin 1999 le texte suivant : " sur demande de (...) ci-joint copie de notre circulaire de hausse au 1er/09/99 ". De même, les sociétés Isoroy, Mathé et Allin adressent à la société Joubert une copie de leur courrier à leur clientèle ;

- entre le 17 avril et le 2 mai 2000 : 3 % : UPM, Thébault, Allin, Mathé, Rougier Panneaux, Isoroy, Rol Tech ;

- entre le 15 juillet et le 1er août 2000 : 3 % : Plysorol, Joubert, Thébault, Rougier, Mathé ;

- entre le 1er et le 5 mars 2001 : 5 % : Plysorol, Mathé, Rougier, Joubert, UPM, Allin ;

- au 1er janvier 2003 : 3 % : Plysorol, Allin, Thébault, Rougier, Joubert, UPM ;

- au 1er janvier 2004 : 5 % : Allin, Mathé, Plysorol, Rougier, Thébault, UPM, Joubert.

51. Le dossier saisi chez Joubert ne comporte pas d'éléments relatifs à Drouin, Burguet ou Smurfit en ce qui concerne les hausses communes.

52. La confrontation des circulaires de hausses envoyées à la clientèle par rapport à la présence des entreprises en cause aux réunions de l'UFC organisant ces hausses permet de constater que de façon générale la discipline convenue a été appliquée, même si elle a connu quelques exceptions ou décalages dans le temps.

53. Par rapport à la réunion du 20 décembre 1999, la hausse de 3 % envisagée au 1er janvier 2000 a été repoussée à avril-mai ; cinq des participantes à la réunion ont appliqué la hausse soit Thébault, Allin, Mathé, Rougier, Plysorol (Isoroy) ; deux participantes n'apparaissent pas comme ayant suivi la hausse, Joubert et Burguet ; mais UPM Kymmene, non signalée à la réunion, a appliqué la hausse.

54. Par rapport à la réunion du 11 mai 2000, cinq des participantes à la réunion ont appliqué la hausse de 3 %, initialement prévue au 1er juin et appliquée entre le 15 juillet et le 1er août : Thébault, Joubert, Mathé, Rougier, Plysorol ; trois participantes n'apparaissent pas comme ayant suivi la hausse, UPM Kymmene, Allin et Drouin.

55. Par rapport à la réunion du 24 février 2003, les six participantes à la réunion ont appliqué la hausse de 5 % programmée au 1er janvier 2003 : Plysorol, Allin, Thébault, Rougier, Joubert, UPM Kymmene.

56. Par rapport aux réunions de décembre 2003 et de janvier-février 2004, sept des participantes à la réunion ont appliqué la hausse de 5 % programmée au 1er janvier 2004 : Allin, Mathé, Plysorol, Rougier, Thébault, UPM Kymmene, Joubert ; deux participantes n'apparaissent pas comme ayant suivi la hausse, Burguet et Drouin.

57. Smurfit n'apparaît ni parmi les entreprises participantes aux réunions au cours desquelles ont été abordées les hausses de tarifs ou leur application, ni parmi celles ayant mis en œuvre les hausses tarifaires communes constatées depuis 2000.

58. Burguet et Drouin ne sont signalées qu'exceptionnellement parmi les participants aux réunions en cause, au cours desquelles différents sujets étaient abordés, et l'instruction n'a pas permis de recueillir d'éléments probants quant à leur implication dans les concertations sur les hausses tarifaires. D'ailleurs, aucune des deux n'a mis en œuvre les hausses communes convenues par les autres producteurs. Drouin n'édite pas de tarif et pratique des prix nets négociés client par client. Les hausses pratiquées par Burguet n'étaient ni du même taux, ni appliquées avec la même périodicité que celles adoptées de façon concertée. En outre, ces deux entreprises étaient peu concernées par les hausses en question qui portaient sur la gamme standard des contreplaqués à base d'okoumé des fabricants figurant dans leur tarif général. Drouin produit essentiellement des contreplaqués à base de peuplier et son débouché est l'industrie à laquelle elle vend directement sur la base de prix nets négociés. Les panneaux dits " standard " à base d'okoumé ne représentent que 5 % de son activité. Burguet est pour sa part spécialisée dans le contreplaqué marine haut de gamme ainsi que dans les contreplaqués spéciaux destinés à la fabrication des portes d'entrée ou de garage. Lors de son audition du 6 juin 2006, son représentant a déclaré : " Burguet (...) ne vend quasiment pas au négoce. Une seule exception où Burguet vend du panneau marine en Bretagne à PBM (groupe Pinault) et Point P. La clientèle est essentiellement l'industrie de la porte d'entrée, et Burguet travaille avec ces clients qu'à la commande d'après les caractéristiques définies avec le client. (...) En fait, chez Burguet les "tarifs" sont des listes de prix nets spécifiques négociées individuellement avec chaque client industriel. Autrement dit, Burguet n'édite pas à destination de sa clientèle de tarif de base d'où seraient ensuite déduits les prix de vente. Par suite, les discussions et les décisions éventuelles prises au cours des réunions de l'UFC relativement aux hausses de tarifs ne concernaient pas Burguet qui n'y était pas partie prenante. "

59. En se fondant sur ces considérations, le rapporteur a considéré qu'il ne disposait pas d'éléments suffisamment probants pour mettre en cause ces trois dernières sociétés.

60. Pour leur part, lors de leurs auditions successives, les représentants des sociétés mises en cause ont reconnu plus ou moins explicitement la concertation sur les hausses tarifaires communes, en la justifiant par les rigidités du marché pour leurs approvisionnements en grumes et matières premières.

61. La société Jean Thébault SAS, lors d'une première audition le 15 septembre 2004, indique : " (...) Lors des réunions évoquant le marché, nous parlons des prix de nos fournisseurs, des répercussions sur nos prix de revient et décidons des hausses qu'il faut appliquer pour tenir compte de l'évolution de nos prix de revient ainsi que des dates d'application ce qui pour nous correspond à une logique technique. Lorsque les décisions d'augmentation des prix sont faites, nous adressons des lettres circulaires à nos clients dont certains sont également nos concurrents. "

62. Le 23 mai 2006, elle déclare : " En deuxième lieu, concernant les hausses tarifaires convenues en commun, elles résultent du constat qu'en tout état de cause nos différentes entreprises ont des structures de prix de revient très proches avec quatre postes principaux constitués : du bois okoumé que les fabricants français achètent à la même source donc au même prix de grumes au Gabon auprès de la SNBG qui détient un monopole. Le bois, fret maritime compris représente 50 % du coût ; - la colle approvisionnée auprès de grands groupes chimiques au nombre de trois seulement ; - le fret maritime assuré par un unique opérateur, en l'occurrence le groupe Delmas (95 % du trafic Afrique/Europe). - La main- d'œuvre (17 à 18 % du coût). En conséquence, par un effet mécanique, les hausses subies sur ces postes se répercutent de manière identique chez les fabricants. Par exemple, si le prix du bois augmente de 10 euro du m3, le coût du CP (contreplaqué) augmente de 20 euro, car il faut 2 m3 de grume pour fabriquer 1 m3 de CP. "

63. Pour sa part, le représentant de la société Allin déclare le 13 juin 2006 : " Concernant les hausses de coûts, en ce qui concerne les grumes la SNBG annonçait par fax ses nouveaux prix et parfois cette hausse était rétroactive jusqu'à 10 à 15 jours par rapport aux dates d'embarquement des bois. Les hausses étaient non négociables. De même, pour le fret maritime, aucune négociation n'était possible face à un opérateur quasi unique (Delmas) pour une entreprise telle que la nôtre au regard de ses volumes. La même remarque vaut pour la colle avec seulement deux fournisseurs possible pour la profession. Ces trois postes de coût représentent au moins 60 % du prix de revient. " Le rapporteur a présenté aux intéressés des copies de pièces saisies par le service d'enquête qui représentent des notes prises au cours de réunions de l'UFC, notamment recueillies auprès de leur société. Le représentant de la société Allin a indiqué qu'à trois ou quatre ans de distance, il lui était difficile d'indiquer le contexte et la signification exacte de ces notes. Il a néanmoins ajouté : " Ces indications semblent indiquer le désir des intervenants cités d'assurer la pérennité de leurs entreprises en essayant de faire passer les évolutions de coûts dans un contexte de marché mondial caractérisé par une forte pression concurrentielle des importateurs. En tout état de cause, la hausse du tarif de base, même si on arrive à la faire passer, soit est différée ou fractionnée dans le temps pour la quasi totalité des clients, soit est rapidement annihilée par leurs exigences en termes de remises et ristournes qui aboutit à des prix nets différenciés selon les fournisseurs. "

64. Lors de son audition du 28 juillet 2004, le représentant de Rougier Panneaux SA a déclaré : " Au cours des réunions UFC si le niveau des prix est évoqué, il s'agit des flux de prix au niveau mondial, générant un niveau de prix de marché. (...) nous avons les mêmes structures de sociétés, il est donc normal que les tarifs évoluent sensiblement au même moment. " Lors de son audition du 8 juin 2006, il a précisé : " Le rapporteur a présenté des copies de notes prises au cours de réunions de l'UFC et saisies chez des confrères de Rougier. (...) En deuxième lieu, sur les notes relatives aux hausses tarifaires, elles traduisent la nécessité pour la profession de répercuter les hausses des coûts en amont subies sur les principaux postes que sont le bois, les colles et le fret, ces hausses intervenant au même moment et étant de même niveau pour tous puisque nous avons les mêmes fournisseurs et prestataires. "

65. Le représentant de Plysorol a déclaré le 13 juin 2006 : " (...) A propos des mentions relatives aux hausses de tarifs et à leurs dates d'application, elles traduisent le souhait de répercuter sur le marché les hausses de coûts subies en amont pour le bois, la colle et le fret notamment ou encore pour tenter d'enrayer une érosion des prix par "l'effet d'annonce" auprès du client qui serait ainsi moins tenté d'accentuer la pression à la baisse. Au surplus, le fait d'annoncer ces hausses au même moment est tempérée par le fait que le plus souvent sous la pression des clients nous sommes amenés à différer ou à échelonner leurs dates d'application, voire même à moduler le taux de hausse. "

66. Le représentant de Joubert n'a pas reconnu le caractère concerté des hausses tarifaires. Lors d'une première audition le 6 septembre 2004, il a indiqué : " L'UFC est un lieu où l'on procède à l'analyse du marché. L'UFC est un observatoire en particulier sur les coûts matières (bois, colle, transport, fret maritime, salaires). La matière première représente au moins 65 % (65 à 70). Avec le fret maritime on arrive à 75 %. " Lors d'une seconde audition le 13 juin 2006, il a précisé : " Concernant la participation de Joubert aux réunions de l'UFC, le rapporteur a présenté des copies de notes prises au cours de ces réunions par divers participants, dont le représentant de Joubert, (...), notes extraites des saisies effectuées par les services d'enquête. (...) A propos de la réunion du 24/02/2003 (scellé D9 de la société Allin) sous "Joubert" pour la mention "Appliquer la hausse- Plysorol OK" [il] indique que son confrère rapporte le constat qu'il faisait alors que Plysorol avait augmenté ses prix sur le marché. [Il] précise que c'était positif pour le marché sachant que Plysorol, premier opérateur du marché, vendait à des prix qui nous paraissaient se situer en dessous des prix de revient. "

67. S'agissant d'UPM Kymenne, le directeur d'usine précité a indiqué pour sa part le 25 mai 2004 : " Lors de mon arrivée dans l'entreprise en 1995, j'ai pris part aux réunions commerciales auxquelles M. [X] représentait UPM. Ces réunions avaient pour objet de réguler la production en tant que de besoin et d'harmoniser la politique tarifaire de chacun d'entre nous. (...) L'harmonisation consistait à coordonner les hausses. (...) Les 19 et 20 février 2004, à Lahti au siège de l'UPM, un avocat nous met en garde contre toute conversation avec des concurrents concernant les conditions commerciales et les prix, comportement prohibé. Il nous (responsables des marchés et de sites) invitait à faire part de tels comportements mis en œuvre localement. M. [Y] s'en est ouvert à UPM et nous avons, chacun d'entre nous fait disparaître les traces de notre participation, c'est pourquoi vous ne trouvez rien aujourd'hui. Par lettre du 13 mai 2004, adressée à l'UFC, le directeur général d'UPM Kymmene a indiqué : " nous sommes dans l'obligation de renoncer à notre participation à toute réunion pouvant nous amener à échanger des informations sur nos conditions commerciales". " Lors de son audition du 17 juin 2004, il a précisé : " J'ai participé à la réunion du 5 novembre 2003 dont le but principal a été de fixer les augmentations de prix et leur date d'application ; était examinée également la faisabilité en fonction du contexte commercial (situation des stocks, carnet de commande, beaucoup ou peu, niveau des stocks chez les clients, déséquilibre offre et demande). Cela faisait l'objet d'un tour de table suivi de la fixation d'un taux de hausse et d'une date d'application. Le mécanisme fonctionnait depuis de nombreuses années. Ces accords étaient uniquement une recommandation car il n'y avait pas de mécanisme de sanction et de contrôle au sein de l'Union. Nous essayions malgré tout d'appliquer un pourcentage identique car nous sommes face à deux puissants distributeurs. (...) Les augmentations sont décidées au cours des réunions syndicales de la façon suivante : modification éventuellement de la grille tarifaire existante, liée à la dimension et à la qualité du produit ; - détermination d'une hausse en pourcentage sur la base de la dimension 10 mm. Ces deux éléments sont discutés et font l'objet d'un accord entre fabricants. "

68. Le 30 mai 2006, le directeur général d'UPM Kymmene a ajouté : " A partir des années 1980 l'okoumé a été vivement concurrencé par le Méranti d'Indonésie qui présente le même aspect visuel (teinte et grain) avec des prix inférieurs de 30 %. Puis à partir des années 1990, sont arrivés des produits à base de résineux d'origine sud-américaine encore moins chers. Face à cette pression concurrentielle, la profession a alors cherché à se défendre en organisant des réunions pour se tenir informée des évolutions du marché français et de la situation de chacun face à ces évolutions. L'industrie française du contreplaqué était en récession et confrontée en permanence à des problèmes de rentabilité de l'outil de production. A cela s'ajoutent périodiquement des hausses de nos coûts amont : grumes, colles (un à deux fournisseurs seulement), transport des grumes (Delmas) qui accentuaient le besoin de réduire les pertes. C'est pourquoi, au cours de certaines réunions les participants ont convenu d'appliquer des hausses tarifaires communes à des dates identiques. Encore fallait-il que la situation des stocks de la profession le permettent. En effet, si ces stocks étaient trop importants il était vain de tenter de faire passer ces hausses. "

69. A la lumière de ces déclarations d'UPM Kymmene, il ressort que, pour décider des augmentations tarifaires, les sociétés participantes échangeaient des informations sur la situation de leurs stocks et l'état de leur activité. De fait, on constate à la lecture des notes relatives à ces réunions de l'UFC et citées précédemment, qu'un tour de table est effectué au cours duquel chaque entreprise fournit des indications sur sa situation, telles que : stock en hausse ou en baisse ou stable, ventes stagnantes ou en chute ou en progression, évolution défavorable des coûts amont. Elles ne communiquent toutefois pas à leurs concurrents des données chiffrées précises.

70. Par ailleurs, comme indiqué précédemment, l'instruction a révélé que les sociétés qui ont mis en œuvre des hausses tarifaires concertées s'adressaient mutuellement leurs tarifs et échangeaient entre elles le contenu des circulaires informant les clients de leur évolution, en motivant le cas échéant celle-ci sur la base d'un argumentaire mis au point lors des réunions de l'UFC.

71. Ainsi, UPM Kymmene a été destinataire des courriers annonçant à la clientèle la hausse de 6 % des tarifs au 1er janvier 1996 des sociétés Isoroy (du 17 novembre 1995) et Allin (du 16 novembre 1995) et des courriers de Thébault, Plysorol, Joubert, Rougier Panneaux, et Allin annonçant dans des termes voisins une hausse de 3 % à compter du 1er janvier 2003.

72. Au sein de Joubert a été recueilli un dossier regroupant les circulaires de hausse adressées par ses concurrents à leurs clients. Le dossier couvre la période de novembre 1995 à novembre 2003. Ainsi, pour les hausses de 2004, le dossier contient un courrier de Rougier Panneaux reçu le 4 décembre 2003, d'UPM Kymmene daté du 20 novembre, de Thébault reçu le 26 novembre, de Plysorol daté du 19 novembre, de Mathé reçu le 19 novembre, d'Allin reçu le 3 décembre. De telles circulaires ont également été reçues l'année précédente de la part des mêmes fournisseurs, la société Burguet ayant également adressé un courrier reçu le 22 novembre 2002.

73. Au sein de Plysorol, dans le bureau du directeur commercial, ont été retrouvées une circulaire de Thébault, du 20 novembre 2003, annonçant la hausse de 5 % au 1er janvier 2004 ainsi que celle de Joubert datée du 25 novembre 2004. De même, Rougier Panneaux a adressé, le 21 novembre 2003, un message à ses concurrents fabricants accompagné de la lettre circulaire pour ses clients annonçant la hausse de 5 % au 1er janvier 2004 sur les contreplaqués exotiques. Plysorol a communiqué par messagerie aux mêmes destinataires la circulaire indiquant aux clients la hausse de 5 % au 1er janvier 2004.

2. LA STRUCTURE TARIFAIRE COMMUNE

74. L'existence et la mise en œuvre de cette structure, élaborée sous la forme d'une grille, est attestée par les documents recueillis ainsi que par les déclarations des intéressés.

75. Plusieurs notes prises lors des réunions de l'UFC par des participants comportent des mentions relatives à cette grille commune.

76. A la réunion à Poitiers du 20 décembre 1999, le représentant d'Allin indique " structure tarif pas respectée au Nl : Mathé ? .format portes au prix 250x122. " Puis, à la réunion du 30 mai 2000 il note des formats avec des coefficients : " 260x122 = x1,03 ; 1596x1.03 = 1644 ; 310x153 : 108 ; 122 : 113 ; 183 : 118 ; Porte : 116. " Ces notes éclairent la précédente : en vendant un panneau au format (ou dimensions) dit porte, dont le coefficient est alors 113, au format 250x122 dont le coefficient est 100, un concurrent l'a sous-évalué de 13 % par rapport à la grille commune. On retrouve ce type de mentions dans des notes d'Allin : " 01/01/03 " : " 250x122 ; 113 210x153 ; coef + 3 points 3 à 8 mm ; 250x122 = 100 ; 310x153 = 113 ; 3 à 8 mm : inclus coef +3 dans les 2 formats. 3 188/192 ; 4 141/144 ; 5 118/121 ; 8 115/118. " Est évoquée ainsi une hausse de 3 points des coefficients pour les panneaux dont l'épaisseur est comprise entre 3 et 8 mm.

77. A la réunion du 3 septembre 2003, le représentant d'Allin note : " 14h15 Activité commerciale : - Structure tarifaire. " Les notes du représentant de Joubert sur cette même réunion mentionnent : " structure tarifaire : MLX : PF ext au prix de l'int. Objectif • simplifier la production. • rassurer le marché ; avantage concurrentiel. " Ces notes concernent l'initiative prise par UPM Kymmene (MLX pour Malvaux-UPM) de commercialiser des contreplaqués " extérieur " en alignant leur prix sur celui, moins élevé, de l'" intérieur ", en contrariété avec la grille.

