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Décisions

CJCE, 1re ch., 5 juin 2008, n° C-170/07

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République de Pologne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Jann

Avocat général :

Mme Sharpston

Juges :

MM. Tizzano, Ilešic, Levits, Kasel

CJCE n° C-170/07

5 juin 2008

LA COUR (première chambre),

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en imposant, pour les véhicules d'occasion importés sur son territoire, un premier contrôle technique avant leur première immatriculation sur son territoire (ci-après "le contrôle technique litigieux"), alors que les véhicules nationaux présentant les mêmes caractéristiques ne sont pas soumis à pareille exigence, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent au titre de l'article 28 CE.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 L'article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 96-96-CE du Conseil, du 20 décembre 1996, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au contrôle technique des véhicules à moteur et de leurs remorques (JO 1997, L 46, p. 1), dispose:

"1. Les États membres prennent les mesures qu'ils estiment nécessaires pour qu'il puisse être prouvé que le véhicule a passé avec succès un contrôle technique respectant au moins les dispositions de la présente directive.

Ces mesures sont communiquées aux autres États membres et à la Commission.

2. Chaque État membre reconnaît la preuve délivrée dans un autre État membre et établissant qu'un véhicule à moteur immatriculé sur le territoire de ce dernier, ainsi que sa remorque ou semi-remorque, ont passé avec succès un contrôle technique respectant au moins les dispositions de la présente directive, au même titre que s'il avait lui-même délivré cette preuve."

3 L'article 5 de la directive 96-96 prévoit:

"Nonobstant les dispositions des annexes I et II, les États membres peuvent:

- avancer la date du premier contrôle technique obligatoire et, le cas échéant, soumettre le véhicule à un contrôle préalable à son immatriculation,

[...]

- augmenter le nombre des points à contrôler,

[...]

- prescrire des contrôles spéciaux additionnels,

[...]"

4 L'article 4 de la directive 1999-37-CE du Conseil, du 29 avril 1999, relative aux documents d'immatriculation des véhicules (JO L 138, p. 57), est libellé comme suit:

"Aux fins de la présente directive, le certificat d'immatriculation délivré par un État membre est reconnu par les autres États membres en vue de l'identification du véhicule en circulation internationale ou en vue de sa nouvelle immatriculation dans un autre État membre."

La réglementation polonaise

5 Selon l'article 73, paragraphe 1, de la loi sur le droit de la circulation routière (Prawo o ruchu drogowym), du 20 juin 1997 (Dz. U. de 2005, n° 108, position 908), le staroste, organe chargé entre autre de l'immatriculation de véhicules, territorialement compétent eu égard au domicile du propriétaire d'un véhicule, procède, à la demande de celui-ci, à l'immatriculation de ce véhicule, en délivrant le certificat d'immatriculation et la plaque minéralogique ainsi que la vignette de contrôle si celle-ci est obligatoire. En vertu de l'article 72, paragraphe 1, point 4, de la même loi, le staroste procède à cette immatriculation notamment sur la base du certificat confirmant le résultat positif du contrôle technique dudit véhicule si ce contrôle est obligatoire.

6 L'article 81 de ladite loi dispose:

"1. Le propriétaire d'un véhicule automobile [...] est tenu de le présenter au contrôle technique.

2. Le premier contrôle technique a lieu avant la première immatriculation. Ne sont pas soumis à ce contrôle les véhicules neufs dont le type a bénéficié d'un certificat d'homologation ou d'une décision le dispensant de l'obligation d'homologation, à l'exception des taxis, des véhicules prioritaires ou des véhicules adaptés ou équipés conformément aux dispositions relatives au transport par la route de marchandises dangereuses."

