CJCE, 5e ch., 10 mars 1992, n° C-171/87
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Canon Inc.
Défendeur :
Conseil des Communautés européennes, Commission des Communautés européennes, Committee of European Copier Manufacturers
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Joliet
Avocat général :
M. Mischo
Juges :
Sir Gordon Slynn, MM. Grévisse, Moitinho de Almeida, Zuleeg
Avocats :
Mes Ivo Van Bael, Hans-Juergen Rabe, Schuette
LA COUR (cinquième chambre),
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 juin 1987, la société Canon Inc. (ci-après "Canon"), ayant son siège à Tokyo, a, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation des articles 1er et 2 du règlement (CEE) n° 535-87 du Conseil, du 23 février 1987, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon (JO L 54, p. 12, ci-après "règlement attaqué"), dans la mesure où ils concernent la requérante.
2 Canon est une société qui fabrique des photocopieurs à papier ordinaire (ci-après "PPC") qu'elle vend, en premier lieu, à des sociétés distributrices dans lesquelles elle détient des participations et qui sont responsables de la commercialisation des PPC au Japon, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, en second lieu, à Canon Europa NV, société de coordination de ses exportations, établie à Amsterdam, qui exporte ensuite les PPC vers les distributeurs exclusifs du Danemark, de l'Irlande et de la Grèce, et, enfin, à des Original Equipment Manufacturers (fournisseurs, sous leur propre marque, de produits fabriqués par d'autres entreprises, ci-après "OEM").
3 En juillet 1985, Canon a fait l'objet, avec d'autres producteurs japonais, d'une plainte déposée auprès de la Commission par le comité des fabricants européens d'appareils de copie qui l'accusait de vendre ses produits dans la Communauté à des prix de dumping.
4 La procédure antidumping engagée par la Commission sur la base du règlement (CEE) n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1), a conduit à l'adoption du règlement (CEE) n° 2640-86 de la Commission, du 21 août 1986, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon (JO L 239, p. 5). Le taux du droit antidumping provisoire a été fixé à 15,8 % du prix net franco frontière de la Communauté pour les importations de PPC fabriqués et exportés par Canon. Par le règlement attaqué, pris sur proposition de la Commission, le Conseil a ensuite fixé le droit antidumping définitif à 20 %.
5 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
6 A l'appui de son recours, Canon invoque cinq moyens tirés respectivement du calcul erroné de la valeur normale, du calcul erroné du prix à l'exportation, de la comparaison erronée entre la valeur normale et le prix à l'exportation, de l'évaluation incorrecte du préjudice subi par l'industrie communautaire et de la violation de l'obligation de motivation.
Sur le moyen tiré du calcul erroné de la valeur normale
7 Canon soutient en premier lieu que les institutions ont, à tort, refusé de considérer comme valeur normale le prix des transactions intervenues au Japon entre Canon et sa filiale de vente japonaise Canon Sales Company (ci-après "CSC") et ont appliqué l'article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 2176-84, et ainsi fondé la valeur normale sur les prix facturés par CSC lors de la première vente à un acheteur indépendant. Ce faisant, elles auraient déterminé la valeur normale à un stade commercial qui n'est pas comparable à celui qui a été pris en considération pour construire le prix à l'exportation, lequel a été déterminé sur la base des ventes de Canon à ses filiales européennes. Elle ajoute que, ainsi déterminée, et même après les ajustements opérés au titre de l'article 2, paragraphe 10, du règlement n° 2176-84, la valeur normale inclurait certains frais encourus par CSC, alors que ceux exposés par les filiales européennes de Canon auraient été exclus du calcul du prix à l'exportation. Selon Canon, les ventes n'étaient pas comparables et, dès lors, les institutions auraient dû établir la valeur normale conformément à l'article 2, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 2176-84, c'est-à-dire avoir recours au prix comparable à l'exportation vers un pays tiers ou construire la valeur normale.
8 Il convient de rappeler, tout d'abord, qu'en vertu de l'article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 2176-84 on entend par valeur normale le "prix comparable réellement payé ou à payer au cours d'opérations commerciales normales pour le produit similaire destiné à la consommation dans le pays d'exportation ou d'origine". D'autres éléments indiqués sous b), i) et ii), de cette même disposition, peuvent être utilisés comme valeur normale "lorsqu'aucune vente du produit similaire n'a lieu au cours d'opérations commerciales normales sur le marché intérieur du pays d'exportation ou d'origine ou lorsque de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable". Il ressort du texte et de l'économie des dispositions susmentionnées que c'est le prix réellement payé ou à payer au cours d'opérations commerciales normales qu'il faut prendre en considération en priorité pour établir la valeur normale, les autres solutions n'étant que subsidiaires (arrêt du 5 octobre 1988, Canon/Conseil, point 11, 277-85 et 300-85, Rec. p. 5731).
