CA Paris, 5e ch. A, 13 décembre 2006, n° 04-23122
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Titon
Défendeur :
Jungfer
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
MM. Roche, Byk
Avoués :
SCP Bolling-Durand-Lallement, SCP Lagourgue-Olivier
Avocats :
Mes Petreschi, Malempre, Wasels
Reprochant au Dr I. Junfer, qui l'a remplacé sur une période de 14 mois entre le 10 novembre 1999 et février 2001, de ne pas avoir respecté la clause de non-réinstallation figurant au contrat de remplacement, le Dr J-P Titon a, par acte du 19 novembre 2002, assigné sa consoeur devant le Tribunal de grande instance de Paris pour détournement de clientèle et violation de l'obligation de loyauté. Par jugement du 7 septembre 2004, cette juridiction, annulant la clause litigieuse, l'a débouté de ses demandes et condamné à payer 1 000 euro au Dr I. Jungfer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration du 8 octobre 2004, le Dr J-P Titon a fait appel de cette décision et conclut le 3 novembre 2006 à la réformation du jugement entrepris, le Dr I. Jungfer devant être condamné à lui payer 124 664 euro de dommages-intérêts au titre du préjudice financier, outre 25 000 euro au titre du préjudice moral et 7 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Dr I. Jungfer réplique par conclusions du 7 novembre 2006 en sollicitant la confirmation, subsidiairement, elle demande de voir déclarer nulle la clause litigieuse pour absence de contrepartie financière; à titre plus subsidiaire, il est réclamé qu'il soit constaté l'absence de préjudice et, à titre infiniment subsidiaire, il est sollicité de la cour qu'elle désigne un expert pour déterminer et évaluer le préjudice allégué. En tout état de cause, 9 000 euro sont demandés à l'appelant sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce,
Considérant que pour soutenir son appel, le Dr J-P Titon fait valoir que la clause contractuelle de non-réinstallation est, en l'espèce, légitime par son objet et proportionnée par la fixation de limites temporelles et géographiques;
Considérant que le Dr J-P Titon ajoute qu'il ne saurait être reproché à cette clause son étendue géographique "large" sans dénaturation de son sens et de sa portée dès lors que la clause est applicable à l'exercice particulier de la spécialité d'angiologie, ce qui suppose nécessairement que la clientèle ne se limite pas à tout ou partie du territoire parisien mais englobe une partie de sa périphérie, voire se recrute sur l'ensemble du territoire;
Considérant que, pour s'opposer à cette argumentation, l'intimée estime que la clause concernée est disproportionnée parce que trop restrictive quant au champ de l'exercice professionnel, l'usage étant qu'à Paris une installation dans un autre arrondissement que l'arrondissement concerné ou les arrondissements limitrophes suffit;
Considérant que, pour être valide, une clause de non-réinstallation doit non seulement être limitée dans le temps et l'espace mais aussi être conforme à son objet, au cas particulier : protéger les médecins installés contre une concurrence agressive, tout en assurant le respect du principe de la liberté d'installation, ce qui implique une certaine proportionnalité entre les limites fixées et leurs effets sur les deux activités supposées en concurrence illicite;
Considérant, en l'espèce, que le fait pour un médecin angiologue déjà installé dans le 16e arrondissement de Paris d'interdire à la consoeur, qui l'a remplacé, de s'installer tant à Paris que dans un périmètre de 25 km au delà de cette ville rompt avec la proportionnalité exigée d'une telle clause dès lors que l'installation contestée concerne un arrondissement autre que le 16e arrondissement et les arrondissements qui lui sont périphériques, le Dr J-P Titon ne justifiant pas d'éléments précis visant à démontrer que sa pratique personnelle de la médecine nécessiterait une protection particulière alors qu'au regard de l'exercice de sa spécialité et des usages de la profession appliqués à la présente espèce, la clause litigieuse n'est pas proportionnée à son objet;
Considérant en conséquence qu'il convient de débouter le Dr J-P Titon de son appel et, confirmant le jugement entrepris, d'annuler la clause de non-réinstallation en ce qu'elle fait interdiction au Dr I. Jungfer de s'installer dans les 1, 2, 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 18, 19 et 20e arrondissements de Paris ainsi que dans un périmètre de 25 km autour de cette ville;
Considérant que l'équité commande de condamner le Dr J-P Titon à payer au Dr I. Jungfer 2 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel;
Par ces motifs, Déboute le Dr J-P Titon de son appel. Confirme le jugement entrepris, Annule la clause de non-réinstallation en ce qu'elle a interdit au Dr I. Jungfer de s'installer dans les 1, 2, 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 18, 19 et 20e arrondissements de Paris ainsi que dans un périmètre de 25 kilomètres autour de cette ville, Condamne le Dr J-P Titon à payer 2 000 euro au Dr I. Jungfer au titre des frais irrépétibles d'appel, Le condamne aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Lagourgue-Olivier, avoués.