7 Le paragraphe 2 du règlement du ministre des Infrastructures relatif à l'ampleur et aux méthodes de réalisation des contrôles techniques des véhicules ainsi qu'aux types de documents applicables à ces contrôles (Rozporzadzenie Ministra Infrastruktury w sprawie zakresu i sposobu przeprowadzania badan technicznych pojazdów oraz wzorów dokumentów stosowanych przy tych badaniach), du 16 décembre 2003 (Dz. U. n° 227, position 2250), tel que modifié par le règlement du ministre des Infrastructures du 9 novembre 2004 (Dz. U. n° 249, position 2499), distingue les catégories de contrôle technique suivantes:

"2.1. Les contrôles techniques se répartissent en:

1) contrôles périodiques;

2) premiers contrôles portant sur:

a) les véhicules adaptés ou équipés conformément aux dispositions relatives au transport routier de marchandises dangereuses,

b) les taxis,

c) les véhicules prioritaires,

d) les véhicules immatriculés pour la première fois à l'étranger (avant l'immatriculation nationale),

e) le véhicule neuf fabriqué ou importé en un exemplaire unique par an,

[...]

4) contrôles complémentaires des véhicules envoyés au contrôle technique par le staroste aux fins d'en déterminer les données indispensables à leur immatriculation;

[...]

11) contrôles complémentaires des véhicules importés de l'étranger montrant des traces de détérioration ou dont l'état technique révèle une atteinte aux éléments porteurs de la structure du véhicule, et susceptibles de constituer un risque pour la sécurité routière;

[...]"

8 Le paragraphe 3 dudit règlement, tel que modifié, précise les points de contrôle sur lesquels portent, respectivement, le contrôle technique périodique et le contrôle technique litigieux dans les termes suivants:

"3.1. Le contrôle technique comprend:

1) dans le cadre du contrôle périodique, la vérification et l'évaluation:

a) de la régularité du fonctionnement, respectivement, des ensembles et des systèmes du véhicule, notamment du point de vue de la sécurité de la circulation et de la protection de l'environnement,

b) du respect des conditions spécifiques applicables à certains véhicules définis par la loi et par le règlement sur les conditions techniques;

[...]

5) dans le cadre du premier contrôle du véhicule, visé au paragraphe 2, premier alinéa, point 2, sous d) et e):

a) les éléments visés au point 1,

b) les éléments visés par le contrôle spécial, figurant au point 13 de l'annexe 1 du règlement,

c) l'établissement du document d'identification;

[...]"

9 Les taxes afférentes aux différents contrôles sont fixées par le règlement du ministre des Infrastructures concernant le montant des taxes liées à la gestion des points de contrôle des véhicules ainsi qu'à la réalisation des contrôles techniques des véhicules (Rozporzadzenie Ministra Infrastruktury w sprawie wysokosci oplat zwiazanych z prowadzeniem stacji kontroli pojazdów oraz przeprowadzeniem badan technicznych pojazdów), du 29 avril 2004 (Dz. U. n° 223, position 2261). Ces taxes diffèrent selon la catégorie du véhicule concerné, l'ampleur du contrôle et les circonstances dans lesquelles celui-ci est effectué. S'agissant du contrôle technique litigieux, la taxe due varie de 92 PLN à 297 PLN (selon la Commission, de 116 PLN à 297 PLN). En revanche, s'agissant du contrôle technique périodique, la taxe due varie de 62 PLN à 177 PLN.

10 Par ailleurs, d'après des données fournies par la Commission, la taxe due pour un contrôle technique complémentaire ordonné par l'organe du contrôle de la circulation routière en cas de présomption fondée de risque pour la sécurité routière ou de violation des exigences relatives à la protection de l'environnement est de 20 PLN (en cas de défauts techniques déterminés ou de vérification de conditions techniques), de 94 PLN (après accident) ou de 51 PLN (en cas de données techniques non conformes à la réalité).

