CCE, 15 juillet 1994, n° 1751-94
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Instituant un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté de fonte brute hématite originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d'Ukraine
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, vu la décision n° 2424-88-CECA de la Commission, du 29 juillet 1988, relative à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (1), et notamment son article 12, ayant informé le conseil d'association CE-Pologne conformément à l'article 33 de l'accord européen conclu entre la Communauté et la Pologne et en l'absence de toute solution, après consultations au sein du comité consultatif conformément à ladite décision, considérant ce qui suit :
A. MESURES PROVISOIRES
(1) Par la décision n° 67-94-CECA (2), la Commission a institué un droit antidumping provisoire sur les importations de fonte brute hématite originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d'Ukraine.
(2) Par la décision n° 1022-94-CECA (3), la Commission a prorogé pour une période de deux mois la validité des mesures provisoires.
B. SUITE DE LA PROCÉDURE
(3) Après l'institution du droit antidumping provisoire, les exportateurs polonais et russes, les autorités ukrainiennes ainsi que les organisations représentant les fonderies au sein de la Communauté ont demandé à être entendus par la Commission, ce qui leur a été accordé; ils ont également présenté des observations faisant connaître leur point de vue qui, lorsqu'elles étaient pertinentes, ont été prises en considération.
(4) Sur demande, les parties ont été informées des faits et considérations essentielles sur la base desquels il était envisagé de recommander l'institution des mesures définitives et la perception définitive des montants déposés au titre du droit provisoire. Il leur a également été accordé un délai leur permettant de faire part de leurs observations sur les informations communiquées.
(5) Les commentaires ainsi présentés oralement et par écrit par les parties ont été examinés et, le cas échéant, les conclusions de la Commission ont été modifiées pour en tenir compte.
C. PRODUIT SIMILAIRE
(6) Certaines fonderies et associations de la Communauté (utilisateurs du produit concerné) ont fait valoir que le principal producteur communautaire utilise d'autres matières premières que l'hématite dans la fabrication de fonte brute de moulage, que ce produit n'a pas les mêmes applications que la fonte brute importée produite à partir d'hématite et que la fonte brute de moulage fabriquée par ce producteur et la fonte brute de moulage importée ne sont donc pas des produits similaires au sens de l'article 2 paragraphe 12 de la décision n° 2424-88-CECA. Elles ont également fait valoir qu'il conviendrait, sur cette base, d'exclure le producteur en question de la liste des producteurs communautaires et de clore la procédure.
La Commission a établi, d'une part, que, même si le principal producteur communautaire utilise en effet des matières premières autres que l'hématite dans la fabrication de fonte brute de moulage, son produit présente les mêmes caractéristiques physiques, techniques et chimiques essentielles que la fonte brute de moulage fabriquée à partir d'hématite et, d'autre part, que les éléments de preuve disponibles montrent que les produits sont interchangeables. Ils sont donc considérés comme des produits similaires au sens de l'article 2 paragraphe 12 de ladite décision.
Il convient également de préciser que le terme " fonte brute hématite ", qui est pourtant dérivé du nom du minerai de fer à partir duquel elle est normalement produite, à savoir l'hématite (minerai se prêtant notamment à la production de fonte brute de moulage), est aussi couramment utilisé pour distinguer la fonte brute de ce type de la fonte brute sphéroïdale, qui présente des propriétés techniques et chimiques très différentes. La fonte brute hématite est également appelée " fonte grise ".
La Commission confirme en conséquence ses conclusions relatives à la qualité de produits similaires, énoncées dans la décision n° 67-94-CECA de la Commission.
D. DUMPING
(7) Aucun nouvel argument concernant le dumping n'a été reçu depuis l'institution des mesures provisoires.
En conséquence, la détermination préliminaire de dumping concernant les importations du produit concerné originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d'Ukraine est confirmée.
