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Décisions

Cass. crim., 14 mai 2008, n° 07-87.128

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Comité national contre le tabagisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farge (faisant fonction)

Avocats :

SCP Bachellier, Potier de La Varde, SCP Piwnica, Molinié

Paris, 13e ch., du 24 sept. 2007

24 septembre 2007

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : X Marc, la société Y, la société Z, la société W, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 24 septembre 2007, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de publicité illicite en faveur du tabac, a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, L. 3512- 2, L. 3511- 1, L. 3511- 3, L. 3511- 5 du Code de la santé publique, 111- 3, 111- 4 du Code pénal, 2, 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné solidairement Marc X, les sociétés Z, W et Y à payer des dommages-intérêts au Comité national contre le tabagisme ;

" aux motifs qu'indépendamment du lieu où se déroule la compétition sportive, que la question soulevée par le CNCT nécessite d'interpréter la volonté du législateur s'agissant de la portée de l'exception de " retransmission des compétitions de sport mécanique " introduite par la loi du 27 janvier 1993 dans l'article L. 3511- 5 du Code de la santé publique ; qu'il ne peut être contesté que la dérogation ainsi apportée à la loi générale portant interdiction de publicité pour le tabac, doit s'interpréter au regard de protection de la santé publique poursuivis de manière globale par le législateur en matière de lutte contre le tabagisme ; qu'en outre, il y a lieu d'observer que cette dérogation ne bénéficie qu'aux seuls médias télévisuels, la presse écrite restant soumise à l'interdiction, ce qui impose une vigilance sur toute éventuelle différence de traitement non justifiée avec le régime applicable à la presse écrite ; qu'il en résulte que, bien que n'ayant pas expressément fait de distinction entre le direct et le différé ni précisé le terme de compétition, l'article L. 3511- 5 du Code de santé publique entend limiter l'autorisation donnée aux chaînes de télévision de retransmettre les compétitions de sport mécanique, aux strictes nécessités de l'information sportive sur la course et son environnement, donnée en temps réel ou dans des situations proches du temps réel ; que cette autorisation ne saurait donc s'étendre aux diverses rediffusions d'images intervenant plusieurs heures ou plusieurs jours après l'épreuve dans des conditions où il est techniquement possible de sélectionner les plans ou d'intervenir pour éviter ou dissimuler les références aux marques de produits du tabac ou logos rappelant ces marques ; qu'en l'espèce, apparaissent contraires aux prescriptions des articles L. 3511- 3 et L. 3511- 5 du Code de la santé publique, la retransmission des images qui fondent les demandes du CNCT en cause d'appel, dont les défendeurs ne contestent pas qu'elles font apparaître des références, par mention de la marque et du célèbre logo du casque ailé, aux cigarettes gauloises à savoir : dans des journaux télévisés JT de Z de Béatrice Y... du 1er janvier 2005 (rediffusion des images du Dakar 2003), éditions du JT du matin sur Z de William Z... les 6, 11, 12, et 17 janvier 2005 ; lors des interviews des pilotes " Gauloises " hors arrivée de l'étape : interview de Cyril D... sur W le 4 janvier 2005, interview en plateau de Jean- Louis E... sur Z des 12 et 16 janvier 2005, interview du " blaireau " par Gérard A... sur Z du 7 janvier 2005, interview de Jean B... par Gérard A... sur Z du 12 janvier 2005, la multiplication des rediffusions des mêmes images dans des émissions différentes : l'accolade entre F... et D... sur Z et W les 11, 12, 15 et 16 janvier 2005, l'accident du buggy de G... sur Z et W les 13, 14, 15 et 16 janvier 2005, l'utilisation des images de mises en scène musicalement dans les génériques ou bandes d'annonces notamment le plan musical de David C... sur sa moto " gauloise " dans " bivouac " sur Z du 15 janvier 2005 ;

" alors que, d'une part, la retransmission de compétitions de sport mécanique qui se déroulent dans des pays où la publicité pour le tabac est autorisée peut être assurée par les chaînes de télévision ; qu'une telle autorisation n'est enfermée dans aucune condition tenant au délai qui sépare la compétition de sa retransmission ; qu'en décidant qu'elle ne pouvait s'étendre aux diverses rediffusions d'images intervenant plusieurs heures ou plusieurs jours, voire plusieurs années après l'épreuve sportive, de sorte que constituait le délit de publicité directe ou indirecte en faveur du tabac la rediffusion en janvier 2005, pendant les épreuves du rallye de cette année là, des images du Dakar 2003 prises dans des pays autorisant la publicité en faveur du tabac, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors que, d'autre part, l'autorisation donnée aux retransmissions de compétitions de sport mécaniques qui se déroulent dans des pays où la publicité pour le tabac est autorisée n'est pas limitée aux strictes nécessités de l'information sportive sur la course et son environnement mais vise les compétitions de sport mécanique ce qui comprend l'épreuve elle- même ainsi que les interviews des participants quelle que soit la date à laquelle ils interviennent par rapport à l'épreuve ; qu'en décidant le contraire de sorte que constituaient le délit de publicité directe ou indirecte en faveur du tabac, les interviews de pilotes hors arrivée d'étape, l'accolade entre deux pilotes, et les images d'un pilote sur sa moto pendant le Rallye Dakar 2005, images prises dans des pays autorisant la publicité en faveur du tabac, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ;

