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Décisions

Cass. crim., 1 avril 2008, n° 06-88.948

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

UFC Que Choisir

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farge (faisant fonction)

Avocats :

Me Blanc, SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Piwnica, Molinié, SCP Waquet, Farge, Hazan

Aix-en-Provence, du 13 nov. 2006

13 novembre 2006

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par R Max, X Jean-Paul, l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 13 novembre 2006, qui, pour homicides involontaires, a condamné le premier à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 45 000 euro d'amende ainsi qu'à une mesure de publication, le second à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Max R, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 du Code pénal, 388, 512, 591 à 593 du Code de procédure pénale, 5 du Code civil, 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Max R coupable du chef d'homicide involontaire à l'égard de Régine Y et Valérie Z, épouse A ;

" aux motifs que " sur l'absorption par Régine Y et Valérie Z, épouse A des plantes chinoises contenant de l'Aristolochia Fangchi commercialisées par Arkopharma et préparées et vendues par le pharmacien S / décès " ... que le professeur B ... " a conclu de façon formelle que l'une et l'autre avaient été intoxiquées par de l'acide aristolochique et que dans la mesure où ledit acide n'avait été retrouvé dans aucun autre milieu environnemental, il était hautement probable que l'intoxication s'était produite par suite de substance végétale en provenance d'espèces Aristolochia ; qu'il résulte du rapport du professeur C établi dans l'instance civile concernant Mme D (D 176 page 41 et suivantes) que (des) fragments de racines transmis sous la dénomination Radix Stephania Tetrandra étaient en fait des racines d'Aristolochia dont la teneur moyenne en acide aristolochique était de 0, 45 %... on ne peut donc que suspecter l'absence de tout contrôle objectif à réception du lot ... ; que l'examen méticuleux par les experts F et T des dossiers médicaux des deux victimes a confirmé que le docteur G leur avait bien prescrit des asiatitrats 23 et 28 (censés contenir de la Stephania Tetrandra) exclusivement commercialisées par Arkopharma ; que Jean-Claude A a remis aux enquêteurs un flacon portant la mention dactylographiée " Gélules n° 23, 2 x3 / jour " ainsi que copie de nombreux chèques établis par son épouse à l'ordre de la pharmacie S ... qu'il est ainsi formellement établi que tant Régine Y que Valérie Z, épouse A ont absorbé de l'acide aristolochique contenu soit dans les préparations magistrales, soit dans les asiatitrats n° 23 et 28 achetés à la pharmacie S dont le fournisseur exclusif était le laboratoire Arkopharma ; sur la toxicité de l'Aristolochia Fangchi ... " que l'apparition en premier lieu en Belgique de cas de néphropathies chez des patientes ayant absorbé des herbes chinoises a donné lieu, à partir de 1993, à une abondante littérature médicale citée dans le rapport du professeur C ; que ce spécialiste (a relevé) que des auteurs ont indiqué que dans une étude humaine publiée en 1964 sur l'acide aristolochique, il a été fait état de décès à la suite d'insuffisance rénale aigue ; que dans un article signé Abel G et Schimmer O, publié en 1983, il est indiqué que le Federal Health Office a retiré cette année là la licence pour tout médicament contenant de l'acide aristolochique en raison de la suspicion bien fondée de ce que l'acide aristolochique peut être un carcinogène très puissant ; que cette toxicité est confirmée : par de nombreuses études réalisées en Belgique où sont apparus les premiers cas suspects, par le rapport de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales de Provence-Alpes-Côte d'Azur du 12 novembre 2000, celui du professeur H de la faculté de pharmacie de Marseille, celui de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé du 29 janvier 2001 qui relate que c'est à l'occasion de l'affaire survenue à Toulouse qu'a été pris l'arrêté du 9 août 1995 du ministre français de la santé " ; ... que " Jean-Louis I, néphrologue exerçant à l'hôpital Erasme à Bruxelles, dans une étude datée de 2002 ... confirme l'effet toxique de l'acide aristolochique ; qu'aucun des nombreux experts hautement qualifiés désignés dans les diverses procédures n'a mis en doute la toxicité de ce produit, y compris sur l'homme, toxicité que Max R est bien le seul à discuter, sans pour autant produire la moindre étude convaincante en ce sens ; sur le lien de causalité entre les décès et l'absorption des herbes chinoises incriminées ; sur le cas de Régine Y : " il résulte des pièces de la procédure et notamment des rapports des docteurs F et T que le docteur G a prescrit régulièrement à Régine Y la préparation asiatitrat n° 28, correspondant, selon ce praticien, soit à des gélules, soit à une préparation magistrale, censées, les unes comme les autres, contenir de la Stephania Tetrandra, ainsi que de l'amfépramone (AMF) à faible dose, de la date de la première consultation, le 22 janvier 1992, à la dernière, le 31 mai 1994, que Régine Y a présenté une insuffisance rénale en 1994, qu'elle a été mise sous dialyse de 1994 à 1998 ", qu'elle a subi en 1998 une greffe du rein, qu'en avril 2000 ... une biopsie qui a mis en évidence une tumeur cancéreuse urothéliale ... ; que le professeur J, qui a procédé à une étude anatomo-pathologique, a écrit dans son rapport daté du 22 novembre 2000 " ... nous ne pouvons déterminer la cause immédiate du décès ... parmi les états pathologiques qui y ont contribué, il faut rappeler ... une ... volumineuse tumeur maligne d'allure épithéliale et d'origine indéterminée (et) ... une insuffisance rénale ... Les lésions de fibrose rénale et de carcinomes transitionnels papillaires de la vessie peuvent être dues à l'absorption d'herbes chinoises contenant de l'acide aristolochique... " ; que le professeur Manfred B ... a conclu le 30 octobre 2000 ... (qu'il) " est très probable que l'intoxication se soit produite en raison d'une plante de l'espèce de l'Aristolochia " ; que dans le rapport de synthèse (D41) déposé le 29 juin 2000, les experts F et T ... ont relevé ... (que) " l'origine