E. PRÉJUDICE
(8) Les autorités ukrainiennes ont fourni des données relatives à des exportations antérieures à la période d'enquête ne modifiant pas la détermination du préjudice subi par l'industrie communautaire (considérants 28 à 46 de la décision n° 67-94-CECA).
Comme aucun nouvel élément de preuve concernant le préjudice et la causalité du préjudice subi par l'industrie communautaire n'a été fourni, la Commission confirme la conclusion de préjudice établie dans la décision n° 67-94-CECA.
F. INTÉRÊT DE LA COMMUNAUTÉ
(9) Le comité des associations européennes de fonderie ainsi que les associations allemandes et britanniques de fonderie ont fait valoir que l'institution de mesures antidumping provisoires sous la forme d'un droit variable sur les importations de fonte brute hématite a déjà augmenté le prix de ce produit à un niveau tel que les fonderies de la Communauté pourraient en perdre leur avantage compétitif sur le marché mondial, ce qui aurait pour effet de causer une perte d'emplois dans le secteur de la fonderie bien plus importante que celle qu'auraient enregistrée les producteurs communautaires de fonte brute si la Commission n'avait pas pris des mesures de sauvegarde.
Parmi les arguments avancés figuraient les fortes hausses du prix des débris utilisés par les fonderies (matières premières utilisées en complément ou en remplacement de l'hématite dans la fabrication de fonte grise) ainsi que les fortes pressions exercées par l'industrie automobile sur les fonderies pour qu'elles baissent leurs prix.
(10) Pour tenir compte des arguments pertinents exprimés par les fonderies et en leur nom, la Commission a engagé un dialogue actif avec ces associations de manière à prendre une décision appropriée et équilibrée en ce qui concerne l'intérêt de la Communauté.
(11) Les informations fournies par les associations de fonderie ont permis de tirer les conclusions suivantes :
* la production totale des fonderies communautaires en 1990, 1991 et 1992 était respectivement de 8 824 000 tonnes, 8 706 000 tonnes et 8 181 000 tonnes;
* la production concernant directement la fonte grise (à savoir le type de produit fabriqué à partir de la fonte brute hématite) était de 5 890 000 tonnes en 1990, 5 728 000 tonnes en 1991 et 5 345 000 tonnes en 1992.
Le pourcentage de la production concernant la fonte grise était donc de 67 % en 1990 et de 66 % en 1991 et 1992.
Le nombre total de personnes employées dans le secteur au cours des trois années était respectivement de 160 130, 167 597 et 152 553.
Sur la base des éléments de preuve disponibles, la Commission a supposé que 66 à 67 % de cette main-d'œuvre a participé à la production de fonte grise.
En 1993, année précédant celle de l'entrée en vigueur des mesures provisoires, le prix des débris utilisés par les fonderies a augmenté régulièrement, augmentation qui semble ne s'être interrompue que voici peu de temps.
Les données fournies à la Commission montrent que le prix des débris en Allemagne a augmenté en 1993, passant de 93 écus par tonne en janvier 1993 à 117 écus par tonne en décembre. Des augmentations similaires ont été enregistrées en France (de 92 à 109 écus par tonne), en Italie (de 102 à 135 écus par tonne) et au Royaume-Uni (de 80 à 120 écus par tonne).
Pendant la même année, le prix de la fonte brute hématite a baissé légèrement en Allemagne (de 236 à 234 écus par tonne) et en France (de 208 à 190 écus par tonne); il est resté stable en Italie (aux alentours de 176-177 écus par tonne) et a augmenté légèrement au Royaume-Uni (de 158 à 168 écus par tonne).
Les données indiquent, par ailleurs, que la fonte brute hématite a représenté 8,3 % des coûts de fabrication des produits de fonderie en Allemagne, 15 % en France, 11 % en Italie et 3,5 % au Royaume-Uni.
(12) Dans ce contexte, la Commission a conclu que l'introduction d'un prix minimal de 149 écus (caf franco frontière communautaire) sur les importations de fonte brute hématite originaire des pays concernés n'affectera pas négativement les coûts de production des fonderies de la Communauté.
