Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 7 décembre 2006, n° 05-08595

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Decasport (SA)

Défendeur :

Tramico (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte

Conseillers :

MM. Fedou, Coupin

Avoués :

SCP Jullien Lecharny Rol, Fertier, SCP Bommart Minault

Avocats :

Mes Corone, de Roux

T. com. Nanterre, 7e ch., du 15 nov. 200…

15 novembre 2005

Faits, procédure et moyens des parties

La société Tramico, qui fabrique des tatamis et des protections de sol et murales pour les salles de sports, a confié, selon contrat en date du 11 mars 1986, l'exclusivité de la distribution de ses productions à la société Decasport, qui s'est engagée à une collaboration exclusive, pour une durée de deux ans renouvelable par tacite reconduction et pour la dernière fois, sur la période 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004.

Des difficultés relatives à la qualité de certaines fabrications sont survenues en 1995 et 1996 puis, de nouveau, en 2000.

Le 7 juin 2004, la société Tramico dénonçait le contrat pour son échéance du 31 décembre suivant et, le 16 juin 2004, refusait de satisfaire une commande de la société Decasport au motif de retards de paiement de factures que cette dernière voulait compenser avec ses propres facturations d'interventions en clientèle.

Le 1er décembre 2004 la société Tramico assignait la société Decasport devant le Tribunal de commerce de Nanterre en lui réclamant 77 468,85 euro avec intérêts contractuels de 3,405 % et 1 000 euro pour ses frais irrépétibles.

Le 28 décembre 2004, la société Decasport assignait à son tour la société Tramico devant la même juridiction pour obtenir diverses condamnations au titre de la responsabilité contractuelle de la société Tramico, de la rupture des relations, du non-respect de la garantie, des préjudices futurs, du non-respect d'un préavis, du paiement de factures et de ses frais irrépétibles. Elle sollicitait ultérieurement et subsidiairement la désignation d'un expert.

La société Tramico ajoutait alors à sa demande diverses sommes indemnitaires pour non-exécution, rupture du contrat et perte de chances.

Par jugement rendu le 15 novembre 2005, cette juridiction, après avoir joint les affaires, a dit valable et régulière la résiliation du contrat par la société Tramico, a condamné la société Decasport à payer à cette dernière la somme de 77 468,85 euro avec intérêts conventionnels au taux de 3,405 %, sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Elle a débouté les parties de toutes leurs autres demandes et condamné la société Decasport à payer 5 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens.

La société Decasport, qui a interjeté appel de cette décision, articule à l'encontre de la société Tramico un premier grief d'avoir manqué à son obligation de fabriquer et de livrer en décidant de cesser subitement la fabrication de tapis de judo le 15 mars 2004 sans respecter le préavis contractuel d'un an stipulé à l'article 13.2 du contrat et d'avoir refusé de reprendre ses livraisons.

Elle explique que cette décision a été prise par la société Tramico qui se montrait incapable de fabriquer des produits conformes aux normes et non affectés de vices cachés.

Elle affirme que la société Tramico a violé ses obligations concernant la qualité des produits dont elle détaille les défauts et les conséquences. Elle réfute toute prescription en soulignant que sa demande ne vise pas une résolution des ventes et en expliquant qu'elle a assigné son fournisseur dans l'année de la découverte du phénomène de rétrécissement des tapis. Elle considère que l'argument de la couverture des défauts par la réception est hors sujet puisque ce n'est pas la non-conformité des produits qui est en cause mais les vices cachés qui les affectent.

Elle insiste sur l'importante proportion des tapis viciés, discute que le rétrécissement puisse être considéré comme inéluctable et se prévaut d'études menées par un organisme indépendant pour soutenir que ces produits ne respectaient pas les normes auxquelles ils étaient soumis.

Elle reproche à la société Tramico un manquement à son obligation d'assistance, en affirmant que celle-ci ne donne pas suite, depuis 2003, aux réclamations des clients, refuse de remplacer ou de rembourser les tapis défectueux repris et de rembourser son distributeur des frais de mise en place des solutions palliatives et des rachats de tapis de remplacement.

Elle explique que ce défaut d'assistance a provoqué des annulations de commandes et a porté atteinte à son image commerciale.

Elle chiffre le détail de ses préjudices consécutifs et demande en conséquence à la cour, à titre principal :

- de prononcer la résiliation (sic) judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Tramico à compter du 12 mars 2004,

- de condamner celle-ci à lui payer 100 291,78 euro de dommages et intérêts en raison de la rupture anticipée du contrat et correspondant à sa perte de marge,

- de condamner la société Tramico à lui payer, au titre de sa responsabilité contractuelle, la somme de 629 315,99 euro de dommages et intérêts se décomposant en :

* 364 283,28 euro de perte de marge sur la non-exécution de l'obligation de livrer des produits exempts de vice cachés et répondant aux normes,

* 70 000 euro pour la perte de temps et l'atteinte à son image,

* 130 032,71 euro correspondant à la perte de marge du 15 mars au 31 décembre 2004 en raison du non-respect du préavis,

* 15 000 euro au titre de la perte de marché sur les protections murales non livrées,

* 50 000 euro pour violation par la société Tramico de son engagement d'exclusivité

- de condamner la société Tramico à lui payer 60 620,69 euro en remboursement des 901 tapis défectueux dont les clients réclament le remplacement ou le remboursement et 54 558 euro correspondant à la perte subie de ce fait,

- d'ordonner à la société Tramico de procéder au remplacement des tapis atteints de vices cachés ou qui s'avéreraient défectueux dans le délai de trois ans de leur livraison, sous astreinte définitive de 10 euro par tapis et par jour de retard quinze jours après une mise en demeure,

- de juger qu'en raison de la durée des relations commerciales et de l'exclusivité imposée, la société Tramico aurait dû respecter un préavis minimum de dix-huit mois,

- de condamner la société Tramico à lui payer, de ce chef, 174 148 euro de dommages et intérêts correspondant à douze mois de marge brute,

