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Décisions

CCE, 21 avril 1994, n° 892-94

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Règlement

Instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de calcium-métal originaires de la République populaire de Chine et de Russie

CCE n° 892-94

21 avril 1994

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 522-94 (2), et notamment ses articles 7 et 11, après consultation au sein du comité consultatif prévu par ledit règlement, considérant ce qui suit:

A. PROCÉDURE

(1) En janvier 1988, à la suite d'une plainte déposée par la chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie au nom du producteur communautaire représentant la totalité de la production communautaire de calcium-métal, la Commission a ouvert une enquête antidumping concernant les importations de ce produit originaires de la République populaire de Chine et de l'ancienne Union soviétique (3).

À l'issue de l'enquête, le Conseil a institué des droits antidumping définitifs par le règlement (CEE) n° 2808-89 (4), qui a ensuite été annulé par un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 11 juin 1992 (5).

(2) Compte tenu de cet arrêt, la Commission a reçu de l'industrie communautaire des informations écrites contenant des éléments de preuve suffisants de dumping et de préjudice en résultant tant en ce qui concernait l'ancienne Union soviétique que la Chine, et après consultation du comité consultatif, a repris l'enquête et publié à cet effet un avis dans le Journal officiel des Communautés européennes (6).

La Commission a indiqué dans cet avis que, comme la Russie était le seul État indépendant de l'ancienne Union soviétique où étaient établis les producteurs de calcium-métal, la procédure serait limitée à cet État pour ce qui est de l'ancienne Union soviétique.

(3) La Commission a informé officiellement les exportateurs et importateurs notoirement intéressés ainsi que le plaignant. Elle a donné aux parties directement concernées la possibilité de présenter leur point de vue par écrit et de demander à être entendues.

(4) Les représentants des exportateurs, le plaignant et certains importateurs ont présenté leur point de vue par écrit. Un exportateur chinois, le producteur communautaire et un importateur ont demandé et obtenu d'être entendus.

(5) La Commission a recueilli et vérifié toutes les informations qu'elle estimait nécessaire et a mené une enquête dans les locaux des entreprises suivantes:

a) Péchiney électrométallurgie, à La Roche-de-Rame et à Paris (France) qui est le producteur communautaire;

b) Industries des poudres sphériques (IPS, anciennement Extramet), à Annemasse (France) qui est un importateur dans la Communauté;

c) Mineral Technologies, à New York (États-Unis d'Amérique), qui est un producteur dans un pays tiers à économie de marché.

(6) La période d'enquête retenue pour la détermination du dumping et des effets des importations supposées faire l'objet d'un dumping sur le marché de la Communauté a été celle du 1er juillet 1991 au 31 octobre 1992. La fixation d'une nouvelle période d'enquête, immédiatement avant la date de publication de l'avis de reprise de la procédure, était nécessaire pour que la Commission puisse agir sur la base des informations les plus récentes et recueillir de nouvelles données concernant le dumping et le préjudice en résultant. La période d'enquête précédente retenue dans la procédure allait du 1er janvier au 31 décembre 1987.

(7) L'exportateur chinois, China Nuclear Energy Industry Corporation (CNEIC), société commerciale agissant pour le compte du seul producteur de calcium-métal dans la République populaire de Chine, China National Nuclear Corporation (CNNC), a sollicité un traitement individuel aboutissant à l'institution d'un droit antidumping individuel spécifique.

L'enquête préliminaire a toutefois établi qu'il y a un seul producteur chinois de calcium-métal, de sorte que la Commission estime que la question d'un traitement individuel ne se pose pas en l'occurrence.

B. PRODUIT

(8) Le produit visé est le calcium-métal relevant du code NC 2805 21 00. Il est fabriqué selon deux procédés: la réduction de la chaux par l'aluminium, qui est le procédé utilisé par le producteur communautaire et par les producteurs des États-Unis d'Amérique et du Canada, et l'électrolyse ignée du calcium, nécessairement suivie d'une distillation, qui est utilisée par les producteurs russes et chinois.