9 Il y a lieu de constater ensuite que, selon les pièces du dossier, Canon contrôle économiquement CSC, société de distribution de ses produits au Japon, et lui confie des tâches qui relèvent normalement d'un département de vente interne à l'organisation du producteur.
10 Comme la Cour l'a déjà relevé, notamment dans l'arrêt du 5 octobre 1988, Brother/Conseil, point 16 (250-85, Rec. p. 5683), le partage des activités de production et de celles de vente à l'intérieur d'un groupe formé par des sociétés juridiquement distinctes ne saurait rien enlever au fait qu'il s'agit d'une entité économique unique, qui organise de cette manière un ensemble d'activités exercées, dans d'autres cas, par une entité qui est unique aussi du point de vue juridique.
11 Dans ces conditions, le fait que les institutions se soient fondées sur les prix payés par le premier acheteur indépendant au distributeur affilié est justifié, étant donné que ces prix peuvent, à juste titre, être considérés comme les prix réellement payés ou à payer au cours d'opérations commerciales normales, au sens de l'article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 2176-84.
12 S'agissant de l'argument de Canon selon lequel le Conseil a déterminé la valeur normale sur la base de ventes non comparables à celles prises en compte pour le calcul du prix à l'exportation, il y a lieu de rappeler tout d'abord que, comme la Cour l'a affirmé dans l'arrêt du 5 octobre 1988, précité (277-85 et 300-85), point 19, l'exigence de comparabilité posée par l'article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 2176-84 est satisfaite dès lors que la valeur normale et le prix à l'exportation sont établis tous deux à partir de la première vente à un acheteur indépendant. Ces éléments doivent alors être comparés tels qu'ils ont été établis, sauf application des ajustements et des déductions expressément prévus aux paragraphes 9 et 10 de l'article 2 précité.
13 En ce qui concerne, enfin, l'inclusion dans la valeur normale de certains frais encourus par CSC, il y a lieu de relever que, vu les constatations formulées ci-avant (points 9 et 10) et comme la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 5 octobre 1988, Silver Seiko/Conseil, point 14 (273-85 et 107-86, Rec. p. 5927), la prise en considération des prix du distributeur affilié permet d'éviter que des coûts, qui sont manifestement englobés dans le prix de vente d'un produit lorsque cette vente est effectuée par un département de vente inséré dans l'organisation du producteur, ne le soient plus lorsque la même activité de vente est exercée par une société juridiquement distincte, bien qu'économiquement contrôlée par le producteur.
14 Canon soutient, en second lieu, en ce qui concerne les ventes de ses produits aux OEM et celles des trois modèles de sa propre marque dénommés A, B et C, pour lesquels tant la valeur normale que le prix à l'exportation ont été construits, que dans le calcul de la valeur normale les institutions ont, hormis les coûts de production et une marge bénéficiaire, inclus tous les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux de Canon et de CSC. Elle soutient que, en revanche, pour le prix à l'exportation, seuls les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux de Canon ont été pris en compte, à l'exclusion de ceux exposés par les filiales européennes. Dès lors, la valeur normale construite ne serait pas comparable au prix à l'exportation.
15 A cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour (voir, entre autres, arrêts du 7 mai 1987, Toyo/Conseil, point 13, 240-84, Rec. p. 1809, Nachi Fujikoshi/Conseil, point 14, 255-84, Rec. p. 1861, Nippon Seiko/Conseil, point 14, 258-84, Rec. p. 1923, Minebea/Conseil, point 8, 260-84, Rec. p. 1975), la détermination de la valeur normale et du prix à l'exportation obéissent à des règles distinctes et que, dès lors, les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux ne doivent pas nécessairement être traités de la même manière dans l'un et l'autre cas.
16 Il y a lieu d'ajouter que les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux de CSC, qui, comme cela a été indiqué ci-avant, a rempli les fonctions d'un département de vente de Canon, ne peuvent en réalité être comparés qu'à ceux de son service d'exportation, dont les frais analogues n'ont pas été déduits du prix à l'exportation, et non à ceux de ses filiales européennes. D'éventuelles différences dans le montant de ces frais pourraient être prises en considération dans le cadre des ajustements prévus à l'article 2, paragraphe 10, sous c), du règlement n° 2176-84.