- de condamner la société Tramico à lui payer la somme de 62 723,75 euro correspondant à ses factures avec intérêts au taux d'une fois et demi celui légal à compter du 28 juin 2004,

- de débouter la société Tramico de ses demandes en paiement de factures en raison du caractère défectueux de ses produits, d'intérêts de retard et de dommages et intérêts,

- d'ordonner la compensation entre les condamnations éventuelles réciproques,

- de condamner la société Tramico à lui rembourser la somme de 50 000 euro versée en exécution provisoire du jugement avec intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des versements,

- de condamner la société Tramico à lui payer 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- d'assortir l'ensemble des condamnations prononcées d'intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Elle sollicite à titre subsidiaire la désignation d'un expert avec mission d'examiner les tapis litigieux, de déterminer la cause des défectuosités et de fournir des éléments d'évaluation du préjudice.

La société Tramico réplique que l'action engagée le 28 décembre 2004 par la société Decasport est irrecevable en application des articles 1641 et 1648 du Code civil, les défauts touchant les tapis ayant été découverts dès les années 1996 et 1997.

Elle ajoute que la non-conformité des produits est couverte par l'acceptation de la livraison et qu'en qualité d'acheteur professionnel, la société Decasport était en mesure de refuser les produits qu'elle considérait comme viciés.

A titre subsidiaire, elle discute la prétendue défectuosité des tapis et affirme que le matériel livré était conforme dans son immense majorité.

Elle rappelle les conditions contractuelles de mise en œuvre de sa garantie et les avoirs consentis à son distributeur entre 2000 et 2004 et explique que, lorsque la société Decasport fournissait toute justification quant à la réalité des vices ou anomalies constatés, elle prenait en charge les produits défectueux.

Elle précise que la qualité parfois défectueuse d'une partie minime des tapis est due exclusivement à la fragilité et à la rétractabilité du matériau utilisé.

Elle fait, à cet égard, valoir que l'équilibre contractuel a toujours été respecté, la société Decasport acceptant que certains produits puissent s'avérer défectueux et elle-même tolérant la non-réalisation par son distributeur des quotas de ventes et de chiffres d'affaires.

Elle discute la prétendue non-conformité des tapis de judo aux normes de qualité et soutient que les protections murales qu'elle fabrique ont toujours été conformes au classement au feu.

Elle justifie sa décision d'arrêter la fabrication des tapis de judo en expliquant qu'elle trouvait sa cause dans la volonté de la société Decasport d'arrêter ses approvisionnements. Elle la qualifie au surplus de temporaire et considère que l'article 13-2 du contrat ne lui est pas opposable.

Elle expose avoir dénoncé la reconduction tacite du contrat à son échéance du 31 décembre 2004 en conformité de l'article 11, au moyen d'une lettre du 7 juin 2004.

Elle ajoute qu'en application de l'article 13-1 dudit contrat et après avoir mis vainement en demeure la société Decasport de lui régler les sommes dues au titre des factures échues, elle a pu valablement constater la résiliation du contrat à la date du 2 août 2004.

Elle observe que la société Decasport n'en a jamais fait de même en arguant de l'inexécution des obligations contractuelles du fabricant alors même qu'elle invoque la défectuosité et la prétendue non-conformité des produits.

Elle conteste avoir accordé une garantie contractuelle de trois ans concernant les défauts de qualité de ses produits et réfute point par point les prétentions de la société Decasport en s'opposant à la demande d'expertise qu'elle qualifie d'inutile.

Elle fait le grief à la société Decasport de n'avoir pas respecté son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat, et chiffre le préjudice résultant pour elle de la nécessité de le résilier, en ajoutant à sa perte de marge de 2003 et 2004 la perte de chance de réaliser des ventes en 2005 et pendant les années à venir.

Elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement sauf à faire droit à ses demandes reconventionnelles indemnitaires en condamnant la société Decasport à lui payer:

- 30 000 euro de dommages et intérêts pour non-exécution de bonne foi du contrat,

- 264 009 euro en réparation du préjudice subi résultant de la rupture du contrat,

- et 383 138 euro pour le préjudice de perte de chance.

A titre subsidiaire, elle demande qu'il soit fait sommation à la société Decasport de communiquer sa comptabilité pour les exercices 2003/2004 et 2004/2005, ses factures d'achat de tapis de judo et de protections murales depuis 2004 et toutes les indemnités prétendument versées à la clientèle.

Elle réclame en tout état de cause 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la condamnation de la société Decasport aux dépens.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 28 septembre 2006 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 24 octobre 2006.

Motifs de la décision

Sur la demande en paiement des factures de la société Tramico

Considérant que la société Tramico conclut à la confirmation du jugement qui a condamné la société Decasport à lui payer la somme de 77 468,85 euro correspondant à un solde du prix de diverses factures de ventes de marchandises, pour 65 070,35 euro majoré d'une indemnité de 15 % et d'un taux d'intérêt calculé à raison d'une fois et demie celui légal ;

Considérant qu'à l'appui de cette demande, la société Tramico produit aux débats les neuf factures litigieuses émises entre le 7 novembre 2003 et le 22 mars 2004 pour un montant total de 68 852,13 euro, dont elle déduit un règlement partiel de 1 487,91 euro, de telle sorte que le solde, selon son décompte, s'établit à 67 364,22 euro ;

Considérant que la société Decasport soutient que ces sommes ne sauraient être dues en raison des vices affectant les produits qui entraînent la résolution de la vente, et de la non-adéquation aux normes qui les rendent dangereux;

Considérant toutefois qu'elle ne produit aux débats aucun élément de nature à établir les vices ou non-conformité qu'elle allègue concernant précisément ces marchandises livrées qui, au demeurant, ne concernent pas que des tapis mais aussi des protections murales ; que les dates de ces factures ne se raccordent aucunement aux huit litiges de services après-vente nommément énumérés par la société Decasport;