Le produit se présente sous diverses formes (dimensions), couronnes, morceaux, tournures, copeaux et grains (ou granules), et à divers degrés de pureté (plus de 96 % quel que soit le procédé de fabrication). Les prix ont tendance à varier selon les différences de dimension des pièces et, dans une moindre mesure, en fonction de la pureté.

(9) Le calcium-métal est principalement utilisé dans la Communauté par deux industries: les industries du plomb et du ferro-alliage, qui emploient des morceaux et des copeaux et l'industrie sidérurgique, qui utilise des grains obtenus par pulvérisation mécanique de morceaux, tournures ou copeaux, ou des granules obtenus par refusion et atomisation.

Le calcium courant produit dans la Communauté, aux États-Unis d'Amérique, et au Canada, pour être utilisé dans les industries du plomb et des ferro-alliages est un calcium non distillé. Le calcium distillé, produit massivement en Chine et en Russie, d'une pureté supérieure à 99 %, est seulement produit dans la Communauté, aux États-Unis d'Amérique et au Canada pour des utilisations marginales représentant un pourcentage infime des ventes parce que la distillation n'est pas nécessaire dans le procédé alumino-thermique et qu'elle engendre des coûts importants.

Le produit recherché par les transformateurs, par IPS comme par ses concurrents, peut indifféremment être distillé ou non distillé pour autant qu'il soit d'une pureté compatible avec l'usage final auquel on le destine tandis que les utilisateurs finals, industries du plomb et des ferro-alliages, n'utilisent pas un calcium d'une pureté supérieure à 98 %.

(10) L'enquête préliminaire a fait apparaître que bien que le producteur communautaire ait, au cours de la période récente, livré du calcium-métal au principal importateur, IPS, et que ce dernier l'ait transformé, IPS n'en a pas moins rencontré des difficultés sérieuses dans la mise en œuvre de son procédé de transformation. Ces difficultés, admises par le producteur communautaire, ont amené la Commission à s'interroger sur le point de savoir si, du fait qu'IPS ne rencontrait pas de difficultés dans le traitement du calcium russe ou chinois, le produit originaire de Russie ou de la République populaire de Chine et le produit communautaire pouvaient être considéré comme des produits similaires.

S'il est clair que le produit originaire de Russie ou de la République populaire de Chine est, en raison de la distillation qui fait nécessairement partie de son procédé de fabrication, d'une pureté supérieure au produit communautaire, la pureté de ce dernier répond aux spécifications couramment admises et celles notamment acceptées par les transformateurs autres qu'IPS. De plus, IPS admet avoir, dans le passé, utilisé sans difficultés du calcium originaire du Canada, fabriqué selon le même procédé que le calcium communautaire ou celui originaire des États-Unis d'Amérique, non distillé et d'une pureté équivalente.

En outre, comme le soulignait l'avocat général devant la Cour de justice dans l'affaire C-358-89, il serait paradoxal qu'IPS ait mis en œuvre de tels moyens, notamment judiciaires, pendant de si nombreuses années, pour obtenir un produit, celui de Péchiney, qui ne conviendrait pas à ses besoins et ne serait donc pas " similaire " au sens de la législation antidumping.

(11) Dans ces conditions, la Commission a considéré que le produit concerné, c'est-à-dire celui qui est exporté par la République populaire de Chine et par la Russie vers la Communauté, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celui qui est fabriqué dans la Communauté et aux États-Unis d'Amérique et est substituable dans ses utilisations. Il s'agit donc de produits similaires au sens de l'article 2 paragraphe 12 du règlement (CEE) n° 2423-88.

C. DUMPING

1. Valeur normale

1.1. Pays de référence

(12) La République populaire de Chine et la Russie sont, l'une et l'autre, des pays n'ayant pas une économie de marché au sens de l'article 2 paragraphe 5 du règlement (CEE) n° 2423-88.

Les États-Unis d'Amérique ont été considérés au cours de la première enquête comme un choix approprié et non déraisonnable en tant que pays de référence, et la Commission n'a eu aucune raison ni fait l'objet de démarches pour opter à ce stade en faveur d'une autre solution.