78. Un document manuscrit, saisi chez Joubert et inclus dans un dossier où figurent les tarifs de ses concurrents, daté " NOV 2003 ", présente les données suivantes :

79. " JB Ply Nlle grille

4 mm 141 141 144

5 mm 118 118 121

6 mm 123 123 126

8 mm 115 115 118

" PV 310 112 pour ep 4/5/6 mm. "

80. On retrouve des mentions similaires dans les notes du représentant de Mathé à propos de la réunion du 5 novembre 2003 : " Nveau Tarif (...) 250- base 100 ; 3 % 113 310 ; + 3 % sur coeff actuel ; 250x122- 105 % ; 310 113 ; 3 à 8 mm- coef + 3 % ds les 2 formats ; (...) 3-4 mm = 141-144 ; 5 mm = 118 121 ; 6 mm = ; 8 mm = 115-118. ". Enfin, dans une note Joubert sur la réunion du 1er avril 2004, on relève ces mentions : " Prix Rougier : • < 5,50euro/m2 ; • structure tarifaire. "

81. Ces différentes notes sont éclairées par un courriel interne du 24 novembre 2003 saisi au sein d'UPM Kymmene : " suite à l'information transmise la semaine dernière sur les hausses de prix des CP, pouvez-vous vérifier si notre tarif ainsi modifié sera en concordance avec cette "grille" du syndicat, j'avoue être moi même peu familier avec ce sujet, quelle est historiquement la base 100 ? Le tarif devant être réédité cette semaine, m'en parler rapidement SVP. " Cette demande fait suite au courriel reçu la veille du secrétaire général de l'UFC dont tous les adhérents de l'UFC ont été destinataires :

" Subject : structure France. combi :

4 mm 141 devient 144

5 mm 118 devient 121

6 mm 123 devient 126

8 mm 115 devient 118

dimension 310x153/ 250x 122cm

4 mm, 5mm, 6mm, 112 devient 115

8 mm et + 110 devient 113

3 mm tout ok = au m2 4 mm combi +7 % soit 205,44. "

82. Ce document établit qu'il existe une structure tarifaire commune aux fabricants utilisée pour l'élaboration des tarifs, constituée de coefficients de variation par rapport à une base 100 en fonction de l'épaisseur et des dimensions des panneaux, ainsi que de leurs qualités après traitement pour usage intérieur (int) ou extérieur (ext). Le terme " combi " désigne les panneaux combinant des essences différentes : exotiques (essentiellement okoumé) en faces externes et bois moins nobles en faces internes (pin ou peuplier par exemple).

83. D'autres documents recueillis au sein de Joubert permettent de visualiser la grille et sa correspondance avec l'établissement du tarif client.

84. Les premiers, datés du 27 mars 2000, l'un intitulé " analyse de la structure prix de revient France ", l'autre étant un brouillon de tarif intitulé " Structure tarifaire tarif France 2000-07 ", donnent la structure tarifaire à ce moment, avant les modifications de janvier 2004, pour l'ensemble des épaisseurs, des formats, des collages et des essences. Quatre critères déterminent les coefficients de la grille pour la gamme des produits. La base 100 est constituée par le panneau de format 250x122 en épaisseur de 10 mm, le collage intérieur et l'essence " combi ". La grille permet de faire plusieurs constatations :

- sur les épaisseurs : les plus petites subissent une majoration très forte (141 et 188) en 4 et 3 mm ;

- sur les formats : les grands formats sont majorés de 10 ou 15 points ;

- sur les collages : 16 points séparent le collage intérieur et l'extérieur ;

- sur les essences : le tout okoumé dépasse de 7 points le combi.

85. Les documents suivants intitulés " tarif France 2004/01 " traduisent la mise en œuvre par Joubert des modifications de la structure tarifaire dictée lors de la dernière réunion de l'UFC et leur application pour l'élaboration du nouveau tarif 2004. Simultanément est intégrée la majoration générale de 5 % décidée par les fabricants au cours de leur réunion du 5 novembre 2003.

86. En partie haute, qui concerne le combi intérieur, la première colonne est celle des épaisseurs (4 à 30 mm). La deuxième est intitulée " nlle grille " et indique les coefficients par épaisseur. On y retrouve les coefficients nouveaux décidés au sein de l'UFC (4 mm : 144 ; 5 mm : 121 ; 6 mm : 126 ; 8 mm : 118). La troisième colonne est intitulée " Prix au m3 " suivi de la mention (+ 5%). Elle indique pour chaque épaisseur le prix au m3. On retrouve dans ces prix l'écart selon les coefficients de la deuxième colonne. Par exemple, le 10 mm (base 100) est à 773 euro/ m3, le 8 mm, au coefficient 118, est à 912 euro soit un écart de + 18 %. Les colonnes 4 et 5 convertissent ces prix au m3 en prix au m2, par épaisseur, respectivement pour les panneaux 250x122 et 310x153.

87. En marge de ces colonnes figurent deux accolades. La première regroupe les épaisseurs 4, 6 et 8 mm avec la mention " 115 ". La deuxième regroupe les épaisseurs allant de 10 à 30 mm avec la mention " 113 ". Ces coefficients coïncident avec ceux figurant dans le courriel du 23 novembre 2003 de l'UFC évoqué point 81 qui indique : " 4 mm, 5 mm, 6 mm, 112 devient 115 ; 8 mm et + 110 devient 113. "

88. La partie basse du document concerne le combi extérieur (CTBX) avec la mention " +16 % " et indique les prix au m2, par épaisseur, respectivement pour les panneaux 250x122 et 310x153. L'écart de 16 % avec les prix correspondant du combi intérieur se vérifie.

89. Deux autres documents récapitulent les prix au m2, par épaisseur, pour les panneaux tout okoumé, intérieur et extérieur et l'écart est de 7 % par rapport aux prix du combi, ce qui coïncide de nouveau avec la mention du courriel du 23 novembre 2003 de l'UFC qui indique : " 3 mm tout ok = au m2 4 mm combi +7 % soit 205,44. " On relève également que dans le tableau de Joubert le tout okoumé (tout ok) est au même prix en 3 et 4 mm.

90. Les documents commentés démontrent que les entreprises membres de l'UFC ont élaboré une structure tarifaire commune pour les panneaux de contreplaqué à base d'okoumé (combi ou tout okoumé), qu'elles procèdent en commun à la revalorisation périodique des coefficients de cette structure, et que celle-ci est effectivement utilisée par les entreprises pour l'édition de leurs tarifs pour ce type de produits.

91. Les représentants de ces entreprises l'ont d'ailleurs reconnu en s'efforçant de justifier cette structure tarifaire commune par des raisons " techniques " et par l'identité de leurs principaux coûts.

92. UPM Kymmene indique le 17 juin 2004 : " Les augmentations sont décidées au cours des réunions syndicales de la façon suivante : modification éventuellement de la grille tarifaire existante, liée à la dimension et à la qualité du produit ; - détermination d'une hausse en pourcentage sur la base de la dimension 10 mm. Ces deux éléments sont discutés et font l'objet d'un accord entre fabricants. " Un directeur d'usine confirme, le 1er juillet 2004, à propos de l'évocation des hausses en France lors des réunions syndicales : " (...) C'est sur la base de la structure tarifaire par rapport à la grille que nous discutions. (cela dit la grille avait été mise au point avant mon arrivée). (...) La grille tarifaire telle qu'elle a été établie ne correspond pas toujours dans sa structure (les écarts) à des différences de prix de revient ; par exemple, l'écart de 15 points entre le petit et le grand format ne correspond pas à un tel écart en terme de coût de revient. La structure tarifaire introduit une rigidité qui écarte les situations, les structures de coût de chacune des entreprises. Pour autant, nous commercialisons des produits comparables et les coûts de revient sont largement comparables comme le montre l'examen de la plainte antidumping par la Commission européenne. "

93. Le représentant de Rougier Panneaux déclare le 28 juillet 2004 : " Nous avons la même structure tarifaire que nos confrères compte tenu des contraintes techniques (qualité des grumes, qualité des faces ...) ou économiques réelles de production. Des discussions ont lieu sur la cohérence de la structure tarifaire mais chacun fait ce qu'il veut ; nous avons les mêmes structures de sociétés, il est donc normal que les tarifs évoluent sensiblement au même moment. Il s'agit de la structure tarifaire France liée aux habitudes de consommation. " Il précise, le 8 juin 2006 : " (...) En troisième lieu le rapporteur a demandé des précisions sur le fonctionnement de ce qu'on appelle "structure tarifaire". (...) elle représente des indices (par exemple 118 pour le 5 mm) qui traduisent la valeur relative en prix de revient dans chaque épaisseur, format et type de collage (intérieur/extérieur), par rapport à la valeur référence (base 100) représentée par le panneau 250x122x10 intérieur. Notamment, la proportion en terme de coût du placage "faces" décroît avec l'épaisseur. Ainsi ces indices reflètent directement le prix de revient réel du produit. C'est pourquoi en 2003, l'augmentation de 3 points des indices de la structure sur les panneaux 3 plis (4 à 8 mm) où la proportion de "faces" est la plus importante s'explique par la raréfaction des approvisionnements en grumes de qualité à ce moment qui a provoqué une hausse sensible de leur coût. "

94. Le représentant de Thébault expose, lors de son audition du 15 septembre 2004 : " (...) La structure tarifaire correspond au prix de revient au m3. Nous avons un prix de référence correspondant au petit format 2,50 m x 1,22 m collage intérieur et 10 mm d'épaisseur. Ce produit représentait au mieux la moyenne des ventes. J'ai toujours connu cette structure tarifaire (plus de 30 ans) qui avait été mise en place à la demande informelle du négoce, ce qui lui permet de se situer par rapport à la concurrence (...) en comparant un prix, il peut comparer tous les prix. L'augmentation du coefficient applicable à certaines épaisseurs est liée à des conditions techniques essentiellement. La grille tarifaire est indispensable, elle nous permet de comparer avec nos concurrents. Compte tenu de prix de revient identiques entre les producteurs (nous avons tous les mêmes coûts d'approvisionnement) le calcul des évolutions indiciaires serait le même qu'il soit opéré par l'UFC ou par chaque industriel. "

95. Le représentant de Joubert fait état, lors de son audition du 6 septembre 2004, des éléments suivants : " La mercuriale indiciaire existait déjà lors de notre arrivée en 1985 et elle a été affinée dans le temps. Cette mercuriale est nécessaire à la compréhension des prix de vente entre tous les acteurs du marché (producteurs et clients). Il existe une mercuriale indiciaire spécifique à la France et des mercuriales indiciaires applicables aux autres pays européens compte tenu que les spécifications produits ne sont pas les mêmes. En France, il s'agit essentiellement de faces okoumé avec une proportion de 60 % de collage intérieur et 40 % de collage extérieur avec une épaisseur moyenne de 12 mm. Les proportions sont de 60 % de 310 par 153 et environ 40 % de 250 par 122. L'augmentation des valeurs indiciaires intervenue sur les petites épaisseurs en novembre 2003 est liée à la volonté de réduire l'écart entre le prix de vente et le prix de revient réel de ces produits et justifiée par des coûts des faces dont la proportion est importante pour les petites épaisseurs et due à une augmentation et une moins bonne qualité des grumes. "

96. Le 6 juin 2006, il précise : " A propos [des notes sur] la réunion du 20/12/1999 où il est mentionné "structure tarif pas respecté en NL : Mathé ? format portes aux prix 250x122" (extrait scellé D9 société Allin). (...) fait le constat qu'une entreprise n'appliquant pas la grille de définition de produits pourrait vendre à perte, ce qui s'est traduit à terme par son dépôt de bilan. En effet, cette grille permet de traduire les écarts de coûts de fabrication entre les différentes caractéristiques techniques des produits : format, collage, épaisseur, familles de produits. Par exemple, par rapport à la base du 250x122x10, soit 3,05 m2 par panneau, le 215x100, soit 2,15 m2, révèle une perte de productivité sous presse d'un tiers, sachant qu'intervient aussi le coût matériaux plus important selon la surface qui ramène ainsi l'écart entre les 2 formats à environ 15 %, ce que traduit la grille. Si on ne respecte pas ces écarts entre formats, on s'écarte des coûts de manière sensible. "

97. Le représentant de Plysorol indique lors de son audition du 13 juin 2006 : " Le rapporteur a présenté aux intéressés des copies de notes relatives à des réunions de l'UFC, saisies par le service d'enquête auprès de différentes sociétés (Joubert, Allin, Mathé, Plysorol). A propos de la référence dans certaines notes à la "structure tarif" ou "structure tarifaire" ou encore "grille" (...) il s'agit d'une grille matricielle commune d'indices de référence qui inclut des coefficients d'application selon les différentes épaisseurs/formats/collages par rapport à une base 100 qui est le 250x122x10 Int. A l'origine, cette grille a été établie à la demande de l'administration afin, dans la période de reconstruction, de traduire les impératifs économiques de la profession. En conséquence, cette grille est commune aux entreprises pour ce qui concerne, en principe, l'écart entre les différents formats qui traduit mécaniquement les écarts de coûts de production. Par contre, elle n'établit pas des prix de tarifs communs aux entreprises. "

98. Enfin, le secrétaire général UFC, auditionné le 22 juin 2006 déclare : " Le rapporteur présente (...) [le] fax de novembre 2003 sur la "structure France" saisi chez UPM avec les hausses de coefficients sur les faibles épaisseurs. Cette hausse a fait suite à l'annonce par la SNBG de hausses plus importantes sur les meilleures qualités dont la proportion est plus importante sur les faibles épaisseurs ou pour les plus grandes dimensions et qui ont donc un impact plus élevé sur les prix de revient de ces produits. Il a donc fallu envisager de modifier les coefficients sur les références citées dans ce document. Cette grille est donc censée être le reflet du prix de revient réel selon la dimension et l'épaisseur du produit. Le rapporteur [demande] s'il dispose de la grille complète des coefficients de la "structure tarifaire". Celui-ci a répondu que pour sa part il ne l'a pas et que c'est au coup par coup qu'il reconstitue ponctuellement certains coefficients comme en novembre 2003 en se servant d'un tarif d'un adhérent. "

99. Les documents et déclarations concordent donc sur le contenu et la nature de la grille de coefficients tarifaires.

100. Il est arrivé que ponctuellement des fabricants n'aient pas respecté la grille en proposant des panneaux à des prix ne correspondant pas à ses coefficients d'écarts, ainsi que le montrent l'exemple mentionné à la réunion tenue à Poitiers le 20 décembre 1999, au cours de laquelle il est noté que le format portes a été vendu au prix du 250x122, soit sans respecter l'écart de 13 % prévu, et celui constitué par l'initiative d'UPM Kymmene de commercialiser au même prix le collage intérieur et le collage extérieur. Cette initiative a suscité des réactions critiques, comme l'a exposé lors de son audition le représentant de Joubert le 6 juin 2006 : " Enfin, concernant l'initiative fin 2003 du groupe UPM de commercialiser le CP collage extérieur et collage intérieur au même prix, en tant que fabricant français on ne pouvait que le déplorer au regard de l'écart de coût existant entre les deux, à la baisse du prix moyen en général qu'elle a provoqué et à la visibilité de l'offre par le client. En tout état de cause, il n'y a pas eu d'action commune des fabricants français au sein de l'UFC face à ce grand groupe européen. "

101. Cette réaction s'est notamment exprimée dans une lettre adressée le 19 décembre 2002 au président de Schauman Wood par le président de l'UFC, également représentant de la société Plysorol, qui s'inquiétait de la " (...) situation qui pourrait très prochainement résulter de l'annonce faite par un fabricant majeur d'offrir à la distribution du contreplaqué okoumé à usage extérieur et de structure, avec label CTBX, au prix du panneau à usage intérieur, sans répercuter sur le marché le surcoût de production. Si tel était le cas, cela entraînerait une perte de marge insupportable pour les fabricants de contreplaqué okoumé. (...) De plus, ce nouveau prix de vente aurait pour effet de banaliser le contreplaqué okoumé, puisque son prix de vente serait très proche de panneaux de contreplaqué d'autres essences aux qualités techniques nettement inférieures et ne tiendrait pas compte de la rareté de la ressource okoumé, qu'il faut construire et valoriser. (...) les membres présents ont unanimement jugé que cette hypothèse, si elle était vérifiée, était trop sérieuse et lourde de conséquences pour tous les intervenants de la filière ; aussi, ils ont demandé que ce sujet soit très rapidement éclairci et le cas échéant les mesures appropriées prises pour écarter cette menace. (...) compte tenu de votre implantation en Europe et en France, je pense que vous partagez cette analyse et ses conclusions. Je vous appellerai pour échanger avec vous sur ce sujet brûlant. "

102. Sur ce point, lors de son audition, le responsable d'UPM Kymmene a déclaré : " Concernant l'initiative d'UPM de commercialiser au même prix le CP collage intérieur et collage extérieur, certes elle a suscité des réactions peu favorables de nos confrères mais il ne nous semble pas que ceux-ci ont mis en œuvre en commun des pratiques pour nous en empêcher. "

103. Cependant, il ressort du dossier que d'une manière générale, la grille a été respectée. Aucune autre " déviation " que les deux mentionnées n'a été constatée.

D. LES GRIEFS NOTIFIÉS

104. Au vu de ces éléments, il a été notifié aux sociétés Jean Thébault SAS, SNC Plysorol, Rougier SA et Rougier Panneaux, Mathé SA, Etablissements Guy Joubert SA, Etablissements Allin SA et UPM Kymmene Wood SA les griefs suivants :

" - d'avoir déterminé de manière concertée, dans le cadre de leur organisation professionnelle, les hausses de leurs tarifs, cette concertation portant sur les taux de hausses, communs pour toutes, et sur les dates d'application de ces hausses, et d'avoir effectivement mis en œuvre ces hausses concertées, sur la période allant de novembre 1995 à mai 2004 ;

- d'avoir établi et mis en œuvre une structure tarifaire commune, dans le cadre de leur organisation professionnelle, structure qui sert de base à l'établissement des tarifs de chacune des entreprises en cause pour la commercialisation de leurs produits à base d'okoumé.

(...) comportements (...) susceptibles d'être qualifiés au titre de l'article L. 420-1 du Code de commerce (...) "

II. Discussion

A. SUR LA PROCÉDURE

105. Thébault estime que le dossier souffre de plusieurs vices de procédure. Ceux-ci seraient liés à l'absence de signature de la saisine d'office par des membres du Conseil mentionnés comme ayant participé à l'adoption de cette mesure, à l'absence au délibéré de celle-ci du rapporteur général, des rapporteurs généraux adjoints et du rapporteur, au manque de coordination avec la Commission européenne, et enfin au fait que le rapporteur aurait formulé dans le rapport un grief nouveau sur lequel les parties n'auraient pas pu présenter d'observations.

1. SUR LE RESPECT DE CERTAINES FORMALITÉS

a) Sur la saisine d'office

106. En ce qui concerne les signatures, l'article 10 du règlement intérieur du Conseil de la concurrence prévoit : " La minute des décisions est signée par le président de séance et le secrétaire de séance (...) en cas d'empêchement du secrétaire de séance, la minute est signée par le secrétaire du Conseil (ou un agent délégué par lui) ". L'article 9 du règlement intérieur prévoit pour sa part : " le secrétaire du Conseil ou un agent délégué par lui rédige et signe avec le président de séance le procès-verbal chronologique des séances, qui mentionne le nom des personnes présentes.... ".