de la maladie présentée par Régine Y est très compatible avec la prise d'acide aristolochique dont l'absorption a été scientifiquement prouvée dans ce dossier " ; qu'il résulte clairement de tous ces éléments et du rapport des experts F et T ... même si ceux-ci ont pris le soin d'être prudents dans leur formulation, que le décès de Régine Y est la suite d'un enchaînement causal ayant pour point de départ l'ingurgitation d'acide aristolochique à l'origine d'une insuffisance rénale suivie de dialyse puis d'une greffe ayant entraîné un cancer urothélial et des complications à l'origine du décès ; que les experts F et T ont d'ailleurs écrit que le décès était secondaire à cet enchaînement de complications mobiles multi-viscérales évolutives " ... ; " qu'à la première consultation, le docteur G lui a prescrit de l'amfépramone en préparation magistrale, de l'asiatitrat N° 28 / 2 / 2, soit selon le docteur G des gélules prêtes à l'emploi contenant de la Stephania Tetrandra, des massages et autres plantes non toxiques, que ces prescriptions ont été renouvelées jusqu'au 31 mai 1994 " ... ; " que dans ces conditions il est établi que le décès de Régine Y a été indirectement causé par l'absorption des herbes chinoises livrées par Arkopharma, achetées par la victime à la pharmacie Saint-Sylvestre ; sur le cas de Valérie Z, épouse A : qu'elle " a présenté en 1999 une insuffisance rénale sévère ayant nécessité sa mise sous dialyse et de nombreuses hospitalisations ; qu'elle est décédée le 12 février 2001 " ... que dans leur rapport d'autopsie du 16 février 2001, " les experts F et T ont conclu ... (que) " les constatations macroscopiques autopsiques ... ne nous permettent pas de tirer des conclusions certaines sur les causes exactes du décès.... Compte tenu de la possibilité de prise d'herbes chinoises vers 1990, de multiples prélèvements adaptés aux exigences scientifiques ont été effectués ; que cette maladie peut certes être en rapport avec la prise d'herbes chinoises si celle-ci a effectivement eu lieu mais peut être également en rapport avec une autre maladie totalement étrangère à ce toxique " ; que le professeur J... (dans son rapport du 4 juillet 2001) a indiqué ... que " les lésions fibrosantes du rein natif associées aux atypies épithéliales des tubes collecteurs " étaient " très évocatrices sinon diagnostiques de NHC " (néphropathie aux herbes chinoises) ... ; que le professeur B a conclu que " nos analyses révélaient que Valérie Z, épouse A fut intoxiquée par l'acide aristolochique ; que comme l'acide aristolochique représente un constituant ou composant d'espèces aristolochia et n'a pas été trouvé dans aucun autre milieu environnemental, il est hautement probable que l'intoxication se produisit par suite d'ingestion de substance végétale en provenance d'espèces Aristolochia ; qu'il résulte du rapport complémentaire établi par les docteurs F et T ... que Valérie Z, épouse A a absorbé des herbes chinoises prescrites par le docteur G pendant deux périodes, du 25 juin 1990 au mois de novembre 1992, soit pendant près de six mois, puis en novembre et décembre 1992, qu'elle a, à l'instar de nombreuses femmes ayant absorbé ces herbes chinoises, présenté en 1999, soit à seulement 32 ans, une insuffisance rénale sévère ayant conduit à des dialyses et à un affaiblissement de son état général ... (ce qui) permet d'affirmer, ce que le professeur J... avait seulement pu soupçonner, n'ayant pas les résultats de l'analyse toxicologique, que l'atteinte rénale, survenue à Mme D (sic), a été causée par la prise d'herbes chinoises ; que cette atteinte .... a entraîné une anémie sévère, suivie de complications, entraînant son décès ; que dans ces conditions, il est établi que le décès de Valérie Z, épouse A comme celui de Régine Y a été indirectement causé par l'absorption des herbes chinoises livrées par Arkopharma, achetées par la victime à la pharmacie Saint-Sylvestre ... (que) le lien de causalité entre l'absorption des herbes chinoises incriminées et les décès de Régine Y et de Valérie Z, épouse A est caractérisé ; sur les fautes commises par les prévenus et leur responsabilité pénale : que Max R a, en sa qualité de président directeur général des laboratoires Arkopharma au moment des faits, " commercialisé les asiatitrats n° 23 et 28, constituant comme tous les asiatitrats vantés pour leurs propriétés curatives, des médicaments par présentation ainsi que l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 11 mars 1998, sans avoir préalablement sollicité et obtenu l'autorisation de mise sur le marché ; qu'il a en outre commercialisé les plantes incriminées de Chine sans vérifier qu'elles correspondaient aux plantes commandées, à savoir la Stephania Tetrandra, ce qui a empêché de constater que le produit livré contenait de l'Aristolochia fangchi, plante néphrotoxique ... ; qu'en commercialisant les asiatitrats n° 23 et 28, médicaments par présentation, sans autorisation de mise sur le marché, en livrant à la pharmacie S des plantes pulvérisées en vue de préparations magistrales, sans qu'il ait été procédé aux contrôles nécessaires qui auraient permis de constater que le produit livré contenait en réalité de l'acide aristolochique déjà connu à l'époque comme étant néphrotoxique, sans donner les moyens au chimiste qui pourtant avait informé la direction de son impossibilité, sans témoin chimique et sans tetrandrine, pourtant disponible sur le marché, d'effectuer les contrôles selon les règles de l'art, en faisant croire au médecin par une notice de présentation mensongère que le produit avait fait l'objet d'un contrôle rigoureux qu'il était en droit d'attendre d'un laboratoire aussi important et connu qu'Arkopharma, en ne faisant pas retourner par le pharmacien les produits livrés dont il avait pourtant appris qu'ils étaient soupçonnés d'être dangereux, Max R n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de sa fonction, de sa compétence ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; que par ces agissements, dont il est personnellement responsable, il a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation des dommages subis par Régine Y et Valérie Z, épouse A et commis plusieurs fautes caractérisées exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ... " ;