17 Canon soutient, en troisième lieu, que la valeur normale des trois modèles de la marque propre de Canon susmentionnés aurait été gonflée artificiellement par l'utilisation de marges bénéficiaires qui n'étaient pas appropriées aux produits concernés.
18 A cet égard, il y a lieu de relever tout d'abord que le Conseil n'a pas dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation lorsqu'il a utilisé, pour le calcul de la valeur normale des trois modèles, le bénéfice moyen déterminé par les institutions sur la base du montant excédant les coûts de production, y compris un montant raisonnable au titre des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, et fondé sur l'ensemble des ventes des modèles de Canon effectuées au cours d'opérations commerciales normales.
19 En effet, le modèle C a été vendu à perte sur une période assez longue et en quantités substantielles et c'est donc à juste titre que le Conseil a considéré ces ventes comme n'ayant pas été effectuées au cours d'opérations commerciales normales, conformément à l'article 2, paragraphe 4, du règlement n° 2176-84.
20 Il convient de relever en outre que le modèle B n'a pas été pris en considération pour calculer la marge de dumping de Canon, étant donné les ventes minimes de ce modèle dans la Communauté.
21 Enfin, Canon n'a pas contesté l'affirmation du Conseil qui estime que l'erreur commise par la Commission dans la construction de la valeur normale du modèle A, consistant à considérer que ce modèle ne satisfaisait pas à la règle selon laquelle les ventes sur le marché ne doivent être prises en considération que lorsqu'elles constituent 5 % ou plus des exportations vers la Communauté, n'a eu qu'une incidence limitée sur la marge de dumping et qu'il ne serait donc pas nécessaire de modifier le taux du droit antidumping.
22 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré du calcul erroné de la valeur normale doit être rejeté dans son ensemble.
Sur le moyen tiré du calcul erroné du prix à l'exportation
23 Canon fait valoir, tout d'abord, en ce qui concerne les ventes à deux acheteurs OEM, que le prix à l'exportation a été déterminé conformément à l'article 2, paragraphe 8, sous a), et non, comme le Conseil le soutient, en application de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84. Dès lors, la déduction, qui n'est pas prévue par l'article 2, paragraphe 10, du même règlement, d'un montant qui a été fixé arbitrairement à 5 % serait illégale.
24 Canon fait valoir ensuite que, pour les ventes à destination de l'Irlande, du Danemark et de la Grèce, par l'intermédiaire de Canon Europa, les institutions n'auraient dû ni appliquer l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84 ni construire le prix à l'exportation en déduisant la totalité des coûts supportés par Canon Europa et une marge bénéficiaire de 5 %.
25 Selon Canon, l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84 ne serait applicable, dans les deux catégories de ventes indiquées ci-avant, que lorsque le produit est revendu à un acheteur indépendant après avoir été importé. Or, Canon Europa n'aurait importé aucun PPC au cours de l'enquête. Dès lors, les ventes auxquelles elle a procédé ne sauraient être considérées comme portant sur des produits importés et ses frais comme des frais intervenus entre l'importation et la revente.
26 A cet égard, il y a lieu de relever que les PPC produits par Canon sont vendus par l'intermédiaire de Canon Europa qui traite les commandes des clients concernés, leur envoie les factures et reçoit les paiements correspondants. Compte tenu de l'activité déployée par Canon Europa, celle-ci supporte des frais qui réduisent effectivement le montant perçu par l'exportateur.
27 Comme le précise l'arrêt du 14 mars 1990, Gestetner/Conseil et Commission, points 32 et 33 (C-156-87, Rec. p. 781), le fait que les frais exposés par Canon Europa soient relatifs à une activité déployée avant l'importation ne s'oppose pas à l'application de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84, qui n'exclut pas la possibilité de procéder à des ajustements exigés lorsque, pour d'autres raisons que celles y visées, le prix à l'exportation doit être construit.
28 Dans ces conditions, ainsi que la Cour l'a jugé dans le même arrêt (C-156-87, point 34), il convenait de construire le prix à l'exportation, pour les ventes aux acheteurs OEM, sur la base du prix payé par le premier acheteur indépendant en ajustant ce prix en fonction des frais et bénéfices inhérents au rôle de Canon Europa.
