CA Rouen, ch. soc., 28 novembre 2006, n° 06-01613
ROUEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Eugène Perma (Sté)
Défendeur :
Rivey
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pams-Tatu
Conseillers :
Mme Raynal-Bouché, M. Mouchard
Avocats :
Mes Valluis, Verdier, Mouchabac
Exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties
Vu les conclusions déposées les 28 et 31 juillet 2006 et développées à l'audience du 17 octobre 2006 ;
M. Rivey a été embauché par la société Eugène Perma, en qualité de représentant, à compter du 12 juin 2001. En raison de mauvais résultats, il a été convoqué par lettre du 17 octobre 2003 à un entretien préalable fixé au 24 octobre 2003. Puis, son employeur lui a donné une seconde chance. Il a à nouveau été convoqué à un entretien préalable fixé au 13 juillet 2004, et licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 19 juillet 2004.
M. Rivey a alors saisi le conseil de prud'hommes lequel, dans un jugement du 28 mars 2006, a :
- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse;
- condamné la société Eugène Perma à payer à M. Rivey :
16 000 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
1 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- débouté M. Rivey du surplus de ses demandes;
- débouté la société Eugène Perma de sa demande reconventionnelle;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement;
- condamné la société Eugène Perma aux entiers dépens, y compris les frais et honoraires d'huissier de justice en cas d'exécution forcée du jugement en application des dispositions de l'article R. 519-1 du Code du travail;
La société Eugène Perma a interjeté appel de la décision et soutient :
- qu'en dépit des très mauvais résultats de M. Rivey, il lui a été laissé une chance ; qu'il lui a été demandé d'utiliser certains outils pour atteindre ses objectifs, de mettre à jour et de qualifier le fichier client ainsi que d'organiser son "routing", ce qu'il n'a pas fait; qu'en raison de l'absence d'amélioration, du non-respect de ses obligations contractuelles et de l'insuffisance professionnelle du salarié, la société a engagé une procédure de licenciement en juillet 2004;
- que M. Rivey fait valoir qu'il était classé 20e et 33e respectivement en juillet et août 2004 alors que les mois d'été ne sont pas représentatifs dans la mesure où les représentants sont majoritairement en vacances; qu'en septembre il était classé 74e sur 88 ; que ses collègues sur la région avaient tous atteint leurs objectifs en décembre 2004;
- qu'en outre, les objectifs qui lui avaient été fixés ont été revus à la baisse et n'ont pas été contestés par le salarié ; qu'il ne peut donc reprocher à son employeur de ne pas avoir tenu compte de l'évolution du marché;
- que les objectifs n'ont pas besoin d'être contractualisés;
- que la remplaçante de M. Rivey parvient à atteindre sans difficulté les objectifs qui lui ont été assignés;
- que la somme de 1 767,92 euro qui M. Rivey réclame figure sur son bulletin de paie du mois de novembre 2004 de sorte que sa demande est mal fondée;
La société Eugène Perma sollicite donc de voir :
- débouter M. Rivey de ses demandes; infirmer le jugement;
- condamner M. Rivey à lui verser la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamner M. Rivey aux dépens;
M. Rivey réplique :
- qu'il appartient à la société Eugène Perma de fournir tous les éléments de nature à justifier le licenciement et notamment toutes les données comparatives afin d'évaluer la réalité de l'insuffisance, ce qu'elle s'est abstenue de faire;
- que l'insuffisance de résultats doit résulter soit d'une faute du salarié, soit d'une insuffisance professionnelle;
- que les objectifs fixés doivent être réalisables ; qu'en l'espèce ils n'avaient été ni définis avec M. Rivey ni acceptés par lui ; que son successeur n'a pas plus que lui pu atteindre ces objectifs irréalistes; que son chiffre d'affaire a toujours été en hausse depuis son embauche ; que s'il n'a pas réalisé ses objectifs en juillet 2004, ses collègues n'ont pas fait mieux ; que la société Eugène Perma devrait fournir des éléments pour comparer la progression de ses résultats avec ceux de M. Rivey;
- que la société connaissait les difficultés du marché et cherchait d'ailleurs un nouvel investisseur;
- qu'il ressort des classements des représentants qu'il était bien placé; que ses objectifs n'avaient pas été contractualisés et qu'ils n'étaient pas réalistes;
- que la société se borne à indiquer que le licenciement était également fondé sur une insuffisance qualitative du salarié sans étayer cette affirmation;
- qu'il demande le paiement des commissions facturées non payées et des commandes non commissionnées qu'il a effectuées pendant son préavis et qui ne lui ont pas été payées et dont il produit le récapitulatif;
Il demande donc de voir :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse;
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 16 000 euro le montant des dommages-intérêts;
- en conséquence, condamner la société Eugène Perma à lui payer la somme de 32 000 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- condamner la société Eugène Perma à lui payer les sommes suivantes
1 288,98 euro à titre de commissions facturées non payées,
478,94 euro à titre de commandes non commissionnées,
176,79 euro au titre des congés payés correspondants,
- condamner la société Eugène Perma à lui verser la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Motifs de la décision
Sur le licenciement
La lettre de licenciement est annexée à l'arrêt.
