CJCE, 5e ch., 5 octobre 1988, n° 273-85
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Silver Seiko Limited, Silver Reed (UK) Limited, Silver Reed International GmbH
Défendeur :
Conseil des Communautés européennes, Commission des Communautés Européennes, Committee of European typewriter manufacturers
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Bosco
Avocat général :
Sir Slynn
Juges :
MM. Moitinho de Almeida, Everling, Galmot, Joliet
Avocats :
Mes De Smedt, Ehle
LA COUR (cinquième chambre),
Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 septembre 1985 (affaire 273-85), la société Silver Seiko Limited, ayant son siège à Tokyo, et ses filiales européennes Silver Reed (UK) Limited et Silver Reed International GmbH ont introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, un recours visant à l'annulation du règlement n° 1698-85 du Conseil, du 19 juin 1985, instituant un droit antidumping définitif à l'importation de machines à écrire électroniques originaires du Japon (JO L 163, p. 1), dans sa totalité ou, du moins, en tant qu'il s'applique aux requérantes. A titre subsidiaire, les requérantes demandent l'annulation des articles 1er et 2 de ce règlement, à titre plus subsidiaire, l'annulation de l'article 1er, dans la mesure où celui-ci impose un droit antidumping définitif de 21 % sur les machines à écrire électroniques originaires du Japon et vendues et exportées dans la Communauté par les requérantes, et, à titre encore plus subsidiaire, l'annulation de l'article 2, dans la mesure où celui-ci ordonne la perception définitive des montants garantis par le droit provisoire antérieurement institué sur ces machines.
Silver est une entreprise qui fabrique depuis 1981 des machines à écrire électroniques (ci-après "MEE") et qui les commercialise soit à l'étranger, en particulier dans la Communauté européenne par l'intermédiaire de ses filiales Silver Reed (UK) Limited, établie au Royaume-Uni, et Silver Reed International GmbH, établie en République fédérale d'Allemagne, soit, bien que dans des quantités assez réduites, au Japon par l'intermédiaire d'un distributeur affilié, Silver Business Machines. En 1984, elle a fait l'objet, avec d'autres producteurs japonais, d'une plainte déposée auprès de la Commission par une association de fabricants européens, le Committee of European typewriter manufacturers (ci-après "CETMA "), qui l'accusait de vendre ses produits dans la Communauté à des prix de dumping.
La procédure antidumping engagée par la Commission sur la base du règlement n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 201, p. 1), a conduit d'abord à imposer à Silver un droit antidumping provisoire de 26,6 %. Le Conseil, sur proposition de la Commission, a ensuite fixé le droit antidumping définitif à 21 %, par son règlement n° 1698-85, contre lequel Silver Seiko Limited et ses filiales européennes ont introduit le présent recours.
Par acte déposé le même jour que la requête, les requérantes ont introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l'exécution, à leur égard, du règlement n° 1698-85, jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée sur le recours. La demande en référé a été rejetée par ordonnance du Président de la Cour du 18 octobre 1985, qui a réservé les dépens.
Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 mai 1986 (affaire 107-86), Silver Seiko Limited a introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, un recours visant à l'annulation du règlement n° 113-86 du Conseil, du 20 janvier 1986, modifiant le règlement n° 1698-85 du Conseil, du 19 juin 1985, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de machines à écrire électroniques originaires du Japon (JO L 17, p. 2), en tant qu'il s'applique à la requérante.
Par ordonnance du 11 mars 1987, les affaires 273-85 et 107-86 ont été jointes aux fins de la procédure et de l'arrêt.
La Commission des Communautés européennes et le CETMA ont été admis à intervenir dans les deux affaires à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.
Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
A l'appui de leur recours, les requérantes (ci-après indiquées sous la dénomination collective de Silver) avancent les sept moyens suivants :
- calcul illégal et incorrect de la valeur normale;
- calcul erroné du prix à l'exportation;
- erreurs dans la comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation;
- erreurs dans la détermination du préjudice subi par l'industrie communautaire;
- imposition de droits antidumping définitifs à un niveau trop élevé;
- invalidité de la perception définitive des droits provisoires;
- irrégularités de la procédure.
Sur le moyen tiré du calcul illégal et incorrect de la valeur normale
Silver fait valoir que la façon dont les prix du marché intérieur ont été déterminés pour établir la valeur normale de ses produits est illégale et incorrecte, en ce que les prix japonais ne seraient pas des prix comparables au sens du règlement n° 2176-84, en ce que les institutions se seraient fondées, pour calculer la valeur normale des modèles vendus au Japon, sur les prix de la filiale de vente de Silver et en ce que la marge bénéficiaire utilisée pour la construction de la valeur normale des modèles non vendus au Japon aurait été obtenue en sous-estimant systématiquement les coûts.
Pour ce qui est du premier point, s'il est vrai que, pour des raisons qui sont notamment connexes aux particularités de l'écriture japonaise, les machines à écrire ne sont pas utilisées au Japon dans les relations commerciales internes et y sont donc commercialisées dans des quantités très réduites par rapport à celles qui sont écoulées dans la Communauté, il existe néanmoins au Japon, comme l'indiquent les pièces du dossier, un marché des MEE qui porte sur quelques dizaines de milliers de machines chaque année et qui est caractérisé par une situation de compétition assez vive, ainsi que le prouve, entre autres, la présence de producteurs étrangers. Dans ces conditions, rien n'empêche d'estimer que les prix réalisés sur le marché japonais sont comparables avec les prix obtenus sur le marché communautaire.
En ce qui concerne le reproche fait aux institutions d'avoir calculé la valeur normale sur la base des prix de revente du distributeur affilié de Silver au Japon, il y a lieu de constater qu'il ressort du dossier que Silver commercialise ses produits sur le marché intérieur par l'intermédiaire d'une société de distribution qu'elle contrôle économiquement et à laquelle elle confie des tâches qui relèvent normalement d'un département de vente interne à l'organisation d'un producteur.
Le partage des activités de production et de celles de vente à l'intérieur d'un groupe formé par des sociétés juridiquement distinctes ne saurait rien enlever au fait qu'il s'agit d'une entité économique unique qui exerce de cette manière des activités exercées, dans d'autres cas, par une entité qui est unique aussi du point de vue juridique.
Au vu de ces constatations, il y a lieu d'estimer que la prise en considération des prix du distributeur affilié permet d'éviter que des coûts, qui sont manifestement englobés dans le prix de vente d'un produit lorsque cette vente est effectuée par un département de vente inséré dans l'organisation du producteur, ne le soient plus lorsque la même activité de vente est exercée par une société juridiquement distincte, bien qu'économiquement contrôlée par le producteur.
Silver fait valoir ensuite que les institutions ont construit à tort la valeur normale "comme si des ventes avaient lieu sur le marché intérieur", au lieu d'établir les frais à inclure dans cette valeur en fonction de l'exportation du produit, et que la marge bénéficiaire utilisée pour la construction de la valeur normale a été obtenue en sous-estimant systématiquement les coûts.
Quant au premier argument, il convient de rappeler que, selon l'économie du règlement n° 2176-84, la construction de la valeur normale vise à déterminer le prix de vente d'un produit tel qu'il serait si ce produit était vendu dans son pays d'origine ou d'exportation. Par conséquent, ce sont les frais afférents aux ventes sur le marché intérieur qui doivent être pris en considération.
Pour ce qui est du calcul de la marge bénéficiaire, il y a lieu de constater que, contrairement à l'opinion de Silver, les institutions n'étaient pas tenues de choisir comme "marge bénéficiaire raisonnable", au sens de l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement n° 2176-84, la marge bénéficiaire du producteur (Silver Seiko Limited) plutôt que celle de sa filiale de vente au Japon (Silver business machines), et pouvaient licitement retenir à cet égard les marges bénéficiaires combinées des deux sociétés. En effet, comme il a déjà été observé, les deux sociétés susmentionnées constituaient une entité économique unique.
