CCE, 11 janvier 1991, n° 91-29
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Portant clôture de la procédure antidumping concernant les importations de ciments Portland originaires de Yougoslavie
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (1), et notamment son article 9, après consultations au sein du comité consultatif prévu par ledit règlement, considérant ce qui suit :
A. Procédure
(1) En décembre 1988, la Commission a été saisie d'une plainte déposée par l'Associazione Italiana Tecnico Economica del Cemento au nom de producteurs représentant la grande majorité des producteurs italiens de ciment.
(2) La plainte contenait de prime abord des éléments de preuve établissant l'existence de dumping sur une base régionale et d'un préjudice en résultant, qui ont été considérés comme suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure afin d'établir si les faits allégués existaient et justifiaient de prendre des mesures . La Commission a annoncé, en conséquence, dans un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes (2), l'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations, en Italie, originaires de Yougoslavie de ciments Portland autres que le ciment Portland blanc, en vrac ou en sacs, utilisés dans l'industrie de la construction et relevant du code NC 2523 29 00, et elle a entamé une enquête.
(3) La Commission en a avisé officiellement les exportateurs et les importateurs notoirement concernés, les représentants de la Yougoslavie et le plaignant, et a donné aux parties directement intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues.
(4) Les producteurs/exportateurs yougoslaves concernés par la procédure ont fait connaître leur point de vue par écrit. Un producteur a demandé et a obtenu d'être entendu.
Les importateurs italiens du produit en cause ont fait connaître leur point de vue par écrit et l'un a demandé et obtenu d'être entendu.
Sur les neuf producteurs italiens du produit mentionné dans la plainte, trois n'ont pas répondu au questionnaire de la Commission en déclarant qu'ils ne se considéraient pas comme affectés par les importations yougoslaves. Les six autres producteurs ont fait connaître leur point de vue par écrit.
Les producteurs grecs du produit concerné ont fait connaître leur point de vue par écrit.
(5) L'enquête couvrait la période comprise entre le 1er mai 1988 et le 30 avril 1989 en ce qui concerne le dumping. En ce qui concerne le préjudice et la menace de préjudice, les faits qui se sont produits après le 30 avril 1989 n'ont pas été pris en considération.
(6) La Commission a recueilli et vérifié toutes les informations qu'elle jugeait nécessaires aux fins d'une détermination préliminaire, et a procédé à un contrôle sur place auprès des producteurs suivants de la Communauté :
- Colacem, Gubbio,
- Sacci SpA, Rome,
- Cementir, Rome,
- Italcementi SA, Bergame,
- Unicem, Turin,
- Friulcem, Turin,
- Cementizillo, Este.
B. Régionalité
(7) La Commission a établi qu'environ 99 % de la production totale italienne de ciment était vendue sur le marché italien et que la demande de ciment en Italie n'était pas satisfaite à un degré substantiel par les producteurs situés ailleurs dans la Communauté.
En conséquence, l'industrie italienne peut être considérée comme constituant la production de la Communauté au sens des dispositions de l'article 4 paragraphe 5 du règlement (CEE) n° 2423-88.
(8) La Commission a constaté que quatre zones en Italie étaient particulièrement affectées par les importations du produit originaire de Yougoslavie. Elle a examiné si ces zones, prises individuellement ou collectivement, pouvaient constituer la production de la Communauté. Les éléments de preuve obtenus au cours de l'enquête ont montré qu'une partie importante du marché du ciment dans ces zones était approvisionné par des producteurs situés hors des zones concernées, et que les producteurs établis dans ces zones ne vendaient pas la totalité ni la presque totalité de leur production dans ces zones.
En conséquence, la Commission a conclu que les quatre zones concernées ne pouvaient pas, ni individuellement ni collectivement, être considérées comme un marché distinct.
C. Produit similaire
(9) Les produits supposés faire l'objet de dumping sont les ciments Portland autres que le ciment Portland blanc, en vrac ou en sacs.
