CCE, 19 octobre 1995, n° 2450-95
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Instituant un droit antidumping provisoire sur les importations dans la Communauté de certaines tôles dites "magnétiques" à grains orientés originaires de Russie
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, vu la décision n° 2424-88-CECA de la Commission, du 29 juillet 1988, relative à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (1), et notamment son article 11, après consultation du comité consultatif, considérant ce qui suit :
A. PROCÉDURE
(1) En mai 1994, la Commission a annoncé, par un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes (2), l'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations dans la Communauté de certaines tôles dites " magnétiques " à grains orientés relevant des codes NC 7225 10 91 et 7226 10 30, originaires de Russie.
(2) La procédure a été ouverte à la suite d'une plainte déposée par Eurofer (Association européenne de la sidérurgie) au nom de producteurs dont la production cumulée représenterait une proportion majeure de la production communautaire du produit en question. La plainte contenait des éléments de preuve de l'existence d'un dumping du produit originaire de Russie et d'un préjudice important en résultant, qui ont été jugés suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure.
(3) La Commission en a officiellement avisé les producteurs, les exportateurs et les importateurs notoirement concernés, les représentants du pays exportateur et le plaignant. Elle a donné aux parties directement concernées la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues.
(4) La Commission a reçu des commentaires écrits détaillés des producteurs communautaires à l'origine de la plainte et de quelques-uns des producteurs et exportateurs russes.
(5) Aucun importateur du produit concerné n'a fait connaître son point de vue à la Commission dans le délai fixé dans l'avis d'ouverture. Toutefois, quand l'enquête a atteint un stade avancé, une société qui prétendait utiliser les produits russes en question a demandé et obtenu d'être entendue comme exposé au considérant 42.
(6) La Commission a recherché et vérifié toutes les informations qu'elle jugeait nécessaires aux fins de la détermination préliminaire du dumping et du préjudice, et elle a procédé à des enquêtes sur place auprès des sociétés suivantes :
a) producteurs communautaires :
- EBG Gesellschaft fuer Elektromagnetische Werkstoffe mbH, Allemagne - Orb Electrical Steels Ltd. (British Steel, Plc, subsidiary), Royaume-Uni - Ugine SA, France;
b) un producteur dans un pays tiers à économie de marché :
- Acesita (Companhia Aços Especiais Itabira), São Paulo, Brésil.
(7) L'enquête relative aux pratiques de dumping a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 1993 et le 30 avril 1994 (ci-après dénommée " période d'enquête ").
B. PRODUIT CONSIDÉRÉ ET PRODUIT SIMILAIRE
1. Description du produit concerné
(8) Les produits présumés faire l'objet d'un dumping sont des tôles et feuillards dits " magnétiques " laminés à froid, à grains orientés, d'une largeur excédant 500 millimètres relevant des codes NC 7225 10 91 (tôles d'une largeur de 600 millimètres ou plus) et 7226 10 31 (tôles d'une largeur excédant 500 millimètres et inférieure à 600 millimètres), qui sont utilisés pour les appareils électromagnétiques et dans les installations telles que les transformateurs de puissance et de distribution. Les produits concernés sont des produits CECA.
Dans le processus de fabrication plutôt complexe de tôles et feuillards dits " magnétiques " à grains orientés, les structures granulaires sont orientées uniformément dans le sens du laminage de la tôle ou du feuillard afin de leur permettre de transmettre un champ magnétique avec un haut degré d'efficacité. Le produit en question doit satisfaire aux spécifications concernant les pertes maximales autorisées par remagnétisation, l'induction magnétique et le facteur de pile. En général, les deux faces du produit sont revêtues d'une mince pellicule isolante.
2. Produit similaire
(9) Il a été établi, aux fins de la présente enquête, que les produits concernés fabriqués dans la Communauté, en Russie et au Brésil (qui a été choisi comme pays de référence : voir le considérant 12) sont très proches les uns des autres dans leurs caractéristiques physiques et leur utilisation, et qu'il s'agit de produits concurrents. Par conséquent, ils sont considérés comme des produits similaires au sens de l'article 2 paragraphe 12 de la décision n° 2424-88-CECA (ci-après dénommée " décision de base ").
(10) Les sociétés russes, dans leur réponse aux questionnaires de la Commission, ont fait valoir que certaines de leurs exportations vers la Communauté consistaient en produits d'une qualité inférieure qui n'étaient pas comparables avec les produits fabriqués et vendus par les producteurs communautaires.