Considérant qu'il ne suffit pas de se référer à diverses difficultés rencontrées sur certains des tapis livrés, sans démontrer qu'elles concernent précisément la marchandise effectivement commandée et reçue, sans réserve, pour se soustraire au paiement de leur prix ; qu'ainsi la société Decasport ne peut sérieusement s'opposer au règlement de la somme de 67 364,22 euro;

Considérant, en revanche, que le contrat de distribution signé le 11 mars 1986 et tacitement renouvelé jusqu'à sa dénonciation au 31 décembre 2004, ne comporte, relativement aux modalités de règlement, que la seule convention d'un paiement des factures par traites acceptées à 90 jours fin de mois ; qu'il ne stipule aucune clause pénale pour règlement tardif ni aucun taux d'intérêts de retard ;

Considérant, à cet égard, que la société Tramico ne peut se prévaloir, pour appliquer une majoration de 15 % et un intérêt d'une fois et demie le taux légal, des seules conditions générales de ventes figurant au verso de ses factures, faute par elle d'apporter la démonstration de leur acceptation par la société Decasport, en sus des obligations contractuelles;

Qu'il suit de là que le jugement sera confirmé dans son principe mais réformé dans son quantum et la société Decasport condamnée à payer à la société Tramico la somme de 67 364,22 euro avec intérêts calculés au taux légal à compter du 1er juillet 2004, date de la mise en demeure;

Sur les conditions d'exécution du contrat

Considérant que les sociétés Tramico et Decasport se font mutuellement le grief d'une mauvaise exécution du contrat alors pourtant que ce dernier a été exécuté depuis 1986, sans mise en demeure, de part ni d'autre, d'un quelconque manquement, avant l'année 2004 où la société Tramico a poursuivi le règlement de factures;

Considérant que cette dernière réclame une indemnisation de 30 000 euro en arguant d'un manquement de la société Decasport à son obligation contractuelle d'exclusivité constitué d'un démarchage à son préjudice de sociétés directement concurrentes ; qu'elle ne cite précisément qu'un courrier adressé par la société Decasport à une société Agglorex ; qu'elle admet pourtant que, cette dernière n'ayant pas répondu, il ne peut être reproché à la société Decasport d'avoir violé des dispositions de l'article 3 du contrat;

Considérant en effet que la démarche de la société Decasport visant à obtenir d'un autre fournisseur la connaissance des prix que celui-ci pratiquait pour "66 plaques agglos" ne saurait être érigée en une violation de l'article 5 du contrat dès lors qu'aucun acte de distribution de produits concurrents n'est avéré ou même allégué ;

Considérant au surplus que la société Tramico ne justifie aucunement de la nature et du quantum du préjudice dont elle demande la réparation ; qu'elle doit en conséquence être déboutée de ce chef de demande;

Considérant que, de son côté, la société Decasport articule à l'encontre de la société Tramico les griefs d'un manquement à ses obligations contractuelles et de la commission de fautes graves dans l'exécution du contrat ;

Considérant qu'elle invoque des défectuosités affectant les tapis de judo principalement constituées d'un phénomène de rétrécissement, au fil du temps, de leurs dimensions, secondairement de décollements, de fissures et de percements en surface des tatamis ainsi que de bulles apparaissant sous les protections murales collées ;

Considérant qu'au terme du contrat de distribution exclusive, la société Tramico s'est engagée à fabriquer les produits en respectant un niveau de qualité ; que la convention ne comporte aucune autre disposition sur la garantie contractuelle accordée par le fabricant ; que la société Tramico ne discute pas qu'elle doit garantir sa cliente de la bonne qualité de ses fabrications ; qu'elle entend cependant en limiter la durée à une année ;

Considérant toutefois qu'il résulte d'un compte-rendu, dressé par la société Tramico le 24 octobre 1997, d'une réunion tenue avec la société Decasport quelques jours auparavant que "les tapis sont garantis 3 ans pour une utilisation normale" ; que cette réalité se trouve confirmée par une télécopie adressée le 10 décembre 1998 par la société Tramico à la société Decasport et indiquant, relativement à des déclarations de service après-vente "Garantie : nous avons donné notre accord pour 3 ans" ;

Considérant que cette garantie, qui, dans son étendue, n'est limitée par aucune disposition contractuelle, couvre les défectuosités, liées au rétrécissement des tapis, dénoncées par la société Decasport et pour lesquelles elle a délivré à la société Tramico assignation par un acte du 28 décembre 2004 qui constitue sa première réclamation de ce chef;

Considérant qu'il en résulte que la société Decasport peut utilement mettre en œuvre la garantie contractuelle relativement à des défectuosités constatées sur des marchandises livrées postérieurement au 28 décembre 2001 ; qu'elle ne peut, en revanche, pour justifier ses demandes indemnitaires, invoquer les difficultés rencontrées en 1995 et 1996 ; qu'elle ne pourrait se prévaloir des "problèmes survenus à partir de l'année 2000" qu'à charge d'établir qu'ils ont été générés par des marchandises vendues après le 28 décembre 2001 ;

Considérant qu'elle ne précise pas la date de livraison des tapis sur le site de Lyon ; qu'elle indique que les difficultés apparues à Ingersheim, Marcilly, Kayserberg et Azay-le-Rideau concernent des livraisons de 1998 à 2001 ; que les dates de livraison sur les sites de Brionne, Lyon, et Lozanne ne sont pas précisées ; qu'il résulte d'une télécopie de la société Tramico en date du 13 mars 2002 que, pour ces trois réclamations, des tapis ont été remplacés ou des avoirs ont été délivrés ; que les difficultés rencontrées par la municipalité de Saint-Aignan concernant une livraison remontant à six ans et celle du client Nouansport à Orléans, datant de 1999, ne peuvent bénéficier de la garantie ;