" alors que, d'une part, en se bornant, pour déduire la preuve de l'absorption d'acide aristolochique, imputable à Arkopharma " établie par l'analyse toxicologique, contenu soit dans les préparations magistrales, soit dans les asiatitrats n° 23 et 28 achetés à la pharmacie S (et fournis par) Arkopharma ", à retenir les conclusions inopérantes du professeur C qui avait examiné, dans une instance civile distincte, le cas de Mme D, à l'exclusion de celui de Régine Y et Valérie Z, épouse A, ou à relever que les experts F et T ont confirmé que le docteur G leur avait bien prescrit des asiatitrats 23 et 28, et que Jean-Paul X " avait des asiatitrats en stock ", sans comparer les dates de livraison des produits d'Arkopharma avec les dates de délivrance aux patientes qui auraient permis d'établir s'il s'agissait ou non des produits livrés par Arkopharma, ni répondre aux conclusions du prévenu qui relevait 1°) qu'en l'absence d'analyse de la composition des gélules réalisées par Jean-Paul X qui effectuait les préparations magistrales à partir de plantes et d'amfépramone, il était impossible de savoir si les gélules absorbées par les patientes contenaient la Stephania Tetrandra livrée par Arkopharma, 2°) que l'ordonnancier de la pharmacie S ne comportait pas la moindre indication de préparations magistrales à base de Stephania Tetrandra (pour laquelle aucune ordonnance n'a été produite) au profit de Régine Y dont le nom ne se trouvait qu'une seule fois dans l'ordonnancier mais pour une préparation qui n'avait rien à voir avec Stephania Tetrandra, et 3°) qu'il en était de même pour Valérie Z, épouse A, laquelle affirmait avoir commencé son traitement amaigrissant du 25 juin 1990 au 31 octobre 1990 alors qu'il n'était pas contesté que la première livraison de Stephania Tetrandra par Arkopharma au pharmacien S datait du 18 février 1991, de sorte que soit cette pharmacie n'avait pas mis de Stephania Tetrandra dans sa préparation magistrale, soit elle s'était fournie auprès d'un autre producteur ou importateur et qu'il ne pouvait donc s'agir des produits d'Arkopharma, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