La procédure précontentieuse

11 Considérant que la législation polonaise en matière d'immatriculation de véhicules d'occasion importés, en ce qui concerne les conditions d'obtention de la carte du véhicule impliquant le paiement d'une taxe d'immatriculation élevée, le contrôle technique litigieux ainsi que l'exigence relative à l'obtention d'une attestation d'exemption de la taxe sur la valeur ajoutée, n'était pas conforme à l'article 28 CE, la Commission a, le 13 juillet 2005, engagé une procédure en manquement en mettant la République de Pologne en demeure de présenter ses observations.

12 La République de Pologne a répondu à cette mise en demeure le 13 septembre 2005.

13 Eu égard aux modifications apportées à ladite législation par suite d'un arrêt du Trybunal Konstytucyjny (Tribunal constitutionnel) du 17 janvier 2006, la Commission a abandonné les griefs concernant la carte du véhicule et le montant estimé excessif de la taxe d'immatriculation. En revanche, elle a maintenu le grief relatif au contrôle technique litigieux.

14 Le 4 juillet 2006, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle soutenait que la législation relative au contrôle technique litigieux est incompatible avec l'article 28 CE et invitait la République de Pologne à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

15 Par courrier du 4 septembre 2006, la République de Pologne a fait valoir que le contrôle technique litigieux n'est pas de nature à gêner les importations de véhicules d'occasion.

16 Considérant que la situation demeurait insatisfaisante, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

Sur le recours

Argumentation des parties

17 La Commission estime que la législation polonaise en matière d'immatriculation de véhicules d'occasion impose des conditions beaucoup plus rigoureuses pour l'immatriculation des véhicules d'occasion importés que pour celle des véhicules nationaux présentant les mêmes caractéristiques, en particulier concernant la nécessité de soumettre un véhicule d'occasion importé au contrôle technique litigieux indépendamment des résultats de contrôles similaires subis par ce véhicule dans l'État membre d'origine, alors que les véhicules nationaux ne sont pas soumis audit contrôle, mais seulement au contrôle périodique. Or, la situation serait identique pour les véhicules de ces deux catégories.

18 Ainsi, la Commission reproche à la République de Pologne de ne pas prévoir la possibilité d'une reconnaissance des contrôles techniques périodiques effectués dans d'autres États membres.

19 À cet égard, la Commission estime que l'indication, dans les documents d'immatriculation délivrés dans l'État membre d'origine d'un véhicule d'occasion importé, de la radiation dudit véhicule du registre national en vue de son exportation n'annule pas les contrôles techniques effectués et les autres attestations relatives à l'état technique dudit véhicule délivrées dans cet État membre.

20 Selon la Commission, si une législation imposant le contrôle technique litigieux aux véhicules importés ainsi qu'aux véhicules nationaux présentant les mêmes caractéristiques pourrait se justifier par des exigences impératives ou des raisons d'intérêt général telles que la sécurité routière, la protection de la santé et de la vie des personnes ou la protection de l'environnement, en revanche, au vu de la législation polonaise en la matière, tel ne serait pas le cas des dispositions litigieuses. En effet, lesdites dispositions ne seraient ni nécessaires ni proportionnées à ces objectifs.

21 À cet égard, la Commission souligne, d'une part, que des objectifs liés à la protection de la santé et de la vie des personnes ainsi qu'à la sécurité routière peuvent être atteints par des mesures moins restrictives. En particulier, par référence à l'arrêt du 15 mars 2007, Commission/Finlande (C-54-05, Rec. p. I-2473, point 42), les caractéristiques techniques des véhicules d'occasion immatriculés pour la première fois à l'étranger pourraient être déterminées sur la base des documents d'immatriculation déjà existants.

22 D'autre part, la Commission soutient qu'un système tel que celui des contrôles techniques complémentaires prévus pour les véhicules nationaux a précisément pour but de garantir la sécurité routière et le respect de l'environnement. Appliqué aux véhicules d'occasion importés d'autres États membres, un tel système serait mieux proportionné à ces objectifs que le contrôle technique litigieux.