Considérant, en revanche, que sont produits aux débats des messages électroniques et des correspondances émanant tant de la société Decasport, de la société Tramico que des clients ou des utilisateurs ; que ces pièces établissent la réalité de difficultés tenant au rétrécissement des tapis pour des salles de judo de Ribérac, Pavilly, Saint-Varent, Vendôme, Remalard, Einsisheim, Les Clayes-sous-Bois, Gannat, Neuville-sur-Saône, Seltz et Mordelles ; que, sans être contredite, la société Decasport y ajoute Contrexeville et Kembs ;

Considérant que la société Tramico a été saisie de réclamations pour ces diverses marchandises, toutes livrées postérieurement au 28 décembre 2001 ; que les constatations qu'elle a faites ou qui lui ont été dénoncées concernent, toutes, des rétrécissements dans des proportions excédant les tolérances admises par la norme NF EN 12503, en vigueur à partir de 2002 ;

Considérant que, sans discuter la défectuosité de certains de ses produits, la société Tramico soutient que l'action de la société Decasport, en tant que fondée sur les vices cachés des produits, serait prescrite comme n'ayant pas été intentée dans le bref délai imposé par l'article 1648 du Code civil ;

Considérant cependant que, comme le fait valoir la société Decasport, la forclusion de l'article 1648 du Code civil ne peut être opposée à une demande fondée sur une garantie contractuelle de trois ans ;

Considérant que la société Tramico minimise l'importance des défectuosités affectant les marchandises vendues, en soulignant la quantité des tapis qu'elle a livrés à la société Decasport ; qu'elle expose, sans être contredite, avoir vendu 6 605 tapis en 2002, 3 936 en 2003 et 520 en 2004 ;

Considérant que la société Tramico a procédé à diverses initiatives de remplacements de tapis ou de délivrance d'avoirs, tant au titre de sa garantie qu'à celui de gestes commerciaux, pour répondre à certaines de ces réclamations ; qu'elle en a discuté d'autres en déclinant sa garantie de trois ans;

Considérant que, à défaut de tout élément probant versé par la société Decasport, il ne peut être imputé à la société Tramico la responsabilité des déchirures et décollements du revêtement superficiel des tapis qui peuvent trouver leur origine aussi bien dans un défaut de fabrication que dans une mauvaise utilisation des tatamis, notamment, par leur piétinement avec des chaussures non adaptées, ou dans des conditions de manipulations ou de stockage par empilement;

Considérant que, par une lettre adressée le 13 juillet 2002 à son distributeur, la société Tramico a, pour tenter de clore le litige, proposé un accord transactionnel comportant règlement par la société Decasport des arriérés, remplacement des tapis à Contrexéville et Rémelard et règlement par elle d'une indemnité de 42 000 euro;

Considérant que les défectuosités affectant certains des tapis livrés postérieurement au 21 décembre 2001 sont ainsi démontrées ; qu'il résulte d'un état dressé par la société Decasport des litiges de service après-vente non résolus sur les huit sites de Rémalard, Gannat, Einsisheim, Contrexéville, Mordelles, Seltz, Les Clayes-sous-Bois et Kembs, que 901 tapis litigieux restaient en cause;

Considérant qu'à l'égard de ces huit litiges, la société Decasport poursuit, à la fois, le remboursement du prix total de 60 620,69 euro TTC et le paiement d'une indemnité de 54 558 euro correspondant, selon elle, au surcoût supporté pour leur remplacement;

Considérant que la demande de remboursement doit être comprise comme une prétention à dommages et intérêts ; que les défectuosités avérées sur les marchandises vendues par la société Tramico et mises en place sur les huit sites litigieux justifient qu'il soit fait droit à la demande indemnitaire de la société Decasport qui pourra être conduite à remplacer, chez ses clients, les tatamis défectueux ; que le préjudice qu'elle subit à raison de cette nécessité sera justement indemnisé par la condamnation de la société Tramico à lui payer une indemnité d'un montant égal au prix d'achat, non discuté, des marchandises, soit la somme de 60 620,69 euro;

Considérant, en revanche, que la société Decasport ne produit aucun élément et ne fournit aucune justification quant à la nature et au quantum de l'indemnité complémentaire de 54 558 euro qu'elle réclame ; qu'elle n'établit pas les prix auxquels elle aurait racheté à d'autres fournisseurs des tapis, en remplacement ; qu'elle ne précise pas les sites sur lesquels elle aurait procédé à ces substitutions et les conditions de réalisation de ces interventions ; qu'elle sera, en conséquence, déboutée de cette demande d'indemnisation d'un surcoût de remplacement;

Considérant, par ailleurs, que la société Decasport invoque aussi des défectuosités révélées sur les protections murales mais ne produit aux débats aucun élément susceptible d'en établir la réalité ; qu'elle n'a jamais formulé de protestations précises auprès de la société Tramico sur ces produits livrés postérieurement au 21 décembre 2001 et ne justifie pas de réclamations de clients l'ayant conduite à supporter, de ce chef, un quelconque préjudice ;

Sur les autres mises en cause de la responsabilité contractuelle de la société Tramico

Considérant que la société Decasport poursuit la responsabilité contractuelle de la société Tramico à laquelle elle réclame, sur le fondement des dispositions des articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil la somme de 629 315,99 euro;

Considérant que la demande indemnitaire de 364 283,28 euro TTC est premièrement formée "au titre de la perte de marge consécutive à la non-exécution de l'obligation de livrer des produits de qualité exempts de vices cachés et répondant aux normes" ;

Considérant que cette demande se superpose à celle articulée au titre des défectuosités des marchandises vendues ; que, dans le développement de ses écritures, la société Decasport la justifie par les mêmes faits et arguments que ceux venant à l'appui de sa demande de remboursement du prix des ventes;

