CA Fort-de-France, ch. civ., 18 juin 2004, n° 03-01116
FORT-DE-FRANCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Coopération Technologique et Informatique (SA)
Défendeur :
Abial Finances (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Salomon
Conseillers :
M. Fouqueteau, Mme Gesbert
Avocats :
Mes Salgues-Jan, Negre-Jean-Charles
Exposé du litige
Le 30 avril 2003, la société Coopération Technologique et Informatique (CTI) a fait assigner la société Abial Finances devant le Président du Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France statuant en référé en demandant la cessation d'agissements de concurrence déloyale et une provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle dit subir du fait d'une publicité mensongère et trompeuse, de parasitisme professionnel.
Par ordonnance contradictoire du 21 octobre 2003, le Président du tribunal mixte de commerce a:
- rejeté les demandes de la société CTI
- rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société Abial Finances,
- condamné la société CTI à payer à la société Abial Finances la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société CTI a interjeté appel par déclaration du 20 novembre 2003.
Autorisée par ordonnance du 20 novembre 2003, la société CTI a assigné à jour fixe la société Abial Finances pour le 12 décembre 2003 devant la cour d'appel.
Dans ses écritures du même jour, elle demande à la cour:
- de dire que la société Abial Finances s'est rendue coupable d'une publicité mensongère et trompeuse ainsi que de parasitisme professionnel au préjudice de la société CTI,
- de la déclarer responsable sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- d'ordonner la cessation immédiate des agissements de concurrence déloyale sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard,
- de condamner l'EURL Abial Finances lui payer 16 000 euro à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts auxquels elle est en droit de prétendre,
- d'ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans le journal France-Antilles Martinique, Guadeloupe et Inter Entreprises,
- de condamner la société Abial Finances à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'appelante expose que la concurrence déloyale commise par l'EURL Abial Finances est concrétisée par:
le rattachement indiscret à une profession en se faisant passer pour une banque ou en prétendant qu'elle est intermédiaire de banque,
une publicité trompeuse en laissant croire à sa clientèle qu'elle est une banque ou un établissement financier,
et l'appropriation du travail d'autrui en adoptant le slogan de la société CTI International,
et que ces agissements lui causent un trouble manifestement illicite.
Par écritures du 20 janvier 2004, l'EURL Abial Finances conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée, affirmant qu'elle ne réalise aucune opération de banque, qu'elle n'a effectué aucune publicité trompeuse et n'a commis aucun acte de concurrence déloyale.
Elle réclame la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur le trouble manifestement illicite et les mesures conservatoires
La société Abial Finances est une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée dont l'objet social statutaire est la réalisation d'opérations d'ingénierie et de courtage financier, de location, de conseils aux entreprises et plus généralement de toutes prestations de service aux entreprises et aux personnes physiques, l'achat et la revente de biens d'équipement, etc...
La société CTI International est pour sa part loueur de matériels pour les professionnels ayant pour objet social le service, le conseil et l'assistance en informatique, la location, le financement, la vente, l'achat, l'importation, l'exportation de systèmes informatiques et de technologie, de tous les biens d'équipement divers et de tous véhicules utilitaires et de tourisme.
Dans le cadre de leur activité de location, les 2 sociétés peuvent être amenées à fournir des prestations de même nature et à conclure le même type de contrats.
L'existence d'une concurrence déloyale ne saurait découler de l'exercice par chacune des 2 sociétés d'activités conformes à leur objet social.
Par ailleurs la société CTI International ne caractérise pas la voie de fait dont se serait rendue coupable la société Abial Finances; en effet, le fait de figurer dans une rubrique d'annuaire, Internet ou papier, ne saurait constituer en soi une quelconque publicité; quant au slogan figurant sur les documents commerciaux de l'intimée, qualifié par l'appelante " d'appropriation du travail d'autrui ", il s'agit en réalité d'un argumentaire générique largement utilisé dans la profession, et qui n'a rien d'original ni de frappant.
En conséquence, la société CTI International ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite de nature à justifier la saisine du juge des référés.
Au surplus, ainsi que le relève à juste titre le premier juge, il n'appartient pas à la juridiction de se substituer à la société demanderesse pour déterminer les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposeraient.
Sur la demande de provision
Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le Président du tribunal de commerce peut accorder en référé une provision au créancier.
En l'espèce, dès lors que n'est pas établie la réalité d'un préjudice subi par la société CTI International en relation directe avec une faute de la société Abial Finances, l'obligation alléguée se heurte à une contestation sérieuse.
La demande en paiement d'une "provision à valoir sur dommages et intérêts "sera donc rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dépens resteront à la charge de l'appelante qui succombe.
En outre il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Abial Finances les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a dû exposer dans la procédure d'appel; il lui sera alloué la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, en dernier ressort après en avoir délibéré, Déclare recevable l'appel interjeté par la société Coopération Technologique Informatique (CTI International). Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Y ajoutant, condamne la société Coopération Technologique Informatique (CTI) International à payer à la société Abial Finances la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la société Coopération Technologique Informatique (CTI International) aux entiers dépens de première instance et d'appel.