23 La Commission est en outre d'avis que, pour assurer le caractère proportionné des mesures en question, il suffit de procéder à un examen rapide et simple de l'état des véhicules d'occasion importés avant d'autoriser la mise en circulation de ceux-ci, examen dont l'ampleur correspondrait au contrôle technique périodique. Un tel examen pourrait ensuite être complété, en cas de besoin ou de doutes, par des contrôles techniques complémentaires.

24 De surcroît, la Commission indique que le prix du contrôle technique litigieux est presque deux fois plus élevé, et dans certains cas plus de deux fois plus élevé, que celui des contrôles techniques périodiques et que ce prix n'est pas justifié pour déterminer le type, le sous-type, la destination ou la catégorie des véhicules d'occasion importés, pour identifier ces véhicules ou pour lutter contre la criminalité consistant dans la mise en circulation irrégulière de véhicules, autre objectif invoqué par la République de Pologne.

25 D'après la Commission, la législation en cause constitue une restriction au sens de l'article 28 CE, sans que le nombre considérable de véhicules d'occasion importés en Pologne soit, en tant que tel, de nature à exclure une violation de cette disposition.

26 La République de Pologne met en avant le fait que les dispositions communautaires en matière de circulation et de sécurité routière permettent aux États membres d'élargir l'obligation et la portée du contrôle technique des véhicules. En ce sens, la législation relative au contrôle technique litigieux, visant à protéger la vie et la santé de la population ainsi que l'environnement et contribuant également à empêcher la mise en circulation irrégulière de véhicules, résulterait de l'exercice de cette faculté.

27 Cet État membre précise que, compte tenu d'une harmonisation incomplète en ce qui concerne les contrôles techniques des véhicules dans la Communauté européenne, il ne peut pas être considéré que les véhicules utilisés dans un autre État membre se trouvent dans une situation identique à celle des véhicules qui ont été soumis au contrôle technique périodique en Pologne. Des différences subsisteraient quant aux contrôles techniques effectués dans les divers États membres et aux documents émis à cette occasion, surtout en ce qui concerne les véhicules immatriculés avant le 1er juin 2004, date ultime pour la transposition de la directive 1999-37. Par conséquent, une discrimination arbitraire dans le commerce entre les États membres ne saurait résulter du contrôle technique litigieux.

28 Ledit État membre souligne également que, en vertu de l'article 30 CE, certaines restrictions à la libre circulation des marchandises sont autorisées lorsqu'elles sont justifiées par des raisons d'ordre public.

29 S'agissant de l'application du principe de reconnaissance réciproque inscrit dans la directive 96-96 et du principe de confiance réciproque sur lequel celle-ci repose, et de l'argument qu'en tire la Commission selon lequel, dès qu'un véhicule a été autorisé à circuler dans un autre État membre, il doit également être autorisé à circuler sur le territoire de la République de Pologne, celle-ci souligne qu'il faut distinguer la validité des contrôles techniques périodiques, qu'elle reconnaît, de l'autorisation de première mise en circulation en Pologne. La République de Pologne soutient également que la conception défendue par la Commission quant à l'application desdits principes impliquerait la reconnaissance non seulement du contrôle technique périodique effectué dans un État membre aux fins de la première immatriculation du véhicule concerné dans un autre État membre, mais aussi des contrôles techniques périodiques effectués dans un État membre différent de celui dans lequel le véhicule concerné est immatriculé. Or, les dispositions du droit communautaire en vigueur ne se prêteraient pas à une application aussi large.

30 Cet État membre fait encore valoir que la vérification du respect des conditions techniques nationales en ce qui concerne un véhicule d'occasion importé avant la première mise en circulation de celui-ci sur son territoire serait autorisée par la directive 96-96 du fait que les prescriptions en matière de contrôle technique pour les véhicules autorisés à circuler sur ledit territoire sont plus nombreuses que celles résultant des critères minimaux fixés dans cette directive. Par ailleurs, imposer la reconnaissance automatique de contrôles techniques périodiques effectués dans les autres États membres aux fins de cette première mise en circulation, outre les conséquences qu'elle impliquerait en matière de sécurité routière, aboutirait à une situation d'incertitude juridique concernant les échéances prescrites pour effectuer les contrôles techniques périodiques ultérieurs.