Considérant que la société Decasport invoque la baisse de 131 908 euro et de 29 233 enregistrée dans ses chiffres d'affaires, respectivement de tapis et de protections murales, entre 2002 et 2003 sans pourtant produire aucune justification de l'exactitude de cette diminution, notamment par une attestation de son expert-comptable ou de son commissaire aux comptes ; qu'à cet égard les comptes annuels versés manquent de caractère probant puisque les ventes ne sont pas ventilées par marques de produits ; qu'ainsi les "ventes salles de judo" entre 2002 et 2003 sont en augmentation de 150 958 euro ; qu'en 2004 elles sont comptabilisées pour 590 118 euro, chiffre largement supérieur aux 365 253 euro avancés par la société Decasport ; qu'il s'en déduit que ce compte regroupe aussi des ventes de produits autres que Tramico;

Considérant que le seul document probant est celui émanant de la société Tramico qui récapitule, entre 1996 et 2004, les ventes, en volume, des tapis et protections murales ; que la baisse relevée ne présente pas l'importance alléguée par la société Decasport puisque le nombre des tapis vendus s'est élevé, en 2000 à 7 873, en 2001 à 5 802, en 2002 à 7 355 et en 2003 à 5 057 ; que les protections murales ont respectivement enregistré les ventes suivantes : 1 793, 2 106, 1 950 et 1 494 ;

Considérant ainsi que la société Decasport ne démontre pas que, comme elle le prétend, "l'effondrement des ventes provient exclusivement des vices affectant les produits Tramico" ; qu'elle ne verse aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait perdu, en 2003, des marchés en raison des défectuosités affectant les produits ; qu'au contraire, il ressort d'une correspondance adressée le 6 juin 2003 par la société Decasport à la société Tramico que la perte de certains appels d'offres résulte d'un manque de compétitivité en termes de prix; que la société Decasport écrit, en effet, "Il faudrait se mettre en position concurrentielle à savoir baisser les prix actuels d'environ 6 à 7 % et ce à effet immédiat" ; que cette correspondance ne fait aucune référence aux défectuosités des marchandises;

Considérant que la demande indemnitaire est aussi appuyée sur une faute constituée de l'interruption par la société Tramico de la fabrication des tapis, laquelle fait double emploi avec la demande indemnitaire de 100 291,78 euro formée au titre de la rupture des relations contractuelles;

Considérant que la société Decasport évoque aussi un manquement constitué du non-respect par la société Tramico des normes ; que les produits livrés référencés "tapis n° 139" avaient reçu, du laboratoire CRITT, un certificat de conformité à la nouvelle norme NF EN 12503 ; qu'en revanche, il n'en a pas été de même du modèle "Tapis 133";

Considérant toutefois que, comme le soutient la société Tramico, l'éventuelle non-conformité des produits est couverte par l'acceptation de la livraison par l'acheteur ; qu'en sa qualité de professionnel, la société Decasport était en mesure de vérifier les estampilles normatives ; qu'elle n'a émis aucune protestation à cet égard avant les réclamations de son fournisseur en paiement des factures, en 2004 ;

Considérant, de surcroît, que la société Tramico s'était engagée, par le contrat de 1986, "à faire son possible pour obtenir la mise en conformité avec les normes requises des produits du contrat qui y sont soumis" ; que cette obligation n'était que de moyens;

Considérant ainsi que la société Decasport n'apporte pas la démonstration d'un manquement de la société Tramico à ses obligations contractuelles de ce chef ; qu'elle ne justifie pas davantage de la nature et le quantum du préjudice qu'elle invoque;

Considérant qu'il ne convient pas de confondre, comme la société Decasport, l'homologation des produits aux normes qui pouvaient se vérifier par un contrôle externe à la livraison et qui s'est trouvée dès lors couverte par l'acceptation des marchandises, avec la non-correspondance du comportement des tapis aux normes obtenues, laquelle participe de la défectuosité, par ailleurs indemnisée ;

Considérant ainsi que la société Decasport doit être déboutée de sa demande indemnitaire de 364 283,28 euro pour sa perte de marge consécutive à la prétendue non-exécution de l'obligation de livrer des produits de qualités et conformes aux normes;

Considérant que la société Decasport réclame, deuxièmement, 70 000 euro au titre de la perte de temps et de l'atteinte à son image résultant de la non-assistance dans le cadre des problèmes techniques soulevés par la clientèle;

Considérant qu'aux termes du contrat de distribution exclusive, la société Tramico s'était engagée à apporter à la société Decasport l'assistance nécessaire pour régler les problèmes techniques qui pourraient être soulevés par la clientèle ; qu'elle justifie de s'être acquittée de cette obligation par ses interventions sur place, lorsque des réclamations lui étaient transmises, par le remplacement des marchandises lorsque leur caractère défectueux était avéré ou par la délivrance d'avoirs ;

Considérant que le respect par la société Tramico de son obligation contractuelle est confirmé par la circonstance, que, lors de la rupture, seuls huit sites restaient en litiges en raison, non pas des manquements de la société Tramico, mais de la situation de blocage qui s'était instaurée entre les parties par suite de leur désaccord sur l'exigibilité de leurs factures réciproques ;

Considérant qu'aucun élément probant n'est produit aux débats pour démontrer la réalité d'une atteinte de la société Decasport à son image auprès de la clientèle ; qu'à cet égard, la société Decasport ne communique pas le montant de ses chiffres d'affaires pour les années qui ont suivi la rupture du contrat ; que la société Tramico affirme, sans être contredite, que la société Decasport a conclu, en 2004, deux marchés avec la mairie de Paris relatifs à la fourniture de matériels sportifs pour un montant total de 627 935,62 euro;

Considérant, de surcroît, que la société Decasport chiffre respectivement à 20 000 et 50 000 euro d'une part le coût du temps passé par son dirigeant et ses salariés pour résoudre les problèmes techniques et rassurer la clientèle et, d'autre part, la dégradation de son image commerciale ; qu'elle ne produit, à l'appui de ces évaluations, aucun élément et n'explique pas comment elle a déterminé ce préjudice prétendu ;