Pendant les vérifications sur place, il a été observé que, en raison de la complexité du processus de fabrication, une partie de la production de tous les producteurs du produit en question présente des défauts et est donc vendue comme produit de second choix. Ce matériau est toutefois généralement utilisé, après recoupe, pour le même genre d'utilisation que le produit de première qualité, bien qu'il soit vendu au rabais.
Il a donc été décidé que les matériaux de second choix sont des produits similaires qui devraient toutefois être soumis à un ajustement des prix en raison de la différence dans les caractéristiques physiques conformément à l'article 2 paragraphe 10 point a) de la décision de base.
C. DUMPING
1. Valeur normale
a) Pays analogue
(11) La Russie n'étant pas un pays à économie de marché, le plaignant a initialement proposé la Corée du Sud comme pays de référence à économie de marché (pays analogue).
Toutefois, en raison de l'absence de coopération du producteur sud-coréen, il a fallu trouver un autre pays analogue. Dans ce but, un questionnaire a été adressé à tous les producteurs connus de la Commission, au Brésil, en République tchèque, au Japon et en Pologne. Seul le producteur brésilien, Acesita (Companhia Aços Especiais Itabira), a accepté de coopérer à l'enquête.
(12) Afin de déterminer si le marché brésilien pouvait être considéré comme un choix approprié et non déraisonnable pour établir la valeur normale du produit considéré, il a été observé que les tôles dites " magnétiques " à grains orientés sont régulièrement vendues sur le marché concerné à un grand nombre de clients indépendants en quantités substantielles par rapport au volume exporté par la Russie vers la Communauté et avec un bénéfice raisonnable, mais non excessif. En outre, une partie notable de la consommation intérieure au Brésil est alimentée par des importations qui concurrencent la production nationale.
Pour ce qui est de la fabrication du produit en question, les technologies et procédés utilisés au Brésil et en Russie présentent de grandes similitudes.
En ce qui concerne l'accès aux matières premières, le Brésil a, comme la Russie, à proximité de l'usine, d'importantes ressources en minerais de fer de haute qualité, en silicium et en autres matières premières nécessaires à la fabrication du produit en question qui peuvent être efficacement exploitées et sont également exportées dans le monde entier.
En outre, le producteur brésilien qui a coopéré à l'enquête possède une centrale électrique près de son usine qui couvre, à faibles coûts, une grande part de ses besoins en énergie.
Sur la base des éléments susmentionnés, il est donc conclu que le Brésil est un pays analogue approprié pour déterminer la valeur normale du produit considéré; en effet, certains avantages naturels tels que la commodité d'accès aux matières premières et aux sources d'énergie sur place sont similaires dans les deux pays.
b) Valeur normale
(13) La valeur normale a été déterminée, conformément à l'article 2 paragraphe 3 de la décision de base, comme la moyenne pondérée des prix de vente du produit similaire vendu par Acesita sur le marché intérieur brésilien. Les ventes intérieures ont été conclues au cours d'opérations commerciales normales avec des clients indépendants.
Afin de tenir compte de l'inflation au Brésil, la valeur normale a été établie sur une base mensuelle.
2. Prix à l'exportation
(14) Comme toutes les exportations faisaient l'objet d'un dumping, le prix à l'exportation a été calculé comme la moyenne pondérée des prix de vente effectivement payés ou à payer pour toutes les transactions d'exportation vers la Communauté.
3. Comparaison
(15) Le prix à l'exportation en moyenne pondérée a été comparé à la valeur normale en moyenne pondérée dans le pays analogue, exprimée en écus sur la base du taux de change approprié (moyenne mensuelle pour le Brésil) au niveau départ usine.
Afin de tenir compte de toute différence affectant la comparabilité des prix, des ajustements ont été accordés en ce qui concerne les caractéristiques physiques et les frais de vente, conformément à l'article 2 paragraphes 9 et 10 de la décision de base.
4. Marge de dumping
(16) La comparaison a montré l'existence d'un dumping. Comme la Russie est un pays n'ayant pas une économie de marché, une marge de dumping unique a été déterminée, à savoir la différence entre la valeur normale et le prix à l'exportation vers la Communauté. Cette marge exprimée en pourcentage du prix franco frontière communautaire s'élève à 73,46 %.