31 Dans ces circonstances, le contrôle technique litigieux est nécessaire, selon la République de Pologne, afin de vérifier l'identification et l'état des véhicules d'occasion importés, plus particulièrement les conditions techniques et les équipements obligatoires de ceux-ci au moment de leur immatriculation. Pour cette raison, le contrôle technique litigieux serait plus approfondi et plus spécifique que celui auquel sont soumis les véhicules dont l'état est certifié par des documents délivrés en Pologne. Le contrôle technique litigieux serait ainsi une mesure proportionnée aux objectifs qu'elle poursuit.

32 En ce qui concerne l'opinion de la Commission selon laquelle il suffirait d'appliquer un système de contrôles complémentaires aux véhicules d'occasion importés, la République de Pologne souligne que le contrôle technique litigieux vise à déterminer l'état du véhicule de manière rapide et directe. Or, la décision du staroste d'ordonner un contrôle technique complémentaire se fonderait sur la présomption justifiée que le véhicule en question fait courir un risque à la sécurité routière, viole les exigences de protection de l'environnement ou a été impliqué dans un accident de la route dans lequel ont été endommagés les éléments porteurs essentiels de la carrosserie ou du châssis lorsque le coût de la réparation ne dépasse pas 2 000 PLN, soit 500 euro (l'obligation de passer le contrôle technique complémentaire étant automatique dans le cas contraire). Par ailleurs, rien n'empêcherait que, après le contrôle technique litigieux ou le contrôle technique périodique, ledit véhicule fasse l'objet d'un contrôle complémentaire au cas où, par exemple, son état ferait supposer qu'il ne répond pas aux règles en matière de sécurité routière.

33 En outre, cet État membre soutient que la procédure d'immatriculation des véhicules d'occasion préalablement immatriculés à l'étranger telle qu'elle existe à présent en Pologne est beaucoup plus simple, plus rapide et moins coûteuse qu'une procédure administrative visant à vérifier la documentation technique délivrée dans un autre État membre. Une telle procédure impliquerait en effet la traduction des documents concernés ainsi que la vérification de l'objet et de l'ampleur des contrôles techniques réalisés à l'étranger. À cet égard encore, le contrôle technique litigieux serait non seulement entièrement justifié, mais également proportionné à l'objectif qu'il poursuit. Ainsi, dès lors qu'elles constitueraient la solution la plus avantageuse en ce qui concerne les véhicules concernés, les dispositions polonaises en question seraient conformes aux lignes directrices énoncées à propos des procédures administratives nationales par la Cour dans l'arrêt du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C-390-99, Rec. p. I-607, point 43).

34 Ledit État membre ajoute qu'il ne peut raisonnablement être admis que lesdites dispositions constituent une barrière au commerce entre États membres, dans la mesure où, après une période d'application de trois ans, il n'y a aucune preuve empirique de leur action restrictive.

Appréciation de la Cour

35 La conformité au droit communautaire du contrôle technique litigieux, imposé à l'occasion de l'immatriculation, en Pologne, d'un véhicule d'occasion précédemment immatriculé dans un autre État membre, doit d'abord être examinée à la lumière des obligations des États membres découlant de la directive 96-96 avant de l'être au regard de l'article 28 CE.

36 S'agissant, à titre liminaire, de la directive 96-96, les objectifs de celle-ci, énoncés à son trente-troisième considérant, sont de parvenir à une harmonisation de la réglementation en matière de contrôle technique, d'empêcher toute distorsion de concurrence entre les transporteurs ainsi que de garantir que les véhicules soient correctement contrôlés et entretenus.