Considérant que la société Decasport réclame, troisièmement, la somme de 130 032,71 euro au titre de la perte de marge subie du 15 mars au 31 décembre 2004 en raison du non-respect du délai de préavis d'un an prévu en cas d'arrêt de la fabrication des tapis de judo ; que cette demande sera examinée avec les demandes indemnitaires résultant de la rupture du contrat;

Considérant que la société Decasport sollicite, quatrièmement 15 000 euro pour la perte de marché résultant du refus de livraison des protections murales ; que, le 16 juin 2004, la société Tramico confirmait à la société Decasport son refus d'enregistrer les commandes de produits de ce type au motif qu'elle n'avait pas reçu le règlement d'une somme de 14 580,44 euro TTC correspondant aux protections murales réalisées en 2003 ; que, dans sa lettre recommandée du 23 juin 2004, en réponse, la société Decasport protestait auprès de la société Tramico de ce blocage sans pourtant discuter de l'arriéré réclamé ;

Considérant que la société Decasport qui n'avait pas respecté ses engagements contractuels d'un règlement des factures par traite à 90 jours ne peut dès lors articuler à l'encontre de la société Tramico le grief d'avoir refusé de lui livrer des protections murales complémentaires alors que demeuraient impayées des factures antérieures relatives à la livraison de marchandises pour lesquelles la société Decasport n'invoque ni ne démontre une quelconque révélation d'une défectuosité;

Que la société Decasport sera, en conséquence, déboutée de sa demande indemnitaire de 15 000 euro au titre de sa perte de marché en raison de la non-livraison des protections murales;

Considérant que la société Decasport réclame, cinquièmement, une somme de 50 000 euro en raison de la violation par la société Tramico de son engagement d'exclusivité;

Considérant que, dans le contrat de distribution, la société Tramico s'était engagée à ne pas avoir, pour les produits du contrats, d'autre distributeur que la société Decasport ; qu'il est avéré, par la télécopie versée aux débats, que le 20 juin 2003, la société Tramico a, en réponse à une demande, adressé à la Communauté de commune Vievre Lieuvin, une proposition de prix pour 70 tapis;

Considérant toutefois que cette démarche, qui est la seule alléguée, ne saurait être qualifiée de violation de l'exclusivité contractuelle dès lors qu'elle s'adressait directement à un utilisateur et non pas à un autre distributeur et que, de plus, la société Tramico a communiqué, le jour même, par télécopie ainsi qu'en font foi les mentions y figurant, le double de cette correspondance à la société Decasport en ajoutant, de manière manuscrite "a l'attention de M. Sandor" ;

Que la société Decasport sera en conséquence déboutée de sa demande indemnitaire de 50 000 euro pour la violation prétendue de l'exclusivité contractuelle;

Sur la rupture du contrat

Considérant que le 22 mars 2004, la société Tramico a adressé à la société Decasport une télécopie ainsi libellée : "Nous prenons acte de votre décision d'arrêter vos approvisionnements de tapis de judo auprès de Tramico, pour une durée d'un mois à partir du 15 mars, date de votre entretien téléphonique avec M. Fournas à ce sujet. Dans cette période, nous vous dégageons de votre obligation de distribution exclusive des tapis de judo Tramico. Les protections murales ne sont pas concernées et nous continuerons de vous fournir. Tramico s'engage à vous répondre le 15 avril 2004 sur les possibilités de vous fournir, dans les plus brefs délais des tapis répondant à vos exigences en termes de stabilité dimensionnelle";

Considérant que, dans une lettre recommandée du 23 juin 2004, la société Decasport a contesté être à l'origine d'un arrêt de ses approvisionnements, affirmant au contraire que c'était la société Tramico qui avait unilatéralement pris la décision de cesser la fabrication des tapis de judo;

Considérant que cette version des faits se trouve corroborée par les termes de la réponse de la société Tramico du 1er juillet 2004 qui a écrit "Quant aux soucis de fabrication que nous avons depuis le fin 2003, nous vous en avons tenus régulièrement informée et vous avons délivré de votre obligation d'exclusivité lorsqu'il est apparu préférable que nous cessions la fabrication temporairement";

Considérant que, postérieurement au 15 avril 2004, la société Tramico n'a formulé aucune proposition de reprise de fabrication de tapis ; que son directeur commercial écrivait à la société Decasport le 27 avril 2004 que Tramico n'était pas en mesure de fournir pour l'instant des tapis sans "retraint" ; que les 23 juin et 19 juillet 2004, la société Decasport a vainement mis la société Tramico en demeure de reprendre cette fabrication ;

Considérant ainsi que l'arrêt de la fabrication des tapis, bien que présentée par la société Tramico comme provisoire et demandée par la société Decasport, s'avère constituer une décision prise unilatéralement et définitivement dès le 15 mars 2004 par la société Tramico qui se trouvait dans l'impossibilité technique de maîtriser les difficultés résultant de la rétractabilité de certains de ses produits;

Considérant que le caractère définitif de cet arrêt de la fabrication se trouve confirmé par la disparition de sa mention, sur le site internet de la société Tramico et par une correspondance de cette dernière adressée le 13 mars 2006 à une société AG+ confirmant qu'elle avait arrêté la production de tapis et lui proposant un stock résiduel d'articles déclassés;

Considérant que l'interruption de la fabrication des tapis de judo à partir du 15 mars 2004 constitue un double manquement de la société Tramico à ses obligations contractuelles puisque d'une part, les tapis correspondent à l'un des objets principaux du contrat de distribution exclusive et que, d'autre part, l'article 13.2 du contrat imposait à la société Tramico un préavis d'un an pour informer sa cocontractant d'une éventuelle décision d'arrêter définitivement la fabrication d'un des articles destinés à la pratique du judo;

Considérant que cette rupture de fait du contrat par la société Tramico s'est trouvée confirmée par le défaut de reprise des fabrications ou même d'une proposition de reprise de celle-ci, malgré la mise en demeure de la société Decasport du 23 juin 2004, visant la clause résolutoire insérée au contrat;