La production de ciments Portland (toutes classes) représente environ 55 % de la production italienne de ciment. Les autres types de ciments comprennent le ciment à la pouzzolane (40 % de la production).
(10) Tous les producteurs italiens concernés sans exception ont souligné que le critère décisif pour le ciment n'est pas de savoir s'il a été produit à la manière Portland ou à la pouzzolane, mais à quelle caractéristique de résistance il répond. En conséquence, on peut considérer que le ciment Portland et le ciment à la pouzzolane sont interchangeables aussi longtemps qu'ils appartiennent à la même classe de résistance. La Commission a conclu que, aux fins de la présente enquête, les types de ciment à la pouzzolane ainsi que les types de ciment Portland devaient être considérés comme le produit similaire.
(11) La loi italienne fixe les caractéristiques de classement du ciment. Elle donne, entre autres, les caractéristiques de résistance qui incluent les conditions minimales de résistance à la compression du béton après vingt-huit jours. Le ciment 325 devrait présenter une résistance d'au moins 325 kg/cm2 après vingt-huit jours, le ciment 425 devrait avoir une résistance d'au moins 425 kg/cm2 après vingt-huit jours.
(12) Les plaignants allèguent que la qualité du produit importé est conforme au ciment italien à résistance élevée de la classe 425. Les producteurs yougoslaves prétendent que le ciment exporté est conforme au ciment italien ordinaire de la classe 325.
(13) Les producteurs italiens et yougoslaves ont présenté à la Commission des éléments de preuve contradictoires sur la qualité du produit importé. La Commission a examiné attentivement ces éléments de preuve afin d'évaluer le produit similaire en Italie. Au cours de l'enquête, il est devenu évident, bien que le produit yougoslave soit particulièrement en concurrence avec la production italienne de ciment 425, que les effets directs et indirects sont également ressentis sur le segment 325 du marché du ciment. Le ciment 425 peut être utilisé comme substitut du ciment 325, mais non l'inverse.
(14) En conséquence, la Commission a conclu qu'il ne serait pas justifié de considérer seulement le segment 425 du marché du ciment comme totalement séparé. Elle a donc tenu compte à la fois du segment 425 du marché et du marché du ciment dans son ensemble pour ses conclusions.
D. Préjudice
(15) En ce qui concerne le préjudice qui aurait été causé par les importations effectuées en dumping, il ressort des éléments de preuve dont dispose la Commission que les importations en Italie en provenance de Yougoslavie sont passées de 293 000 tonnes en 1985 à 603 000 tonnes en 1988.
La part de marché de ces importations a augmenté, passant de 0,78 % en 1985 à 1,49 % en 1988 (tous ciments). Si toutes les importations yougoslaves sont considérées sur le seul marché 425, la part de marché est passée de 2,55 % en 1985 à 4,25 % en 1988. La part de marché des importations provenant d'autres sources sur le marché du 425 est passée de 0,17 % en 1985 à 8,16 % en 1988.
(16) Sur la base des informations fournies par les importateurs de ciment yougoslave, il a été constaté un écart de prix considérable entre le prix du ciment 425 yougoslave importé et les prix italiens du même ciment.
En outre, une sous-cotation a également été constatée, à un degré moindre, pour le ciment italien 325.
(17) Les données dont la Commission disposait contenaient de solides indices selon lesquels les produits yougoslaves auraient été importés sur le marché italien à des prix de dumping. Ces informations n'ont pas été vérifiées en raison des conclusions figurant au considérant 18.