107. Ces dispositions s'appliquent également aux décisions de saisine d'office. Sauf à alléguer une erreur ou à mettre en doute la bonne foi du président de séance, qui signe la décision et le procès-verbal, lesquels mentionnent tous deux les noms des membres ayant siégé et délibéré, et à mettre aussi en doute la bonne foi de la personne assurant les fonctions de secrétaire de séance, qui signe également ces pièces, ces dispositions apportent aux entreprises qui font l'objet d'une notification de griefs après une décision de saisine d'office l'assurance que celle-ci a bien été adoptée selon les règles de collégialité du Conseil, notamment celles de quorum, contrairement à ce que soutient en substance la société Thébault. En l'occurrence, cette société n'avance aucun élément particulier permettant de contester l'exactitude des mentions concernant la composition de la formation ayant décidé de la saisine d'office et le moyen doit par conséquent être écarté.

108. S'agissant de la nécessité alléguée de la présence au délibéré du rapporteur et du rapporteur général ou de l'un de ses adjoints, Thébault interprète l'article L. 463-7, alinéa 4, du Code de commerce, qui dispose : " le rapporteur général, le ou les rapporteurs généraux adjoints et le rapporteur assistent au délibéré sans voix délibérative, sauf lorsque le Conseil statue sur des pratiques dont il a été saisi en application de l'article L. 462-5 ", en ce sens que ces personnes devraient toujours être présentes au délibéré, en ayant, selon les cas, voix délibérative ou non.

109. Mais, tout au contraire, la disposition invoquée a pour effet d'exclure l'assistance au délibéré du rapporteur général, de ses adjoints et des rapporteurs, lorsque le Conseil statue sur des pratiques dont il a été saisi en application de l'article L. 462-5, lequel vise les saisines concernant les infractions aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5, qui peuvent en particulier déboucher sur des décisions comportant des injonctions et infligeant des sanctions pécuniaires. C'est dans le souci d'assurer le caractère impartial de ces procédures, notamment requis par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le législateur a écarté dans ces procédures la présence au délibéré des rapporteurs et rapporteurs généraux.

b) Sur l'application de l'article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité CE

110. La disposition en question prévoit que lorsqu'elles agissent en vertu des articles 81 CE ou 82 CE du traité, les autorités de concurrence des États membres informent la Commission européenne par écrit avant ou sans délai après avoir initié la première mesure formelle d'enquête. Cette information peut également être mise à la disposition des autorités de concurrence des autres États membres. La société Thébault dénonce en substance l'absence de mise en œuvre de cette disposition comme une atteinte à ses droits.

111. Mais les griefs qui ont été notifiés à l'entreprise Thébault ne visent que des infractions au droit national de la concurrence, et non au droit communautaire. Les concertations en cause n'ont en effet eu lieu qu'entre des entreprises de production implantées en France ou au Gabon et ont seulement concerné la commercialisation en France de leurs produits. Ces pratiques n'ont pas eu pour objet de restreindre les importations d'autres États membres ou l'implantation en France d'entreprises établies dans ces États et l'effet qu'elles ont pu le cas échéant avoir sur les exportations " françaises " vers les autres États membres est manifestement trop indirect et diffus pour que l'on puisse considérer que le commerce entre États membres a pu être affecté de manière sensible, comme l'exige l'application de l'article 81 CE (voir à cet égard la communication de la Commission portant lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, JOUE 2004, C 101, p. 81, points 20 et suivants).

112. Dans ces conditions, il apparaît que la Commission européenne n'aurait pas pu, en tout état de cause, " dessaisir " le Conseil de la concurrence, comme l'envisage l'entreprise mise en cause, à supposer qu'une telle configuration ait pu être plus favorable à cette dernière comme elle le laisse entendre. Le moyen tiré d'une violation, à ce titre, des droits de la défense de l'intéressé doit donc être écarté.

2. SUR LA FORMULATION PRÉTENDUE D'UN NOUVEAU GRIEF

113. La société Thébault se réfère au passage suivant du rapport concernant la structure tarifaire, selon lequel celle-ci aurait facilité " la coordination tacite sur les prix, en accroissant artificiellement la transparence du marché et en permettant à chaque fabricant de mieux observer les stratégies des concurrents. Si les prix individuels sont observables, les déviations unilatérales sont immédiatement détectées et punies. Ainsi, sous la menace d'une riposte dissuasive, aucune entreprise n'a intérêt à s'écarter de l'équilibre instauré, ici l'application de coefficients communs d'écarts de prix. "

114. L'entreprise Thébault ajoute : " En particulier, lorsqu'il s'agit de caractériser la gravité de cette pratique, le rapporteur explique que grâce à cette structure tarifaire chaque entreprise mise en cause aurait eu la garantie que "ses partenaires à l'entente" ne s'écartent pas du modèle de calcul des prix déterminé en concertation. Ainsi, ce système aurait permis de faciliter le contrôle du respect des conventions arrêtées. "

115. Elle conclut : " Une telle évolution dans la nature des pratiques reprochées ne permet pas aux entreprises visées de pouvoir assurer leur défense en toute connaissance de cause. En effet, le rapporteur ne saurait retenir dans son rapport un grief nouveau qui n'aurait pas été formulé dans la notification de griefs et à propos duquel les parties n'auraient pas pu présenter leurs observations. "

116. Cependant, ces passages sont extraits, pour le premier, d'un paragraphe 2.2.4 du chapitre III du rapport, consacré à l'analyse des arguments en défense des parties sur le grief relatif à la structure tarifaire, paragraphe intitulé " sur la réduction du degré d'incertitude générée par la structure commune ", pour le second, d'un paragraphe 1.2 du chapitre IV, paragraphe consacré à la gravité de la pratique en cause. Ces extraits, cités hors de leur contexte, font partie de l'analyse du rapporteur sur ladite pratique, notamment en ce qui concerne ses effets sur le marché et le comportement concurrentiel des entreprises.

117. Or, le rapporteur a notifié le grief : " - d'avoir établi et mis en œuvre une structure tarifaire commune, (...), structure qui sert de base à l'établissement des tarifs de chacune des entreprises en cause pour la commercialisation de leurs produits à base d'okoumé. "

118. Les analyses du rapporteur mentionnées par la société Thébault s'inscrivent bien dans le cadre de ce grief et n'en constituent pas un nouveau. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article R. 463-ll du Code de commerce, énonce que " le rapport soumet à la décision du Conseil une analyse des faits et de l'ensemble des griefs notifiés. ". Ces dispositions ne font nullement obstacle au débat contradictoire qui s'ouvre dès la communication des griefs aux parties et qui se poursuit tout au long de la procédure, non seulement sur la matérialité des faits, mais aussi sur leur analyse par les services d'instruction. Les entreprises poursuivies ont ainsi la faculté de présenter des observations sur le rapport. Dans ses observations sur le rapport, la société Thébault a d'ailleurs développé des arguments concernant l'analyse de la structure tarifaire exposée dans le rapport (paragraphes 90 à 108 et 141 à 147) et la gravité de la pratique (paragraphes 165 à 170).

119. L'intéressée a donc été en mesure de contester le grief en cause et l'analyse proposée par le rapporteur à son soutien. Il en résulte que le moyen tiré du non respect du principe du contradictoire doit être écarté.

B. SUR LE FOND

1. SUR LA PRESCRIPTION

120. Joubert soutient qu'en l'espèce la prescription applicable est de trois ans car la saisine (7 mai 2004) est antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004 portant la prescription à cinq ans. Le Conseil ne devrait donc pas connaître des faits intervenus jusqu'au 7 mai 2001 alors que les griefs notifiés visent des faits remontant jusqu'en 1986, voire jusqu'en 1968.

121. Ainsi que l'a indiqué le Conseil, notamment dans sa décision n° 06-D-08 du 24 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés publics de construction de trois collèges dans le département de l'Hérault (points 38 à 45) : " l'article 6 de l'ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004 a porté de trois à cinq ans le délai de prescription prévu à l'article L. 462-7 du Code de commerce. S'agissant d'un texte de procédure et non d'une loi instituant une peine plus sévère, il est applicable immédiatement, y compris à la poursuite et à la sanction des faits antérieurs à son entrée en vigueur, sous la seule réserve qu'il ne puisse permettre de poursuivre ou de sanctionner des faits pour lesquels la prescription a été définitivement acquise en vertu du texte applicable précédemment. "

122. La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt Toffolutti du 12 décembre 2006, a également jugé : " Considérant que, lorsque la prescription n'est pas acquise, les lois relatives à la prescription sont applicables immédiatement aux pratiques commises avant leur entrée en vigueur ; Considérant qu'en l'espèce, il est constant que le dernier acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des pratiques dénoncées par Toffolutti, qui en l'état, n'ont pas donné lieu à une notification de griefs, est constitué par le "soit transmis" du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Rouen en date du 7 juillet 2002 et que la prescription triennale qui résultait des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2004-117 du 4 novembre 2004 n'était pas acquise le 6 novembre 2004, date d'entrée en vigueur de ce texte ; Considérant que la requérante est dès lors fondée à soutenir que les faits dénoncés au Conseil, désormais soumis à une prescription de cinq ans à compter du 7 juillet 2002, n'étaient par voie de conséquence pas prescrits à la date du 7 juillet 2005. "

123. Par ailleurs, la détermination du point de départ de l'écoulement du délai de prescription de pratiques anticoncurrentielles par rapport aux faits dépend de la manière dont ceux-ci se sont déroulés dans le temps, ainsi que l'a rappelé de manière détaillée le Conseil dans la décision n° 07-D-15 du 9 mai 2007 relative à des pratiques concernant les marchés publics relatifs aux lycées d'Île-de-France. La pratique à caractère instantané est réalisée en un trait de temps, dès la commission des faits qui la constituent. Le point de départ de la prescription se situe, dans un tel cas, le lendemain du jour où ces faits ont été commis. La pratique revêt au contraire, un caractère continu " lorsque l'état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou la persistance de la volonté coupable de l'auteur après l'acte initial. Il s'agit de pratiques caractérisées par la continuité de la volonté anticoncurrentielle sans qu'un acte matériel ait nécessairement à renouveler la manifestation dans le temps, de telle sorte que le calcul du point de départ de la prescription ne commencera qu'à compter de la cessation des pratiques. " (rapport d'activité du Conseil pour 2002, p. 91).

124. Dans plusieurs décisions, le Conseil a appliqué cette règle, qui permet de retenir des faits antérieurs de plus de trois ou de cinq ans au premier acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction lorsque la pratique en question est continue, puisque le délai de prescription ne commence alors à courir que lorsque la situation infractionnelle a pris fin : par exemple, des courriers faisant état du " maintien de la charte de respect de la 1ère monte " donnent à la pratique de mise en œuvre de la charte définie dans un courrier antérieur un caractère continu (décision n° 03-D-40) ou des pratiques discriminatoires consistant en une interdiction faite à des médecins d'accéder à un scanner privé, adoptée à l'issue d'une réunion organisée sous l'égide de l'ordre des médecins et poursuivie les années suivantes revêtent également un caractère continu (décision n° 06-D-36 ; sur le point de départ de la prescription voir également n° 02-D-63, n° 05-D-13). Dans la décision dite " Pont de Normandie " du 29 novembre 1995 (n° 95-D-76), le Conseil a pris la position suivante : " Considérant en second lieu que, contrairement à ce qu'avancent les sociétés Dumez et GTM - Entrepose, l'accord qu'elles ont conclu le 25 juin 1986 peut être examiné par le Conseil puisqu'il est resté en vigueur et a conservé, de façon continue, son objet et ses effets, actuels et potentiels, jusqu'à la conclusion d'un second accord, le 10 mai 1989, intervenue pendant la période non prescrite à la suite d'un accroissement de la participation de la société Dumez dans le capital de la société GTM - Entrepose ... ". Cette analyse selon laquelle un accord pouvait être sanctionné bien qu'il soit intervenu plus de trois ans avant le 28 novembre 1989, date du premier acte interrompant la prescription (date de la première ordonnance de visites et saisies) n'a pas été remise en cause par les juridictions de contrôle (cour d'appel de Paris, 6 mai 1997 et 14 janvier 2003 ; Cour de cassation, 5 octobre 1999 et 13 juillet 2004).

125. En l'espèce, le premier acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des faits objet des griefs a été l'établissement du procès-verbal de clémence d'UPM Kymmene, le 7 mai 2004. Les faits antérieurs au 7 mai 2001 ne peuvent donc être poursuivis, en application du délai de trois ans encore en vigueur au 7 mai 2004, que s'ils se rattachent à des pratiques continues.

126. Pour ce qui concerne les hausses tarifaires, il est établi qu'au moins depuis 1995 les entreprises en cause sont convenues dans le cadre de leur organisation professionnelle d'appliquer aux mêmes dates les mêmes taux de hausse à leurs tarifs de base et qu'elles ont poursuivi cette concertation jusqu'aux visites et saisies effectuées dans le cadre de l'enquête conduite dans la présente affaire en 2004. Ainsi, l'enchaînement des hausses successives, sans aucune interruption qui aurait été de nature à rétablir l'autonomie des politiques de prix des parties à l'entente, permet de retenir l'existence d'une pratique continue pour l'ensemble de la période courant à compter de la première réunion attestée au dossier, soit de novembre 1995 à mai 2004.

127. Pour ce qui concerne la grille syndicale, elle a été élaborée en 1968 puis mise en œuvre et actualisée de manière ininterrompue afin de servir de référence permanente de calcul des tarifs des différents produits à base d'okoumé à partir du prix " base 100 " de chaque entreprise, également jusqu'au mois de mai 2004. Elle matérialise donc elle aussi une pratique continue.

128. Dès lors, les pratiques en cause n'ayant cessé qu'en mai 2004, point de départ de la prescription, il faut constater qu'elles n'étaient pas prescrites à la date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2004-1173 en date du 4 novembre 2004. Elles sont donc soumises au nouveau délai de prescription de cinq ans, qui n'a pas expiré au cours de la procédure conduite par le Conseil depuis l'établissement du procès-verbal de clémence d'UPM Kymmene le 7 mai 2004 et rythmée, en tout état de cause, par plusieurs actes d'instruction ultérieurs. Contrairement à ce que soutient l'entreprise Joubert, le Conseil peut donc examiner l'ensemble des faits visés par les griefs, y compris pour la période antérieure au 7 mai 2001.

2. SUR LES PRATIQUES DÉNONCÉES

a) Sur les hausses tarifaires communes

129. Trois arguments sont en substance avancés par les entreprises mises en cause pour contester le grief : en premier lieu, l'existence même de la pratique est combattue au motif qu'elle ne serait pas démontrée par des preuves suffisantes ; en deuxième lieu, les hausses concertées sont présentées comme une répercussion purement technique des coûts constatés en amont ; en troisième lieu, il est soutenu que ces hausses n'ont pas été mises en œuvre.

Sur la preuve de la pratique

130. L'entreprise Thébault avance que les déclarations des responsables d'UPM Kymmene, sans être corroborées par d'autres éléments, sont insuffisantes pour établir la pratique. La société remet en cause également les déclarations des autres entreprises au motif que les questions des enquêteurs ou du rapporteur auraient été " formulées de manière à manifestement influencer la réponse ". Les déclarations mêmes du représentant de Thébault, qui seraient contradictoires, l'illustreraient.

131. Ensuite, la même société expose que la communication des circulaires de hausses entre les entreprises ne suffit pas non plus à établir l'existence d'une entente, d'autant qu'il ne serait pas établi que ces mêmes circulaires auraient été adressées aux clients. En s'adressant mutuellement des lettres-type sur les hausses, les fabricants auraient même parfois cherché à s'induire en erreur.

132. Enfin, elle estime aussi insuffisamment probantes les indications conditionnelles de hausses envisagées figurant dans des notes prises au cours de certaines réunions de l'UFC.

133. Cependant, les déclarations des responsables d'UPM Kymmene, notamment celles du directeur d'usine, sont étayées par de nombreuses pièces probantes du dossier. Lors de ses auditions, l'intéressé a indiqué, comme il a déjà été dit aux paragraphes 38 et 39 : " Les réunions avaient pour objet de réguler la production en tant que de besoin et d'harmoniser la politique tarifaire de chacun d'entre nous. (...). L'harmonisation consistait à coordonner les hausses. (...) Les réunions se sont poursuivies jusqu'à très récemment (elles se tenaient soit à Paris soit à Poitiers). " puis : " J'ai rejoint Schaumann Wood SA en 1995. Dès mon arrivée, j'ai pris part aux réunions régulières qui regroupaient les concurrents ; j'ajoute que ces réunions se tenaient dès avant mon arrivée et que mon prédécesseur y participait comme en témoigne un compte-rendu, que je vous remets. " L'intéressé a remis à cette occasion trois comptes rendus de réunions du syndicat dont les mentions ne laissent planer aucun doute sur la volonté de ses membres de pratiquer des hausses communes et même, à l'époque, de contrer ensemble les exigences des négociants. Ainsi dans celui intitulé " REUNION SYNDICAT " avec la mention " déc. 95 " avec comme participants signalés Isoroy, RolTech, Allin, Thébault, Mathé et Marais, figurent les mentions suivantes : " (...) Joubert : Il existe un prix plancher. (...) Thebaut : on remonte doucement mais on trouve 31,50. il y a qd même un nivellement autour de 32,50. Les centrales récriminent sur le prix de 32,50. Quelle est la capacité à tenir. (...) Réunion rapide sur la hausse des prix. " Dans un document intitulé " SYNDICAT DES PANNEAUX - 10/95 " figure : " (...) prix + 6 % 1/1/96. (...) Besoin de hausse de prix, il faut que chacun joue le jeu. Les membres du syndicat doivent absolument tenir cette hausse pour respirer. (...) sujet douloureux sur les PQFA ; 2,5 %, il faut en parler pour organiser le marché. - prix quel prix ; - PQFA combien. " Les PQFA désignent les conditions de fin d'année consenties aux négociants. C'est aussi dans ce document que figure la mention : " - loi sur les ententes ?? attention - danger ! ". Un troisième document intitulé " SYNDICAT FAB. PANNEAUX -24/11/95 " signale : " (...) EVOLUTION DU MARCHE France hausse de prix 1/1/96. prix du marché autour de 30,50 FRF. Hausse de 6 % . 32,50 FRF à 34,00 FRF là où c'est possible. (...) NEBOPAN on ne répond pas. Essayons de ne pas répondre directement au .centrale d'achat.. (...) pb Point P Poliet ne pas répondre sur les gros volumes. Répondre sur un volume faible faire autour de 32,50 FRF. " Ces documents font clairement état d'une hausse tarifaire de 6 % convenue au 1er janvier 1996 et d'une volonté commune de s'opposer aux demandes des négociants en matière de prix et de ristournes en adoptant un même comportement visant à maintenir un prix plancher de 32,50 F.