Il y a lieu de rejeter aussi l'argument de Silver selon lequel elle a été discriminée par rapport à d'autres entreprises telles Tec et Sharp, qui ne vendent pas sur le marché intérieur et auxquelles les institutions ont appliqué la marge la plus faible constatée parmi les entreprises (Silver, Canon et Brother) qui vendaient en quantités suffisantes sur le marché intérieur. On ne saurait en effet considérer comme identiques la situation de Silver, pour laquelle une marge bénéficiaire réelle a été établie, et la situation de Tec et Sharp, pour lesquelles, en l'absence de données réelles, un certain pouvoir discrétionnaire devait nécessairement être reconnu aux institutions.
Dans la mesure où Silver fait valoir que, lors du calcul du bénéfice, les institutions n'ont déduit du prix de vente aucun des frais généraux du distributeur, ce qui a augmenté déraisonnablement la marge bénéficiaire, il y a lieu d'observer que ces frais auraient dû, s'ils avaient été déduits, être ajoutés au cout de production, de sorte que la valeur normale construite serait restée la même.
Silver a soutenu, pour la première fois à l'audience, que les institutions ont inclus dans la marge bénéficiaire calculée aux fins de la construction de la valeur normale de certains modèles des dépenses de son distributeur affilié, directement liées aux ventes. A son avis, si ces dépenses avaient été déduites, conformément à l'article 2, paragraphe 10, sous c), de la valeur normale construite, la marge de dumping aurait été ramenée de 31 à 18 %.
A cet égard, il ressort du dossier que, dans un document remis aux fonctionnaires de la Commission les 19 et 20 juillet 1984 et contenant une ventilation de ses frais unitaires pour chaque modèle de MEE, Silver a mentionné "respectivement les frais administratifs et généraux de Silver Seiko Limited. Et de Silver business machines" et a indiqué, en outre, séparément les frais de vente et les coûts de livraison, alors que le chiffre des frais de vente, généraux et administratifs a été finalement calculé après des "négociations ardues" entre les parties sur la base d'un document présenté par Silver et se référant au "total des frais de vente, généraux et administratifs, pour les machines à écrire ".
Dans ces conditions, il n'y a pas de raisons pour estimer que le chiffre utilisé par les institutions ne se réfère pas au total des frais du groupe Silver pour les MEE.
Le moyen doit dès lors être rejeté.
Sur le moyen tiré du calcul erroné du prix à l'exportation
Silver soutient que, pour le calcul de ses prix à l'exportation, les institutions auraient dû tenir compte de la marge bénéficiaire de ses filiales européennes, et non pas de celle des importateurs indépendants de MEE.
Dans la mesure où, en présence d'une association entre producteur et importateur dans la Communauté, les institutions sont autorisées par l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84 à ne pas tenir compte du prix de cession entre les deux et à se fonder sur le prix de revente au premier acheteur communautaire indépendant, il est approprié de se baser, pour le calcul d'une "marge bénéficiaire raisonnable", non pas sur les données émanant de l'importateur affilié, qui peuvent être influencées par cette association, mais sur celles émanant d'un importateur indépendant de MEE.
Silver conteste ensuite la répartition des frais généraux de ses filiales entre les MEE et d'autres types de machines, au motif que cette répartition a été effectuée, contrairement a ses suggestions, sur la base du chiffre d'affaires et non du nombre d'appareils vendus.
A cet égard, il y a lieu de constater que la règle générale énoncée à l'article 2, paragraphe 11, du règlement n° 2176-84 prévoit une répartition proportionnelle au chiffre d'affaires pour chaque produit et chaque marché considéré. Or, bien qu'il soit loisible aux institutions de s'écarter de cette règle générale dans le cas où elles estimeraient qu'une répartition différente reflète plus fidèlement les coûts supportés, Silver n'a pas expliqué pour quelles raisons une dérogation aurait été justifiée en l'espèce.