" alors que, d'autre part, en retenant la toxicité de l'Aristolochia fangchi, sans distinguer, comme l'y invitait le docteur Max R, cette plante, non toxique, de l'acide aristolochique contenu à dose infinitésimale dans l'Aristolochia fangchi, au motif qu'" aucun des nombreux experts hautement qualifiés désignés dans les diverses procédures n'a mis en doute la toxicité de ce produit, y compris sur l'homme, toxicité que Max R est bien le seul à discuter, sans pour autant produire la moindre étude convaincante en ce sens ", alors que ce dernier avait relevé de nombreuses études produites aux débats émanant de scientifiques, dont la cour d'appel n'a pas mis en doute la renommée ni le sérieux des études, lesquelles indiquaient que l'origine des néphropathies pouvait être la Dexfenfluramine ou l'addition de plusieurs médicaments (professeur I... en 1997), contestaient le " postulat présupposé de la relation préconçue et non démontrée entre la présence de composants dénommés comme acide aristolochique d'une part, et les néphropathies constatées d'autre part " (professeur K en 1997), affirmaient " l'existence d'un facteur méconnu, favorisant la toxicité de l'acide aristolochique " (professeurs U... et V... en 1998), constataient l'absence de certitude du rôle de l'Aristolochia fangchi sur les insuffisances rénales (Centre de Pharmacovigilance de Belgique en 2000), certifiaient avoir recherché " en vain " des cas de néphropathies aux " herbes chinoises " (professeur L...) et qu'" il est très peu probable qu'Aristolochia fangchi puisse déclencher les effets toxiques décrits " (MM. M... et N... en 2000), dont il résultait qu'aucune certitude n'était établie entre l'absorption d'Aristolochia fangchi et les néphropathies ou à tout le moins que la question était fortement controversée, ni examiner, ne fût-ce que pour les écarter, ces études qui étaient pourtant au coeur du litige et avaient d'ailleurs amené le tribunal correctionnel de Toulouse à rejeter le 5 juillet 2006 le lien de causalité entre les néphropathies et la plante litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" alors qu'en outre, les juges ne peuvent se prononcer par simple référence à une décision antérieure, ni par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ; que Max R faisait notamment valoir que Stephania Tetrandra était vendue en poudre et non sous forme de gélules, et que les docteurs W..., XX et YY, experts judiciaires, avaient affirmé que les Asiatitrats " ne doivent pas être soumis à une autorisation de mise sur le marché, les deux conditions cumulatives requises simultanément par l'article L. 601-1 du Code de la santé publique (n'étant) pas remplies ", ce qui était confirmé par Mme O..., inspecteur pharmacien, entendue lors de l'instruction ; qu'en considérant, pour retenir une faute imputable à Max R, que la plante Stephania Tetrandra commercialisée aurait dû être soumise à une autorisation de mise sur le marché au motif qu'un arrêt (de rejet) de la Cour de cassation avait tranché cette question le 11 mars 1998 en jugeant que les Asiatitrats commercialisés par Arkopharma constituaient des médicaments et devaient être, de ce fait, soumis à la procédure d'autorisation de mise sur le marché, sans examiner le rapport d'expertise judiciaire précité, ni les circonstances de l'espèce malgré l'absence d'identité, de partie, de cause et de période concernée, ni répondre aux moyens péremptoires de Max R, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" alors qu'au surplus, même à supposer établi que les Asiatitrats eussent dû faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, le docteur Max R démontrait qu'une telle autorisation de principe n'aurait de toute façon pas permis de déceler la confusion opérée par les vendeurs entre les plantes chinoises incriminées, de sorte que cette prétendue faute est sans aucun lien avec les dommages relevés ; qu'en ne répondant pas davantage à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

" alors que, par ailleurs, Max R faisait valoir, d'une part, que M. P..., docteur en chimie travaillant pour Arkopharma avait confirmé que la toxicité de l'Aristolochia fangchi n'était, à l'époque, nullement suspectée, de sorte qu'aucune recherche d'alcaloïdes ne s'imposait en l'absence de toute suspicion de substitution des plantes ni quant à leur innocuité, et, d'autre part, que le rapport d'expertise des professeurs ZZ confirmait que chacune des deux méthodes alternatives de contrôle pour identifier la Stephania Tetrandra, à savoir le traitement de la poudre par acide sulfurique dilué puis identification par CCM (utilisé par Arkopharma) ou le dosage de tetrandrine, était " parfaitement valable " ; qu'en s'abstenant de répondre à ces moyens péremptoires tout en reprochant à Max R de n'avoir pas procédé aux contrôles indispensables et adaptés pour différencier la Stephania Tetrandra de l'Aristolochia Fangchi par la méthode de dosage de tetrandrine, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" alors qu'au demeurant, les juridictions de jugement doivent respecter les termes de la décision de renvoi qui les saisit ; qu'en l'espèce la saisine portait sur des faits d'homicide involontaire commis " courant 1990 à 1992 (fait générateur, délivrance du produit) ", puis " au 15 août 2000 (décès de Régine Y) " et " au 12 février 2001 (décès de Valérie Z, épouse A) " ; qu'en reprochant à Max R, pour le déclarer coupable des faits reprochés, de ne pas avoir fait " retourner par le pharmacien les produits livrés dont il avait pourtant appris qu'ils étaient soupçonnés d'être dangereux " après le retrait du produit fin 1992, faits concernant la période 1993-1994 (Jean-Paul X ayant, selon l'arrêt attaqué, délivré la Stephania Tetrandra avec de l'amfépramone jusqu'en mai 1994) extérieurs à la saisine, la cour d'appel a commis un excès de pouvoirs et violé l'article 388 du Code de procédure pénale ;