134. Les déclarations des responsables des autres sociétés au cours de l'instruction sont aussi sans ambiguïté et ne comportent pas de contradictions entre elles. Il convient, à cet égard, de relever les extraits suivants :

- Société Thébault :

Audition du 15 septembre 2004 : " Lors des réunions évoquant le marché, nous parlons des prix de nos fournisseurs, des répercussions sur nos prix de revient et décidons des hausses qu'il faut appliquer pour tenir compte de l'évolution de nos prix de revient ainsi que des dates d'application ce qui pour nous correspond à une logique technique. Lorsque les décisions d'augmentation des prix sont faites, nous adressons des lettres circulaires à nos clients dont certains sont également nos concurrents. "

Audition du 23 mai 2006 : " En deuxième lieu, concernant les hausses tarifaires convenues en commun, elles résultent du constat qu'en tout état de cause nos différentes entreprises ont des structures de prix de revient très proches avec quatre postes principaux (...) "

- Société Allin :

Audition du 13 juin 2006 : " (...) Concernant ses notes relatives aux hausses de tarif telles que, par exemple " Fce hausse passe mais difficile " ou " appliquer la hausse-Plysorol OK " (note du 24/02/2003) M. Z... indique qu'à 3-4 ans d'intervalle il lui est difficile de recadrer le contexte et la signification exacte de ces notes. Ces indications semblent indiquer le désir des intervenants cités d'assurer la pérennité de leurs entreprises en essayant de faire passer les évolutions de coûts dans un contexte de marché mondial caractérisé par une forte pression concurrentielle des importateurs. "

- Société Rougier Panneaux :

Audition du 28 juillet 2004 : " Au cours des réunions UFC si le niveau des prix est évoqué, il s'agit des flux de prix au niveau mondial, générant un niveau de prix de marché. (...) nous avons les mêmes structures de sociétés, il est donc normal que les tarifs évoluent sensiblement au même moment. "

Audition du 8 juin 2006 : " Le rapporteur a présenté des copies de notes prises au cours de réunions de l'UFC et saisies chez des confrères de Rougier. (...) En deuxième lieu, sur les notes relatives aux hausses tarifaires, elles traduisent la nécessité pour la profession de répercuter les hausses des coûts en amont subies sur les principaux postes que sont le bois, les colles et le fret, ces hausses intervenant au même moment et étant de même niveau pour tous puisque nous avons les mêmes fournisseurs et prestataires. "

- Société Plysorol :

Audition du 13 juin 2006 : " Le rapporteur a présenté aux intéressés des copies de notes relatives à des réunions de l'UFC, saisies par le service d'enquête auprès de différentes sociétés (Joubert, Allin, Mathé, Plysorol). (...) A propos des mentions relatives aux hausses de tarifs et à leurs dates d'application elles traduisent le souhait de répercuter sur le marché les hausses de coûts subies en amont pour le bois, la colle et le fret notamment ou encore pour tenter d'enrayer une érosion des prix par "l'effet d'annonce" auprès du client qui serait ainsi moins tenté d'accentuer la pression à la baisse. "

135. La diffusion des circulaires de hausses auprès de la clientèle est également établie, notamment pour ce qui concerne la société Thébault. Le dirigeant de cette dernière entreprise a déclaré lui-même le 15 septembre 2004 (voir supra) : " Lorsque les décisions d'augmentation des prix sont faites, nous adressons des lettres circulaires à nos clients dont certains sont également nos concurrents. " Figurent aussi au dossier les circulaires d'annonces de hausse adressées par la société Thébault à l'ensemble de sa clientèle le 20 novembre 2003, le 29 novembre 2002, le 31 octobre 2002, le 5 novembre 2001, le 20 octobre 2000, le 19 septembre 2000, le 28 juillet 2000, le 4 juillet 2000, le 26 juin 2000. Certaines de ces circulaires comportent une annotation non ambigüe. Celle du 20 novembre 2003 : " circulaire envoyée à tous nos clients le 25/11 au + tard. " Celle du 31 octobre 2002 : " Veuillez trouver ci-joint courrier que nous envoyons à tous les clients. " Celle du 19 septembre 2000 : " courrier envoyé ce jour à tous les clients. Le 20.9.2000. " Enfin, la circulaire du 26 juin 2000, adressée spécifiquement à chacun de ses concurrents par Thébault se retrouve sous forme non individualisée avec la mention : " courrier envoyé à tous les clients comme d'habitude. "

136. Par ailleurs, les comptes-rendus de réunions de l'UFC et les autres éléments réunis au dossier permettent de constater qu'il ne s'agissait pas de simples indications de hausses envisagées et incertaines, comme le soutient Thébault qui fait valoir que de telles majorations n'auraient pas été mises en œuvre. Les données qui suivent en fournissent l'illustration.

137. Lors de la réunion à Poitiers le 20 décembre 1999, le représentant d'Allin note : " .3 % au 1er février 2000 ". Or, une hausse tarifaire de 3 % est annoncée entre le 17 avril et le 2 mai 2000 par UPM Kymmene, Thebault, Allin, Mathé, Rougier Panneaux, Isoroy et Rol Tech. A l'occasion de la réunion du 11 mai 2000, la même personne note à propos de la hausse : " -Plysorol.annonce et hausse tarif ; hausse au 1er juin=PBM,DUBOIS ?PtP ; - Rog : après annonce hausse=remarques habituelles ; - JBT : hausse au 1er juin. 3 % en Région Parisienne, il faudrait les appliquer. " A la réunion du 30 mai 2000 à Paris, elle note : " - Mathé : monter les prix ; JBT : Fce : nouveaux prix en place ; Rog : annonce hausse 3 % au 1er septembre ; - 1er juillet 00 +3 % + dossiers. ". Or, une hausse tarifaire de 3 % est annoncée entre le 15 juillet et le 1er août 2000 par Plysorol, Joubert, Thébault, Rougier et Mathé. A la réunion du 18 décembre 2002, elle note encore : " Appliquer la hausse en France. " Puis, à la réunion du 24 février 2003, elle relève les commentaires de ses concurrents sur la hausse : " Joubert : Fce hausse passe mais difficile ; Appliquer la hausse Plysorol OK !?- Plysorol : hausse ; globalement oui, mais pas rapide ; Thébault : tarif pas appliqué partout, espoir pour consolider ; Schaumann : Prix. Impression que la hausse passe ;- hausse 1er mai 5 % 2ème quinzaine de mars. " Or, une hausse tarifaire de 3 % est annoncée au 1er janvier 2003 par Plysorol, Allin, Thébault, Rougier, Joubert et UPM Kymmene.

138. Le compte-rendu de la réunion du 5 novembre 2003 fait par le représentant de Mathé indique : " JC Thébault : . hausse au 1er janvier " puis, plus loin parmi d'autres notes, ces mentions : " Hausse France. (...) 5 %a5 %. (...) Nveau Tarif//5 %. (...) Hausse au 1er janvier - Circulaire - frêt, tspt, fiscalité forestière, . générale des coûts, fret. Avant le 21 novembre 2003 - envoi circulaire semaine prochaine. (...) Application au 1er janvier - 1er janvier - Date annonce à décider le 14/11. (...) - Applicable au 1/01/04 ".

139. Dans une note interne du 18 décembre 2003 (compte rendu réunion Décines), le responsable du segment distribution de la région Rhône Alpes pour UPM Kymmene indique : " la hausse des contreplaqués face okoumé est générale et concerne l'ensemble des producteurs français. Cette décision de modification tarifaire a été prise de manière unanime après concertation des principaux acteurs de la profession. Nous avons, comme nos concurrents, diffusé un avis de hausse auprès de la clientèle faisant état d'une application au 1er janvier 2004. " Une hausse tarifaire de 5 % est effectivement annoncée au 1er janvier 2004 par Allin, Mathé, Plysorol, Rougier, Thébault, UPM Kymmene et Joubert.

140. Les circulaires de hausses adressées à la clientèle respectent largement la date d'envoi envisagée : 18 novembre 2003 (Mathé), 19 novembre 2003 (Plysorol), 20 novembre 2003 (Thébault et UPM), 21 novembre 2003 (Rougier) et 25 novembre 2003 (Joubert). Les circulaires des différentes sociétés reprennent à des degrés divers les arguments justificatifs proposés en réunion : le fret (ou le transport), la fiscalité forestière et la variation générale des coûts.

141. Le suivi des directives communes est effectué aux réunions suivantes.

142. Pour la réunion du 16 décembre 2003 Joubert indique ainsi : " Allin : France circ. Tarifs envoyés ; Mlx : France tarifs partent aujourd'hui. "

143. Pour la réunion du 30 janvier 2004, les notes Allin indiquent : " Rougier : (...). pb avec la hausse de janvier ; Hausse Fce (...) - Hausse devrait être appliquée au 1/03/04. Fermeté de la hausse + importante. Toutes commandes sont enregistrées avec la hausse. " Les notes de Joubert indiquent : " Plysorol : F : nouveaux prix passent chez les groupes sur les prix actuels. Autres clients - pas de fermeté des collègues ; MLX : France : la . passe ; Allin : F : application de la . en bricolant. " Sur les derniers feuillets sous la mention du " 24/1/04 ", on retrouve des données identiques : " Plysorol : hausse en France : OK ; Thébault : hausse appliquée - doit être intégrale ; Allin : prix résistance ; (...) France : + 5 % en mai. " Cette ultime mention laisse présager une nouvelle hausse commune en mai 2004. Le rôle actif de Thébault, qui recommande que la hausse soit intégrale, peut être relevé.

144. Les notes Thébault prises à la réunion du 23 février 2004 permettent de suivre l'application de la hausse de janvier précédent : " 1. Joubert : hausse passe parfois difficilement ; 2. Plysorol : hausse passée intégralement ; 4. Rougier : hausses appliquées. Exceptions en Bretagne ; Allin : Prix encore résistance. ".

145. L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices précis, graves et concordants de l'existence d'une concertation sur les hausses de tarifs.

146. Joubert tire pour sa part de la similitude des conditions d'exploitation l'argument selon lequel l'uniformité des hausses s'expliquerait par un simple parallélisme de comportement. Ainsi, l'accord de volonté des entreprises ne serait pas démontré.

147. S'agissant de la preuve d'un tel accord de volontés entre concurrents, le Conseil a rappelé de manière détaillée, dans sa décision n° 07-D-48 du 18 décembre 2007, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international, les principes applicables en droit communautaire et en droit national, lorsque cet accord résulte de la participation à des réunions à objet anti-concurrentiel.

Sur le standard de preuve en droit communautaire

148. Le juge communautaire a défini la pratique concertée comme celle qui vise " une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 64). Les critères de coordination et de coopération retenus par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact, directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché " (CJCE, 16 décembre 1975, Suiker Unie UA aff. jointes 114-73, TPICE, LVM c/ Commission 29 avril 1999). En conséquence, la qualification de pratique concertée n'est pas limitée aux seuls comportements sur le marché mais peut aussi s'appliquer à une forme de coordination et à des prises de contacts entre les entreprises, supposant en cela un accord de volonté pour mener ensemble une telle concertation.

149. Dans l'arrêt Anic du 8 juillet 1999, la Cour de justice des communautés européennes en déduit que : " comme cela résulte des termes mêmes de l'article 85 [devenu l'article 81], paragraphe 1, du traité la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments.

(...) Or, d'une part, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d'autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d'une longue période (...)

D'autre part, une pratique concertée telle que définie ci-dessus relève de l'article 85, paragraphe 1, du traité, même en l'absence d'effets anticoncurrentiels sur le marché. D'abord, il découle du texte même de ladite disposition que, comme dans le cas des accords entre entreprises et des décisions d'associations d'entreprises, les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu'elles ont un objet anticoncurrentiel.

Ensuite, si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n'implique pas nécessairement que ce comportement produise l'effet concret de restreindre, d'empêcher ou de fausser la concurrence. "

150. La Cour de justice a poursuivi cette analyse dans l'arrêt Sarrio du 16 novembre 2000 (aff. C-291/98) cité par l'une des parties, en précisant les éléments de nature à renverser la présomption de l'accord de volonté : " le fait qu'une entreprise ne donne pas suite aux résultats des réunions n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l'entente à moins qu'elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu. " La Cour a plus récemment confirmé sa position dans un arrêt du 28 juin 2005, (Dansk Industrie c/Commission (C-189/02 P et autres)) : " Aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), il suffit qu'un accord ait pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets. En conséquence, dans le cas d'accords se manifestant lors de réunions d'entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, la responsabilité d'une entreprise déterminée du chef de l'infraction est valablement retenue lorsqu'elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n'a pas, ensuite, mis en œuvre l'une ou l'autre des mesures convenues lors de celles-ci. La circonstance d'une participation à l'entente d'entreprises dominantes ou particulièrement puissantes, susceptibles de prendre des mesures de rétorsion envers d'autres participants, nettement moins puissants, au cas où ceux-ci se distancieraient publiquement du contenu des réunions dont l'objet est anticoncurrentiel, l'assiduité plus ou moins grande de l'entreprise aux dites réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (voir, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-24499 P, C-245-99 P, C- 247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, points 508 à 510). Il en découle que la circonstance (...) que [l'entreprise mise en cause] n'a pas mis en œuvre et ne pouvait d'ailleurs pas mettre en œuvre la mesure de boycottage convenue lors de la réunion du 24 mars 1995 n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à cette mesure, à moins qu'elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu, ce que ladite [entreprise] n'a pas allégué".

151. C'est ce même raisonnement qu'a rappelé la Cour de justice dans une affaire plus récente : " Dès lors qu'il a été établi qu'une entreprise a participé à des réunions entre entreprises à caractère manifestement anticoncurrentiel il incombe à cette entreprise d'avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel en démontrant qu'elle a indiqué à ses concurrents qu'elle y participait dans une optique différente de la leur. En l'absence d'une telle preuve de distanciation, le fait que cette entreprise ne se conforme pas aux résultats de ces réunions n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l'entente " (voir en ce sens, CJCE affaires jointes C-403-04 P C-405-04 P du 25 janvier 2007 Sumitomo Metal Industries Ltd et Nippon Steel Corp.).

152. En droit communautaire, l'accord de volonté d'une entreprise est par suite démontré par sa participation à une ou plusieurs réunions ayant un objet anticoncurrentiel, à moins qu'elle ne s'en soit distanciée publiquement, sans qu'il soit besoin de constater la mise en œuvre effective des décisions prises. L'absence de mise en œuvre est un élément à prendre en compte, non pas pour qualifier l'infraction mais pour établir le montant de la sanction.

Sur le standard de preuve en droit national

153. Comme l'a rappelé le Conseil de la concurrence dans ses décisions n° 06-D-03 bis du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation (paragraphes 683 et suivants) et n° 07-D-48 du 18 décembre 2007 déjà citée, la pratique décisionnelle de l'autorité nationale de concurrence distingue deux situations :

- celle dans laquelle la concertation anticoncurrentielle se déroule au cours de réunions tenues dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle ;

- celle dans laquelle l'entente est mise au point au cours de réunions informelles, de nature le plus souvent occulte ou secrète, auxquelles participent de leur propre initiative les entreprises concurrentes.

154. Dans le premier cas, le standard de preuve est plus exigeant. Le seul fait d'avoir participé à une réunion tenue dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle - assemblée générale ordinaire d'une fédération départementale professionnelle dans le cas de la boulangerie (voir la décision n° 04-D-07 du 11 mars 2004 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la boulangerie dans le département de la Marne), assises nationales, conseil d'administration, commission économique ou bureau d'une fédération nationale dans le cas du négoce d'appareils sanitaires ou de chauffage (voir la décision n° 06-D-03 déjà citée) - dont l'ordre du jour aurait dans les faits évolué vers un objet anticoncurrentiel - ne suffit pas à caractériser l'adhésion des entreprises à l'entente. En effet, dans un tel cas, l'entreprise régulièrement convoquée n'est pas en mesure de connaître l'objet anticoncurrentiel de cette réunion. Dans ce contexte, le Conseil a considéré, dans ces deux affaires, que le concours de volonté était démontré lorsque l'entreprise, ayant participé ou non à cette réunion, a adhéré à l'entente par la preuve de son accord à l'entente de prix, la diffusion des consignes arrêtées lors de cette réunion ou par l'application des mesures concrètes décidées par cette réunion ou encore lorsque l'entreprise a participé à une réunion ultérieure ayant le même objet anticoncurrentiel.

155. Dans le deuxième cas, le standard de preuve est le même que celui rappelé aux paragraphes 148 à 151. Comme le rappelle le juge communautaire dans l'arrêt Suiker Unie UA déjà cité, une entreprise doit s'abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d'échanger sur les politiques commerciales et notamment les prix des biens ou des services qu'elle offre sur le marché. Ce type de réunion informelle, généralement secrète et d'ailleurs abritée derrière des noms de Code (" le Club ", la " réunion des confrères ") qui tente de dissimuler le véritable objet pour lequel sont conviés dirigeants ou responsables commerciaux d'entreprises concurrentes à l'initiative de l'une d'entre elles, n'appelle qu'une réponse de la part des entreprises : refuser d'y participer ou, si la bonne foi du participant est surprise, se distancier sans délai et publiquement du mécanisme anticoncurrentiel dont la réunion est le support. La participation à une seule de ces réunions - même si elle est passive - suffit en effet à conforter le mécanisme de l'entente : d'une part, elle renseigne sur le comportement commercial que les autres acteurs ont décidé d'adopter sur le marché, alors que l'autonomie qu'exige la concurrence entre entreprises suppose que ces dernières restent dans l'incertitude sur la stratégie de leurs compétiteurs, d'autre part elle permet aux participants plus actifs d'escompter que l'absence d'opposition de l'entreprise ne viendra pas perturber le jeu collusif.

156. Dans son arrêt du 29 janvier 2008 rendu sur les recours formés contre la décision du Conseil n° 06-D-03 bis du 9 mars 2006, la Cour d'appel de Paris a jugé, en ce qui concerne les concertations anticoncurrentielles décidées dans le cadre de réunions statutaires d'organisations professionnelles, comme c'est le cas en l'espèce, que :

" (...), le Conseil a retenu à juste titre que cet accord est démontré dans deux hypothèses :

- si l'entreprise n'a participé qu'à une seule réunion ayant un objet anticoncurrentiel dès lors qu'il est également établi qu'elle a adhéré à cet objet, notamment par la diffusion des consignes adoptées ou encore par l'application des mesures décidées au cours de cette réunion ;

- si l'entreprise concernée a participé à plusieurs réunions ayant le même objet anticoncurrentiel ;

Que la plus ou moins grande assiduité de l'entreprise aux réunions, la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues et l'effet anticoncurrentiel des décisions prises ne doivent être prises en compte que pour apprécier le niveau de la sanction. "

Sur l'application à l'espèce

157. Au cas présent, les éléments matériels recueillis permettent de considérer que les conditions exigées dans le cadre de la première hypothèse sont ici réunies.

158. En effet, le faisceau d'indices contredit la thèse de Joubert qui explique la simultanéité des hausses par un simple parallélisme de comportement résultant de conditions d'exploitation similaires et permet de constater non seulement la participation multiple des entreprises en cause aux réunions et aux discussions sur les hausses, mais aussi leur application effective. En particulier, l'entreprise Joubert a participé à de très nombreuses réunions à objet anticoncurrentiel de l'UFC et a largement appliqué les décisions qui y étaient prises. En conséquence, le moyen tiré de l'absence d'accord de volonté doit être rejeté.