29 Il en est de même en ce qui concerne la détermination du prix à l'exportation pour les ventes de Canon, par l'intermédiaire de Canon Europa, aux trois importateurs nationaux indépendants. En effet, ainsi que le Conseil l'a relevé au point 15, troisième alinéa, des considérants du règlement attaqué, Canon Europa assume dans tous ces cas les fonctions typiques d'une filiale d'importation similaires à celles exercées dans le cas des OEM.
30 Il ne résulte ni des pièces du dossier ni des débats menés devant la Cour que les déductions effectuées aient été excessives. Dès lors, le moyen tiré du calcul erroné du prix à l'exportation doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de la comparaison erronée entre la valeur normale et le prix à l'exportation
31 Canon fait valoir que les institutions ont violé l'article 2, paragraphe 10, sous c), du règlement n° 2176-84, dans la mesure où, ayant adopté une interprétation restrictive de cette disposition, elles n'ont pas procédé à des ajustements de la valeur normale pour tenir compte des frais exposés par CSC, des différences de stade commercial, des rabais de reprise, des frais de transport exposés par Canon sur ses ventes à CSC et des frais directs exposés par les vendeurs dans leurs activités de vente.
32 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu'il résulte des arrêts du 7 mai 1987, précités, dont notamment l'arrêt Minebea/Conseil, point 43, que la partie qui demande l'ajustement doit apporter la preuve que sa demande est justifiée, c'est-à-dire que la différence dont elle se prévaut concerne l'un des facteurs énumérés à l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 2176-84, que cette différence affecte la comparabilité des prix et enfin, s'agissant plus particulièrement de différences dans les conditions de vente, que ces différences ont une relation directe avec les ventes considérées.
33 Canon n'a pas contesté le fait que, comme l'indiquent les points 17 et 18 des considérants du règlement attaqué, les institutions ont effectivement procédé à des ajustements au titre de l'article 2, paragraphes 9 et 10, du règlement n° 2176-84 pour tenir compte des différences relatives notamment aux conditions de vente. Dès lors, les frais exposés par CSC, dont Canon demande la déduction de la valeur normale, se limitent aux frais administratifs et généraux. Toutefois l'article 2, paragraphe 10, sous c), du règlement n° 2176-84 exclut, en règle générale, tout ajustement à ce titre et Canon n'a prouvé l'existence d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une dérogation à la règle ainsi posée.
34 En effet, le fait que CSC agisse également comme distributeur de produits d'autres sociétés ne saurait justifier pareille dérogation. Ainsi qu'il ressort des points 12 des considérants du règlement n° 2640-86 et du règlement attaqué, les institutions ont pris en considération ces fonctions de CSC afin d'inclure dans la valeur normale les seuls frais relatifs aux ventes des PPC de Canon.
35 En ce qui concerne les ajustements demandés du fait que la valeur normale et le prix à l'exportation auraient été déterminés à des stades commerciaux différents, il convient de constater, ainsi qu'il a été indiqué ci-avant au point 12, que ces éléments ont été établis tous deux sur la base du prix auquel le produit a été vendu pour la première fois à un acheteur indépendant.
36 Il y a lieu de souligner ensuite que Canon n'a pas apporté la preuve que les ventes, sur la base desquelles la valeur normale et le prix à l'exportation ont été déterminés, concernaient des catégories différentes d'acheteurs et se situaient, par conséquent, à des stades commerciaux différents de nature à justifier les ajustements demandés. Dès lors, les institutions n'étaient pas tenues de les accorder.
37 S'agissant de l'ajustement demandé au titre du rabais de reprise, accordé pour la reprise d'un ancien appareil à l'acheteur d'un nouvel appareil, il y a lieu de constater que, selon le point 13 des considérants du règlement attaqué, ce rabais correspond à l'avantage que tire le producteur de la mise hors circuit des appareils repris et de l'absence d'un marché d'occasion de PPC au Japon. En effet, selon le Conseil, "la demande d'appareils nouveaux est maintenue au niveau le plus élevé possible, les prix étant, par voie de conséquence, également maintenus à un niveau plus élevé que ceux qui se pratiqueraient en présence d'un marché d'occasion", et "cette demande accrue stimule non seulement les prix, mais aussi les niveaux de production, ce qui devrait normalement se traduire par un renforcement des économies d'échelle et un accroissement proportionnel des marges bénéficiaires".
38 Dans ces conditions, les rabais en cause, qui correspondent à la valeur que le fabricant attribue au retrait de la machine du marché, ne sauraient être considérés comme ayant une relation directe avec les ventes, au sens de l'article 2, paragraphe 10, sous c), du règlement n° 2176-84. Dès lors, c'est à juste titre que les institutions ont refusé de procéder aux ajustements demandés.
