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Décisions

Conseil Conc., 13 juin 2008, n° 08-D-14

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la prévoyance funéraire

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Aubier, par Mme Perrot, vice-présidente, présidant la séance, Mmes Behar-Touchais, Xueref, MM. Flichy, Honorat, membres.

Conseil Conc. n° 08-D-14

13 juin 2008

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 18 mars 2005, sous le numéros 05/0021 F et 05/0022 M, par laquelle les associations La Quiétude et l'Union des Professionnels du Funéraire (UPF) ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société OGF, le Groupement national d'entrepreneurs de pompes funèbres (GNEPF), le Crédit Lyonnais, la Caisse d'Epargne et la Poste ont demandé que des mesures conservatoires soient prononcées sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix ; Vu la décision n° 05-D-21 en date du 17 mai 2005 du Conseil de la concurrence ; Vu les observations écrites présentées par le commissaire du Gouvernement reçues le 30 avril 2008, par la société OGF en date du 5 mai 2008, par le Crédit Lyonnais en date du 29 avril, et par les associations UPF et La Quiétude en date du 12 mai 2008 ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants des associations La Quiétude et l'Union des Professionnels du Funéraire (UPF), le Crédit Lyonnais, la Poste et les sociétés OGF et GNEPF entendus lors de la séance du 3 juin 2008, le groupe Caisse d'Epargne ayant été régulièrement convoquée ;

Adopte la décision suivante :

I. Introduction

1. Les associations La Quiétude et l'UPF ont saisi le Conseil de la concurrence le 18 mars 2005 en application de l'article L. 462-5 du Code de commerce de pratiques mises en œuvre par le groupe OGF, le GNEPF, le Crédit Lyonnais, la Caisse d'Epargne et La Poste dans le secteur de la prévoyance funéraire. Les pratiques en cause concernent des contrats de prévoyance funéraire commercialisés entre 2002 et 2004 par le Crédit Lyonnais, la Caisse d'Epargne et La Poste, en partenariat avec le GNEPF.

2. Cette saisine était accompagnée d'une demande de mesures conservatoires qui a été rejetée par le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 05-D-21 du 17 mai 2005. Le Conseil a en effet constaté que la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, qui s'applique aux contrats signés à partir du 10 décembre 2004, avait, en pratique, mis fin à la commercialisation de nouveaux contrats litigieux et que seul le stock de contrats commercialisés entre 2002 et 2004 était susceptible d'avoir des effets anticoncurrentiels lors du dénouement de ces contrats. L'exécution d'une part significative de ce stock de contrats ne devant pas intervenir avant un délai moyen de 10 ans, il a estimé que l'atteinte à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante n'était pas de nature " grave et immédiate ".

3. Dans sa décision n° 05-D-21 susvisée, le Conseil de la concurrence n'a cependant " pas exclu que le stock de contrats en prestation " standardisés " du GNEPF constitue une barrière à l'entrée sur certains de ces marchés, limitant l'accès au marché de la prévoyance funéraire et donc à terme au marché des prestations funéraires des opérateurs funéraires concurrents. " Il a donc poursuivi l'instruction de l'affaire au fond afin d'établir d'éventuelles pratiques contraires aux dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE d'une part, et L. 420-2 et 82 du traité CE d'autre part.

II. Constatations

A. LES ACTEURS

1. LES SAISISSANTS : L'UPF ET LA QUIÉTUDE

4. Les saisissantes sont deux associations loi 1901 qui regroupent des PME du secteur funéraire sur le territoire national.

5. Selon l'article 2 de ses statuts, l'UPF a pour objet " de défendre les intérêts de protéger les PME des professions du funéraire afin de préserver leur indépendance et la qualité professionnelle de leurs services aux familles ".

6. Selon l'article 2 de ses statuts, La Quiétude a pour objet " de promouvoir tous les moyens propres à permettre à toute personne d'accéder dans les meilleures conditions possibles à tous les contrats existant ou à créer [...] notamment dans les domaines de la médicalisation sous toutes ses formes, dans celui des obsèques ou des contrats d'assurance ou autres pouvant s'y rapporter [...] " (soulignement ajouté).

2. LES SOCIÉTÉS MISES EN CAUSE

a) OGF et le GNEPF

7. Le groupe OGF, créé en 1844, est devenu l'opérateur historique PFG en 1898. OGF-PFG était concessionnaire pour les services de nombreuses communes entre 1904 et 1996. Les concessions portaient sur une partie du service (le service extérieur) tandis que les agences de funérailles pouvaient réaliser l'ensemble des autres prestations (service libre et marbrerie funéraire).