Considérant ainsi que la lettre de la société Tramico du 7 juin 2004 dénonçant la reconduction du contrat à sa prochaine échéance du 31 décembre suivant, comme la mise en demeure du 1er juillet 2004 réclamant le règlement de l'arriéré sous la sanction de la mise en œuvre de la clause résolutoire, demeurent inopérantes;

Que le contrat doit être déclaré résolu, aux torts et griefs de la société Tramico, à la date du 15 mars 2004;

Sur le préjudice

Considérant que la société Decasport réclame le paiement d'une somme de 100 291,78 euro à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture anticipée du contrat et correspondant à sa perte de marge, d'une somme de 130 032,71 euro correspondant à sa perte de marge du 15 mars au 31 décembre 2004 en raison du non-respect du préavis d'un an relatif à l'arrêt de la fabrication et d'une somme de 174 148 euro au titre de douze mois de marge en raison du non-respect d'un préavis minimum de 18 mois pour mettre fin aux relations contractuelles;

Considérant que le contrat ayant été résilié à la date du 15 mars 2004, la société Decasport ne peut légitiment prétendre à l'indemnisation de la somme de 130 032,71 euro à raison du manquement prétendu de la société Tramico à lui signifier, un an à l'avance, la cessation de la fabrication des tatamis ;

Considérant, en effet, que cette clause s'inscrit dans le cadre de l'exécution du contrat et vise seulement l'hypothèse où le fabricant déciderait, pour des raisons lui étant propres, de retirer de son catalogue tel ou tel article entrant dans le périmètre du contrat de distribution exclusive;

Considérant ainsi que le manquement à cette obligation contractuelle et son indemnisation éventuelle ne peuvent s'inscrire que dans une poursuite de l'exécution des relations contractuelles ; que tel n'est pas le cas en l'espèce;

Que la société Decasport sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement de la somme de 130 032,71 euro de ce chef;

Considérant, en revanche, qu'en raison de la rupture du contrat, la société Decasport s'est trouvée privée de la marge qu'elle pouvait espérer percevoir à raison de l'exécution normale du contrat jusqu'à son terme ;

Considérant que l'échéance de la tacite reconduction était fixée à la date du 31 décembre 2004, au titre des dispositions du contrat; que la société Decasport est dès lors bien fondée à réclamer l'indemnisation du préjudice en résultant ;

Considérant qu'elle soutient que le chiffre d'affaires 2003 pour les tatamis Tramico s'est élevé à 365 253 euro ; que les neuf mois et demi d'activité dont elle a été privée entre le 15 mars et le 31 décembre 2004 représentent donc, selon elle, une somme de 289 159 euro HT et que sa marge brute est de 29 % ; qu'elle en déduit que son préjudice de perte de marge est de 83 856 euro HT;

Considérant que la société Tramico ne discute pas sérieusement cette évaluation de préjudice, ne critique ni le montant du chiffre d'affaires, ni celui de la marge;

Considérant que cette prétention correspond exactement à la perte de marge qu'a subi la société Decasport en raison de la non-exécution par la société Tramico du contrat jusqu'à l'échéance contractuelle du 31 décembre 2004 ; qu'il ne convient pas, en revanche, s'agissant d'une indemnité, de majorer ce chiffre de la TVA;

Considérant que la société Decasport se prévaut aussi des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce lequel, dans sont paragraphe 5°, impose à tout producteur, pour rompre une relation commerciale établie, le respect d'un préavis tenant compte de la durée de cette dernière;

Considérant qu'il n'est pas discuté en l'espèce que la société Tramico a institué la société Decasport son distributeur exclusif dès l'année 1986 et que les relations commerciales se sont déployées, sans interruption, depuis cette date jusqu'à la rupture de mars 2004;

Considérant, en raison de cette longue durée de collaboration et de l'exclusivité qui était contractuellement imposée à la société Decasport, que la société Tramico ne pouvait procéder à la résiliation du contrat ou à sa non-reconduction à une échéance qu'à la condition de réserver à son distributeur un délai suffisamment long pour lui permettre de re-déployer son activité en recherchant, sur le marché considéré, une autre source d'approvisionnement;

Considérant que nonobstant la circonstance que le contrat signé à l'origine pour deux ans renouvelables, impose à une partie un préavis de seulement six mois pour avertir l'autre de sa volonté de ne pas renouveler, les nombreuses reconductions tacites successives et la durée globale des relations commerciales imposaient à la société Tramico le respect d'un préavis qui ne saurait raisonnablement être inférieur à dix-huit mois;

Considérant ainsi que la société Decasport aurait été en droit de prétendre voir l'activité de distribution exclusive des fabrications Tramico, prolongée non seulement jusqu'à l'échéance contractuelle du 31 décembre 2004 mais aussi, à défaut de préavis signifié suffisamment à l'avance, pendant neuf mois supplémentaires;

Considérant qu'elle peut dès lors légitimement réclamer, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, l'indemnisation de sa perte de marge pendant neuf mois après la date du 31 décembre 2004 d'échéance du contrat;

Considérant qu'elle ne peut, en revanche, réclamer cette même indemnisation pour la période comprise entre le 15 mars et le 31 mars 2004, puisqu'une telle prétention revient à réclamer deux fois l'indemnisation d'un même préjudice, une fois au titre de la rupture brutale avant la date d'échéance et une autre fois par application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Considérant qu'il convient en conséquence de ce qui précède de condamner la société Tramico à payer à la société Decasport la somme de 83 856 euro pour la perte de sa marge du mois de mars au 31 décembre 2004 et à une somme identique pour les neufs mois supplémentaires de préavis qu'elle aurait pu exiger de la société Tramico ; que c'est donc à un montant total de 167 712 euro que doit être condamnée la société Tramico au titre de l'indemnité qu'elle doit à la société Decasport à raison de la rupture brutale du contrat;