D. INDUSTRIE COMMUNAUTAIRE
(17) L'industrie communautaire comprend trois producteurs communautaires travaillant en coopération qui assurent plus de 70 % de la production communautaire totale.
E. PRÉJUDICE
1. Consommation
(18) La consommation communautaire (selon les réponses au questionnaire, les données d'Eurostat et les informations du marché dont dispose la Commission) a diminué ces dernières années passant de 11 272 tonnes par mois en 1990 et 11 306 tonnes par mois en 1991 à 10 682 tonnes par mois en 1992 et 9 780 tonnes par mois au cours de la période d'enquête, soit une chute de 13,2 % par rapport à 1990.
2. Importations faisant l'objet d'un dumping
a) Volume et part de marché
(19) Les importations totales du produit concerné en provenance de Russie ont fortement augmenté, passant de 924 tonnes en 1990 à 11 582 tonnes pour la période d'enquête.
(20) La part de marché correspondante a augmenté, passant de 0,7 % en 1990 à 7,4 % au cours de la même période.
b) Sous-cotation des prix
(21) Afin d'évaluer le niveau de la sous-cotation des prix, les prix moyens des importations en provenance de Russie ont été comparés aux prix de vente du produit vendu sur le marché communautaire par les producteurs communautaires à l'origine de la plainte. Des ajustements ont été appliqués pour tenir compte des différences relatives aux caractéristiques physiques. Afin d'arriver à un stade commercial comparable avec les ventes du produit communautaire, les prix à l'importation russes ont été ajustés de la marge de l'importateur, comprenant les frais de dédouanement, de manutention, de financement, de stockage, les frais généraux et dépenses administratives et les bénéfices (5 %). Faute de coopération des importateurs du produit concerné, la marge de l'importateur a été établie sur la base des données disponibles sur la marge de commercialisation obtenue à l'importation d'autres produits sidérurgiques.
Sur cette base, la sous-cotation des prix exprimée en pourcentage des prix des producteurs communautaires (au niveau départ usine) allait de 16,5 % à 28 % pour le produit de première qualité, et de zéro à 9,8 % pour le produit de seconde qualité.
3. Situation de l'industrie de la Communauté
a) Production totale
(22) La production totale des producteurs communautaires à l'origine de la plainte a constamment diminué, passant d'une moyenne de 13 245 tonnes par mois à une moyenne de 11 231 tonnes par mois, soit une baisse de 15,2 % entre 1990 et la période d'enquête.
b) Utilisation des capacités de production
(23) Tout comme la production totale, le taux d'utilisation des capacités a régulièrement diminué, passant d'une moyenne de 64 % à 54 % au cours de la même période.
c) Volume des ventes et parts de marché
(24) Les livraisons des producteurs à l'origine de la plainte destinées au marché de la Communauté ont diminué de 25,8 % entre 1990 et la période d'enquête, passant d'une moyenne de 7 843 tonnes par mois à une moyenne de 5 821 tonnes par mois. La part de marché correspondante est passée de 69,6 % à 59,5 % au cours de la même période, ce qui représente une perte d'environ 10 %, et correspond à la part, en croissance constante, des importations faisant l'objet d'un dumping.
d) Prix
(25) Les prix de vente pratiqués par les producteurs à l'origine de la plainte sur le marché de la Communauté ont sans cesse diminué en moyenne pondérée entre 1990 et la période d'enquête. La baisse est de l'ordre de 5 % en dépit des coûts croissants de la production au cours de la même période.
e) Rentabilité
(26) La baisse des livraisons de l'industrie communautaire et la chute simultanée des prix sur le marché de la Communauté se sont traduits, dans l'ensemble, par des pertes financières pour l'industrie communautaire au cours de la période d'enquête.
f) Emploi
(27) L'emploi dans la production du produit concerné a sans cesse diminué au cours de la période considérée, tombant de 11 % entre 1990 et la période d'enquête.
4. Conclusion concernant le préjudice
(28) Sur la base de ce qui précède, particulièrement la baisse des livraisons sur le marché de la Communauté, les pertes importantes en parts de marché qui en résultent et la dépression des prix, soit un ensemble de facteurs qui ont mené à une diminution des bénéfices et, en général, à des pertes financières et à des suppressions d'emplois, la Commission conclut provisoirement que l'industrie communautaire a subi un préjudice important au sens de l'article 4 paragraphe 1 de la décision de base.
