CA Rennes, 2e ch. com., 16 novembre 2006, n° 05-05016
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Matembal (SARL)
Défendeur :
Vannes Importation Packaging (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Guillanton
Conseillers :
Mmes Cocchiello, Jeannesson
Avoués :
SCP Guillou & Renaudin, SCP Gautier-Lhermitte
Avocats :
Me Leyer, Selafa Granger Eymin Seite Mollière
I - Exposé du litige :
La SARL Matembal exerce une activité de commercialisation d'articles d'emballages et de montage et négoce de carton ondulé.
Selon contrat de travail en date du 13 novembre 2003, la SARL Matembal a embauché Monsieur de Cloet en qualité de commercial dans le cadre d'un contrat à durée déterminée avec une période d'essai de trois mois assortie d'une clause de non-concurrence.
Le 23 février 2004, Monsieur de Cloet a quitté la SARL Matembal et en mai 2004 s'est associé au sein de la société Vannes Importation Packaging, immatriculée au RCS le 24 mai 2004, dont il est devenu le cogérant. L'activité de la société Vannes Importation Packaging est le négoce de tout matériaux et produits d'emballage.
Estimant ce comportement constitutif d'un acte de concurrence déloyale, la SARL Matembal a par acte du 17 décembre 2004, fait assigner la société Vannes Importation Packaging devant le Tribunal de commerce de Lorient.
Par jugement en date du 24 juin 2005, le Tribunal de commerce de Lorient a reçu la SARL Matembal en sa demande et l'en a débouté, reçu la société Vannes Importation Packaging en sa demande reconventionnelle et l'en a débouté, a condamné la SARL Matembal à payer à la société Vannes Importation Packaging des frais irrépétibles et l'a condamnée aux dépens.
La SARL Matembal a régulièrement interjeté appel de cette décision le 13 juillet 2005.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées le 20 septembre 2006 pour la SARL Matembal et le 28 septembre 2006 pour la société Vannes Importation Packaging.
II - Motifs :
La SARL Matembal conclut à la réformation du jugement et sollicite de :
- constater que la société Vaninpack emploie en toute connaissance de cause et malgré une mise en demeure Monsieur de Cloet pour le faire exercer une activité concurrente de la SARL Matembal,
- dire et juger qu'en procédant de la sorte la société Vaninpack se livre à un acte de concurrence déloyale envers la SARL Matembal,
- condamner la société Vaninpack à lui payer la somme de 76 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- condamner la société Vaninpack à lui payer la somme de 4 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Vaninpack demande de confirmer le jugement et de condamner la SARL Matembal à lui payer la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour troubles et tracas et procédure abusive.
La société Vaninpack conteste la validité de la clause de non-concurrence et expose que seul le Conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur cette validité, que celui-ci, saisi d'une action en référé par la SARL Matembal, a invité celle-ci à mieux se pourvoir au fond et qu'en conséquence il appartient à la SARL Matembal d'apporter la preuve de la validité de la clause.
La SARL Matembal soutient que la jurisprudence de la Cour de cassation est constante pour sanctionner la personne physique ou morale qui emploie directement ou indirectement une personne en violation d'une clause de non-concurrence. Elle cite notamment l'arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, en date du 22 février 2000, aux termes duquel toute personne qui sciemment emploie un salarié en violation d'une clause de non-concurrence, dont la licéité n'est pas contestée, commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction, sans qu'il soit besoin d'établir à son encontre l'existence de manœuvres dolosives et de similitude de clientèle, et que la connaissance que le franchiseur avait de l'existence de la clause de non-concurrence, violée par son franchisé, était de nature à engager sa responsabilité personnelle. Elle précise en page 15 de ses écritures que la seule question intéressante est celle qui consiste à s'interroger sur l'existence d'une clause de non-concurrence signée par Monsieur de Cloet dont la société Vaninpack aurait eu connaissance, que si une telle clause existe, alors la société Vaninpack commet une faute en acceptant les services de Monsieur de Cloet pour une activité similaire à la sienne, et que s'agissant de la compétence exclusive du Conseil de prud'hommes pour valider ou non la clause de non-concurrence, la société Vaninpack qui a la charge de la preuve sur ce point ne démontre pas l'absence de valeur de ladite clause.
Il appartient à la SARL Matembal qui exerce une action en concurrence déloyale à l'encontre de la société Vaninpack de rapporter la preuve d'une faute délictuelle de cette dernière, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.
Il n'est pas contesté que Monsieur de Cloet n'est pas salarié de la société Vaninpack mais son cogérant. Néanmoins, une faute délictuelle est susceptible d'être reprochée à la société Vaninpack dès lors qu'elle avait connaissance de la clause de non-concurrence violée par celui-ci. En revanche, il est constant que, sur assignation de la SARL Matembal en date du 10 janvier 2005, Monsieur de Cloet a contesté devant le Conseil de prud'hommes statuant en référé la clause de non-concurrence et que le Conseil, par ordonnance en date du 6 avril 2005, a renvoyé la SARL Matembal à mieux se pourvoir au fond au motif d'une contestation sérieuse. La SARL Matembal n'a pas interjeté appel de cette décision et n'a pas poursuivi son action au fond, laissant ainsi en suspend la contestation de la validité de la clause de non-concurrence par Monsieur de Cloet. Il n'est ainsi pas établi que la clause de non-concurrence sur la violation de laquelle la SARL Matembal fonde son action en concurrence déloyale soit juridiquement valable et dans ces conditions la preuve de la faute délictuelle de la société Vaninpack n'est pas rapportée, étant observé qu'il n'appartient pas à la présente cour de statuer sur la validité d'une clause insérée dans un contrat de travail.
La SARL Matembal doit en conséquence être déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé.
Il n'est pas démontré que la société Vaninpack ait usé abusivement de son droit d'ester en justice et d'interjeter appel. La société Vaninpack sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Vaninpack les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour faire valoir ses droits. La SARL Matembal sera condamnée à lui payer la somme de 1 800 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle sera également condamnée aux dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne la SARL Matembal à payer à la société Vaninpack la somme de 1 800 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute la société Vaninpack de sa demande de dommages et intérêts, Condamne la SARL Matembal aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.