" alors que, de surcroît, pour déclarer Max R coupable des faits reprochés et retenir à son encontre " plusieurs fautes caractérisées exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer " (absence d'autorisation de mise sur le marché et défaut de contrôle par dosage de tetrandrine des produits livrés) en se bornant à retenir qu'il n'avait pas " accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de sa fonction, de sa compétence ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ", motifs n'établissant pourtant pas de faute d'imprudence caractérisée, seule susceptible, en l'absence de causalité directe, d'engager la responsabilité pénale de Max R, sans établir ni préciser en quoi les fautes reprochées étaient " caractérisées " et excluaient la qualification de simple imprudence, la cour d'appel a violé les articles 121-3 et 221-6 du Code pénal ;

" alors que, en toute hypothèse, la faute caractérisée n'est punissable que si elle a exposé autrui à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer ; que l'ignorance ou la connaissance du risque doivent nécessairement s'apprécier au moment de la commission des faits reprochés ; que, nonobstant les insinuations du professeur C dans une autre instance, seul à considérer que la toxicité des " plantes chinoises " était évidente depuis longtemps, dont la partialité a été soulevée par la défense (outre ses idées préconçues, son épouse travaillait au sein des laboratoires Servier, concurrents d'Arkopharma, qui commercialisaient l'Isoméride, coupe-faim mis en cause dans la présente affaire par le docteur R) et retenue par le Tribunal correctionnel de Toulouse dans une affaire parallèle, le docteur Max R démontrait que l'Aristolochia fangchi n'était à l'époque (1989-1992) nullement suspectée de toxicité sur l'homme par la communauté scientifique, la parution du premier article datant du 20 octobre 1992, à la suite duquel Max R décidait spontanément et immédiatement le 27 octobre 1992 du retrait et de l'arrêt de la commercialisation de cette plante, dès la connaissance d'un risque potentiel qui n'était pas encore avéré en vertu du principe de précaution ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, qui était de nature à exclure tant une faute qualifiée que la conscience du risque d'exposer autrui à un danger quelconque, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

" alors qu'enfin, le délit d'homicide involontaire suppose que le décès se rattache de façon certaine, même indirectement, à la faute reprochée au prévenu ; qu'en s'abstenant de rechercher l'existence d'un lien de causalité, fût-il indirect, entre le décès de ces dernières et les fautes reprochées à Max R, causalité sans laquelle le délit n'est pas constitué, la cour d'appel a encore violé les articles 121-3 et 221-6 du Code pénal " ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Jean-Paul X, pris de la violation des articles 6 § 2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 121-3 alinéas 3 et 4 et 221-6 du Code pénal, L. 213-1 et L. 213-3 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Paul X coupable d'homicides involontaires ;