Considérant que la résolution du contrat prononcée aux torts et grief de la société Tramico a pour corollaire que cette dernière doit être déboutée de toutes ses demandes indemnitaires sur les préjudices résultant pour elle de l'interruption des relations commerciales;

Sur la demande en paiement des factures de la société Decasport des 9 juin et du 23 juin 2004

Considérant que la société Decasport sollicite la condamnation de la société Tramico à lui payer la somme de 62 723,75 euro correspondant à ses factures des 9 juin et du 23 juin 2004 de frais exposés pour le remplacement des tapis affectés de défauts;

Considérant cependant qu'elle ne soumet à l'examen de la cour que la facture du 9 juin 2004 d'un montant de 60 977,59 euro ; qu'elle explique qu'elle correspond, premièrement, à 392 tapis défectueux représentant une valeur de 42 324,36 euro HT qu'elle aurait retournés en 2003 et 2004 à la société Tramico qui ne les a pas remplacés;

Considérant toutefois qu'elle ne justifie aucunement de ces retours, ni par des bons d'expédition ou de livraison, ni par des télécopies ou correspondances ; qu'elle ne peut ainsi prétendre au paiement de ces marchandises pour la valeur de 42 324,36 euro qu'elle indique;

Considérant que les autres éléments de la facture sont constitués des prestations de calages, sur différents sites, rendues nécessaires par les phénomènes de rétractation des tatamis que la réalité de ces litiges est avérée par les pièces du dossier ; qu'elle n'est pas discutée par la société Tramico qui s'est au demeurant déplacée sur certains sites et a admis la nécessité de procéder à des opérations de calage pour pallier les diminutions de dimensions ; qu'ils doivent être retenus à concurrence de leur montant de 50 984,61 - 42 324,36 = 8 660,25 euro HT, soit 10 357,66 TTC;

Que la société Tramico sera en conséquence condamnée à payer à la société Decasport cette somme avec intérêts calculés au taux légal à compter du 28 décembre 2004 date de l'assignation, à défaut de mise en demeure antérieure alléguée;

Sur les autres demandes

Considérant que la société Decasport réclame que soit ordonné à la société Tramico de procéder au remplacement des tapis atteints de défectuosités qui se révéleraient dans le délai de trois ans de leur livraison;

Considérant toutefois qu'elle ne peut, sans se contredire, soutenir que la société Tramico a cessé définitivement ses fabrications et demander le remplacement des articles défaillants ; que toute obligation de faire, dans le cadre de la garantie, se résoudra en dommages et intérêts;

Considérant que la société Decasport n'allègue aucune réclamation précise de ses clients sur des défectuosités révélées, dans un délai de trois ans, pour des livraisons ; qu'elle ne présente aucune liste ni aucun chiffrage ; qu'elle doit en conséquence être déboutée de cette demande;

Considérant que le jugement se trouve partiellement confirmé en sa disposition condamnant la société Decasport à payer à la société Tramico les factures arriérées ; qu'il n'y a donc pas lieu à faire droit à la demande de la société Decasport de restitution de la somme de 50 000 euro payée au titre de l'exécution partielle provisoire de la décision de première instance;

Considérant qu'il convient de faire droit à la demande de la société Decasport et d'ordonner la compensation entre les sommes auxquelles sont respectivement condamnées les sociétés Decasport et Tramico;

Considérant que la cour est suffisamment informée des défectuosités évolutives que présentent certains des tapis de judo Tramico ; que la société Decasport n'invoque pas de nouveaux litiges autres que ceux dont elle a dressé la liste dès l'année 2004 ; qu'il ne convient pas, en conséquence, d'ordonner une expertise;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société Decasport la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que la société Tramico sera condamnée à lui payer une indemnité de 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application de ce même texte au bénéfice de la société Tramico ; que le jugement sera infirmé en sa disposition condamnant la société Decasport à payer de ce chef la somme de 5 000 euro;

Considérant que la société Tramico qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris hormis en sa disposition condamnant la société Decasport à régler à la société Tramico des factures impayées et sauf à réduire cette condamnation à la somme en principal de 67 564,22 euro et à dire qu'elle sera majorée d'intérêts calculés au taux légal à compter du 1er juillet 2004, Déclare la société Decasport recevable à se prévaloir de la garantie contractuelle pour les défectuosités pouvant affecter les marchandises livrées postérieurement au 28 décembre 2001, Condamne la société Tramico à payer à la société Decasport la somme de 60 620,69 euro à titre de dommages et intérêts en raison de la défectuosité des tapis visés par les huit litiges des sites de Remalard, Gannat, Einsisheim, Contrexeville, Mordelles, Seltz, Les Clayes-sous-Bois et Kembs, Prononce la résolution, à la date du 15 mars 2004, aux torts et griefs de la société Tramico, du contrat de distribution exclusive signé le 11 mars 1986, Condamne la société Tramico à payer à la société Decasport la somme de 167 712 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat, Déboute la société Decasport du surplus de ses demandes d'indemnisation de préjudices, Déboute la société Tramico de toutes ses demandes indemnitaires sur les préjudices résultant pour elle de l'interruption des relations commerciales; Condamne la société Tramico à payer à la société Decasport la somme de 10 357,66 TTC, au titre de la facturation du 9 juin 2004, avec intérêts calculés au taux légal à compter du 28 décembre 2004, Déboute la société Decasport de sa demande de voir ordonner à la société Tramico de procéder au remplacement des tapis atteints de défectuosités qui se révéleraient dans le délai de trois ans de leur livraison, Dit qu'il n'y a pas lieu à faire droit à la demande de la société Decasport de restitution de la somme de 50 000 euro payée au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance, Ordonne la compensation entre les sommes auxquelles sont respectivement condamnées les sociétés Decasport et Tramico jusqu'à due concurrence, Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise, Condamne la société Tramico à payer à la société Decasport une indemnité de 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de ce texte au bénéfice de la société Tramico, Condamne cette dernière aux dépens des deux instances, Dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP Jullien-Lecharny-Rol-Fertier, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.