Le moyen doit dès lors être rejeté.
Sur le moyen tiré des erreurs dans la comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation
Silver soutient que les institutions ont refusé à tort de lui accorder des ajustements pour tenir compte des différences de stade commercial, des différences de quantités et des différences entre les conditions de vente.
Pour ce qui est des différences présumées de stade commercial, il y a lieu de rappeler que les institutions n'étaient pas tenues d'accorder des ajustements à ce titre, étant donné que Silver et son distributeur affilié au Japon constituaient une entité économique unique, et que le prix de ce distributeur devait dès lors être considéré comme le prix du produit au stade sortie d'usine sur le marché intérieur.
En ce qui concerne les ajustements pour différences de quantités, il convient de constater que Silver n'a nullement prouvé que les remises accordées à un client japonais sur deux de ses modèles étaient "librement consenties au cours d'opérations commerciales normales", ni n'a démontré qu'il existait un système de rabais de quantité, en vertu duquel de telles remises étaient susceptibles d'être appliquées à tout acquéreur potentiel. Elle n'a donc pas rempli les conditions posées à l'article 2, paragraphe 10, sous b), i), pour que de tels ajustements soient accordés.
Quant aux différences dans les conditions commerciales, il ressort du dossier que des ajustements pour les crédits pratiques au Japon ont été accordés par les institutions, même si cela n'a pas été fait dans la mesure souhaitée par Silver. En tout état de cause, Silver n'a pas démontré que les montants, pour lesquels des ajustements n'ont pas été accordés, présentaient une relation directe avec les ventes considérées, comme l'exige l'article 2, paragraphe 10, sous c), du règlement n° 2176-84.
L'argument de Silver selon lequel ces frais devraient être pris en considération aux fins d'un ajustement, dans la mesure où des frais analogues avaient été déduits pour déterminer le prix à l'exportation vers la Communauté, ne saurait être retenu. Comme la Cour l'a déjà précisé dans les arrêts du 7 mai 1987 (240, 255, 256, 258 et 260-84, "droit antidumping sur les importations de roulements à billes", Rec. p. 1809, 1861, 1899, 1923 et 1975), il existe trois séries de règles distinctes, dont chacune doit être respectée séparément, respectivement aux fins de déterminer la valeur normale, d'établir le prix à l'exportation et d'effectuer la comparaison entre les deux.
Silver reproche aux institutions de ne pas avoir effectué la comparaison transaction par transaction, mais par référence aux prix moyens pondérés.
A cet égard, il convient d'observer que, même si dans le cadre du règlement n° 1698-85, "en général, la valeur normale a été comparée au prix à l'exportation, transaction par transaction", la méthode des prix moyens pondérés utilisée dans le cas de Silver est expressément prévue à l'article 2, paragraphe 13, sous b), du règlement n° 2176-84.
On ne saurait enfin soutenir, comme le fait Silver, que, contrairement à l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 2176-84, la valeur normale et le prix à l'exportation n'ont pas été comparés sur une même période. Si la valeur normale a été déterminée par rapport à une période d'une année, les prix à l'exportation mensuels ont été pondérés en fonction des quantités vendues chaque mois, et une moyenne annuelle de ces prix à ensuite été obtenue.
A la lumière de ces considérations, le moyen doit des lors être rejeté.
Sur le moyen tiré d'erreurs dans la détermination du préjudice subi par l'industrie communautaire
Silver fait valoir qu'on a tenu compte à tort, dans la détermination du préjudice, des dommages subis par des producteurs communautaires ayant importé eux-mêmes des produits prétendument vendus à prix de dumping, que les facteurs de préjudice n'ont pas été correctement examinés, que le système dit du "prix ciblé" utilisé par les institutions est un fondement inadéquat pour la détermination du préjudice, et que les pertes éventuelles de l'industrie communautaire sont dues à des facteurs autres que le dumping.