" aux motifs qu'il est formellement établi que tant Régine Y que Valérie Z, épouse A ont absorbé de l'acide aristolochique contenu soit dans les préparations magistrales soit dans les asiatitrats n° 23 et 28 achetés à la pharmacie S dont le fournisseur exclusif était le laboratoire Arkopharma ; qu'aucun des nombreux experts hautement qualifiés désignés dans les diverses procédures n'a mis en doute la toxicité de l'acide aristolochique y compris sur l'homme ; qu'il est établi que le décès de Valérie Z, épouse A comme celui de Régine Y a été indirectement causé par l'absorption des herbes chinoises livrées par Arkopharma, achetées par la victime à la pharmacie Saint-Sylvestre (pharmacie de Jean-Paul X) ; qu'il est constant que Max R, président directeur général des laboratoires Arkopharma au moment des faits, a, en cette qualité, commercialisé les asiatitrats n° 23 et 28, constituant comme tous les asiatitrats vantés par leurs propriétés curatives, des médicaments par présentation ainsi que l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 11 mars 1998, sans avoir préalablement sollicité et obtenu l'autorisation de mise sur le marché ; qu'il a en outre commercialisé les plantes incriminées de Chine sans vérifier qu'elles correspondaient aux plantes commandées, à savoir la Stephania Tetrandra, ce qui a empêché de constater que le produit livré contenait de l'Aristolochia fanghi, plante néphrotoxique ; qu'il résulte des déclarations circonstanciées de Jacques Q..., directeur scientifique et de Philippe P..., ingénieur chimiste : - que les plantes, telles qu'elles ont été livrées, étaient déjà en morceaux, sous forme de racines, tiges, feuilles ou graines ; qu'elles ne correspondaient pas exactement à la bibliographie, car elles semblaient fumées, séchées ou même confites de sorte que leur contrôle organoleptique était difficile ; - que ne disposant pas de l'alcaloïde tetrandine, composant caractéristique de la Stephania Tetrandra (d'où son nom), pourtant commercialisé par la société suisse Fulia dès 1990, le chimiste a procédé à une comparaison avec un témoin chimique qui provenait du premier lot, lui-même non contrôlé dans les règles de l'art..., que le laboratoire Arkopharma, bien qu'informé de l'insuffisance de ce contrôle, non seulement a décidé de commercialiser le produit mais a fait démarcher les médecins, dont le docteur G, en leur remettant une plaquette ainsi rédigée certifiant que tous les contrôles avaient été soigneusement faits : - contrôle de qualité, - contrôle des résidus organo-phosphorés, - contrôle de la radio-activité, - contrôle bactériologique, - contrôle d'un titre de garantie assurant la garantie optimale, - contrôle du profil chimique permettant d'établir une véritable carte d'identité de chaque plante (ce qui était faux) ; que ces indications mensongères auraient pu donner lieu à poursuites, comme cela a été fait à Toulouse, pour tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise ; que tout un chacun sait, même sans être un professionnel, que si certaines plantes ont des vertus médicinales reconnues, d'autres sont toxiques voire mortelles ; qu'en commercialisant les asiaritrats n° 23 et 28, médicaments par présentation, sans autorisation de mise sur le marché, en livrant à la pharmacie S des plantes pulvérisées en vue de préparations magistrales, sans qu'il ait été procédé aux contrôles nécessaires qui auraient permis de constater que le produit livré contenait en réalité de l'acide aristolochique déjà connu à l'époque comme étant néphrotoxique, sans donner les moyens au chimiste qui pourtant avait informé la direction de son impossibilité, sans témoin chimique et sans tétrandrine, pourtant disponible sur le marché, d'effectuer les contrôles selon les règles de l'art, en faisant croire au médecin par une notice de présentation mensongère que le produit avait fait l'objet d'un contrôle rigoureux qu'il était en droit d'attendre d'un laboratoire aussi important et connu qu'Arkopharma, en ne faisant pas retourner par le pharmacien les produits livrés dont il avait pourtant appris qu'ils étaient soupçonnés d'être dangereux, Max R n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de sa fonction, de sa compétence ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; que par ces agissements, dont il est personnellement responsable, il a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation des dommages subis par Régine Y et Valérie Z, épouse A, et commis plusieurs fautes caractérisées exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que les éléments constitutifs du délit reproché étant parfaitement réunis à son encontre au regard tant de l'article 221-6 que de l'article 121-3 du Code pénal, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré coupable ; que s'agissant du pharmacien Jean-Paul X, le tribunal a de même exactement qualifié le comportement fautif de ce praticien ; que celui-ci, contrairement à la bonne pratique des préparations officinales et aux recommandations du conseil de l'ordre des pharmaciens, n'a pas procédé au contrôle des matières premières et, en tout cas, avant de réaliser ses préparations magistrales du laboratoire, n'a pas exigé d'Arkopharma les bulletins d'analyse qu'il dit avoir réclamés sans les avoir reçus ; qu'à ses propres dires, il s'est contenté d'une comparaison (au toucher, à la vue, à l'odeur et au goût) par rapport à un stock restant et d'un petit contrôle microscopique ; qu'il ne pouvait, en tant que professionnel se contenter de la plaquette commerciale ; qu'il en résulte qu'il n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de sa fonction, de sa compétence ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; que par ces agissements, il a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation des dommages subis par Régine Y et Valérie Z, épouse A et commis plusieurs fautes caractérisées exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que les éléments constitutifs du délit reproché étant également parfaitement réunis à son encontre au regard tant de l'article 221-6 que de l'article 121-3 du Code pénal, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré coupable ;

" 1°) alors que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, constater que la plaquette rédigée par Arkopharma, important laboratoire de fabrication de médicaments à base de plantes, adressée tant aux médecins qu'aux pharmaciens, certifiait que tous les contrôles avaient été faits " contrôle de la matière première : reconnaissance botanique et vérification de la qualité générale, contrôle de qualité, contrôle des résidus organo-phosphorés, contrôle de la radioactivité, contrôle bactériologique, contrôle d'un titre de garantie assurant la garantie optimale, contrôle du profil chimique permettant d'établir une véritable carte d'identité de chaque plante " et donner à cette plaquette la portée d'une simple plaquette commerciale dont le pharmacien en tant que professionnel ne pouvait se contenter ;

" 2°) alors que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire et méconnaître le sens et la portée de l'article 121-3 alinéas 3 et 4 du Code pénal et des articles 313-1 et 313-3 du Code de la consommation, constater que les indications mensongères contenues dans la prétendue " plaquette commerciale " remise tant aux médecins qu'aux pharmaciens par le laboratoire Arkopharma, laboratoire important et réputé employant un millier de salariés - certifiant de manière précise les contrôles subis par les matières premières livrées - dont elle avait relevé le caractère toxique (c'est-à-dire la falsification) auraient pu donner lieu à poursuites pour tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise, tous les éléments constitutifs de ce délit étant relevés à l'encontre de Max R dans sa décision, et cependant retenir à l'encontre du pharmacien d'officine victime de la tromperie l'existence de " fautes caractérisées exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer " ;