Sur la nature de la pratique

159. Il est soutenu que les hausses concertées n'ont pu revêtir un caractère anticoncurrentiel dès lors qu'elles constituaient une simple " répercussion technique " des coûts constatés en amont. Cet argument repose sur le postulat que les hausses des principaux coûts étant identiques et les structures de production des fabricants étant similaires : " il était logique que tous répercutent de manière identique sur leurs prix de vente les augmentations des coûts de production qu'ils subissaient au même moment et dans les mêmes proportions " (mémoire Joubert, page 9). Les principaux postes de coûts mentionnés par les entreprises sont le bois, son transport depuis le Gabon, les colles et la main-d'œuvre.

160. Cependant, quand bien même la hausse des coûts subis par chacun des acteurs serait strictement identique, sa répercussion éventuelle sur les prix de vente doit, pour ne pas enfreindre le droit de la concurrence, faire l'objet de décisions prises de façon autonome par les entreprises. Rien ne saurait justifier une concertation pour imposer aux clients, au même moment, les mêmes niveaux de hausses de tarifs.

161. A cet égard, ne peut être admis l'argument selon lequel une telle concertation pourrait être justifiée par le fait qu'elle constituerait " une mesure commune de bonne gestion qui n'aurait pas pour objectif de pratiquer des marges excessives ou de nuire à d'autres opérateurs sur le marché ". La nature anticoncurrentielle de la pratique résulte précisément du fait que les entreprises en cause sont convenues d'appliquer un taux de hausse uniforme de façon simultanée. Cette concertation et le suivi des décisions communes qui en a résulté ont réduit de manière artificielle le degré d'incertitude quant à une composante importante de la politique commerciale des parties à l'entente (la décision de mettre en œuvre une hausse de son tarif général de vente, son niveau et sa date d'entrée en vigueur). Or, l'incertitude sur le comportement des concurrents, et notamment sur la façon dont ils peuvent répercuter, ou non, une hausse des coûts sur leurs prix est l'un des facteurs essentiels de la compétition entre entreprises, au bénéfice des entreprises clientes et des consommateurs. Quant au souci de bonne gestion, il s'agit d'une responsabilité propre de chaque chef d'entreprise qui ne peut s'accommoder de décisions communes lorsque celles-ci présentent un caractère anticoncurrentiel.

162. Au surplus et à titre surabondant, la structure des ventes par type de produits n'est pas nécessairement la même d'une entreprise à l'autre, dès lors que la demande à laquelle elles répondent peut différer (grands formats ou petits formats, petites ou grosses épaisseurs, panneaux courants ou plus techniques, intérieur ou extérieur). Par voie de conséquence, l'impact des hausses des coûts constatées en amont n'est pas nécessairement identique pour tous les fabricants. L'identité ne pourrait se vérifier que dans l'hypothèse d'une parfaite symétrie des opérateurs en terme de structure des coûts, de parts de marché, de types de clientèle, et d'élasticité de la demande à laquelle ils répondent.

163. A cet égard, force est de constater qu'en termes de quantités produites il existe des écarts sensibles entre les entreprises en cause. En 2002 (source UFC), la production respective de Allin, UPM Kymmene, Mathé et Rougier se situait entre 23 000 et 30 000 m3, celle de Thébault entre 48 000 et 52 000 m3, celle du groupe Joubert entre 55 000 et 58 000 m3, celle de Plysorol au-delà de 130 000 m3. De tels écarts impliquent des moyens de production, des niveaux d'investissements et des moyens en main-d'œuvre d'ampleur différente, et par voie de conséquence des structures de production non similaires. A cet égard, à la demande du rapporteur les entreprises ont communiqué une décomposition de leurs principaux coûts de production. Pour 2004, rapporté à la valeur des ventes, le bois représente 53 % des coûts totaux pour Joubert, 47,5 % pour Plysorol, et 57,9 % pour Thébault. La main d'œuvre en représente 15,3 % chez Joubert, 20 % pour Plysorol, et 14,1 % pour Thébault. Les autres matières premières (colle incluse) représentent 8,8 % pour Joubert et 7,6 % pour Plysorol. Le prix de revient total usine sur les coûts totaux est de 81,3 % pour Joubert, de 98,7 % pour Allin, de 77 % pour Plysorol, et de 92,1 % pour Thébault.

164. En outre, la thèse soutenue par les parties selon laquelle ces hausses étaient inéluctables car elles consistaient à répercuter purement et simplement l'augmentation des principaux postes de coûts subie en amont ne résiste pas à l'analyse lorsque l'on compare l'évolution des tarifs et celle des coûts à partir des données communiquées par les parties elles-mêmes.

165. Sur la période considérée, entre 1995 et janvier 2004, en prenant pour base 100 l'année 1994, le cumul des hausses successives des tarifs aboutit à des coefficients de : 105 points début 1995, 111.3 points en janvier 1996, 128.8 en août 1997 (après trois hausses depuis mars), 132.7 en mai 1998, 142.13 à fin 1999 (après deux hausses depuis avril), 150.78 à fin 2000 (après deux hausses depuis mai), 158.32 en mars 2001, 166.24 en janvier 2005 et 174.55 en janvier 2004.

166. Pour l'okoumé, principal poste de coût, toutes les entreprises mettent en avant les hausse imposées par la société d'État gabonaise, la SNBG. Or, entre janvier 1994 et février 2004 l'évolution du cours des grumes okoumé (source Joubert) a été selon les qualités (identifiées par des initiales), de - 4,24 % pour le QS, - 7,1 % pour le CI, - 8,7 % pour le CE. Sur la base des tarifs SNBG entre juin 1999 et janvier 2004 l'évolution a été de + 11,3 % pour le LM, - 4,2 % pour le QP, + 8,3 % pour le QS et - 1,4 % pour le CE.

167. Pour le fret (même transporteur pour tous selon les parties), l'évolution du coût entre août 1997 et avril 2004 est de + 16 % (source Joubert). Pour le transit, le coût a progressé de 19,5 % entre janvier 1996 et février 2004 (source Joubert).

168. Pour la main-d'œuvre, Joubert évoque une hausse de 37,5 % du salaire moyen entre 1995 et 2004, Plysorol signale une hausse de 40,4 % du SMIC entre 1994 et 2004.

169. Pour les colles, Joubert évoque des évolutions variables selon les produits entre janvier 1994 et janvier 2004 : dans un cas + 11,2 %, dans l'autre un prix identique à 10 ans d'écart.

170. Par rapport à ces augmentations de coûts, l'indice des hausses tarifaires a progressé de 74,55 % entre 1994 et janvier 2004. Or, une telle augmentation est manifestement supérieure à celle de la moyenne pondérée des postes de coûts avancés sur la même période, comme le montre le fait que le poste qui a le plus augmenté, celui de la main d'œuvre, n'a augmenté que d'environ 40 %.

171. Il est ainsi démontré que les niveaux de hausses concertées sur les dix années en cause sont sensiblement supérieurs aux hausses subies sur les principaux postes de coûts de fabrication des contreplaqués à base d'okoumé dont les parties exposent qu'ils représentent 70 % à 90 % du total de leurs coûts.

172. Par ailleurs, les parties ont exposé que, pour leur approvisionnement en okoumé, elles dépendent intégralement du monopole détenu au Gabon par la SNBG qui permettrait à cette dernière de leur imposer des hausses brutales et non négociables du prix des grumes okoumé. Elles ont cependant admis que les autres bois exotiques, tel le meranti, sont substituables à l'okoumé et que les importations de contreplaqués à base d'autres bois exotiques, notamment en provenance du Brésil, de Malaisie et d'Indonésie concurrencent directement leurs produits. Elles ont ainsi montré qu'il leur était possible, face au comportement de leur fournisseur d'okoumé, de s'approvisionner au moins en partie en d'autres bois exotiques à un moindre coût, comme leurs concurrents sud-américains ou asiatiques, puisque, toujours d'après elles, ces produits feraient l'objet d'une demande croissante sur le marché français. Au surplus, le représentant d'une des entreprises a précisé en séance qu'il est possible, " du jour au lendemain ", de changer un type de grume pour un autre sur les chaînes de fabrication. D'ailleurs, Thébault a produit un courrier de l'UFC sous la signature de son président M. A..., adressé le 26 novembre 2004 à la SNBG et à la société Delmas, présentée comme l'unique transporteur de grumes okoumé entre le Gabon et la France, dans lequel, en réaction aux hausses des grumes et du fret, la profession menace de s'orienter vers l'incorporation massive de contreplaqués d'essences " beaucoup moins chères " comme elle l'avait déjà fait " dans les années 80 ", afin de résister " à la concurrence croissante des contreplaqués chinois, Sud-Est asiatiques, sud-américains, scandinaves et est-européens ". Ainsi, les parties ont elles-mêmes avancé qu'elles disposaient d'alternatives dans leurs sources d'approvisionnement en grumes, fret inclus, dont elles indiquent que ces coûts représentent 50 % à 60 % de leur coût total de fabrication.

Sur l'effectivité des hausses communes

173. Selon les entreprises mises en cause, les hausses décidées en commun n'auraient pas été réellement mises en œuvre. Elles font valoir, à cet égard, les différences entre les prix réels pratiqués (nets) ainsi que l'absence de simultanéité de ces hausses et de mécanisme de sanction à l'encontre de ceux qui ne respectaient pas la discipline.

174. Le Conseil et la Cour d'appel de Paris ont rappelé à de nombreuses reprises que l'absence de mise en œuvre d'une entente à objet anticoncurrentiel était sans influence sur la qualification de la pratique : les effets de l'entente sont seulement à apprécier pour qualifier l'importance du dommage à l'économie, qui est l'un des critères de la sanction [voir notamment les décisions n° 96-D-02 du 9 janvier 1996 relative à des pratiques de labeur dans le département de l'Ain, n° 97-D-45, du 10 juin 1997 relative à des pratiques mises en œuvre par le Conseil national de l'Ordre des architectes, n° 06-D-03 du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation, points 760 et suivants, et n° 07-D-04, du 24 janvier 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par le réseau de franchise Jeff de Bruges ou les arrêts de la cour d'appel du 14 juin 1995 (stations françaises de sports d'hiver) et du 24 juin 2003, Conseil supérieur des géomètres experts, BOCCRF 2003/10]. C'est donc uniquement à ce dernier titre que le Conseil répondra à l'argumentation des entreprises mises en cause.

175. Les éléments matériels recueillis démontrent que, contrairement à ce qu'ils prétendent, les membres de l'entente ont mis en œuvre les hausses concertées. En effet, il est établi qu'ils ont adressé à leurs clientèles respectives les circulaires annonçant les hausses convenues, que les nouveaux tarifs qui ont été édités après ces annonces intégraient les taux de hausses communs convenus, et que les hausses ont été mises en œuvre pour les dates ou les périodes qui étaient prévues par la concertation, le cas échéant avec un décalage dû à la pression de la clientèle.

176. En premier lieu, le fait que les prix nets pratiqués auprès de clients négociants après négociations et remises diverses, auraient été en baisse par rapport à ceux pratiqués précédemment, n'induit pas que les hausses n'ont pas été appliquées. En effet, le prix net résulte de la mise en œuvre des conditions commerciales négociées. Si des remises sur le tarif général augmentent parce que le négociant a fait jouer son pouvoir de marché ou qu'en raison d'achats plus importants, il a eu accès à des paliers de rabais plus élevés, ces conditions commerciales sont néanmoins appliquées par rapport au tarif qui a été établi en intégrant la hausse convenue par les membres de l'entente. En l'absence d'entente, les prix nets auraient ainsi pu être moindres.

177. De plus, si les parties invoquent l'augmentation des remises accordées aux négociants qui aurait annihilé les hausses des tarifs de base, les éléments qu'elles mettent en avant à cet égard sont discutables au regard du dossier.

178. Allin, Joubert et Mathé n'ont fourni aucun élément quant à l'évolution des taux de remises consentis à sa clientèle.

179. S'agissant d'Allin, le rapport d'enquête (page 48) permet de constater qu'entre 2003 et 2004, sur un échantillon de cinq clients négociants, les remises de base, comprises entre 21 % et 28 % selon les clients sont inchangées. Les remises de fin d'année sont inchangées pour trois clients. Elles augmentent de 0,75 % et 1 % pour les deux autres. Or, sur cette période, l'indice de hausse tarifaire de base a augmenté de 8,31 %.

180. Pour Thébault, le rapport d'enquête indique l'évolution des remises sur un échantillon de quatre clients. Pour le premier, l'augmentation est de 3 % entre mars 2000 et février 2004. Sur cette période, l'indice de hausse tarifaire de base a augmenté de 32,42 %. Pour le deuxième client, sur la même période, l'augmentation est de 5 %. Pour le troisième client, l'augmentation est de 4 % entre janvier 2001 et avril 2004. Sur cette période, l'indice de hausse tarifaire a augmenté de 23,77 %. Pour le quatrième client, sur à peu près la même période, l'augmentation est de 4,4 %. Thébault a pour sa part indiqué qu'en moyenne ses remises à la clientèle ont augmenté de 11 % entre 1999 et 2004, et présente des exemples pour un échantillon de ses cinq principaux clients dont les remises ont progressé dans une fourchette comprise entre + 9 % et + 12,5 %. Cependant, en comparaison l'indice de hausse tarifaire de base a augmenté de 41,85 %.

181. Plysorol indique que son taux moyen de remises aux négociants a progressé de 6 points entre 2001 et 2004. Cependant, sur cette période, l'indice de hausse tarifaire de base a augmenté de 23,77 %.

182. Rougier indique les taux de remises consentis à ses trois principaux clients entre juin 2000 et juin 2004. L'évolution est de + 9.93 points, + 11.64 points et + 15.5 points selon les clients. Cependant, sur cette période, l'indice de hausse tarifaire a augmenté de 28,16 %.

183. Certaines sociétés en cause fournissent les prix nets consentis à un échantillon de leurs principaux clients ou un prix moyen de vente globalisé. Rougier expose que son prix moyen de vente global a progressé de seulement 2 % entre 2001 et 2004. Pour Joubert (échantillon de trois clients), la hausse des prix nets serait comprise entre + 0,6 % et + 3,8 % entre février 2001 et mars 2004. Pour Mathé, la hausse des prix nets serait comprise entre + 13 et + 17 % entre 2000 et 2004. Chez Thébault, pour un échantillon de neuf clients, entre 1999 et 2004, les prix nets auraient progressé entre + 0,5 % et + 18,4 % selon les clients. Chez Plysorol, pour un échantillon de six clients, entre 2000 et 2004, les prix nets auraient évolué entre - 1 % et + 14 % selon les clients.

184. La référence aux prix nets moyens pratiqués pour certains clients afin d'apprécier la mise en œuvre des hausses tarifaires est discutable. En effet, l'évolution des prix nets résulte de facteurs plus variés que la seule négociation de remises supplémentaires. Il s'agit en premier lieu de la structure des achats des clients. Si ceux-ci orientent dans le temps leurs achats vers des panneaux à moindre prix, cette tendance aboutit à réduire mécaniquement le niveau du prix moyen de vente. Par ailleurs, les parties indiquent que leur échantillon est constitué de leurs plus importants clients. Si ceux-ci concentrent leurs achats sur les types de panneaux les plus vendus et sur de grandes quantités, ils ont ainsi accès à des paliers de remises quantitatives plus élevés. Au surplus, dans le temps, ces gros clients peuvent se développer. Ils accroissent ainsi encore leurs achats, ce qui leur donne accès à des remises quantitatives supplémentaires. Les écarts sensibles des évolutions des prix moyens par client chez un même fabricant montrent à cet égard que les circonstances individuelles peuvent avoir un impact significatif. Les éléments avancés par les entreprises mises en cause ne sont donc pas convaincants. Il a d'ailleurs été montré plus haut qu'en réalité l'évolution des niveaux de remises est sensiblement inférieure à celle des tarifs de base.

185. L'évolution des remises consenties par les sociétés en cause n'a donc que très partiellement compensé les hausses tarifaires communes, et ce dans des proportions variables selon les sociétés.

186. En deuxième lieu, pour démontrer la non simultanéité des hausses, les entreprises en cause font état de leur application différée selon les fabricants. Ce phénomène a en effet été constaté, mais les éléments matériels recueillis démontrent que ces reports des hausses ne résultent pas d'une " indiscipline " de la part des membres de l'entente, mais de l'exercice du contre-pouvoir d'acheteur par les clients, qui ont imposé des délais. La volonté commune et permanente des membres de l'entente apparaît bien, même avec un décalage par rapport à leurs voeux, de mettre en œuvre les hausses convenues. Les extraits de notes prises lors de réunions de l'UFC, cités plus haut, qui permettent de constater le suivi de l'application des hausses par les membres de l'entente et les recommandations de " faire passer la hausse " sont clairs à cet égard, par exemple, le 24 janvier 2004 : " Plysorol : hausse en France : OK ; Thébault : hausse appliquée- doit être intégrale ; Allin : prix résistance. "

187. En troisième lieu, l'absence de moyens coercitifs pour faire respecter la discipline des hausses, n'implique ni que la concertation n'a pas été mise en œuvre, ni qu'elle n'a pas un caractère anticoncurrentiel. L'existence de tels moyens aurait constitué une circonstance aggravante pour les entreprises qui en auraient usé.

b) Sur la structure tarifaire commune

188. Les sociétés en cause avancent trois principaux arguments pour contester le grief leur reprochant d'avoir établi et mis en œuvre une structure tarifaire commune dans le cadre de leur syndicat professionnel. Il ne s'agirait pas, en premier lieu, d'une structure tarifaire mais d'une grille de référencement ou de spécification de produits (Mathé, Plysorol). Cette grille ne serait, en deuxième lieu, que le reflet des coûts de revient réels des entreprises et s'assimilerait à une " mercuriale " qui constitue une aide à la gestion. Elle aurait, en troisième lieu, été réalisée avec l'aval des pouvoirs publics et mise en œuvre à la demande des négociants pour qui elle serait un outil nécessaire leur permettant de mieux comparer les prix des fabricants.

Sur la nature de la structure tarifaire

189. Une grille de coefficients d'écarts de prix de vente entre les différents produits de la gamme d'un fabricant a nécessairement un lien avec la détermination des prix de vente sur le marché. C'est d'autant plus vrai, en l'espèce, que tous les fabricants mis en cause ont reconnu qu'ils appliquent fidèlement, sauf cas exceptionnel, cette grille de coefficients pour établir les tarifs de vente de chacun de leurs produits par rapport à leur tarif " pivot ".

190. La grille n'est donc pas un outil " purement technique " servant au référencement ou à la définition des spécifications des produits proposés à la vente. Un document saisi chez Allin, qui est un tableau de prix de vente où sont rappelés les coefficients d'écarts par épaisseur (ligne " coefficient "), est d'ailleurs intitulé " Matrice Prix contreplaqués-tarif 0108 France prix au m2 en euro ". Les prix qui figurent sur cette matrice sont ceux du tarif de vente Allin d'août 2001 (01.08).

Sur le rapport avec les coûts de revient réels

191. Les entreprises mises en cause font valoir qu'elles ont des structures de production identiques, qui conduiraient nécessairement à l'élaboration d'un barème commun, la grille des coefficients ne faisant que traduire mécaniquement les écarts de coûts entre les produits.