39 Quant à l'ajustement demandé au titre des frais de transport exposés par Canon lors de ses ventes à CSC, il y a lieu de relever que ces frais correspondent au transfert interne des produits de Canon à CSC et que, dès lors, ils ne sont pas directement liés aux ventes considérées, comme l'exige l'article 2, paragraphe 10, sous c), du règlement n° 2176-84.
40 S'agissant enfin des frais exposés par les vendeurs dans leurs activités de vente (frais de voyage, frais de stationnement et d'assurance pour leurs voitures et frais de formation à la vente), il y a lieu de constater que, en règle générale, ces frais sont considérés comme des frais administratifs ou généraux et ne font, dès lors, l'objet d'aucun ajustement au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous c), du règlement n° 2176-84. Or, Canon n'a prouvé l'existence d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une dérogation à la règle générale posée par cette disposition.
41 Cette constatation ne saurait être infirmée par l'argument de Canon selon lequel un ajustement aurait été accordé à ce titre, sur la base de preuves identiques, dans le cadre de l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt du 5 octobre 1988, Canon/Conseil, précité. Il convient en effet de relever, à supposer que ces frais et leur lien avec les ventes fussent semblables, ce qui d'ailleurs n'a pas été établi, que, comme l'a Cour l'a jugé notamment dans l'arrêt du 28 octobre 1982, Faust/Commission (52-81, Rec. p. 3745), lorsque les institutions disposent d'une marge d'appréciation pour le choix des moyens nécessaires à la réalisation de leur politique, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien du moyen initialement choisi, lequel peut être modifié par ces institutions dans le cadre de l'exercice de leur compétence.
42 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la comparaison erronée entre la valeur normale et le prix à l'exportation doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de l'évaluation incorrecte du préjudice subi par l'industrie communautaire
43 Il convient de souligner à titre liminaire que les institutions ont conclu que tous les PPC, au moins ceux relevant de segments adjacents, depuis le photocopieur personnel jusqu'au segment 5 du classement Dataquest, devaient être considérés comme produits similaires, les appareils relevant du segment 6, pour lesquels il n'y a pas eu de production communautaire, ayant été exclus de l'enquête (point 31 des considérants du règlement attaqué).
44 Il y a lieu de constater à cet égard que, selon les classements des PPC réalisés par Info-Markt et Dataquest, auxquels les institutions se sont référées dans la présente affaire, le marché des PPC comprend différents segments définis en fonction des caractéristiques techniques et des performances de ces appareils. Comme l'indique toutefois le point 31 des considérants du règlement attaqué, au cours de la période de référence, les producteurs japonais ont exporté des PPC relevant uniquement du segment des photocopieurs personnels et des segments 1 à 4.
45 Canon soutient que c'est à tort que les institutions ont ignoré la segmentation du marché des PPC et considéré tous ces appareils comme des produits similaires, au sens de l'article 2, paragraphe 12, du règlement n° 2176-84. Canon estime que cette approche a abouti à déformer leur appréciation de la concurrence qui s'exerce notamment à l'égard du PPC personnel Canon (ci-après "PC"), qui aurait créé un nouveau marché et se distinguerait des PPC du segment 1.
46 Canon fait valoir par ailleurs, selon une analyse détaillée des chiffres relatifs à l'évolution de la part de marché des producteurs communautaires concernés, à la fois dans chaque segment pris séparément et dans les groupes de segments adjacents, que leur part de marché n'a pas diminué et qu'ils n'ont subi aucun préjudice du fait de l'importation des photocopieurs japonais.
47 Il convient de relever à cet égard qu'aux termes de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2176-84 "il n'est déterminé de préjudice que si les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions causent un préjudice, c'est-à-dire causent ou menacent de causer, par les effets du dumping ou de la subvention, un préjudice important à une production établie par la Communauté ou retardent sensiblement l'établissement de cette production". En vertu du paragraphe 4 du même article, "l'effet des importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions doit être évalué par rapport à la production du produit similaire dans la Communauté ...". En outre, le paragraphe 2 du même article énonce différents facteurs qui doivent être pris en considération lors de l'examen du préjudice, au nombre desquels figure l'impact des importations en cause sur la production communautaire eu égard notamment à l'évolution des parts de marché des producteurs concernés.