" 3°) alors qu'à l'époque des faits " les bonnes pratiques de préparations officinales " (BPPO) ne figuraient pas dans le Code de déontologie des pharmaciens et ne résultaient que d'un texte, certes pris par le ministre des Affaires sociales et de l'Emploi et le ministre de la Santé, mais n'ayant aucune valeur réglementaire - le BO n° 88 / 7bis - ; que dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Jean-Paul X faisait valoir que l'obligation de se référer aux BBPO ne remontait qu'à 1995 en sorte qu'en raison de l'incertitude juridique qui existait à l'époque des faits, aucune faute ne pouvait être retenue contre lui et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 4°) alors qu'en l'absence de valeur réglementaire à l'époque des faits des BPPO, il n'est possible de leur reconnaître tout au plus que la valeur de simples " recommandations " en sorte qu'à supposer que Jean-Paul X ne les ait pas respectées à la lettre, cette circonstance est insusceptible de constituer à son encontre une faute caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal ;

" 5°) alors qu'en tout état de cause, les BPPO applicables à l'époque des faits disposaient que " dans le cas de matières premières contrôlées par un établissement pharmaceutique, l'assurance du contrôle de la qualité pharmaceutique est apportée par une référence de contrôle ou éventuellement une attestation " et que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer au vu des constatations de l'arrêt que la plaquette diffusée par le laboratoire Arkopharma valait " attestation " dès lors qu'elle garantissait tant l'existence des contrôles nécessaires réalisés au regard des spécificités des plantes livrées par le laboratoire Arkopharma que leur consistance précise et que dès lors, aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre du pharmacien d'officine ;

" 6°) alors que dans ses conclusions régulièrement déposées, Jean-Paul X faisait valoir que s'il avait observé à la lettre les " bonnes pratiques officinales " en se procurant les bulletins d'analyse réalisés par le laboratoire Arkopharma avant d'utiliser les matières premières livrées par celui-ci, cela n'aurait rien changé, dans la mesure où ces bulletins comportaient des mentions fausses et qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 7°) alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le contrôle de la matière première consistant dans une reconnaissance botanique - contrôle que le laboratoire Arkopharma certifiait avoir effectué - et qui suppose " l'observation des extrémités de fragments de racines " et " des coupes mettant en évidence la structure de la plante ", ne pouvait être effectué par le pharmacien d'officine dès lors que les plantes lui avaient été livrées " pulvérisées " ;

" 8°) alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que Jean-Paul X a procédé au contrôle organoleptique (toucher - vue - odeur - goût) prescrit par la pharmacopée chinoise ;

" 9°) alors que l'appréciation des diligences normales entrant dans les prévisions de l'article 121-3, alinéa 3, du Code pénal doit tenir compte des moyens dont disposait le prévenu ; qu'en ce qui concerne le contrôle du profil chimique que le laboratoire Arkopharma certifiait mensongèrement avoir effectué en précisant que ce contrôle " permettait d'établir une véritable carte d'identité de chaque plante ", il consiste, selon les constatations de l'arrêt (p. 15) en une chromatographie en couche mince au moyen de l'alcaloïde " tetandrine " ; que dans ses conclusions régulièrement déposées, Jean-Paul X faisait valoir qu'il s'agit d'une technique sans commune mesure avec les contrôles qui peuvent être pratiqués en officine et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 10°) alors que la cour d'appel a constaté que ce n'est qu'à partir de 1993 à la suite de cas de néphropathies chez les patientes ayant absorbé des herbes chinoises qu'une abondante littérature médicale avait mis en évidence l'effet cancérigène et néphrotoxique de l'acide aristolochique et que ce n'est que le 9 août 1995 qu'avait été pris l'arrêté du ministre français de la santé motivé par cet effet soulignant la possible confusion entre le Radix Stephania Tetrandra et le Radix Aristolochia fangchi et que dès lors, elle ne pouvait, sans se contredire, affirmer que Jean-Paul X avait commis courant 1990 et 1992 plusieurs fautes caractérisées en ne décelant pas cette confusion dans les plantes pulvérisées qui lui étaient livrées par un important laboratoire spécialisé " exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer " ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Arkopharma, spécialisée dans la fabrication de médicaments à base de plantes, dont Max R était le représentant légal, a commercialisé une gamme de produits, dénommés Asiatitrats, sous forme de gélules prêtes à être absorbées ou de poudres destinées à entrer dans la composition de préparations magistrales, dont les formules numéros 23 et 28 devaient contenir une herbe réputée pour ses vertus amincissantes en raison de son effet diurétique, la Stephania tetrandra ; qu'un médecin, le docteur G, a prescrit ces Asiatitrats à Valérie A du 25 juin 1990 au 31 octobre 1990 puis le 3 novembre 1992, et à Régine Y du 22 janvier 1992 au 31 mai 1994 ; que ces patientes se sont procuré les médicaments auprès de Jean-Paul X, pharmacien exploitant une officine à Nice, à qui la société Arkopharma avait livré, entre 1990 et 1992, six kilogrammes de Stephania tetrandra qu'elle avait directement importée de Chine au cours de l'année 1989 ; que Régine Y, dès 1994, et Valérie A, à partir de 1999, ont été soignées pour des insuffisances rénales chroniques liées à des néphropathies interstitielles fibrosantes qui se sont accompagnées de tumeurs cancéreuses ; qu'elles ont porté plainte pour empoisonnement ; qu'à la suite de l'aggravation de leur état de santé, Régine Y est décédée le 15 août 2000 et Valérie A, le 12 février 2001 ; qu'une information pour recherche des causes de la mort a été ouverte ; que les examens des tissus prélevés sur les défuntes, lors des autopsies, ont révélé la présence d'acide aristolochique, substance néphrotoxique issue d'une autre plante chinoise, l'Aristolochia fangchi ; qu'à l'issue de l'information Max R et Jean-Paul X ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef d'homicides involontaires ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables, l'arrêt confirmatif retient, par motifs propres et adoptés, que les effets cancérigènes et néphrotoxiques de l'acide aristolochique, qui étaient connus à l'époque des faits, ont été confirmés par des études postérieures ; que la cour d'appel relève que Max R n'a pas fait effectuer les contrôles prévus par la monographie de la pharmacopée chinoise qui auraient permis de détecter la présence, parmi les lots de Stephania tetrandra importés de Chine, de l'Aristolochia fangchi, contrôles d'autant plus nécessaires que ces plantes, dont les dénominations en chinois sont voisines, pouvaient être confondues et que la procédure d'autorisation de mise sur le marché n'avait pas été mise en œuvre ; que les juges ajoutent que, malgré cette carence, et alors que l'ingénieur chimiste chargé du contrôle l'avait alerté sur l'insuffisance des vérifications effectuées, Max R a fourni la Stephania tetrandra à Jean-Paul X en joignant aux produits Asiatritrats n° 23 et 28 une plaquette commerciale affirmant que l'identité des plantes avait été vérifiée chimiquement ; que, la juridiction du second degré retient que Jean-Paul X a omis d'exiger les bulletins de contrôle de la société Arkopharma et qu'il n'a pas vérifié lui-même l'identité de la matière première qui lui a été livrée, en méconnaissance des bonnes pratiques des préparations officinales et des recommandations du conseil de l'ordre des pharmaciens ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus qui contestaient notamment l'existence d'un lien de causalité entre l'absorption, par les victimes, d'acide aristolochique et leur décès, l'arrêt se fonde sur les rapports des experts, qui ont procédé aux autopsies ainsi qu'aux analyses toxicologiques et anatomo-pathologiques, et relève qu'aucun des nombreux examens effectués n'a permis d'imputer à une autre substance, ni à aucun antécédent ou traitement médical, les pathologies qui ont entraîné la mort des victimes ;