F. CAUSALITÉ
(29) La Commission a examiné si le préjudice important subi par l'industrie communautaire avait été causé par les importations faisant l'objet d'un dumping originaires de Russie et si d'autres facteurs tels que la contraction de la consommation et le volume et les prix des importations en provenance d'autres sources ont pu causer ou contribuer à causer ce préjudice.
1. Effet des importations faisant l'objet d'un dumping
(30) Au cours de la période de référence, le volume des importations faisant l'objet d'un dumping a considérablement augmenté. Leur part de marché a été multipliée par un facteur de 9,5 et atteint quelque 7 %. Cela correspond à l'essentiel de la baisse de la part de marché subie par l'industrie communautaire (10 %). Le même parallélisme existe en ce qui concerne l'évolution des prix : entre 1990 et la période d'enquête, les importations faisant l'objet d'un dumping ont été constamment vendues à des prix largement inférieurs à ceux de l'industrie communautaire, qui ont baissé de 5 % au cours de la même période. Dans ces conditions, la Commission conclut que les importations faisant l'objet d'un dumping ont sensiblement contribué au déclin de la position de l'industrie communautaire sur le marché de la Communauté.
2. Effet d'autres facteurs
a) Diminution de la consommation
(31) Entre 1990 et la période d'enquête, la consommation de tôles dites " magnétiques " à grains orientés a diminué de 13,2 %. Toutefois, la contraction de la demande est bien moins prononcée que la diminution des ventes enregistrée sur le marché intérieur par les producteurs à l'origine de la plainte, qui s'est élevée à 25,8 % au cours de la même période. La baisse de la consommation ne peut donc pas expliquer à elle seule l'ampleur des pertes enregistrées par l'industrie communautaire.
b) Autres importations
(32) Entre 1990 et la période d'enquête, la Russie est devenue le plus grand exportateur de tôles dites " magnétiques " à grains orientés vers la Communauté, en termes absolus ainsi qu'en termes de part de marché. Sa part des importations totales s'est élevée successivement à 8,6 % en 1990, 17,4 % en 1991, 28,1 % en 1992 et 42,4 % au cours de la période d'enquête.
(33) Au cours de la même période, la part cumulée des importations en provenance d'autres pays tiers est passée de 7,3 % en 1990 à 10,1 % au cours de la période d'enquête, soit une augmentation de 2,8 %.
(34) Toutefois, en termes absolus, le volume des importations en provenance de ces pays a stagné après 1991. Considéré individuellement, aucun autre pays tiers n'a augmenté son volume d'importations ou augmenté notablement sa part de marché entre 1990 et la période d'enquête.
(35) En ce qui concerne les prix des importations en provenance d'autres pays tiers, un examen des données d'Eurostat a montré que les prix unitaires caf frontière communautaire des importations en provenance de Russie étaient largement inférieurs aux prix unitaires correspondants pratiqués par tout autre pays tiers exportateur. En outre, il n'y avait aucun élément de preuve pour suggérer que ces importations aient fait l'objet de pratiques de dumping et aient été vendues à des prix inférieurs à ceux des producteurs communautaires.
(36) En résumé, alors qu'il est vrai que l'industrie communautaire a perdu des parts de marché par rapport à d'autres pays exportateurs, l'ampleur de la perte est bien moins notable que dans le cas de la Russie et ne peut pas être liée à des pratiques commerciales déloyales préjudiciables de la part de ces pays. Une fois de plus, ce facteur ne peut pas entièrement expliquer le préjudice subi par les producteurs communautaires.
3. Conclusion
(37) La Commission conclut donc que, malgré le fait que d'autres facteurs ont également pu affecter négativement la position de l'industrie communautaire, les importations faisant l'objet d'un dumping en provenance de Russie, prises isolément, ont causé un préjudice important à l'industrie communautaire, au sens de l'article 4 paragraphe 1 de la décision de base.
G. INTÉRÊT DE LA COMMUNAUTÉ
1. En ce qui concerne les producteurs communautaires
(38) En évaluant l'intérêt de la Communauté, la Commission rappelle que le but des mesures antidumping est d'éliminer les distorsions des échanges dues au dumping préjudiciable et de rétablir la concurrence effective sur le marché de la Communauté. Dans la présente procédure, étant entendu qu'un préjudice important a été causé aux producteurs à l'origine de la plainte par les importations faisant l'objet d'un dumping, la non-institution de mesures aggraverait la situation déjà précaire de l'industrie communautaire et pourrait conduire des producteurs à abandonner ce secteur de la production.