En ce qui concerne le premier point, il ressort des affirmations des institutions, qui n'ont pas été contestées par Silver de manière approfondie, que peu de modèles, relevant exclusivement du bas de gamme, étaient importés par des producteurs communautaires pour combler des lacunes qui existaient à l'époque dans leur éventail de produits, et que le volume total de ces importations est toujours resté relativement faible. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les importations effectuées par les producteurs communautaires n'ont pas contribué au préjudice subi par l'industrie communautaire et qu'il n'y a donc pas de raison pour exclure ces producteurs de l'examen de ce préjudice.
Pour ce qui est du grief tiré de ce que les facteurs indiqués à l'article 4, paragraphe 2, sous a), b) et c), du règlement n° 2176-84 (volume des importations faisant l'objet d'un dumping, prix de ces importations, impact de ces importations sur la production communautaire), n'auraient pas été examinés, les considérants du règlement n° 1698-85 montrent que les institutions ont procédé à l'examen de ces facteurs. Si, dans l'appréciation de l'impact du dumping sur la production communautaire, elles n'ont pas examiné tous les éléments économiques pertinents mentionnés dans la liste figurant au paragraphe 2, sous c), il convient de rappeler que, comme il ressort de la teneur de cette disposition, cette liste est simplement indicative et qu'il était donc loisible aux institutions d'estimer que les éléments les plus pertinents y figurant constituaient déjà une base de jugement suffisante.
Quant à l'argument tiré de l'utilisation de la méthode dite des "prix ciblés", il faut tenir compte de ce que la Commission n'a pu procéder à la détermination du préjudice qu'après la plainte déposée par les producteurs communautaires le 15 février 1984, alors qu'il ressort du dossier que les effets d'importations japonaises qui ont fait ultérieurement l'objet de la procédure antidumping avaient déjà commencé depuis quelque temps à être ressentis par l'industrie communautaire. Les prix des produits communautaires, au cours de l'année 1984, n'étaient donc plus des prix utilisables pour la détermination du préjudice au sens de l'article 4 précité, en ce qu'ils avaient déjà subi des dépréciations, afin de pouvoir résister, depuis un certain temps, à la pression toujours croissante des importations japonaises.
A la lumière des considérations qui précèdent, la construction d'un prix à l'intérieur de la Communauté, tel qu'il l'aurait été s'il n'avait pas subi pendant une longue période une pression à la baisse du fait des importations japonaises, constitue la seule solution permettant de ne pas priver de signification la comparaison prévue à l'article 4, paragraphe 2, sous b) du règlement n° 2176-84.
Selon Silver, les institutions auraient à tort attribué au dumping des préjudices découlant en réalité d'autres raisons, principalement du fait que les entreprises communautaires n'auraient pas su s'adapter à la nouvelle technologie.
Il ressort du dossier qu'en réalité ce sont les industries européennes qui, les premières, ont mis au point la nouvelle technologie dans le secteur des machines à écrire et qui ont commercialisé les MEE déjà à la fin des années 1970, c'est-à-dire avant l'entrée sur le marché des producteurs japonais. Dans ces conditions, Silver n'a pas apporté de preuves suffisantes pour démontrer que les difficultés de l'industrie européenne des MEE découlent d'un retard technologique par rapport à l'industrie japonaise.
Bien que le passage à la production des MEE se soit fait pour certaines entreprises communautaires moins facilement que pour d'autres et bien qu'il ait demandé des investissements très importants, les pertes imputables à ces investissements ne peuvent en aucun cas être confondues avec celles dues au dumping. En effet, puisque les entreprises communautaires étaient manifestement en mesure, pendant la période couverte par l'enquête, d'offrir une large gamme de MEE, la diminution de leur part de marché ne peut pas s'expliquer par des difficultés de reconversion, mais principalement par le dumping des producteurs japonais.