1.2. Caractère représentatif des ventes dans le pays de référence

(13) Pendant la période d'enquête, le calcium-métal était importé de la République populaire de Chine et de Russie sous forme de tournures, c'est-à-dire de pièces d'une dimension égale ou supérieure à sept millimètres. Le producteur des États-Unis d'Amérique fabriquait exclusivement du calcium de dimension égale à celui produit en Russie et dans la République populaire de Chine.

(14) Le producteur des États-Unis d'Amérique, sur les chiffres duquel a été fondé le calcul de la valeur normale, se trouvait en situation de concurrence sur son marché, du fait de volumes significatifs d'importations en provenance de trois sources différentes au moins. De plus, au cours de la période d'enquête, la production aux États-Unis d'Amérique était comparable à ces importations. Les prix pratiqués par ce producteur au cours de la même période lui ont permis de réaliser un bénéfice raisonnable, mais non excessif.

(15) La Commission a comparé les volumes exportés vers la Communauté par la République populaire de Chine ou la Russie et les volumes vendus sur le territoire national par le producteur des États-Unis d'Amérique retenu pour le calcul de la valeur normale et a considéré que le volume des ventes dans le pays de référence était suffisamment représentatif.

(16) En ce qui concerne la facilité d'accès aux matières premières et leur nature, il n'y a aucune différence entre le pays de référence et la République populaire de Chine ou la Russie.

(17) Toutefois, le procédé de fabrication diffère, dans le pays de référence (réduction de la chaux par l'aluminium), de ce qu'il est dans la République populaire de Chine ou la Russie (électrolyse ignée du calcium, suivie de distillation). La Commission a néanmoins estimé que le pays de référence offrait une base adéquate pour le calcul de la valeur normale, étant donné que le procédé électrolytique, s'il était appliqué dans la Communauté, aux États-Unis d'Amérique, ou au Canada, entraînerait des coûts de production supérieurs.

1.3. Base pour la valeur normale

(18) Les résultats de l'enquête menée par la Commission ont confirmé que les ventes aux États-Unis d'Amérique étaient représentatives et que ce pays constituait un choix raisonnable et approprié en tant que pays de référence. C'est pourquoi la valeur normale a été calculée sur la base des prix pratiqués sur le marché intérieur des États-Unis d'Amérique.

2. Prix à l'exportation

2.1. République populaire de Chine

(19) En ce qui concerne les prix à l'exportation, la Commission a reçu des informations d'un exportateur chinois qui vendait directement à des importateurs indépendants, dans les locaux desquels ont été vérifiés des chiffres qui représentaient 60 % environ des exportations totales de calcium d'origine chinoise à destination de la Communauté. Quant au reste des ventes, l'enquête a fait apparaître que le producteur chinois exportait également vers la Communauté par l'intermédiaire de négociants, établis en République populaire de Chine ou dans d'autres pays tiers, qui n'ont pas coopéré à l'enquête. Le volume de ces ventes (40 % des importations totales du produit chinois) a pu être rapproché des statistiques commerciales et il est apparu que les prix étaient analogues à ceux des ventes directes du producteur chinois dans la Communauté. Il a, par conséquent, été estimé que les prix facturés par l'exportateur chinois aux acheteurs de la Communauté pouvaient être considérés comme représentatifs des prix à l'exportation du calcium-métal chinois.

En conséquence, les prix à l'exportation ont été déterminés sur la base des prix réellement payés ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers la Communauté.

2.2. Russie

(20) La réponse faite au questionnaire par le principal importateur (plus de 70 % des exportations de la Russie) de calcium-métal d'origine russe dans la Communauté a été vérifiée et les prix et quantités ont été jugés comparables à la fois aux statistiques douanières et à la réponse partielle de la société russe au questionnaire. C'est pourquoi il a été estimé que ces prix étaient représentatifs des prix à l'exportation des exportateurs russes.

En conséquence, les prix à l'exportation ont été déterminés sur la base des prix réellement payés ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers la Communauté.

3. Comparaison (21) Dans la comparaison de la valeur normale avec les prix à l'exportation, la Commission a tenu compte, lorsque les circonstances le permettaient et dans la mesure où des preuves suffisantes étaient fournies, des différences affectant la comparabilité des prix, et notamment des différences relatives aux frais de transport, au coût du crédit et à d'autres frais de vente, c'est-à-dire aux commissions des agents, conformément à l'article 2 paragraphes 9 et 10 du règlement (CEE) n° 2423-88.