Attendu qu'en se déterminant par ces énonciations d'où il résulte que les prévenus n'ont pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage et qu'ils ont commis des fautes caractérisées qui exposaient autrui à des risques d'une particulière gravité qu'ils ne pouvaient ignorer, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Mais, sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Boré et Salve de Bruneton pour l'Union fédérale des consommateurs-Que choisir, pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, des articles L. 221-1 et L. 421-1 du Code de la consommation, des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal, des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt a déclaré l'UFC-Que choisir irrecevable en sa constitution de partie civile ;

" aux motifs que " par application de l'article 2 du Code de procédure pénale, les associations de consommateurs, dès lors que les poursuites portent exclusivement sur les délits d'homicides involontaires, sont, faute de préjudice direct, irrecevables en leur constitution de partie civile " ;

" 1°) alors qu'aucune infraction n'est exclue des prévisions de l'article L. 421-1 du Code de la consommation qui permet aux associations agréées de consommateurs d'exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice, direct ou indirect, à l'intérêt collectif des consommateurs ; qu'en affirmant, par principe, que les associations de consommateurs ne seraient jamais recevables à se constituer partie civile pour les infractions d'homicides involontaires dès lors qu'elles ne pourraient avoir souffert aucun préjudice direct de ce chef, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors que cause un préjudice, direct ou indirect, à l'intérêt collectif des consommateurs le fait, pour des professionnels de la santé, de commercialiser un produit hautement cancérigène et de nature à causer de graves insuffisances rénales sans avoir préalablement effectué les contrôles sanitaires nécessaires ; qu'en jugeant que ces faits, dont elle a constaté l'existence, n'étaient pas de nature à causer un préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés " ;

Vu les articles L. 221-1 et L. 421-1, alinéa 1er, du Code de la consommation ; - Attendu qu'aucune infraction ayant porté un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs n'est exclue des prévisions du second de ces textes ;

Attendu que, pour déclarer l'Union fédérale des consommateurs-Que choisir, association agréée, irrecevable en sa constitution de partie civile, l'arrêt énonce que, dès lors que les poursuites portent exclusivement sur les délits d'homicides involontaires, les associations de consommateurs ne subissent pas de préjudice direct ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, selon l'article L. 221-1 du Code de la consommation, les produits doivent, dans des conditions normales d'utilisation, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 novembre 2006, en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'Union fédérale des consommateurs-Que choisir, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.