48 Sur la base des études de marché établies par Info-Markt et Dataquest, les institutions ont conclu que si tous les PPC n'étaient pas similaires, à tout le moins les PPC relevant de segments adjacents, depuis le photocopieur personnel jusqu'à ceux du segment 5 du classement Dataquest, devaient être considérés comme tels. En effet, il résulte du dossier que, dans les études susmentionnées, les segments n'ont pas été clairement délimités, dans la mesure où, d'une part, certains PPC peuvent être classés dans plusieurs segments différents, compte tenu de certaines de leurs caractéristiques et données techniques, et où, d'autre part, il existe une concurrence tant entre les PPC relevant de segments adjacents qu'entre les PPC classés dans les différents segments mentionnés ci-avant.
49 Il convient donc d'admettre que les différences entre des PPC relevant d'un seul ou de différents segments, relatives notamment à leur vitesse et à leur capacité de copie, ne sauraient suffire à établir que ces PPC n'ont pas de fonctions identiques ou ne répondent pas aux mêmes besoins. Comme l'indique d'ailleurs le point 30, troisième alinéa, des considérants du règlement attaqué, le fait que le choix des clients peut être déterminé en fonction de facteurs tenant notamment à la décision de centraliser ou de décentraliser leurs installations de photocopie confirme l'existence d'une concurrence entre appareils de différentes catégories.
50 Ces considérations sont également applicables aux PC et aux PPC relevant du segment 1. En effet, selon le point 29 des considérants du règlement attaqué, dont les termes n'ont pas été contestés par Canon, la mise au point du PC a permis l'expansion du marché des petits photocopieurs, mais a aussi accru la concurrence dans le marché des appareils à faible capacité. Dès lors, l'argument selon lequel l'introduction du PC aurait créé un marché distinct de celui des autres PPC ne saurait être retenu.
51 Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner si, comme le soutient Canon, les parts de marché des producteurs communautaires concernés ont augmenté dans l'un ou l'autre de ces segments.
52 Il convient donc de constater que Canon n'a pas établi que les institutions avaient commis une erreur d'appréciation en considérant qu'en l'espèce "la production du produit similaire dans la Communauté", au sens de l'article 4, paragraphe 4, du règlement n° 2176-84, était celle de l'ensemble des PPC, tous segments confondus.
53 Le moyen tiré de l'évaluation incorrecte du préjudice subi par l'industrie communautaire doit dès lors être rejeté.
Sur le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation
54 Canon soutient que le règlement attaqué n'est pas suffisamment motivé en ce qui concerne, en premier lieu, la comparaison entre les ventes utilisées pour déterminer la valeur normale, comme le prescrit l'article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 2176-84, et celles retenues pour le calcul du prix à l'exportation, en second lieu, le refus, par le Conseil, d'examiner les éléments de preuve qui lui ont été présentés concernant les fonctions de CSC, et, enfin, le refus de considérer un certain nombre de frais de vente comme directement liés aux ventes.
55 A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, rappelée notamment par l'arrêt du 14 mars 1990 (C-156-87, précité, point 69), la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une manière claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et à la Cour d'exercer son contrôle.
56 Cette exigence a été satisfaite en l'espèce. En effet, dans les points 5 à 16 des considérants du règlement attaqué, le Conseil précise que la valeur normale et le prix à l'exportation ont été déterminés en fonction des prix payés par le premier acheteur indépendant et expose les raisons pour lesquelles il a confirmé ou retenu partiellement les méthodes employées à cette fin par la Commission.
57 S'agissant des éléments de preuve qui démontreraient que CSC remplissait aussi d'autres fonctions que celles d'un organisme de vente, il découle des considérations développées ci-avant (points 9 à 11) que les institutions n'étaient pas tenues de les examiner pour déterminer si CSC remplissait effectivement des fonctions qui sont normalement celles d'un département de vente. Les autres fonctions exercées ont, comme il a été relevé ci-avant (point 34), été prises en considération afin d'inclure dans la valeur normale les seuls frais relatifs aux ventes des PPC de Canon.
58 En ce qui concerne enfin le refus de prendre en considération certains frais au motif qu'ils ne sont pas directement liés aux ventes, le règlement attaqué contient au point 20 des considérants, qui confirme le point 26 des considérants du règlement n 2640/86, et aux points 13 et 14 des considérants, les raisons qui sont à la base de la position prise à cet égard par les institutions.
59 Au vu des constatations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
60 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante CECOM qui a conclu en ce sens. La Commission supportera, conformément à l'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, ses propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux exposés par la partie intervenante CECOM.