Les comparaisons ont été faites au même stade, à savoir, en l'occurrence, au stade départ usine pour la valeur normale aux États-Unis d'Amérique et au stade départ frontière nationale en ce qui concerne les prix à l'exportation pour la République populaire de Chine et la Russie.

4. Marge de dumping

(22) La comparaison a montré que les exportations chinoises et russes ont fait l'objet d'un dumping au cours de la période d'enquête. La marge moyenne pondérée de dumping au stade franco frontière communautaire était de 2 202 écus par tonne pour le produit chinois et de 2 502 écus par tonne pour le produit russe.

D. PRÉJUDICE

(23) En analysant le préjudice, la Commission a tenu compte du fait que des mesures antidumping étaient en vigueur pendant la majeure partie de la période d'enquête et au cours des années précédentes.

1. Cumul

(24) Il a été estimé que les effets des importations chinoises et russes de calcium-métal devraient être analysés de façon cumulative. En effet, les produits importés et ceux de l'industrie communautaire sont substituables, sont vendus ou offerts à la vente aux mêmes clients sur les mêmes marchés géographiques et ont des canaux de distribution communs ou similaires. De plus, les importations en provenance de chacune des deux sources ne sont pas négligeables, puisque les parts de marché de la République populaire de Chine et de la Russie sont respectivement de 23,3 % et 29,5 %.

2. Parts de marché des importations en dumping

(25) La consommation communautaire a été établie en combinant des statistiques commerciales et des informations collectées pendant l'enquête. Globalement, la consommation a été relativement stable, bien qu'il soit possible d'observer certaines variations d'une année à l'autre. Exprimée en indices, la consommation a été de 100 en 1988, 116 en 1989, 90 en 1990, 96 en 1991 et 122 en 1992.

(26) La part de marché du calcium-métal importé de la République populaire de Chine et de Russie est passée de 35,3 % en 1989 à 40,7 % en 1990, 48,8 % en 1991 et 52,8 % en 1992.

3. Prix

(27) Dans sa comparaison entre les prix de l'industrie communautaire et ceux des importations, la Commission a limité ses calculs aux types de produits importés de la République populaire de Chine et de Russie au cours de la période d'enquête, c'est-à-dire aux pièces égales ou supérieures à sept millimètres, à l'exclusion des grains et granulés. En ce qui concerne les importations, il a été tenu compte des droits de douane à acquitter et des autres coûts supportés par l'acheteur dans la Communauté en vue d'assurer une comparaison au même niveau.

Les baisses de prix appliquées par les exportateurs russe et chinois ont été continues depuis 1989 et ont abouti dans la pratique à une absorption totale des droits antidumping en vigueur.

(28) En dépit des réductions de prix appliquées par le producteur communautaire, les sous-cotations de prix pratiquées au cours de la période d'enquête ont été en moyenne de 22,9 % pour les importations originaires de la République populaire de Chine et de 23,9 % pour les importations originaires de Russie.

4. Situation de l'industrie communautaire

4.1. Capacité, taux d'utilisation, production

(29) À partir de 1989, le producteur communautaire a investi dans de nouveaux fours et a légèrement accru sa capacité de production (indice 103 en 1990, 107 en 1991 et 111 en 1992, contre 100 en 1989).

(30) La production a été stable: indice 88 en 1990, 94 en 1991 et 101 en 1992, contre 100 en 1989.

(31) Le taux d'utilisation des capacités a reflété l'effet positif de l'institution de droits antidumping en 1989, puis il s'est stabilisé à un niveau inférieur, légèrement au-dessus de 50 %.

4.2. Parts de marché

(32) La part de marché du producteur communautaire a progressé en 1989, après l'institution des droits antidumping, puis elle n'a plus cessé de diminuer. Elle est passée de 50,2 % en 1989 à 44 % en 1990, 34,7 % en 1991 et 31,7 % en 1992.