" alors que, de troisième part l'autorisation donnée aux retransmissions de compétitions de sport mécanique qui se déroulent dans des pays où la publicité pour le tabac est autorisée ne prévoit pas une limitation du nombre de diffusion des images de l'épreuve et de son environnement ; qu'en décidant le contraire de sorte que la multiplication des rediffusions de l'accolade de deux pilotes ou de l'accident d'un buggy, images prises à l'occasion du rallye Dakar 2005 dans des pays autorisant la publicité en faveur du tabac, constituait le délit de publicité directe ou indirecte en faveur du tabac, la cour a une fois encore violé les textes susvisés ;

" alors, qu'enfin, la liberté d'expression protégée par l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, qui comprend le droit d'informer et d'être informé sans considération de frontière ne peut être soumise à des restrictions notamment en vue de protéger la santé des personnes que si ces restrictions sont nécessaires et proportionnées au but poursuivi ; qu'en limitant l'autorisation de retransmettre des compétitions de sport automobile qui se déroulent dans des Etats où la publicité en faveur du tabac est autorisée, aux strictes nécessités de l'information sportive sur la course et son environnement donnée en temps réel ou dans une situation proche du temps réel, la cour d'appel a restreint de manière disproportionnée la liberté d'expression et s'est abstenue de limitée l'atteinte à cette liberté à ce qui était nécessaire à la protection de la santé, méconnaissant de la sorte les stipulations de l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que plusieurs journaux et émissions télévisés des sociétés Z et W ont diffusé, à différentes dates, des reportages consacrés à la course automobile Paris-Dakar, ainsi que des entrevues de participants à cette épreuve, des génériques et des bandes- annonces, au cours desquels sont apparues des références aux cigarettes de marque Gauloises, telles que le logo au casque ailé ou la reprise du nom du produit ; que les sociétés Z, W, Y et le président de cette dernière, Marc X, ont été cités devant le tribunal correctionnel par le Comité national contre le tabagisme, du chef de publicité illicite en faveur du tabac ; que, sur les appels de la partie civile et des prévenus du jugement relaxant ceux- ci et les déboutant de leur demande fondée sur l'article 472 du Code de procédure pénale, les juges du second degré ont constaté que le délit était caractérisé ;

Attendu que, pour décider que les éléments constitutifs de l'infraction étaient réunis, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui retiennent que l'exception de retransmission des compétitions de sport mécanique de l'article L. 3511- 5 du Code de la santé publique se limite à la possibilité de diffuser ces compétitions, pour satisfaire aux nécessités de l'information, en temps réel ou dans des situations proches de celui- ci, sans s'étendre aux rediffusions d'images intervenant plusieurs heures ou plusieurs jours après l'épreuve, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 44 de la loi n 86- 1067 relative à la liberté de communication, L. 3512- 2, L. 3511- 1, L. 3511- 3, L. 3511- 5 du Code de la santé publique, 111- 3, 111- 4 du Code pénal, 2, 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné solidairement Marc X, les sociétés Z, W et Y à payer des dommages- intérêts au Comité national contre le tabagisme ;

" aux motifs que compte tenu du caractère hautement litigieux au regard de la législation sur la publicité pour le tabac, de la diffusion d'images relatives aux compétitions de sports mécaniques largement sponsorisées par les fabricants de produits du tabac, il appartenait aux chaînes de télévision concernées de prendre toutes précautions utiles pour respecter et faire respecter la législation applicable ; qu'en dépit du courrier du 5 janvier 2005 par lequel le CNCT appelait l'attention du président directeur général de Y sur le rallye Dakar 2005 et l'engagement de Marc X de faire respecter la législation (courrier en réponse du 11 janvier 2005), il s'avère que tel n'a pas été le cas, la désinvolture affichée par certains journalistes n'ayant pas donné lieu à des correctifs ; que même en l'absence de tout lien commercial avec les marchands de tabac, la violation en connaissance de cause d'une prescription légale suffit à caractériser l'élément intentionnel de l'infraction à l'encontre des sociétés Z et W qui ont diffusé le rallye Dakar ; qu'il en est de même à l'encontre de la société Y chargée de la coordination des programmes, des horaires de diffusion et, selon ses propres termes " éventuellement du temps accordé aux événements sportifs par telle ou telle chaîne ", et à l'encontre de son président directeur général à l'époque des faits, Marc X, lequel s'était personnellement engagé à donner " toutes instructions pour assurer le bon respect des dispositions des articles L. 3511- 3 à L. 3511- 5 du Code de la santé publique ", étant observé que celui- ci ne peut invoquer l'article 121- 3, aliéna 4, du Code pénal non applicable en l'espèce s'agissant d'une infraction intentionnelle ;

" alors que la société Y est chargée par la loi du 30 septembre 1986 de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire les actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production, et de gérer les affaires communes des sociétés Z et W ; qu'ainsi la société Y ne participe pas à la conception et à la programmation des programmes, activités qui sont réservées aux sociétés Z et W ; qu'en se bornant, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Y, à énoncer que cette société est chargée de la coordination des programmes, des horaires de diffusion et selon ses propres termes " éventuellement du temps accordé aux événements sportifs par telle ou telle chaîne ", la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la participation de Y aux infractions poursuivies, a violé les textes susvisés " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments les faits poursuivis, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il est invoqué par les société Z et W, et qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.