192. L'argument tiré de l'identité des structures de production et des coûts des entreprises a déjà été écarté à propos du premier grief. En tout état de cause, même si la grille reflète des écarts de coûts réels entre les différents types de produits - ce dont on peut douter dans le temps puisque ces coefficients d'écart demeurent constants sur une longue période alors même que d'une année sur l'autre, selon les évolutions respectives des différents postes de coûts, leur impact sur le prix de revient total de chaque produit évolue - rien n'impose qu'un offreur reflète strictement dans ses prix les écarts de coûts qu'il subit pour chaque produit de sa gamme : une vraie concurrence par les prix doit au contraire le pousser à adapter ses prix aux tendances du marché, à l'évolution de la demande - ce qui peut le conduire à accepter une marge différente selon les produits vendus.

193. Dans ces conditions, la structure tarifaire commune constitue bien un obstacle au libre ajustement des prix par chaque producteur, et au caractère concurrentiel du marché.

194. D'une part, le respect d'une grille tarifaire commune fixant des indices de prix de vente relatifs par rapport à un produit de base empêche l'entreprise plus efficace que ses compétiteurs de baisser ses prix de manière à ce qu'ils reflètent ses coûts propres. Les prix sont fixés par l'entreprise par référence à un coût moyen commun, intégré dans l'indice de la grille, au lieu de résulter de l'appréhension directe de ses coûts unitaires.

195. D'autre part, elle empêche toute souplesse lors d'une politique commerciale qui doit pouvoir différencier entre produits, soit de manière permanente, soit de façon ponctuelle. Elle s'oppose par exemple à la mise en œuvre d'un effort commercial particulier sur un type de produit, ainsi que l'ont illustré les réactions enregistrées lorsqu'un membre de l'UFC a vendu un format au prix d'un autre ou une qualité au prix d'une autre.

Sur l'assimilation prétendue à une mercuriale

196. Comme le rappellent les entreprises mises en cause, la diffusion de mercuriales est admise par les autorités de concurrence dès lors que les données diffusées constituent des données constatées a posteriori et traduisent des " résultats " observés sur le marché. Elles sont alors assimilées à un outil d'aide à la gestion pour assister l'entreprise dans le calcul de ses propres prix de revient.

197. Selon l'entreprise Mathé, la grille " peut se justifier à condition de ne pas refléter les particularités propres à chaque entreprise selon sa taille et sa localisation, de définir des normes et non la réalité, de ne pas inciter chaque entreprise utilisatrice à se détourner d'une appréhension directe de ses propres coûts pour fixer individuellement ses prix et enfin de ne pas inciter les entreprises qui les utilisent à calculer leurs propres prix de revient ". Comme la société Plysorol, elle invoque à cet égard la décision du Conseil n° 99-D-08 du 2 février 1999 sur les séries de prix éditées par l'Académie d'architecture.

198. Plysorol fait aussi référence à la décision n° 96-D-04 du 23 janvier 1996 concernant le dépannage-remorquage de véhicules légers et à l'avis n° 03-A-09 du 6 juin 2003 concernant l'indice d'évolution du coût de la réparation automobile.

199. Ce dernier avis résume la pratique décisionnelle du Conseil sur la question : " (...) Les échanges d'informations en matière de coûts et de prix entre des entreprises concurrentes ne doivent pas avoir pour conséquence de restreindre la concurrence sur le marché concerné, par une fixation artificielle des prix de vente sur le marché, ou en dissuadant chaque entreprise d'établir ses prix en fonction de ses coûts et de sa stratégie commerciale propres. A défaut, ces échanges relèveraient des actions concertées anticoncurrentielles interdites par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

(...) Pour autant, l'article L. 420-1 ne pose pas une interdiction, par principe, des échanges d'informations en matière de prix ou de coût, par exemple lorsqu'il s'agit seulement de mercuriales, c'est-à-dire de relevés portant sur des coûts réels constatés.

Dans chaque cas d'espèce, il convient d'apprécier leur possible effet de stimulation de la compétition entre les opérateurs afin de mieux satisfaire la demande, au regard du risque pour le libre jeu de la concurrence que les entreprises bénéficiaires de l'information s'en servent pour fixer leurs prix au lieu de se référer à leurs coûts propres de production et de distribution. "

200. En l'espèce, les caractéristiques de la grille commune de coefficients d'écarts de prix selon les produits ne peuvent l'assimiler à une mercuriale. Non seulement cette grille détermine des coefficients d'écarts communs à toutes les entreprises, indépendamment de leurs coûts propres de production et de distribution, mais elle ne se borne pas à diffuser des référentiels de coûts. Elle fixe la structure des prix de vente : chaque entreprise applique en effet la grille commune pour définir son tarif de vente, sachant qu'elle a la certitude quasi totale que chacun de ses concurrents procède de même.

201. A cet égard, comme l'ont indiqué les intéressées, la grille aboutit à une simplification du calcul des prix de vente au regard du nombre de produits figurant au tarif. A partir de la définition d'un produit qui constitue la " base 100 " de la grille, on peut déduire tous les prix des autres produits par application des coefficients de la grille.

202. Or, les combinaisons possibles entre 15 épaisseurs, 7 formats, 3 types de collage, 3 essences représentent 945 produits distincts. En l'absence de grille, il existerait donc 945 prix librement déterminés. L'application de la grille conduit à une réduction spectaculaire, de 945 à 1, du nombre de variables sur lesquelles les entreprises se font concurrence.

203. Même en l'absence de toute concertation sur le prix du produit de base, une telle restriction du nombre de variables stratégiques réduirait l'intensité de la concurrence entre les producteurs. Il convient d'ailleurs d'observer qu'elle a, en l'espèce, facilité une telle concertation sur les hausses de prix : la convergence des prix vers un " point focal ", qui est complexe lorsqu'il s'agit de se coordonner sur plusieurs centaines de prix différents, est grandement simplifiée lorsqu'il ne subsiste qu'une seule dimension de concurrence. La grille a permis également de détecter plus aisément les éventuelles déviations du point focal convenu ensemble.

Sur l'agrément qui aurait été donné à la structure tarifaire par les pouvoirs publics

204. Les entreprises ont communiqué des éléments anciens relatifs à la grille. Il s'agit de comptes rendus de réunions du syndicat des fabricants de panneaux contreplaqués (remplacé ultérieurement par l'UFC).

205. Il ressort de l'ensemble de ces documents qu'à l'origine, la grille tarifaire a été établie puis révisée parallèlement à une démarche de normalisation des produits, les deux aspects étant encadrés par les pouvoirs publics. Manifestement, la profession faisait à cet égard des propositions à l'administration, qui prenait les décisions en ne suivant pas toujours ces propositions.

206. Il y a lieu de rappeler que le régime économique alors en vigueur était celui de la réglementation des prix, qui conduisait à soumettre à approbation ministérielle les hausses de tarifs.

207. L'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 a mis fin à ce régime en donnant aux entreprises la liberté de fixer leurs prix, que les professionnels du contreplaqué revendiquaient d'ailleurs en 1973, ainsi que le montrent les documents qu'ils ont produits. L'article 1er dispose : " L'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 est abrogée. Les prix des biens, produits et services relevant antérieurement de ladite ordonnance sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. "

208. La justification d'une participation à un système organisé par la puissance publique n'existe donc plus depuis le 1er janvier 1987, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 86-1243.

209. En tout état de cause, s'il est vrai que les comportements anticoncurrentiels d'entreprises ou de structures professionnelles ne peuvent être sanctionnés s'ils ont été imposés par une mesure publique contraignante, tel n'est pas le cas s'ils ont simplement été encouragés ou favorisés par une intervention publique.

210. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes a ainsi jugé qu'un comportement en principe contraire au droit de la concurrence n'échappait à la qualification d'infraction à celui-ci " que s'il apparaît sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants que ce comportement (...) a été unilatéralement imposé par les autorités nationales par l'exercice de pressions irrésistibles " (arrêt du 18 septembre 1996, Asia Motor France e. a./Commission, T-387-94, Rec. p. II-961, point 65). Cette position est constante de la part des autorités de concurrence et des juridictions de contrôle.

211. Dans l'affaire dite de la " Viande bovine ", la Commission européenne a ainsi considéré que le rôle des pouvoirs publics dans l'adoption des comportements anticoncurrentiels en cause n'excusait pas les structures professionnelles qui les avaient adoptés, celles-ci ayant conservé leur autonomie (décision du 2 avril 2003, affaire COMP/C.38.279/F3 - Viandes bovines françaises, JOCE L 209, p. 12, point 152). Le Tribunal de première instance, à la suite de la Commission, a exposé que " s'agissant du rôle joué par le ministre de l'agriculture français dans la conclusion de l'accord, (...), il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, la circonstance que le comportement des entreprises a été connu, autorisé ou même encouragé par des autorités nationales est, en tout état de cause, sans influence sur l'applicabilité de l'article 81 CE " (arrêt du 13 décembre 2006, FNCBV e. a./Commission, T-217-03 et T-245-03, Rec. p. II-4987, point 92).

212. De même, la Cour de cassation a jugé, s'agissant d'une entente sur appel d'offres, " la compromission des maîtres de l'ouvrage avec les entreprises (...) ne fait pas échec à l'application des textes invoqués " (arrêts du 6 octobre 1992, SA Entreprise Jean Lefèbvre et autres et du 12 janvier 1993, Sogéa). Dans l'arrêt Inéo du 7 mars 2006, la Cour d'appel de Paris a confirmé la décision n° 05-D-19 du Conseil de la concurrence relative aux marchés de construction d'ouvrages d'art sur l'autoroute A 84, dite " route des estuaires ", dans le département de la Manche. Le Conseil avait sanctionné vingt et une entreprises qui avaient participé à une concertation générale portant sur la dévolution d'une cinquantaine de marchés. Elle a considéré que le fait que certaines sociétés ayant participé à l'entente aient pu obtenir des informations détenues par la direction départementale de l'équipement à la suite de fuites, voire d'une collusion, ne pouvait constituer pour elles une cause d'exonération (arrêt confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 mars 2007).

213. De fait, dans la présente espèce, aucun élément du dossier ne permet de constater que les pouvoirs publics ont, depuis 1987, imposé à la profession de maintenir une grille commune de coefficients de prix, dérogeant ainsi au principe de la liberté des prix et de la concurrence posé à l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 (désormais codifié à l'article L. 410-2 du Code de commerce).

Sur l'argument tiré de ce que la grille répondait à une demande des négociants

214. Le fait que la grille résulterait d'une demande des négociants n'est étayé par aucun élément du dossier. La seule pièce communiquée à cet effet par Plysorol, citée ci-dessus, date de 1973 et ne permet pas d'en déduire une demande des négociants, d'autant qu'il est établi que la grille a été créée auparavant.

215. Néanmoins, les intéressées avancent que la grille est utile, voire indispensable, pour les négociants car elle facilite la comparaison des prix d'un fabricant à l'autre.

216. A titre incident, il peut être relevé qu'aucun élément produit par les parties ne permet de vérifier que les négociants ont connaissance de la grille en tant que telle (celle figurant au dossier a été saisie chez Joubert). La " règle du jeu " simple, sur laquelle repose la grille, selon laquelle les écarts de prix entre les différents panneaux sont strictement les mêmes d'un fabricant à l'autre leur permet peut être de calculer aisément un prix unitaire moyen par producteur, mais les empêche de faire plus particulièrement jouer la concurrence sur certains types de panneaux. Ainsi, l'application de la grille commune interdit à un revendeur d'obtenir des prix plus favorables sur un type de contreplaqué, par exemple parce qu'il en achète de plus grandes quantités qu'un autre.

217. En vérité, le moyen le plus simple et le plus efficace pour un négociant de faire pleinement jouer la concurrence serait de comparer le prix au m2 tel qu'il figure au tarif de chaque fabricant pour chaque type de panneau dont il a besoin (caractéristiques identiques en dimension, épaisseur et qualité).

218. De toute façon, pour connaître le coût d'une commande, un service achat doit multiplier des coûts unitaires par des quantités et l'avantage d'une comparaison simplifiée après un premier calcul avec un fournisseur est moindre que l'inconvénient d'être confronté, sur le plan concurrentiel, à la rigidité et à l'homogénéité des structures de prix de ses fournisseurs. Ainsi qu'il ressort de ce qui est exposé aux paragraphes 51 et 58 de la présente décision, tous les fabricants de contreplaqué n'appliquent d'ailleurs pas la structure tarifaire en cause : en particulier, certaines hausses sont différenciées selon les produits.

219. Il n'est donc pas démontré que la pratique aurait un effet pro-concurrentiel au bénéfice des négociants.

220. Il résulte de tout ce qui précède que les deux pratiques ayant fait l'objet de griefs aux entreprises mises en cause sont contraires aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code du commerce.

C. SUR LES SUITES À DONNER

221. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 qui s'applique en l'espèce dès lors que les pratiques se sont poursuivies après l'entrée en vigueur de celle-ci, dispose notamment : " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. "

222. L'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit aussi que le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'il précise.

223. Les sociétés en cause soulignent le peu de gravité des pratiques, le fait que le dommage à l'économie serait faible ou inexistant et mettent en avant leur situation individuelle et leur éventuelles difficultés.

224. Par ailleurs, doit être exposée la situation particulière des deux sociétés qui n'ont pas contesté les griefs ainsi que celle de l'entreprise qui a demandé à bénéficier des dispositions relatives à la clémence.

1. SUR LA GRAVITÉ DES PRATIQUES DÉNONCÉES ET L'IMPORTANCE DU DOMMAGE A L'ÉCONOMIE

a) Les hausses tarifaires communes

225. La gravité de cette pratique résulte de sa nature même d'entente horizontale entre concurrents sur un même marché. Elle a consisté à déterminer des niveaux de hausse tarifaire strictement identiques. Elle a faussé le jeu normal de la concurrence même si les prix de référence de chacun n'étaient pas nécessairement harmonisés. Un tel système figeait très largement le marché et le consensus constaté dans la mise en œuvre de ces hausses communes a réduit le degré d'incertitude de chacun des partenaires de l'entente quant au comportement concurrentiel des autres.

226. La gravité de cette pratique est renforcée par sa durée importante, de novembre 1995 à janvier 2004.

227. Pour leur défense, les parties soulignent que la profession s'est refusée à s'engager dans une concertation sur les remises et sur les prix nets. Le dossier démontrerait qu'il existe une concurrence effective entre les fabricants sur ces aspects de leur politique commerciale. Elles soulignent aussi que leur pouvoir de marché n'était pas important puisqu'elles ont été contraintes de différer ou d'aménager les hausses annoncées sous la pression de leurs principaux clients. Elles avancent enfin qu'il n'y avait pas de sanctions dans le système et qu'aucune mesure de rétorsion n'a été prise à l'encontre de partenaires qui auraient dévié du comportement prévu.

228. Ces éléments sont certes à prendre en considération par rapport à une situation inverse qui aurait comporté ces éléments aggravants. Néanmoins, comme il a été relevé précédemment, la succession des hausses tarifaires pratiquées par la profession entre août 1994 (base 100) et janvier 2004 représente une hausse cumulée de 74,54 % et sur cette période l'évolution des remises consenties à la clientèle a été sensiblement inférieure.

229. Les sociétés mettent aussi en avant l'étroitesse du marché et la faible part qu'elles y occupent pour minimiser l'impact économique de la pratique. Au regard des chiffres figurant au dossier, cet argument doit toutefois être relativisé.

230. Le secteur directement concerné par les pratiques dénoncées est celui de la production française de contreplaqués à base d'okoumé. En effet, les hausses tarifaires concertées et la structure tarifaire commune ont été mises en œuvre par les producteurs français sur les tarifs relatifs à cette gamme de contreplaqués. Les entreprises ont déclaré que les contreplaqués à base de bois exotiques importés sont parfaitement substituables à leurs produits à base d'okoumé. Pour les contreplaqués résineux ou feuillus, d'un prix moins élevé, elles ont évoqué une substituabilité imparfaite compte tenu de leurs qualités différentes (grain, teinte, résistance).

231. Ainsi, en 2002, la production française de contreplaqués a été de 453 481 m3, dont 77,5 % réalisés par les sept sociétés concernées. La production de contreplaqués exotiques a été de 332 101 m3, dont 96 % réalisés par les sept sociétés concernées. Celles-ci représentent donc une proportion très importante de la production française.

232. En 2004, par rapport à 411 779 m3 d'importations, les ventes en France des producteurs français ont été de 191 089 m3 tous types de contreplaqués confondus, soit 31,7 %. En contreplaqués exotiques, par rapport à 96 929 m3 d'importations, les ventes en France des producteurs français ont été de 146 125 m3, soit 60 %. En valeur, cette part de marché des producteurs français a été de 69,8 %. La part du marché en contreplaqués exotiques détenue par les producteurs français reste donc significative.

233. Entre près de 60 % et près de 70 % des ventes en France de contreplaqués à base de bois exotiques ont donc été concernées par la pratique, selon que l'on raisonne en volume ou en valeur.

234. S'agissant du dommage à l'économie, les hausses régulières du prix catalogue du produit de base, décidées en commun, qui s'étendent mécaniquement à l'ensemble des produits par application de la grille tarifaire, ont abouti à une augmentation de 74,5 %, entre septembre 1994 et janvier 2004, des prix catalogue des producteurs. Dans le même temps, les coûts ont augmenté à un rythme modéré. Le graphique figurant ci-dessous représente l'effet cumulé dans le temps, en base 100 en janvier 1994, d'une part des hausses de tarif décidées de manière concertée par les sociétés mises en cause, d'autre part des augmentations du coût d'achat du bois et du coût de la main-d'œuvre. L'écart entre l'évolution des coûts et celle des prix donne un élément d'appréciation de l'importance du dommage à l'économie. En l'espèce cette appréciation est minorée. En effet une telle référence suppose que dans une situation normale les prix auraient dû exactement suivre les coûts. Or, une situation de concurrence implique que chaque entreprise détermine ses prix selon une stratégie commerciale autonome tenant compte de l'évolution de la demande - en baisse en l'occurrence- et de l'évolution de l'offre - en l'espèce pression des importations - si nécessaire en réduisant ses coûts - par exemple en recourant à des approvisionnements alternatifs- ou en ne répercutant pas intégralement leur hausse.

235. Selon l'ensemble des sociétés interrogées, l'achat du bois et la main-d'œuvre représentent plus des deux tiers du coût de revient total. Ainsi, la société Joubert indique que ces coûts représentaient respectivement 53 % et 15 % de ses coûts en 2004 (voir paragraphe 163). L'évolution des coûts d'achat d'okoumé (incluant le fret et le transport) et des coûts de main d'œuvre a été estimée à partir des données fournies par l'entreprise Joubert (voir paragraphes 166 et 168). Le coût moyen d'achat du bois est calculé, pour chaque année, comme une moyenne sur les différentes catégories de bois (LM, QS, CI, CE, autres), pondérée par les volumes consommés. Cette moyenne est ramenée à 100 en juin 1994. De la même manière, le coût salarial moyen, calculé comme la masse salariale rapportée aux effectifs, est ramené en base 100 en juin 1994. Les deux indices sont ensuite agrégés en un indice synthétique, en les pondérant par les coefficients 53-68 et 15-68, pour tenir compte de l'importance relative des deux postes de coût.