4.3. Prix

(33) En cherchant à s'aligner sur les prix des produits faisant l'objet d'un dumping, l'industrie communautaire a subi une dépression de ses prix. Les réductions de prix pratiquées par le producteur communautaire dans la Communauté ont, depuis 1989, été supérieures à 20 %.

4.4. Rentabilité

(34) En raison de la dépression de ses prix de ventes subie par le producteur communautaire, celles-ci se sont effectuées à perte. La rentabilité du producteur communautaire, qui s'était temporairement améliorée grâce à l'institution des droits antidumping sans pour autant lui permettre de réaliser des bénéfices, s'est à nouveau dégradée depuis 1991. Ses pertes financières ont désormais atteint un niveau qui met en question la poursuite de ses activités dans ce secteur.

4.5. Emploi

(35) L'emploi a été stable depuis 1989 et se situe à un niveau tout juste suffisant pour maintenir l'activité.

5. Conclusion

(36) À la lumière de ces éléments, la Commission a conclu que l'industrie communautaire a subi un préjudice important au sens de l'article 4 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 2423-88, notamment sous forme de pertes de parts de marché, d'une dépression des prix et de pertes financières corrélatives.

E. CAUSE DU PRÉJUDICE

1. Effets des importations en dumping

(37) L'accroissement du volume des importations en dumping a coïncidé, dans un contexte de stabilité de la consommation dans la Communauté, avec une perte de parts de marché, une érosion des prix et une rentabilité réduite du côté de l'industrie communautaire. L'effet des importations en dumping peut être isolé, étant donné que les importations en provenance d'autres pays, à savoir les États-Unis d'Amérique et le Canada, ont diminué de moitié, tombant de 31 % en 1988 à 14,6 % en 1989, puis à 15,3 % en 1990, 16,5 % en 1991 et 15,6 % en 1992. L'existence même d'une industrie communautaire est menacée par les importations en dumping de calcium de la République populaire de Chine et de Russie.

2. Autres facteurs

(38) Dans son arrêt dans l'affaire C-358-89, la Cour de justice a déclaré que, en ce qui concerne leurs conclusions en matière de préjudice et de lien de causalité, les institutions avaient insuffisamment examiné la question de savoir si le préjudice pouvait avoir été le résultat de l'attitude du producteur communautaire visant à empêcher l'établissement d'un concurrent sur un marché en aval en refusant dans la pratique de fournir Extramet, le plus grand utilisateur du produit concerné dans la Communauté. En effet, en mars 1992, le producteur communautaire a été condamné en France par le Conseil de la concurrence pour ce comportement et, en appel (cour d'appel de Paris), le jugement de première instance a été confirmé en janvier 1993.

Toutefois, la cour d'appel a également déclaré qu'aucun abus de position dominante ni aucune pratique concurrentielle illégale ne pouvaient être imputés à Péchiney après 1984.

(39) La Commission a néanmoins cherché à apprécier si le préjudice subi par l'industrie communautaire pouvait, en partie, avoir été causé par la volonté du producteur communautaire de ne pas livrer à l'un des principaux importateurs des produits en dumping un produit au moyen duquel celui-ci pourrait convenablement et durablement faire fonctionner son installation (considérant 10).

Au-delà de la volonté manifestée par Péchiney de livrer IPS et qui s'est traduite par plusieurs livraisons du produit, la Commission a recherché quels moyens avaient été mis en œuvre par le producteur communautaire pour satisfaire la demande d'IPS. Péchiney a apporté des éléments suffisants prouvant les investissements réalisés en équipements ainsi qu'en recherche et développement pour adapter son produit standard aux exigences du procédé d'IPS. La Commission a pu constater que ces investissements représentaient un pourcentage significatif du chiffre d'affaires potentiel de Péchiney avec IPS.

Il est apparu, lors de l'enquête préliminaire, que les efforts substantiels opérés par Péchiney démontraient à suffisance que le producteur communautaire était disposé à livrer IPS et que l'absence de livraisons régulières de Péchiney à IPS ne pouvait être imputée à un défaut de volonté de Péchiney.