(39) En outre, afin de financer les investissements nécessaires pour assurer à leurs clients un approvisionnement compétitif à long terme en produits de qualité, les producteurs communautaires doivent disposer d'une marge bénéficiaire suffisante. Sans investissements dans le développement de la qualité du produit et de produits nouveaux, la compétitivité des producteurs communautaires sera mise à mal.
(40) Comme cela a déjà été précisé au considérant 8, le processus de fabrication des tôles dites " magnétiques " à grains orientés est complexe et n'est rentable que si un volume de production minimal peut être maintenu. Entre 1990 et la période d'enquête, l'industrie communautaire a subi une importante restructuration, qui a conduit à une réduction globale de la production. Si la production devait encore être sensiblement réduite, ce qui devrait se produire en cas de poursuite des importations massives de produits faisant l'objet d'un dumping, la viabilité des installations des quatre producteurs communautaires restants et leur capacité à se moderniser et à suivre les progrès techniques seraient gravement mises en danger.
(41) En effet, compte tenu de l'augmentation inévitable des coûts unitaires en cas d'utilisation insuffisante des capacités et vu le manque consécutif de bénéfices indispensables au maintien de l'investissement et de la recherche, les producteurs communautaires pourraient se trouver dans l'impossibilité de continuer à fournir des produits de haute qualité à des prix concurrentiels.
2. En ce qui concerne les utilisateurs finals
(42) La Commission n'a reçu aucune observation des utilisateurs industriels finals du produit concerné dans le délai spécifié dans l'avis d'ouverture.
Toutefois, quand l'enquête a atteint un stade avancé, une société fabriquant des transformateurs électriques qui prétendait utiliser les produits russes en question a demandé à être entendue (considérant 5).
(43) Cette société a fait valoir que toute institution de mesures sous la forme d'un droit antidumping augmenterait sensiblement ses coûts. Pour certaines offres (notamment dans le cadre des appels d'offres), il serait impossible de répercuter ces coûts sur l'utilisateur final, parce que le délai d'exécution entre l'offre, la commande et la livraison est souvent de plusieurs mois. Néanmoins, la société concernée n'a fourni aucun élément de preuve à l'appui de son allégation et a limité ses commentaires aux estimations de l'impact probable des droits.
(44) Sur la base des informations disponibles à ce stade préliminaire de la procédure, la Commission estime que l'institution de mesures antidumping sur les importations russes est peu susceptible d'avoir un impact notable sur le coût de production des transformateurs électriques puisque les utilisateurs de tôles " magnétiques " disposent de nombreuses sources d'approvisionnement dans la Communauté.
(45) La Commission a en outre examiné les conséquences à moyen ou à long terme pour les utilisateurs de tôles dites " magnétiques " à grains orientés au cas où des mesures antidumping ne seraient pas prises.
(46) Si l'industrie communautaire cessait la production de tôles dites " magnétiques " à grains orientés, les utilisateurs du produit concerné deviendraient progressivement dépendants des matériaux importés d'autres sources d'approvisionnement plus éloignées, souvent moins efficaces et moins fiables. Les implications d'une telle dépendance seraient considérables, puisque certains produits qui incorporent des tôles dites " magnétiques " à grains orientés, notamment des transformateurs électriques, sont largement utilisés dans la génération, la distribution et l'utilisation du courant électrique et dans d'autres applications électriques de haute technologie pour équipement industriel.
(47) Une nouvelle diminution du nombre de fournisseurs communautaires du produit concerné pourrait ainsi avoir des implications sérieuses sur les approvisionnements de l'industrie électrotechnique et, en aval, des utilisateurs de ses produits dans des secteurs sensibles comme les hôpitaux, la défense, les transports et les infrastructures. Cela compromettrait la compétitivité de l'industrie électrotechnique sur le marché de la Communauté. Il est donc essentiel que la production de tôles dites " magnétiques " à grains orientés soit maintenue dans la Communauté et que les producteurs puissent avoir un rendement suffisant pour leur permettre d'investir et de poursuivre la recherche et le développement afin de rester compétitifs.