Les données figurant au dossier montrent également que, au cours de la période d'enquête, les entreprises communautaires n'ont jamais exploité pleinement leur capacité de production, ce qui prouve que la perte de parts de marché n'a pas été due à une incapacité de l'industrie communautaire de répondre à une demande accrue.
Enfin, aucun élément de preuve n'a été fourni par Silver pour démontrer que les facteurs déjà mentionnés ou d'autres, tels que les prix des importations en provenance d'autres pays tiers ou une contraction de la demande, auraient contribué au préjudice constaté.
Le moyen tiré de l'existence d'erreurs dans la détermination du préjudice doit dès lors être rejeté.
Sur le moyen tiré de l'imposition de droits antidumping définitifs à un niveau trop élevé
Silver fait valoir que les institutions ont fixé les droits antidumping définitifs à un niveau plus élevé que celui de la marge de dumping ou du préjudice effectivement subi par l'industrie communautaire, et cela en raison d'erreurs de méthodologie et d'erreurs de calcul qui auraient affecté la procédure suivie par elles.
En ce qui concerne la méthodologie, il y a lieu de rappeler, sur la base des considérations ci-dessus développées, que ni la prise en considération des producteurs communautaires ayant importé des MEE d'origine japonaise, ni le fait que seulement quelques-uns des éléments mentionnés à l'article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 2176-84 ont été analysés, ni l'utilisation du système des "prix ciblés" ne constituent des éléments pouvant affecter la validité de la détermination du préjudice effectuée par les institutions.
Quant aux erreurs de calcul invoquées, il y a lieu de constater que les affirmations de Silver ne sont étayées par aucune preuve.
L'argument selon lequel l'imposition de droits antidumping définitifs à la requérante constituerait une discrimination illégale, en l'absence d'imposition de droits définitifs à l'encontre de la société Nakajima All, ne saurait pas non plus être retenu.
A cet égard, il y a lieu d'observer que, après l'adoption du règlement n° 3643-84, précité, la Commission a constaté qu'elle s'était trompée dans les calculs qui l'avaient conduite à considérer la marge de dumping de Nakajima comme étant "de minimis ". La réouverture de la procédure concernant Nakajima, qui a été décidée par la Commission dans un très bref délai, n'aurait toutefois pu s'accompagner d'une suspension des effets du règlement n° 3643-84 vis-à-vis des entreprises pour lesquelles l'existence d'une importante marge de dumping avait été établie, sans que cela risque d'apporter un préjudice irréparable à l'industrie communautaire qui devait être protégée par ce règlement.
La procédure antidumping relative à l'importation des MEE fabriquées par Nakajima a ensuite abouti à une décision de la Commission du 12 février 1986 (JO L 40, p. 29), qui a établi que la marge de dumping de cette société devait être considérée comme négligeable.
Etant donné que l'exclusion de Nakajima du nombre des sociétés assujetties à un droit antidumping définitif découle de cette décision, une discrimination en faveur de Nakajima ne saurait, même si elle était établie, conduire à l'annulation du règlement imposant un droit antidumping définitif à Silver, qui a été adopté sur la base de constatations correctement effectuées au cours de l'enquête antidumping et conformément aux règles fixées par le règlement n° 2176-84. Le moyen tiré de la discrimination doit, par conséquent, être rejeté.
Le moyen doit des lors être rejeté.
Sur le moyen tiré de l'invalidité de la perception définitive des droits provisoires
Silver soutient que le règlement n° 1698-85, entre en vigueur le 23 juin 1985, n'est pas validé, dans la mesure où il a prévu la perception définitive des droits provisoires, imposés par le règlement n° 3643-84, qui aurait cessé d'être en vigueur soit le 22 avril 1985, soit le 22 juin 1985, si on estime que sa période d'application de quatre mois a été valablement prolongée de deux mois par le règlement n° 1015-85 du Conseil, du 19 avril 1985 (JO L 108, p. 18).