L'argument d'IPS selon lequel seule l'existence de livraisons régulières de Péchiney à IPS pourrait démontrer l'absence de refus de vente de la part de Péchiney n'est pas convaincant. En effet, la présence de possibilité d'approvisionnement à des prix de dumping peut légitimement conduire IPS à préférer les produits importés en dumping à ceux du producteur communautaire indépendamment de toute autre considération.

En outre, l'argument selon lequel IPS aurait, dans le passé, utilisé du calcium d'origine canadienne ne peut suffire à démontrer l'absence de volonté actuelle de Péchiney de livrer. IPS n'a plus importé ni traité de quantités significatives de calcium canadien depuis longtemps. La Commission considère que les difficultés rencontrées par IPS dans l'utilisation du calcium de Péchiney ne peuvent être imputées à un défaut de volonté de livrer de ce dernier mais à un manque de volonté d'IPS d'adapter son procédé en vue de l'utilisation du calcium de Péchiney.

(40) Dans ces conditions, la Commission a rejeté la demande introduite par IPS de nomination d'un expert dont la tâche serait d'apprécier la volonté de Péchiney de livrer. D'abord, la constatation de la volonté de livrer ne semble pas pouvoir relever de la compétence d'un expert technique. En outre, la demande de nomination d'un expert n'est pas justifiée par l'existence de problèmes techniques sérieux dès lors qu'il est notamment démontré que les produits importés en dumping et le produit communautaire sont des produits similaires au sens de l'article 2 paragraphe 12 du règlement (CEE) n° 2423-88 (considérant 11). Enfin, la nomination d'un expert aurait pour conséquence de retarder considérablement et indûment la conclusion de l'enquête.

(41) En conséquence, comme il apparaît que Péchiney était disposé à fournir IPS ou tout autre acheteur potentiel, la situation précaire de l'industrie communautaire ne peut pas être imputée à un comportement anticoncurrentiel de Péchiney et, puisque la Commission n'a décelé aucun autre facteur susceptible d'expliquer cette situation, les importations en dumping doivent être considérées comme la cause du préjudice important subi par l'industrie communautaire.

F. NIVEAU DES DROITS

(42) En vertu de l'article 13 paragraphe 3 du règlement (CEE) n° 2423-88, le niveau du droit provisoire doit correspondre soit à la marge de dumping, soit au montant nécessaire pour faire disparaître le préjudice, si ce dernier chiffre est le plus bas.

En vue de déterminer le montant nécessaire pour éliminer le préjudice, les prix de vente des produits faisant l'objet d'un dumping ont été comparés au prix que le producteur communautaire devrait pratiquer pour obtenir une rentabilité adéquate. Ce prix a été calculé sur la base du prix de production moyen du producteur communautaire, majoré d'une marge bénéficiaire de 5 %, considérée comme suffisante dans ce secteur. Cette comparaison a fait apparaître une différence de 2 074 écus par tonne pour les importations chinoises et de 2 120 écus par tonne pour les importations russes, qui représentent les niveaux de préjudice.

Comme les marges de dumping (considérant 22) étaient supérieures aux niveaux de préjudice, ce sont ces derniers qui doivent constituer la base de calcul des droits antidumping provisoires qu'il y a lieu d'instituer.

Afin de minimiser les risques de contournement du droit par des manipulations de prix (considérant 27), il est jugé opportun d'instituer le droit sous forme d'un montant spécifique par tonne.

G. INTÉRÊT DE LA COMMUNAUTÉ

(43) Dans l'appréciation de l'intérêt de la Communauté, les institutions communautaires ont invariablement été d'avis que les mesures antidumping ont pour objet de faire cesser les distorsions de concurrence résultant de pratiques commerciales déloyales et de rétablir une concurrence libre et loyale sur le marché communautaire, ce qui correspond fondamentalement à l'intérêt général de la Communauté. Par ailleurs, l'absence de mesures provisoires aggraverait la situation déjà précaire de l'industrie communautaire, qui se traduit tout spécialement par un manque de rentabilité, portant ainsi atteinte à sa viabilité. Si cette industrie était contrainte d'arrêter sa production, les acheteurs en subiraient presque certainement des effets dommageables en raison de la diminution du nombre de concurrents sur le marché.