M. Rivey prétend que les objectifs fixés par la société étaient irréalisables et qu'en outre, ses mauvais résultats devaient être imputés au contexte économique et géographique et non à son insuffisance professionnelle.
L'employeur reproche à M. Rivey son insuffisance professionnelle tant sur le plan quantitatif que qualitatif.
S'agissant de l'aspect quantitatif, il fournit plusieurs classements de représentants (pièces n° 17, 18, 19, 21 et 24) démontrant que M. Rivey était moins performant que ses collègues travaillant sur la même région et qu'il était mal classé, en fin d'année sur plan national. Son prédécesseur, Mme Descateaux sur la même région et le même secteur, dépassait son objectif de 4,62 % (pièce n° 17) ; que le salarié n'a jamais réussi à atteindre le sien. Par ailleurs, son successeur, Mme Thiberge, a atteint son objectif de plus de 12,6 % fin juin 2006 (pièce n° 27) ; son mauvais chiffre d'affaires réalisé en 2005 (pièce n 27 adverse) peut être imputé au fait qu'il s'agissait de sa première année d'emploi. Il en résulte que les objectifs fixés étaient réalisables.
S'agissant de l'aspect qualitatif, la lettre du 28 octobre 2003 de l'employeur à M. Rivey (pièce n° 7) révèle que 42 % des salons de son secteur n'avaient pas été visités depuis le début de l'année alors que l'article VI, 2° de son contrat de travail prévoyait qu'il devait visiter les points de vente de son secteur au moins 4 fois par an. Il lui avait été demandé, par courrier du 28 janvier 2004 (pièce n° 9), de réaliser certaines tâches telles que la mise à jour et la qualification du fichier clients ainsi que d'organiser ses visites et d'utiliser des outils de vente. Il se déduit de la lettre de l'employeur du 19 avril 2004 (pièce n° 10) que ces instructions n'ont pas été respectées. Par ailleurs, il ne résulte d'aucun élément que la société connaissait une situation économique difficile.
L'insuffisance de résultats de M. Rivey découle donc de son insuffisance professionnelle et son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les commissions
M. Rivey demande le paiement d'une somme de 1 288,98 euro à titre de commissions facturées non payées et de 478,94 euro à titre de commandes non commissionnées pour un total de 1 767,92 euro. Cependant, cette somme figure sur le bulletin de paie du mois de novembre 2004 et il n'est pas établi qu'elle ne lui a pas été effectivement payée. Il sera débouté de ce chef de demande.
Il réclame, par ailleurs, le paiement d'une somme de 176,79 euro à titre d'indemnité de congés payés y afférents. Il ressort cependant de son bulletin de paie de novembre 2004 ainsi que de l'attestation ASSEDIC qu'il a perçu une somme de 2 664,27 euro à titre d'indemnité de congés payés et que rien ne permet d'établir qu'il n'ait pas été rempli de ses droits par la somme qui lui a été versée. Cette demande sera donc également rejetée.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. Rivey de ses demandes relatives aux commissions; Dit que le licenciement de M. Rivey repose sur une cause réelle et sérieuse; Déboute M. Rivey de toutes ses demandes et la société Eugène Perma de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne M. Rivey aux dépens.