A l'égard de ce moyen, il importe tout d'abord de constater que le règlement n° 3643-84 de la Commission a été valablement prorogé par le règlement n° 1015-85 du Conseil, en vertu de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 2176-84, selon lequel les droits provisoires peuvent être prorogés "si les exportateurs représentant un pourcentage significatif des transactions commerciales concernées le demandent ou si, à la suite d'une déclaration d'intention de la Commission, ils ne formulent pas d'objection ". Même si, parmi les exportateurs auxquels le règlement n° 3643-84 avait imposé un droit antidumping provisoire, Brother et Silver ont soulevé des objections contre l'intention de la Commission de proroger ce règlement, le fait que tous les autres exportateurs, au moins aussi importants dans leur ensemble que les deux entreprises susmentionnées, ne s'y soient pas opposés empêche d'estimer que cette prorogation serait intervenue en violation de la disposition susmentionnée.
Il reste donc à établir si le règlement n° 3643-84, dont la durée de validité a été prolongée par le règlement n° 1015-85, précité, est venu à expiration, comme le soutient Silver, avant l'entrée en vigueur du règlement n° 1698-85.
Selon l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1182-71 du Conseil, du 3 juin 1971, fixant les règles applicables aux délais, dates et termes (JO L 124, p. 1), l'"entrée en vigueur, la prise d'effet ou la mise en application d'un acte des institutions fixées à une date déterminée interviennent au début de la première heure du jour correspondant à cette date", tandis que, selon le paragraphe 3 du même article, la cessation de la validité, la cessation des effets ou la cessation de l'application d'un acte, fixées à une date déterminée, "interviennent à l'expiration de la dernière heure du jour correspondant à cette date". Il s'ensuit que le règlement n° 3643-84, entre en vigueur le 23 décembre 1984, prorogé jusqu'au 23 juin 1985 et devant cesser d'être en vigueur ce jour-là à 24 heures, a été remplacé, pendant la durée de sa validité, par le règlement n° 1698-85, qui est entré en vigueur le 23 juin 1985 à 0 heure.
Le moyen doit dès lors être rejeté.
Sur le moyen tiré des irrégularités de la procédure
Silver fait enfin valoir que le règlement est vicié en raison du fait que les droits de la défense ont été violés au cours de la procédure, comme cela serait prouvé par le fait qu'elle n'a eu ni l'accès à l'information, ni les occasions de se défendre qui ont été accordés à d'autres entreprises.
A cet égard, il convient d'observer que les règles détaillées, énoncées aux articles 7 et 8 du règlement n° 2176-84, en matière d'information des entreprises concernées par une enquête antidumping, ont été respectées en l'espèce. Le décalage entre les dates ou les informations, ont été fournies aux différentes sociétés découlé de l'impossibilité pratiqué d'organiser des réunions regroupant simultanément toutes les sociétés intéressées ou de leur donner simultanément toutes les informations et ne peut donc pas être considéré comme une violation du droit de la défense, d'autant plus que rien ne permet d'estimer que ce décalage aurait été utilisé pour défavoriser Silver par rapport à d'autres sociétés intéressées.
Le moyen doit dès lors être rejeté.
Au vu des constatations qui précédent, il y a lieu de rejeter les recours dans leur ensemble comme non fondés.
Sur les dépens
Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner, solidairement dans l'affaire 273-85, aux dépens, tant de la procédure principale que de la procédure en référé, y compris ceux des parties intervenantes qui ont conclu en ce sens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
Déclare et arrête :
1) les recours sont rejetés.
2) les requérantes sont condamnées, solidairement dans l'affaire 273-85, aux dépens, tant de la procédure principale que de la procédure en référé, y compris ceux des parties intervenantes qui ont conclu en ce sens.