(44) La Commission a examiné si l'adoption de mesures antidumping pouvait mener à une situation risquant de réduire de manière significative la concurrence effective. Compte tenu du fait que le producteur communautaire est disposé à fournir tout acheteur potentiel, y compris IPS, qu'il existe des fournisseurs aux États-Unis d'Amérique et au Canada, et que les importations en provenance de République populaire de Chine et de Russie resteront disponibles, la Commission a conclu que ce risque n'était pas de nature à reléguer au second plan la nécessité de protéger l'industrie communautaire, dont la disparition entraînerait effectivement une réduction de la concurrence.

(45) La Commission a également évalué l'impact éventuel des mesures sur deux catégories d'utilisateurs: les utilisateurs primaires, à savoir les industries transformatrices, comme IPS, et les industries utilisatrices, à savoir l'industrie du plomb et des ferro-alliages et l'industrie sidérurgique.

En ce qui concerne les ventes dans la Communauté des industries transformatrices se fournissant en calcium-métal en Russie ou en République populaire de Chine, ces industries pourraient s'approvisionner auprès du producteur communautaire ou aux États-Unis d'Amérique ou au Canada, et seraient également en mesure de continuer de s'approvisionner en Russie et en République populaire de Chine à des prix ne faisant pas l'objet d'un dumping. En outre, pour leurs ventes de calcium-métal transformé en dehors de la Communauté, elles pourraient continuer à s'approvisionner en Russie ou en République populaire de Chine, sous le régime du perfectionnement actif, sans payer de droits. En ce qui concerne la concurrence représentée par des importations d'un produit transformé à partir de calcium-métal originaire de Russie ou de République populaire de Chine, ces dernières feraient également l'objet de mesures antidumping étant donné que la transformation ne change pas la classification douanière du produit et n'apparaît pas suffisante pour conférer l'origine. L'incidence des mesures antidumping sur la situation concurrentielle des industries transformatrices serait en conséquence minimale et ne serait donc pas de nature à rendre l'institution de mesures protectrices contraire à l'intérêt de la Communauté.

En ce qui concerne les industries utilisatrices finales, la Commission a établi que, en majorant, à partir de leur niveau actuel, les prix du calcium-métal originaire de la République populaire de Chine ou de Russie du montant du droit antidumping institué à titre provisoire, le coût d'une tonne de plomb incorporant ce matériau s'accroîtrait de moins de 0,3 % et celui d'une tonne d'acier, avant laminage, augmenterait de moins de 0,2 %. L'effet sur les industries utilisatrices serait donc minime.

H. DISPOSITION FINALE

(46) Par souci de bonne gestion, il convient de fixer un délai dans lequel les parties intéressées peuvent faire connaître leur point de vue et demander une audition. Il convient en outre de préciser que toutes les constatations faites aux fins du présent règlement sont provisoires et peuvent être révisées en vue du calcul d'un droit définitif à proposer par la Commission,

A arrêté le présent règlement:

Article premier

1. Il est institué un droit antidumping provisoire sur les importations de calcium-métal relevant du code NC 2805 21 00 originaires de la République populaire de Chine et de Russie.

2. Le montant du droit applicable au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, est de 2 074 écus par tonne pour la République populaire de Chine et de 2 120 écus par tonne pour la Russie.

3. La mise en libre pratique dans la Communauté du produit visé au paragraphe 1 est subordonnée à la constitution d'une garantie équivalant au montant du droit provisoire.

Article 2

Sans préjudice des dispositions de l'article 7 paragraphe 4 point b) du règlement (CEE) n° 2423-88, les parties intéressées peuvent faire connaître leur point de vue par écrit et demander à être entendues par la Commission avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement.

Article 3

Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Notes :

(1) JO n° L 209 du 2. 8. 1988, p. 1.

(2) JO n° L 66 du 10. 3. 1994, p. 10.

(3) JO n° C 20 du 26. 1. 1988, p. 3.

(4) JO n° L 271 du 20. 9. 1989, p. 1.

(5) Affaire C-358-89: Extramet Industrie SA contre Conseil des Communautés européennes, (" Recueil " 1992, p. 1-3813).

(6) JO n° C 298 du 14. 11. 1992, p. 3.