236. La divergence marquée entre les deux courbes représentées sur le graphique démontre que les prix catalogue augmentent bien plus rapidement que les deux principaux postes de coûts. Il est certes possible que la hausse de coûts autres que l'achat du bois et la main- d'œuvre, non pris en compte dans le graphique, explique une partie de la divergence constatée ; de même, les coefficients de pondération (53 %, 15 % pour Joubert) diffèrent quelque peu entre les producteurs et peuvent avoir évolué dans le temps ; les coûts salariaux peuvent également différer entre les producteurs. Toutefois, il est hautement improbable que ces omissions et approximations suffisent à expliquer l'intégralité de la divergence observée entre le prix catalogue et les deux principaux postes de coûts.

237. En théorie, l'écart constaté entre le tarif et les coûts aurait pu être atténué par un accroissement concomitant du taux moyen des remises accordées aux négociants. En pratique, toutefois, les éléments figurant au dossier indiquent, tout au plus, une augmentation modérée des remises, qui n'a pas pu suffire à compenser l'inflation du prix catalogue (voir paragraphes 177 et suivants).

238. La divergence des prix et des coûts ne peut pas davantage être expliquée par un accroissement de la demande de contreplaqué exotique, puisque celle-ci est en déclin, au moins pour la fin de la période, comme le montrent les données présentées au paragraphe 32.

239. Au total, le graphique met en évidence un impact significatif de la concertation sur les hausses de prix, combinée avec l'application de la grille tarifaire, durant la période 1994-2004. Le dommage à l'économie a donc été important.

<emplacement tableau>

b) La structure tarifaire

240. Comme indiqué précédemment, la discipline créée par cette grille commune, portant sur l'ensemble de la gamme de produits à base d'okoumé, a rigidifié le marché et réduit le degré d'incertitude de chacun des partenaires de l'entente quant au comportement concurrentiel des autres. Le système, à partir d'une référence unique, a en outre facilité le contrôle du respect des hausses communes arrêtées.

241. La pratique a été longue, puisqu'elle est établie de 1987 à 2004.

242. A cet égard, il est paradoxal, alors que la profession revendiquait antérieurement la liberté des prix, qu'elle ait elle-même continué à " administrer " ceux-ci.

243. Pour leur défense, les parties font valoir que si la concertation porte sur les coefficients d'écarts de prix selon les produits, les prix de base du tarif, notamment celui de la base 100, restaient déterminés de façon autonome par les entreprises. Au surplus, alors qu'à deux occasions des partenaires n'ont pas respecté pour partie la grille d'écarts, aucune mesure de rétorsion n'aurait été prise à leur encontre.

244. Ces éléments peuvent en effet être considérés comme atténuant le niveau de gravité de la pratique en cause. Par exemple, sur les tarifs de janvier 2004, on constate que le prix unitaire au m2 du panneau dit " base 100 " est : 9,07 euro chez Allin, 9,34 euro chez Joubert, 9,49 euro chez Mathe, 9,86 euro chez Rougier et 9,95 euro chez Thébault, soit un écart de 9,7 % entre les deux extrêmes.

245. Néanmoins, la rigidité commerciale découlant de la grille a empêché un facteur de concurrence de jouer ce qui, sans que son impact précis puisse être mesuré de manière isolée, a renforcé le dommage à l'économie identifié au titre de la concertation sur les hausses tarifaires.

2. SUR LA SITUATION INDIVIDUELLE DES ENTREPRISES

246. Toutes les sociétés en cause mettent en avant leur faible taille ou leur part de marché modeste pour soutenir qu'elles n'ont pas joué un rôle directeur dans la mise en œuvre des pratiques dénoncées.

247. Le dossier relève cependant un consensus permanent entre les partenaires de l'entente, aussi bien pour convenir des hausses ou des coefficients d'écarts de la grille, que pour les mettre en œuvre effectivement. Rien, dans le dossier, ne permet de retenir des responsabilités différentes selon les entreprises en ce qui concerne la conception de l'entente. En particulier, aucune pièce du dossier ne permet de relever qu'une entreprise, notamment puissante par sa taille, ses volumes ou son appartenance à un grand groupe, aurait joué un rôle plus important, ou que des entreprises, notamment les plus modestes, auraient émis des réserves ou contrevenu autrement que de manière exceptionnelle à la discipline commune.

248. A cet égard, les comptes rendus de réunions relatifs aux hausses pratiquées par les entreprises Joubert, Mathé, Allin, Thébault, Plysorol ou Rougier mentionnent leur accord à la hausse (" OK ") ou en revendiquent la nécessité. De même, selon un document d'UPM Kymmene du 18 décembre 2003 concernant la hausse de janvier 2004 " la hausse des contreplaqués face okoumé est générale et concerne l'ensemble des producteurs français. Cette décision de modification tarifaire a été prise de manière unanime après concertation des principaux acteurs de la profession. Nous avons comme nos concurrents diffusé un avis de hausse auprès de la clientèle faisant état d'une application au 1er janvier 2004 ".

249. Certaines sociétés demandent par ailleurs au Conseil de tenir compte, pour l'évaluation de la sanction, d'une part, du fait qu'elles ont mis fin aux pratiques dès le début de l'enquête sur l'affaire en 2004, d'autre part, de l'absence de réitération.

250. Si la réitération des pratiques et leur poursuite malgré l'enquête sont un facteur d'aggravation de la sanction, l'absence de réitération comme l'arrêt des pratiques à la suite de l'enquête ne sauraient constituer en elles-mêmes des circonstances atténuantes. Il y a lieu de rappeler qu'en l'absence de la démarche de clémence d'UPM Kymmene, l'enquête ne serait pas intervenue en 2004 et qu'il a été relevé dans des comptes rendus des réunions la mention de la " loi sur les ententes ". Les entreprises en cause étaient donc conscientes du caractère illicite de leurs pratiques.

251. En ce qui concerne la participation individuelle aux pratiques dénoncées, toutes les sociétés en cause ont reconnu qu'elles ont toujours mis en œuvre la grille commune de coefficients pour l'établissement de leurs tarifs. S'agissant des hausses tarifaires, leur participation sera appréciée ci-après à la lumière des éléments matériels recueillis.

252. Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que l'article L. 464-2, alinéa 4, du Code de commerce dispose : " (...) Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques mises en cause ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante. "

a) La situation de l'entreprise Mathé

253. Cette société expose qu'elle est une petite entreprise familiale qui produisait en 2004 15 000 m3 de contreplaqué okoumé (à comparer à la production française de 325 000 m3). Elle précise qu'elle n'en commercialisait que 50 % (soit 7 500 m3) sur le marché français. Après un dépôt de bilan en février 2004, elle exerce son activité dans le cadre d'un plan de continuation. Elle met en avant sa fragilité dans cette phase de redressement. Elle signale que les dettes à rembourser s'élèvent à 4 800 000 euro.

254. Les parts du marché français en 2004 de Mathé sont évaluées, en valeur, à 2 % de la consommation de contreplaqués toutes essences, et à 2,3 % de la consommation de contreplaqués à base d'essences exotiques, ce qui inclut à la fois les panneaux constitués intégralement de bois exotique, notamment okoumé, et les panneaux dits " combi " constitués de bois exotique en faces externes et d'autres essences en plaques internes.

255. Sur les 12 réunions de l'UFC concernant les pratiques dénoncées, la présence de Mathé est signalée dans 10 d'entre elles (elle n'est pas certaine le 24 février 2003 et le 23 février 2004). Son intervention sur la question des hausses de prix au cours de ces réunions est signalée le 11 mai 2000 et le 30 mai 2000. Il est constant qu'elle a appliqué à ses tarifs les hausses convenues. Néanmoins, aucun élément du dossier ne permet de relever qu'elle aurait mis en œuvre les hausses de 1997, de 1998 et de janvier 2003.

256. Le chiffre d'affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par la S.A. Etablissements A. Mathé en tenant compte des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre s'est élevé à 15 265 000 euro en 2003, avec une perte comptable d'un montant de - 5 609 248 euro. Le chiffre d'affaires hors taxes réalisé au titre du dernier exercice clos, soit au 31 mars 2007, s'est élevé à 7 092 507 euro, avec une perte comptable d'un montant de - 440 247 euro. En 2004, dernière année où les pratiques en cause ont été relevées dans le présent dossier, ses ventes sur le marché français du contreplaqué à base de bois exotique, concerné par lesdites pratiques, se sont élevées à 3 875 000 euro.

257. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, tenant notamment à sa situation financière actuelle, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 193 000 euro pour sa participation aux hausses concertées et de 67 800 euro pour la mise en œuvre de la grille des coefficients de prix, soit un total de 260 800 euro.

b) La situation de l'entreprise Joubert

258. Cette société fait valoir que, sur un chiffre d'affaires de 51 millions d'euro en 2004, la part de ses ventes en France est voisine de 30 % seulement (15 millions d'euro). En 2004, sa part dans la production française de contreplaqué okoumé était de 13 %, et sa part des ventes sur le marché français de 8 %.

259. Plus précisément, les parts du marché français en 2004 du groupe Joubert/Sopegar sont évaluées, en valeur, à 4,2 % de la consommation de contreplaqués toutes essences, et à 8,9 % de la consommation de contreplaqués à base d'essences exotiques.

260. La présence de Joubert est signalée dans les 12 réunions de l'UFC concernant les pratiques dénoncées. Son intervention sur la question des hausses de prix au cours de ces réunions est signalée les 11 et 30 mai 2000, le 24 février 2003 et le 23 février 2004. Il est constant qu'elle a appliqué à ses tarifs les hausses convenues. Néanmoins, aucun élément du dossier ne permet de relever qu'elle aurait mis en œuvre les hausses de mai 1998 et de mai 2000.

261. Le chiffre d'affaires hors taxes le plus élevé réalisé par la société Etablissements Guy Joubert SA (comptes consolidés) en tenant compte des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre s'est élevé à 55 737 189 euro au 31 décembre 2006, qui est aussi le dernier exercice clos connu, avec un résultat net positif d'un montant de 1 667 157 euro. En 2004, dernière année où les pratiques en cause ont été relevées dans le présent dossier, ses ventes sur le marché français du contreplaqué à base de bois exotique, concerné par lesdites pratiques, se sont élevées à 15 104 000 euro.

262. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, tenant notamment à sa situation financière actuelle, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 1 200 000 euro pour sa participation aux hausses concertées et de 300 000 euro pour la mise en œuvre de la grille des coefficients de prix, soit un total de 1 500 000 euro.

c) La situation de l'entreprise Plysorol

263. Plysorol expose que, sur plusieurs aspects de sa politique commerciale, elle a conservé un comportement autonome et concurrentiel, jugé même parfois agressif par les autres producteurs, ainsi qu'il ressort des documents cités au rapport d'enquête, qu'il s'agisse des remises aux clients ou des prix nets. Elle précise en outre que pour l'activité concernée par les pratiques elle est personnellement très dépendante des négociants ayant un fort pouvoir de marché qui représentent 80 % de son chiffre d'affaires, ces 80 % étant concentrés sur seulement six distributeurs (à 88 %).

264. Elle ajoute qu'elle a eu un rôle passif dans l'entente, ayant même manifesté en juin 2003 sa volonté de ne plus participer aux réunions de l'UFC, sa démission étant même évoquée.

265. Cette dernière affirmation est contredite par les indices recueillis. A la réunion du 11 mai 2000, on relève : " -Plysorol.annonce et hausse tarif ; hausse au 1er juin=PBM,DUBOIS ?PtP ... " A la réunion du 24 février 2003, on note : " (...) Appliquer la hausse Plysorol OK !?- Plysorol : hausse ; globalement oui, mais pas rapide ... " A la réunion du 30 janvier 2004, on relève : " Plysorol : F : nouveaux prix passent chez les groupes sur les prix actuels. Autres clients - pas de fermeté des collègues ... " ou encore : " Plysorol : hausse en France : OK ... " A la réunion du 23 février 2004, on note : " (...) 2. Plysorol : hausse passée intégralement ... " Par ailleurs, on ne relève aucun élément qui démontrerait que Plysorol s'est opposée aux décisions communes ou aurait exposé des réserves. Comme tous ses concurrents, Plysorol a mis en œuvre les hausses convenues et a utilisé la grille de coefficients pour établir ses propres tarifs. Son éventuelle agressivité commerciale sur d'autres aspects ne peut guère être considérée comme une circonstance atténuante, puisqu'il s'agit là d'un choix dans le cadre du jeu normal de la concurrence.

266. Plysorol est le plus important producteur français de contreplaqués exotiques avec une production de près de 133 000 m3 en 2002, le suivant se situant alors à près de 60 000 m3. Le comportement de Plysorol pouvait donc avoir valeur d'exemple pour ses confrères.

267. A cet égard, en sa qualité de président de l'UFC, à la suite de l'initiative d'UPM Kymmene de commercialiser au même prix les panneaux en collage intérieur et les panneaux en collage extérieur, le responsable de la société Plysorol a adressé une lettre le 19 décembre 2002 au président de Schauman Wood pour critiquer son initiative de commercialiser le contreplaqué " extérieur " au prix du contreplaqué " intérieur ", ce qui équivalait à enfreindre l'application de la grille.

268. Concernant l'éventuel retrait de l'UFC en 2003, force est de constater qu'en tout état de cause il ne s'est pas concrétisé et que Plysorol n'a pas mis fin à la mise en œuvre des pratiques en cause.

269. Les parts du marché français de Plysorol en 2004 sont évaluées, en valeur, à 12,3 % de la consommation de contreplaqués toutes essences, et à 25,6 % de la consommation de contreplaqués à base d'essences exotiques.

270. La présence de Plysorol est signalée dans 11 des 12 réunions de l'UFC concernant les pratiques dénoncées (non signalée le 30 mai 2000). Son intervention sur la question des hausses de prix au cours de ces réunions est signalée le 11 mai 2000, le 24 février 2003, les 24 et 30 janvier 2004, le 23 février 2004. Il est constant qu'elle a appliqué à ses tarifs les hausses convenues. Néanmoins, aucun élément du dossier ne permet de relever qu'elle aurait mis en œuvre les hausses de mai et juillet 1997.

271. Le chiffre d'affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Sonae, entreprise consolidante de Plysorol en tenant compte des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, s'est élevé à 7 555 295 336 euro au 31 décembre 2004. Pour la société Plysorol SAS, ce chiffre d'affaires est celui de l'exercice 2006 d'un montant de 107 906 058 euro avec une perte comptable d'un montant de - 5 035 865 euro. En 2004, dernière année où les pratiques en cause ont été relevées dans le présent dossier, ses ventes sur le marché français du contreplaqué à base de bois exotique, concerné par lesdites pratiques, se sont élevées à 43 513 000 euro.

272. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 3 480 000 euro pour sa participation aux hausses concertées et de 760 000 euro pour la mise en œuvre de la grille des coefficients de prix, soit un total de 4 240 000 euro.

d) La situation de l'entreprise Thébault

273. Cette société met en avant sa structure familiale et les difficultés économiques de l'ensemble de la profession. Elle souligne, sans plus de précision, qu'une sanction pécuniaire pourrait avoir des " conséquences sociales négatives " et pourrait conduire l'entreprise à " cesser sa production " et à " licencier ses salariés à court terme ". Ces considérations générales, non étayées de données chiffrées précises en ce qui concerne Thébault à titre individuel, sont difficiles à prendre en compte.

274. Les parts du marché français de Thébault en 2004 sont évaluées, en valeur, à 4 % de la consommation de contreplaqués toutes essences, et à 5,3 % de la consommation de contreplaqués à base d'essences exotiques.

275. La présence de Thébault est signalée dans 10 des 12 réunions de l'UFC concernant les pratiques dénoncées (non signalée les 11 et 30 mai 2000). Son intervention sur la question des hausses de prix au cours de ces réunions est signalée les 24 février et 5 novembre 2003, et le 24 janvier 2004. Il est constant qu'elle a appliqué à ses tarifs les hausses convenues. Néanmoins, aucun élément du dossier ne permet de relever qu'elle aurait mis en œuvre les hausses de janvier 1997 et mars 2001.

276. Le chiffre d'affaires hors taxes le plus élevé réalisé par le groupe Thébault (comptes consolidés), en tenant compte des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, s'est élevé à 32 794 994 euro au 31 décembre 2006, qui est aussi le dernier exercice clos connu, avec un résultat net positif d'un montant de 1 640 672 euro. Pour le même exercice, la société Jean Thébault SAS, destinataire des griefs, a réalisé un chiffre d'affaires de 18 775 333 euro. En 2004, dernière année où les pratiques en cause ont été relevées dans le présent dossier, ses ventes sur le marché français du contreplaqué à base de bois exotique, concerné par lesdites pratiques, se sont élevées à 8 988 000 euro.

277. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 719 000 euro pour sa participation aux hausses concertées et de 179 000 euro pour la mise en œuvre de la grille des coefficients de prix, soit un total de 898 000 euro.

3. SUR LA SITUATION PARTICULIÈRE DES SOCIÉTÉS ALLIN ET ROUGIER

278. Ces deux sociétés demandent à bénéficier des dispositions de l'article L. 464-2 § III du Code de commerce. Elles n'ont pas contesté la réalité des griefs notifiés.

a) Société Allin

279. Cette société, en même temps qu'elle déclarait ne pas contester les griefs, a pris les engagements suivants par procès-verbal du 25 avril 2006 :

" - rappeler systématiquement l'importance du respect des règles de concurrence, notamment en matière d'ententes, à tous les cadres et à tous les salariés qui seraient susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes, ainsi qu'aux agents commerciaux auxquels la société Etablissements Allin SA confie la commercialisation de ses produits, cette information pouvant être faite notamment par note écrite à l'ensemble du personnel et des personnes concernées et par des sessions de formation et soulignant que la participation à une pratique anticoncurrentielle serait susceptible de constituer une faute grave ;

- adresser au Président de l'Union des Fabricants de Contreplaqué (UFC) et à chacune des entreprises qui en sont membres un courrier indiquant que les représentants de la société Etablissements Allin SA auprès de l'UFC s'interdisent à l'avenir de participer à des réunions ou discussions au sein de cet organisme qui porteraient sur des pratiques susceptibles d'être qualifiées d'anticoncurrentielles, lui demander que ce courrier soit lu à tous les membres de l'UFC lors d'une prochaine réunion ou assemblée de l'UFC, et que mention en soit faite au compte-rendu de cette réunion ou assemblée. "

280. En contrepartie, outre la réduction de moitié du plafond de la sanction prévue directement par le Code de commerce, le rapporteur général a proposé au Conseil que l'éventuelle sanction pécuniaire prononcée contre Allin soit réduite de 10 %.

281. Sans contester les griefs, la société Allin a développé, comme elle en avait la possibilité, des arguments concernant la gravité des faits et le dommage à l'économie.

282. Concernant ses engagements, Allin a communiqué les documents qui attestent qu'elle les a respectés en ce qui concerne, d'une part, son intervention auprès de l'UFC et de ses concurrents, d'autre part, en ce qui concerne l'information de son agent commercial et de son propre personnel et les sanctions encourues en cas de participation à une pratique anticoncurrentielle.