(48) Dans ces conditions, même si l'institution de mesures antidumping devait aboutir à une certaine majoration des prix du produit en question, cet effet serait contrebalancé par l'assurance d'un approvisionnement continu en produits de haute qualité provenant de sources communautaires.
3. Conclusion
(49) Sur la base de ce qui précède, il est donc provisoirement conclu qu'il est dans l'intérêt de la Communauté d'instituer des mesures antidumping afin d'empêcher que ne se poursuive le préjudice causé par les importations faisant l'objet d'un dumping.
H. DROIT
(50) À la lumière de ce qui précède, les mesures devraient prendre la forme d'un droit ad valorem provisoire. Pour fixer le niveau de ce droit, la Commission a tenu compte de la marge de dumping établie et du montant du droit nécessaire pour éliminer le préjudice subi par l'industrie communautaire.
1. Niveau d'élimination du préjudice
(51) En évaluant le niveau d'élimination du préjudice, la Commission a tenu compte du fait que les importations faisant l'objet d'un dumping en provenance de Russie ont manifestement été vendues à des prix inférieurs à ceux des producteurs communautaires, causant des pertes substantielles ou une érosion de la rentabilité. Par conséquent, l'élimination du préjudice exigerait que les prix à l'exportation des produits concernés originaires de Russie soient majorés suffisamment pour permettre à l'industrie communautaire d'augmenter ses prix moyens de manière à atteindre un niveau rentable.
(52) À cette fin, la Commission a établi un prix indicatif pour les produits de première et de seconde qualité.
(53) En ce qui concerne le produit de première qualité, le prix indicatif a été calculé en ajoutant un bénéfice de 5 % au coût de production du produit concerné.
(54) En ce qui concerne les produits de seconde qualité, il est à noter qu'ils ne peuvent être assortis d'un coût de production spécifique puisqu'il s'agit d'un rebut de fabrication. Par conséquent, le prix indicatif du second choix a été calculé en appliquant au prix indicatif du premier choix le rabais moyen qui a été normalement accordé au cours de la période d'enquête par le producteur dans le pays analogue.
(55) Afin d'évaluer le niveau de la sous-cotation des prix indicatifs, les prix indicatifs moyens des produits communautaires ont été comparés aux prix moyens correspondants des importations en provenance de Russie. Dans ce but, les prix ont été dûment ajustés comme expliqué au considérant 24.
(56) Une marge moyenne pondérée de sous-cotation des prix indicatifs a été calculée et exprimée en pourcentage du prix à l'exportation russe, au niveau caf frontière communautaire. Cette marge s'élève à 43,2 %.
2. Montant du droit
(57) Conformément à l'article 13 paragraphe 3 de la décision de base, comme le montant nécessaire pour éliminer le préjudice, tel qu'il est établi ci-dessus, est inférieur à la marge de dumping (considérant 16), le droit antidumping calculé sur la base du prix franco frontière communautaire devrait s'élever à 43,2 %.
I. DISPOSITION FINALE
(58) Dans l'intérêt d'une bonne administration, il convient de fixer un délai pour permettre aux parties concernées de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues. De plus, il convient de préciser que toutes les conclusions tirées aux fins de la présente décision sont provisoires et peuvent être réexaminées pour l'institution de tout droit définitif que la Commission pourrait proposer,
A arrêté la présente décision :
Article premier
1. Il est institué un droit antidumping provisoire sur les importations de tôles et de feuillards dits " magnétiques " laminés à froid, à grains orientés, d'une largeur excédant 500 millimètres, originaires de Russie et relevant des codes NC 7225 10 91 (tôles d'une largeur de 600 millimètres ou plus) et 7226 10 31 (tôles d'une largeur excédant 500 millimètres et inférieure à 600 millimètres).
2. Le taux du droit antidumping provisoire est fixé à 43,2 % du prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement.
3. La mise en libre pratique dans la Communauté des produits visés au paragraphe 1 est subordonnée au dépôt d'une garantie équivalant au montant du droit provisoire.
Article 2
Sans préjudice des dispositions de l'article 7 paragraphe 4 points b) et c) de la décision n° 2424-88-CECA, les parties concernées peuvent faire connaître leur point de vue par écrit et demander à être entendues par la Commission dans un délai d'un mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente décision.
Article 3
La présente décision entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
La présente décision est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout notes :
(1) JO n° L 209 du 2. 8. 1988, p. 18.
(2) JO n° C 138 du 20. 5. 1994, p. 8.