Le niveau actuel des prix sur le marché de la fonte brute hématite semble s'expliquer en premier lieu par le manque de plus en plus marqué de débris utilisés en complément ou, partiellement, en remplacement de l'hématite. Cette situation devrait perdurer compte tenu de l'utilisation croissante des fours électriques dans la production de l'acier, ceux-ci utilisant davantage de débris que les hauts fourneaux traditionnels. Ce manque se traduit, par conséquent, par une augmentation de la demande de fonte brute.
Dans ces circonstances, il convient de conclure que l'institution de mesures définitives similaires à celles provisoirement instituées n'aura aucune incidence négative pour les utilisateurs finals du produit concerné et offrira aux producteurs communautaires d'hématite un filet de sécurité en cas de réapparition du préjudice important causé à l'industrie communautaire par les pratiques de dumping des pays exportateurs concernés.
(13) La Commission confirme, en conséquence, ses conclusions préliminaires selon lesquelles l'intérêt de la Communauté exige que des mesures de sauvegarde soient prises contre les importations de fonte brute hématite originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d'Ukraine.
(14) En raison du caractère évolutif du marché du produit concerné et en raison de l'intérêt de la Communauté de sauvegarder la compétitivité de ses consommateurs finals, il apparaît nécessaire de surveiller de près les évolutions futures et les effets négatifs possibles sur ces consommateurs finals et d'envisager, conformément aux dispositions de l'article 14 de la décision n° 2424-88-CECA, qu'il soit procédé à un réexamen à tout moment jugé approprié.
G. ENGAGEMENTS
(15) La Commission a reçu une offre d'engagement, au sens de l'article 10 paragraphe 2 de la décision n° 2424-88-CECA, au nom des producteurs polonais du produit concerné.
Cette offre prévoit l'instauration d'un prix minimal de 149 écus par tonne (caf franco frontière communautaire).
Compte tenu du principe de l'égalité de traitement pour tous les producteurs et exportateurs de fonte brute hématite dans tous les pays concernés et du fait que les mesures proposées auront, dans ce cas, le même effet qu'un engagement de prix minimal mais sans les difficultés liées au contrôle, la Commission a considéré, après consultations avec les États membres, qu'il n'y avait pas lieu d'accepter l'offre d'engagement dans ce cas particulier.
H. MESURES DÉFINITIVES
(16) Les conclusions provisoires de la Commission ayant été confirmées, les mesures définitives devraient être identiques à celles instituées par la décision provisoirement,
A arrêté la présente décision :
Article premier
1. Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté de fonte brute hématite relevant du code NC 7201 10 19, originaire du Brésil, de Pologne, de Russie et d'Ukraine.
2. Le montant du droit est égal à la différence entre le prix de 149 écus par tonne et la valeur en douane admise (franco frontière communautaire) dans tous les cas où cette valeur est inférieure au prix susmentionné.
3. Aux fins de la détermination du droit à payer, le prix minimal est converti en monnaie nationale à un taux de change établi de la même manière que celle utilisée pour calculer la valeur en douane.
4. Les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables.
Article 2
1. Les montants déposés au titre du droit antidumping provisoire conformément à la décision n° 67-94-CECA sont perçus au niveau du droit définitivement institué; tout montant déposé dépassant le montant du droit antidumping définitivement institué est libéré.
2. Les dispositions de l'article 1er paragraphe 4 s'appliquent également à la perception définitive des montants provisoirement déterminés.
Article 3
1. La présente décision entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
2. La présente décision fait l'objet d'un réexamen, conformément aux dispositions de l'article 14 de la décision n° 2424-88-CECA.
La présente décision est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.
Notes :
(1) JO n° L 209 du 2. 8. 1988, p. 18.
(2) JO n° L 12 du 15. 1. 1994, p. 5.
(3) JO n° L 112 du 3. 5. 1994, p. 19.