37 Si l'article 3, paragraphe 1, de la directive 96-96 laisse une marge d'appréciation aux États membres quant à la preuve du passage avec succès d'un véhicule à un contrôle technique satisfaisant aux exigences de cette directive, le paragraphe 2 de cet article exige, cependant, que ceux-ci reconnaissent cette preuve telle que délivrée dans un autre État membre. Néanmoins, l'article 5 de ladite directive énonce les tests et les conditions supplémentaires qu'un État membre peut imposer en plus de ceux prescrits aux annexes I et II de la même directive, pour autant que ces tests ne soient pas déjà couverts par ladite preuve (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2007, Commission/Pays-Bas, C-297-05, Rec. p. I-7467, point 68).

38 Par ailleurs, il convient de souligner que, selon la jurisprudence de la Cour, les caractéristiques techniques des véhicules d'occasion précédemment immatriculés dans d'autres États membres peuvent être déterminées sur la base des documents d'immatriculation déjà existants (voir, en ce sens, arrêt Commission/Finlande, précité, point 42).

39 Ainsi, même s'il peut y avoir des différences en ce qui concerne le contrôle technique effectué à l'occasion de l'immatriculation des véhicules dans les différents États membres ainsi qu'en ce qui concerne les documents émis à la suite d'un tel contrôle en tant que preuve que les véhicules ont passé celui-ci avec succès, un État membre ne peut pas contourner l'obligation de reconnaissance réciproque desdits documents découlant de la directive 96-96 en méconnaissant totalement les contrôles techniques déjà effectués dans d'autres États membres et les attestations relatives à l'état technique des véhicules d'occasion importés qui y ont été délivrées.

40 En l'espèce, il est constant que les dispositions polonaises en cause ne prévoient pas la possibilité d'une reconnaissance, en Pologne, des contrôles techniques périodiques auxquels les véhicules d'occasion importés ont été soumis dans d'autres États membres ou des périodes initiales libres de contrôle dont bénéficient lesdits véhicules en tant que véhicules neufs dans ces autres États membres, ce qui résulte automatiquement de l'obligation de soumettre ces véhicules au contrôle technique litigieux avant leur immatriculation en Pologne.

41 Par conséquent, ce contrôle ne saurait être validé sur le fondement de la directive 96-96, puisque, contrairement à ce qui est énoncé à l'article 3, paragraphe 2, de celle-ci, il n'intègre pas le principe de reconnaissance des documents émis par les autres États membres attestant qu'un contrôle technique a été passé avec succès (voir, par analogie, arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 70).

42 Il convient, dès lors, d'apprécier la conformité du contrôle technique litigieux au regard de l'article 28 CE, en vérifiant si l'obligation de soumettre les véhicules d'occasion précédemment immatriculés dans d'autres États membres à un contrôle technique préalablement à leur immatriculation en Pologne constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation, interdite par cette disposition.

43 Selon la jurisprudence de la Cour, l'interdiction de telles mesures édictée à l'article 28 CE vise toute réglementation des États membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (voir en ce sens, notamment, arrêts du 16 novembre 2000, Commission/Belgique, C-217-99, Rec. p. I-10251, point 16; du 26 octobre 2006, Commission/Grèce, C-65-05, Rec. p. I-10341, point 27, et Commission/Finlande, précité, point 30). Ainsi, le seul fait d'être dissuadé d'introduire ou de commercialiser les produits en question dans l'État membre concerné constitue, pour l'importateur, une entrave à la libre circulation des marchandises (voir, en ce sens, arrêts Commission/Belgique, précité, point 18, et du 7 juin 2007, Commission/Belgique, C-254-05, Rec. p. I-4269, point 30).

44 Or, le contrôle technique litigieux est imposé, de manière générale et systématique, pour tous les véhicules précédemment immatriculés dans d'autres États membres, et cela sans tenir aucunement compte d'éventuels contrôles déjà effectués dans ces derniers. Dès lors, ce contrôle, en ce qu'il s'ajoute aux contrôles techniques effectués dans d'autres États membres sans reconnaissance du résultat de ceux-ci, peut dissuader certains intéressés d'importer en Pologne des véhicules d'occasion précédemment immatriculés dans d'autres États membres (voir, par analogie, arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 73).