(18) En ce qui concerne l'incidence éventuelle des importations effectuées en dumping sur la situation du producteur en Italie, il a été tenu compte des facteurs suivants :
a) la production italienne de ciment (tous types) a augmenté de 4 % entre 1985 et 1988. La production italienne de ciment 425 a augmenté de 11 % au cours de la même période ;
b) la capacité de production a augmenté de 7,5 % entre 1985 et 1988 ;
c) l'utilisation des capacités a diminué entre 1985 et 1986, tombant de 68,4 à 64,6 %; elle a augmenté et s'est stabilisée autour de 66 % en 1987 et 1988. En chiffres absolus, la production et les ventes ont augmenté, mais le taux d'utilisation est resté stable en raison de l'expansion de la capacité ;
d) bien que la croissance de la production italienne n'ait pas entièrement suivi la tendance du marché, la différence n'est pas telle qu'elle doive être considérée comme importante ;
e) la part de marché des producteurs italiens reste uniformément élevée (95 % tous ciments ; 87 % pour le ciment 425) ;
f) les prix réalisés par les producteurs italiens ont augmenté à un rythme légèrement plus rapide que celui du prix maximal fixé par les pouvoirs publics. Ils n'indiquent, au cours de la période de référence, qu'une faible diminution qui peut être considérée comme négligeable. La tendance des prix pour le ciment 425 est légèrement plus favorable que celle de l'ensemble des ciments (+ 13,6 % contre + 10 %) pour la période de référence par rapport à 1985 ;
g) la rentabilité de l'industrie italienne du ciment a évolué favorablement dans l'ensemble entre 1985 et 1987. Aucune société n'est ou n'est menacée d'être dans une situation où elle ferait des pertes. Certaines entreprises ont connu une diminution des bénéfices en 1988, d'autres ont eu de meilleurs résultats en 1988 qu'en 1987.
De l'avis de la Commission, la diminution des bénéfices est une preuve des efforts de restructuration et de rationalisation de cette industrie ;
h) l'augmentation des coûts de production a porté principalement sur les coûts de l'énergie et la sauvegarde de l'environnement ;
i) les plans d'investissement de l'industrie, notamment pour répondre aux exigences de l'État italien en matière d'environnement et pour améliorer l'efficacité et la rationalisation, montrent une confiance sous-jacente dans le marché ;
j) la situation de l'emploi de la production italienne ayant fait l'objet de l'enquête montre, au cours des quatre dernières années, une réduction progressive du nombre des personnes employées à la production de ciment.
On considère que cette diminution (12 % sur quatre ans) est le résultat de la restructuration des installations afin de parvenir à un processus de production plus efficace.
(19) Pour ces raisons, la Commission n'a pas été à même d'établir le préjudice important causé à la production de la Communauté. Même si certains éléments préjudiciables ont été établis, la Commission a estimé qu'ils n'étaient pas importants et que les importations yougoslaves n'en étaient pas la principale cause.
E. Menace de préjudice
(20) La plainte ne contenait aucune allégation de menace de préjudice. Certains producteurs italiens ont indiqué que la capacité potentielle d'exportation des producteurs yougoslaves pouvait atteindre 1 150 000 tonnes.
Les exportations en dumping en provenance de Yougoslavie se sont élevées à ± 600 000 tonnes et en 1988 à ± 580 000 tonnes en 1989.
Selon les informations dont dispose la Commission, un accroissement seulement modéré de la capacité de production des producteurs yougoslaves est prévu à court terme.
La Commission a estimé qu'il n'existait aucun élément de preuve substantiel de menace de préjudice.
F. Clôture de la procédure
(21) En l'absence de préjudice important ou de menace de préjudice, une des conditions indispensables pour prendre des mesures de défense conformément aux dispositions de l'article 11 du règlement ( CEE ) n° 2423-88 n'est pas remplie . En conséquence, la procédure antidumping concernant les importations de ciments Portland originaires de Yougoslavie doit être close.
(22) Le comité consultatif a été consulté et n'a soulevé aucune objection.
(23) La Commission a fait connaître ses conclusions au plaignant. Ce dernier a demandé et obtenu une audition au cours de laquelle la Commission lui a fourni oralement de plus amples informations sur ses conclusions,
Décide :
Article unique
La procédure antidumping concernant les importations de ciments Portland originaires de Yougoslavie est close.
Notes :
(1) JO n° L 209 du 2. 8. 1988, p. 1.
(2) JO n° C 149 du 16. 6. 1989, p. 4.