283. Allin a aussi demandé que la réduction de 10 % proposée par le rapporteur général soit augmentée, en se référant à des taux supérieurs retenus par le Conseil dans des affaires où les faits étaient selon elle plus graves et les parts de marché détenues par les mis en cause plus importantes.

284. Sur ce point, dans la décision n° 07-D-26 du 26 juillet 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés de fourniture de câbles à haute tension, le Conseil a indiqué : " Lorsqu'est mise en œuvre la procédure prévue au III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la décision du Conseil, qui examine la proposition du rapporteur général de réduire la sanction pécuniaire éventuellement encourue, tient compte à la fois de la non contestation des griefs et des engagements pris pour l'avenir. Au cas d'espèce, les engagements proposés se limitent à la formation du personnel et à la sensibilisation des cadres et salariés au respect des règles de concurrence. S'il est vrai que ce type d'engagements est celui qui est généralement proposé en matière d'ententes horizontales, pratiques pour lesquelles il est difficile d'imaginer des engagements pouvant, de manière significative, restaurer ex post le fonctionnement de la concurrence sur le marché, il n'en reste pas moins que de tels engagements, même s'ils ne sont pas dépourvus d'intérêt, ne sont pas de nature à apporter des améliorations, substantielles et vérifiables, au fonctionnement concurrentiel des marchés affectés par les pratiques. C'est donc la contrepartie procédurale de la non contestation qui doit être essentiellement prise en compte.

La renonciation à contester les griefs, qui a pour effet d'alléger et d'accélérer le travail de l'instruction en dispensant de la rédaction du rapport, notamment lorsqu'elle est choisie par l'ensemble des mis en cause, doit conduire en l'espèce à accorder aux entreprises en cause une réduction forfaitaire et limitée à 10 % de la sanction encourue. Cette réduction de 10 % sera appliquée à des montants qui seront eux-mêmes différenciés pour tenir compte de la situation individuelle des entreprises. "

285. En l'espèce, les engagements souscrits par Allin sont du même ordre que ceux auxquels il est fait référence dans ladite décision et ne sauraient donc justifier une réduction forfaitaire supérieure à 10 % de la sanction encourue. Les entreprises qui ont bénéficié récemment de réductions plus importantes ont proposé des engagements touchant directement les relations avec leur clientèle et mettant en place des procédures permettant d'améliorer le fonctionnement du marché.

286. Les parts de la société Allin sur le marché français en 2004 sont évaluées, en valeur, à 2,9 % de la consommation de contreplaqués toutes essences, et à 6,1 % de la consommation de contreplaqués à base d'essences exotiques.

287. La présence de la société Allin est signalée dans 11 des 12 réunions de l'UFC concernant les pratiques dénoncées (non signalée le 24 février 2003). Son intervention sur la question des hausses de prix au cours de ces réunions est signalée le 18 décembre 2002, le 16 février 2003, et les 24 janvier et 23 février 2004. Il est constant qu'elle a appliqué à ses tarifs les hausses convenues. Néanmoins, aucun élément du dossier ne permet de relever qu'elle aurait mis en œuvre les hausses de janvier 1997 et août 2000.

288. Le chiffre d'affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par la société Allin SAS, en tenant compte des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, s'est élevé à 22 743 393 euro au 31 décembre 2004 avec une perte comptable d'un montant de - 1 250 753 euro. Pour le dernier exercice clos connu, qui est l'exercice 2006, le chiffre d'affaires s'est élevé à 22 222 989 euro avec une perte comptable d'un montant de - 1 494 497 euro. En 2004, dernière année où les pratiques en cause ont été relevées dans le présent dossier, ses ventes sur le marché français du contreplaqué à base de bois exotique, concerné par lesdites pratiques, se sont élevées à 10 428 000 euro.

289. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, notamment de sa situation financière, il y aurait eu lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 625 000 euro pour sa participation aux hausses concertées et de 190 000 euro pour la mise en œuvre de la grille des coefficients de prix, soit un total de 807 000 euro. L'absence de contestation des griefs accompagnée des engagements pris en faveur du respect des règles de concurrence conduisent à réduire ces montants de 10 %, ce qui les ramène respectivement à 562 500euros et 163 800 euro, soit un total de 726 300 euro.

b) Société Rougier Panneaux

290. A titre liminaire, il convient, de mettre hors de cause la société Rougier SA, holding dépourvu d'activité opérationnelle dans le secteur concerné. Seule sa filiale Rougier Panneaux a, selon les éléments du dossier, pris part aux comportements qui ont été examinés.

291. Cette dernière société, en même temps qu'elle déclarait ne pas contester les griefs, a pris les engagements suivants par procès-verbal 13 avril 2006 : " - rappeler systématiquement l'importance du respect des règles de concurrence, notamment en matière d'ententes, à tous les cadres et à tous les salariés qui seraient susceptibles de se trouver en contact avec leurs homologues des entreprises concurrentes, cette information devant être faite notamment par note écrite à l'ensemble du personnel et des personnes concernées et par des sessions de formation et soulignant que la participation à une pratique anticoncurrentielle serait susceptible de constituer une faute grave.

Une lettre annuelle sera demandée au directeur d'exploitation, faisant fonction de directeur commercial, attestant qu'il a, dans l'exercice de ses fonctions, respecté et fait veiller au respect des règles de concurrence, en particulier en ne participant pas à des ententes anticoncurrentielles.

- adresser au Président de l'Union des Fabricants de Contreplaqué (UFC) et à chacune des entreprises qui en sont membres un courrier indiquant que les représentants de la société Rougier Panneaux auprès de l'UFC s'interdisent à l'avenir de participer à des réunions ou discussions au sein de cet organisme qui porteraient sur des pratiques susceptibles d'être qualifiées d'anticoncurrentielles, lui demander que ce courrier soit lu à tous les membres de l'UFC lors d'une prochaine réunion ou assemblée de l'UFC, et que mention en soit faite au compte-rendu de cette réunion ou assemblée. "

292. En contrepartie, outre la réduction de moitié du plafond de la sanction prévue directement par le Code de commerce, le rapporteur général a proposé au Conseil que l'éventuelle sanction pécuniaire prononcée contre Rougier panneaux soit réduite de 10 %.

293. Sans contester les griefs, Rougier Panneaux a développé, comme elle en avait la possibilité, des arguments concernant la gravité des faits et le dommage à l'économie.

294. Concernant ses engagements, Rougier Panneaux a communiqué des documents attestant qu'elle les a respectés en ce qui concerne, d'une part, son intervention auprès de l'UFC et de ses concurrents, d'autre part, en ce qui concerne l'information de son personnel et les sanctions encourues en cas de participation à une pratique anticoncurrentielle. Elle a également fourni des éléments relatifs à une formation organisée en décembre 2007 à destination des principaux cadres de l'entreprise. Elle signale par ailleurs dans son mémoire la mise en place d'une procédure d'alerte (" whistleblowing ") ouvrant la faculté à tout salarié de signaler toute pratique anticoncurrentielle dont il aurait connaissance, assortie d'une garantie de confidentialité.

295. Rougier demande qu'il en soit tenu compte pour qu'il lui soit accordé un taux de réduction supérieur à celui de 10 % proposé par le rapporteur général, évoquant un taux de 25 à 30 %.

296. En l'occurrence, les engagements souscrits par Rougier sont cependant en substance du même ordre que ceux de la société Allin, et, pour les mêmes motifs, ils ne sauraient justifier une réduction forfaitaire supérieure à 10 % de la sanction encourue. Il faut à cet égard noter que les éléments recueillis par l'instruction démontrent que seuls les dirigeants de Rougier ont pris part directement aux pratiques dénoncées et non les employés ou les cadres visés par les mesures mises en place. La procédure d'" alerte " ne répond donc pas en l'espèce à un problème de comportement anticoncurrentiel qui aurait échappé aux mécanismes habituels de contrôle hiérarchique.

297. Concernant sa situation individuelle, Rougier Panneaux souligne qu'elle est une PME familiale dont la part du marché est faible (5,6 %).

298. Les parts du marché français de Rougier en 2004 sont évaluées, en valeur, à 4,5 % de la consommation de contreplaqués toutes essences, et à 4,1 % de la consommation de contreplaqués à base d'essences exotiques.

299. La présence de la société Rougier est signalée dans les 12 réunions de l'UFC concernant les pratiques dénoncées. Son intervention sur la question des hausses de prix au cours de ces réunions est signalée les 11 et 30 mai 2000, et les 30 janvier et 23 février 2004. Il est constant qu'elle a appliqué à ses tarifs les hausses convenues. Néanmoins, aucun élément du dossier ne permet de relever qu'elle aurait mis en œuvre les hausses préalablement à mars 1999.

300. Le chiffre d'affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe Rougier (comptes consolidés), en tenant compte des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, s'est élevé à 156 729 000 euro au 31 décembre 2006, qui est aussi le dernier exercice clos connu. Pour le dernier exercice clos connu qui est l'exercice 2006, le chiffre d'affaires propre de la société Rougier Panneaux s'est élevé à 18 778 663 euro. En 2004, dernière année où les pratiques en cause ont été relevées dans le présent dossier, ses ventes sur le marché français du contreplaqué à base de bois exotique, concerné par lesdites pratiques, se sont élevées à 6 902 000 euro.

301. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y aurait eu lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 483 000 euro pour sa participation aux hausses concertées et de 138 000 euro pour la mise en œuvre de la grille des coefficients de prix, soit un total de 758 000 euro. L'absence de contestation des griefs accompagnée des engagements pris en faveur du respect des règles de concurrence conduisent à réduire ces montants de 10 %, ce qui les ramène respectivement à 434 700 euro et 124 200 euro, soit un total de 558 900 euro.

4. SUR LA DEMANDE DE CLÉMENCE DE LA SOCIÉTÉ UPM KYMMENE

302. Les parts du marché français de UPM Kymmene en 2004 sont évaluées, en valeur, à 7,8 % de la consommation de contreplaqués toutes essences, et à 16,2 % de la consommation de contreplaqués à base d'essences exotiques.

303. La présence d'UPM Kymmene est signalée dans 8 des 12 réunions de l'UFC concernant les pratiques dénoncées. Son intervention sur la question des hausses de prix au cours de ces réunions est signalée les 24 février et 16 décembre 2003, et le 30 janvier 2004. Il est constant qu'elle a appliqué à ses tarifs les hausses convenues. Les représentants de cette entreprise ont reconnu avoir participé à la concertation sur les hausses tarifaires au moins à partir de janvier 1996 (page 14 de la notification de griefs). L'absence d'éléments matériels tels que les circulaires d'annonces de hausses ou les tarifs s'expliquent probablement par le fait, qu'après les instructions reçues de la nouvelle maison mère de ne plus participer à des pratiques concertées, la plupart des documents antérieurs à 2004 faisant état de ces pratiques ont été détruits par ceux qui y avaient participé, comme l'a exposé un représentant de l'entreprise lors de son audition en 2004.

304. Le chiffre d'affaires hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe UPM Kymmene, en tenant compte des exercices clos depuis l'exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, s'est élevé à 9 820 000 000 euro au 31 décembre 2004. Pour la société UPM Kymmene Wood SA, le chiffre d'affaires le plus élevé connu est celui de l'exercice 2003 qui s'est élevé à 138 433 000 euro. En 2004, dernière année où les pratiques en cause ont été relevées dans le présent dossier, ses ventes sur le marché français du contreplaqué à base de bois exotique, concerné par lesdites pratiques, se sont élevées à 15 066 000 euro.

305. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, le montant de la sanction pécuniaire qui devrait être infligé à la société UPM Kymmene s'élève à 1 500 000 euro pour sa participation aux hausses concertées et à 300 000 euro pour la mise en œuvre de la grille des coefficients de prix, soit un total de 1 800 000 euro.

306. Afin de déterminer si UPM Kymmene peut bénéficier d'une exonération totale de sanctions pécuniaires, il convient d'examiner si les conditions posées dans l'avis conditionnel de clémence du 14 mai 2004 ont été respectées.

307. UPM Kymmene a dénoncé les faits constitutifs de l'entente et demandé à bénéficier des dispositions du IV de l'article L. 464-2 III du Code de commerce qui dispose : " une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d'autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont le conseil ou l'administration ne disposaient pas antérieurement. A la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, le Conseil de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'économie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou à l'organisme et au ministre et n'est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, le Conseil peut, si les conditions précisées dans l'avis de clémence sont respectées, accorder une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction. "

308. Par un avis du 14 mai 2004, le Conseil de la concurrence a subordonné l'octroi d'une exonération totale de sanction pécuniaire aux conditions suivantes :

" - les éléments apportés par l'entreprise devront concerner la période non prescrite et contribuer à établir la réalité des pratiques dénoncées, représentées comme étant anticoncurrentielles, et à en identifier les auteurs ;

- l'entreprise devra apporter au Conseil de la concurrence et aux services d'enquête du ministre de l'économie une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction et leur fournir tout élément de preuve qui viendrait en sa possession ou dont elle disposerait sur les infractions suspectées ;

- elle devra mettre fin à sa participation aux activités illégales présumées, sans délai et au plus tard à compter de la notification du présent avis ;

- elle ne devra pas avoir informé de sa démarche les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées ".

309. Sur le premier point, UPM Kymmene a dénoncé, lors de son audition par le rapporteur le 7 mai 2004, des faits non prescrits et a fourni la liste de ceux qui y avaient participé. Ces éléments ont servi à établir la réalité des pratiques anticoncurrentielles et l'enquête a confirmé que la totalité des entreprises mentionnées sur la liste y avait participé.

310. En ce qui concerne la deuxième condition, UPM Kymmene a fourni une coopération pleine et entière aux services d'enquête et d'instruction, notamment en expliquant les modalités de l'entente lors des auditions pratiquées par les enquêteurs ou le rapporteur, et en communiquant des documents relatifs aux pratiques dénoncées. Dès lors, la deuxième condition est aussi remplie.

311. En ce qui concerne le troisième point, il résulte du dossier que l'entreprise UPM Kymmene SA s'est retirée de l'entente en février 2004, après avoir reçu des instructions de sa maison mère.

312. Enfin, il n'est pas établi qu'UPM Kymmene a informé les autres entreprises en cause de sa démarche. Celles-ci ont été avisées de l'existence de la procédure lors des opérations de perquisition conduites dans le cadre de l'enquête.

313. Sur ce point, Thébault conteste qu'UPM Kymmene ait respecté son engagement. Elle expose qu'UPM a informé les autres producteurs de sa démarche, d'une part, en adressant au président de l'UFC, le 13 mai 2004, un courrier l'informant de sa décision de mettre un terme à sa participation aux réunions conduisant à des échanges d'informations sensibles au motif qu'elle souhaitait respecter le droit européen, d'autre part, en publiant, le 25 mai 2004, un communiqué de presse sur son site Internet informant le public qu'elle avait contacté les autorités de concurrence pour dénoncer les comportements anticoncurrentiels auxquels elle avait participé.

314. Le premier document atteste surtout qu'UPM Kymmene a respecté immédiatement la troisième condition qui lui a été dictée par le Conseil. Ensuite, la communication sur Internet n'a été effectuée que le jour des opérations de visite et saisie, après le lancement de celles-ci, en accord avec la Commission européenne qui coordonnait différentes opérations de visites et saisies dans le même secteur dans plusieurs États membres et après contact avec les services français chargés desdites opérations en France, sans nuire à leur efficacité. Ces opérations ont effectivement permis de découvrir des preuves matérielles des pratiques dénoncées par UPM.

315. La société UPM-Kymmene Wood SA s'est ainsi conformée aux conditions qui lui avaient été imposées par l'avis conditionnel de clémence du 14 mai 2004 et il y a donc lieu de l'exonérer de toute sanction pécuniaire.

5. SUR L'OBLIGATION DE PUBLICATION

316. Afin d'informer de la présente décision les fournisseurs, grossistes et revendeurs de matériaux et de les inciter à la vigilance à l'égard de pratiques telles que celles condamnées, il y a lieu d'ordonner la publication dans le " Moniteur des travaux publics " du résumé de cette décision figurant au point suivant :

317. " Les sociétés Jean Thébault, Plysorol, Rougier Panneaux, Etablissements A. Mathé, Etablissements Guy Joubert , Etablissements Allin ainsi que UPM Kymmene Wood SA ont, au sein de l'Union des fabricants de contreplaqué (UFC), participé, de manière continue et sur de longues périodes à des ententes anticoncurrentielles interdites par l'article L. 420-1 du Code de commerce et ont été sanctionnées de ce fait par le Conseil de la concurrence. De 1995 à 2004, elles ont déterminé ensemble régulièrement les taux et les dates, identiques, des hausses de leurs tarifs pour le contreplaqué exotique type okoumé. De 1987 à 2004, elles ont fondé leurs écarts tarifaires pour les différentes dimensions et qualités de panneaux de contreplaqué exotique sur une grille commune conduisant à une structure tarifaire identique et rigide pour tous ces fabricants, limitant ainsi la concurrence entre elles. Ces pratiques ont été dénoncées au Conseil de la concurrence par UPM Kymmene, qui a également collaboré à l'enquête, et qui a de ce fait bénéficié d'une exonération totale de sanctions dans le cadre du programme de clémence du Conseil de la concurrence. Par ailleurs, deux des sociétés concernées, les sociétés Rougier panneaux et Etablissements Allin, ont renoncé à contester les griefs et pris des engagements visant à prévenir leur participation à de nouvelles situations anticoncurrentielles et ont de ce fait bénéficié d'une réduction de 10 % de l'amende mise à leur charge. En conséquence, le Conseil de la concurrence a infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

• à la société Etablissements A. Mathé une sanction de 260 800 euro ;

• à la société Etablissements Guy Joubert une sanction de 1 500 000 euro ;

• à la société Plysorol une sanction de 4 240 000 euro ;

• à la société Jean Thébault une sanction de 898 000 euro ;

• à la société Etablissements Allin une sanction de 726 300 euro ;

• à la société Rougier Panneaux une sanction de 558 900 euro.

Le texte intégral de la décision du Conseil de la concurrence est accessible sur le site www.conseil-concurrence.fr "

Décision

Article 1er : Il n'est pas établi que la société Rougier SA a enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce

Article 2 : Il est établi que les sociétés Jean Thébault, Plysorol, Rougier Panneaux, Etablissements A. Mathé, Etablissements Guy Joubert, Etablissements Allin ainsi que UPM Kymmene Wood SA ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 3 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

• à la société Etablissements A. Mathé une sanction de 260 800 euro ;

• à la société Etablissements Guy Joubert une sanction de 1 500 000 euro ;

• à la société Plysorol une sanction de 4 240 000 euro ;

• à la société Jean Thébault une sanction de 898 000 euro ;

• à la société Etablissements Allin une sanction de 726 300 euro ;

• à la société Rougier Panneaux une sanction de 558 900 euro.

Article 4 : La société UPM Kymmene est exonérée de sanctions pécuniaires, par application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

Article 5 : Les sociétés mentionnées à l'article 3 feront publier à leurs frais communs au prorata des sanctions pécuniaires qui leur sont infligées, dans les trois mois suivant la notification de la présente décision, le texte figurant au paragraphe 317 de celle-ci, en en respectant la mise en forme, dans " Le Moniteur des travaux publics ". Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à 5 mm sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-12 du 21 mai 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production de contreplaqué " Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. La société Plysorol adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, copie de cette publication, dès sa parution.