45 Un tel contrôle constitue, partant, une restriction à la libre circulation des marchandises, interdite par l'article 28 CE.

46 Toutefois, il ressort d'une jurisprudence constante qu'une réglementation nationale qui constitue une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives peut être justifiée par l'une des raisons d'intérêt général énumérées à l'article 30 CE ou par des exigences impératives. Dans l'un et l'autre cas, la disposition nationale doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint (voir, notamment, arrêts précités Commission/Finlande, point 38 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Pays-Bas, point 75 et jurisprudence citée).

47 À cet égard, il appartient à l'État membre concerné de démontrer, d'une part, que la réglementation en cause est nécessaire pour réaliser un ou plusieurs objectifs mentionnés à l'article 30 CE ou des exigences impératives et, d'autre part, que ladite réglementation est conforme au principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Finlande, point 39, et Commission/Pays-Bas, point 76 et jurisprudence citée).

48 À cette fin, la République de Pologne soutient que le contrôle technique litigieux vise à vérifier les conditions techniques et les équipements obligatoires d'un véhicule d'occasion importé ainsi qu'à constater qu'un tel véhicule se trouve dans un état technique satisfaisant au moment de son immatriculation en Pologne, et que ce contrôle serait ainsi, en tenant compte également de son prix, une mesure proportionnée aux objectifs poursuivis, à savoir garantir la sécurité routière, protéger l'environnement et lutter contre la mise en circulation irrégulière de véhicules.

49 Il est constant que la sécurité routière, la protection de l'environnement ainsi que la lutte contre la criminalité constituent des raisons impérieuses d'intérêt général susceptibles de justifier une entrave à la libre circulation des marchandises (voir, en ce sens, arrêts Commission/Pays-Bas, précité, point 77, et du 10 avril 2008, Commission/Portugal, C-265-06, non encore publié au Recueil, point 38).

50 S'agissant plus particulièrement de la proportionnalité du contrôle technique litigieux au regard de ces objectifs, la République de Pologne justifie celle-ci par la nature des vérifications techniques imposées pour les véhicules d'occasion importés. En vue de démontrer le caractère simple et proportionné du contrôle technique litigieux, cet État membre compare ledit contrôle tant avec le contrôle combiné proposé par la Commission, consistant dans le contrôle technique périodique suivi d'un contrôle technique complémentaire, qu'avec une procédure administrative de reconnaissance de documents émis dans d'autres États membres, solutions que ledit État membre présente comme plus longues et plus coûteuses que le contrôle technique litigieux.

51 Cette argumentation ne saurait être accueillie. Force est en effet de constater qu'un résultat similaire en termes de garantie de la sécurité routière, de protection de l'environnement et de lutte contre la mise en circulation irrégulière de véhicules pourrait être atteint par des mesures moins restrictives, telles que la reconnaissance de la preuve délivrée dans un autre État membre qu'un véhicule précédemment immatriculé dans celui-ci a passé avec succès un contrôle technique périodique, en combinaison avec la coopération de l'administration douanière polonaise avec ses homologues des autres États membres concernant les données éventuellement manquantes (voir, en ce sens, arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 79).

52 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que, en soumettant les véhicules d'occasion importés précédemment immatriculés dans d'autres États membres à un contrôle technique préalablement à leur immatriculation en Pologne, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 28 CE.

Sur les dépens

53 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR (première chambre), déclare et arrête:

1) En soumettant les véhicules d'occasion importés précédemment immatriculés dans d'autres États membres à un contrôle technique préalablement à leur immatriculation en Pologne, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 28 CE.

2) La République de Pologne est condamnée aux dépens.