8. Le groupe OGF est le principal opérateur funéraire au plan national, avec une part de marché supérieure à 25% en 2003 sur le marché des prestations funéraires (138 000 obsèques réalisées sur les 550 300 décès enregistrés). Son réseau s'étend sur tout le territoire national de la France métropolitaine.

9. A la fin des années 1970, le groupe OGF a créé une activité de prévoyance funéraire puis, en 1989, un département Prévoyance. Le GNEPF est la filiale prévoyance du groupe OGF. Le 29 mars 2006, OGF et le GNEPF ont fusionné.

10. Selon OGF, le nombre de contrats standardisés conclus par le GNEPF en partenariat avec La Poste, le Crédit Lyonnais et la Caisse d'Epargne et aujourd'hui en stock s'élève respectivement à 25 687, 49 850 et 31 069, soit un total de 106 606 contrats. Si l'on y ajoute l'ensemble des autres contrats obsèques conclus par le GNEPF avec d'autres partenaires, y compris les contrats de prévoyance funéraire personnalisés commercialisés par Auxia, le nombre total de contrats de prévoyance obsèques en stock au 31 décembre 2004 s'élève à environ 210 000. Les légères différences avec les chiffres des banques ci-après s'expliquent par des modifications de contrat après leur signature.

11. Toujours selon OGF, environ 14 % des 550 000 décès enregistrés en France en 2003 auraient été couverts par un contrat de prévoyance funéraire, ce qui correspond à 77 000 contrats. Cette même année, OGF a exécuté 19 386 contrats de prévoyance funéraire " standardisés " et " personnalisés ". En 2003, la part de marché du GNEPF sur le marché de prévoyance obsèques se serait en conséquence élevée à 23,8 %.

b) La Poste

12. La Poste compte 17 000 points de vente de services financiers. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 2004, les contrats de prévoyance funéraire ont été commercialisés dans environ 3 000 bureaux. Fin 2004, la Poste avait commercialisé, selon ses propres données, 26 206 contrats standardisés en partenariat avec le GNEPF.

c) Le Crédit Lyonnais

13. Le réseau du Crédit Lyonnais compte 1 844 agences. Les contrats de prévoyance funéraire ont été commercialisés uniquement au sein des agences membres du réseau du Crédit Lyonnais avant la fusion avec le Crédit Agricole. Selon sa propre estimation, le Crédit Lyonnais a commercialisé entre 2002 et 2004 un total de 54 890 contrats de prévoyance funéraire standardisés en partenariat avec le GNEPF.

d) La Caisse d'Epargne

14. Le réseau Caisse d'Epargne comprend 4 700 agences. Seules 31 Caisses d'épargne ont commercialisé des contrats de prévoyance funéraire. Ecureuil-Vie, filiale assurance-vie du groupe Caisse d'Epargne jusqu'en mars 2007, est depuis lors une filiale à 100 % du groupe CNP. Fin 2004, la Caisse d'Epargne avait commercialisé selon ses propres données 36 464 contrats de prévoyance funéraire en partenariat avec le GNEPF.

B. LES PRATIQUES

15. Les pratiques visées concernent l'établissement de contrats de prévoyance funéraire commercialisés à partir de 2002 par le Crédit Lyonnais, la Caisse d'Epargne et La Poste en partenariat avec le GNEPF. Ces contrats proposaient conjointement une assurance pour le financement des obsèques par la bancassurance, et une prestation funéraire à assurer le jour venu par le GNEPF, par l'intermédiaire des entreprises membres de son réseau.

1. LA FIXATION D'UN TARIF NATIONAL UNIQUE POUR L'EXÉCUTION DES PRESTATIONS FUNÉRAIRES

16. Selon les saisissants, la fixation par le GNEPF d'un tarif national applicable à tous les adhérents du réseau pour la couverture des obsèques était anticoncurrentielle car elle pouvait entraîner " une tarification unique au plan national [...] globalement plus élevée que les produits concurrents librement choisis ".

17. En réponse, OGF fait valoir que la mise en œuvre de cette politique tarifaire lui permettait de garantir l'exécution de la prestation, quel que soit le lieu du décès sur le territoire national, sur cet avantage apporté au consommateur contrebalançait les effets du prix unique. Ce tarif unique, qui prévaut au moment de la souscription du capital décès, servirait uniquement à déterminer le montant du capital décès permettant de valoriser la prime d'assurance en fonction de la formule de prestation choisie.

18. Dans sa décision n° 05-D-21, le Conseil de la concurrence a estimé aux paragraphes 50 et 51 que la " fixation d'un tarif minimum ne pouvait bénéficier d'une exemption, prévue par l'article L. 420-4 du Code de commerce, au regard de l'insuffisante information du consommateur quant au caractère indicatif des prix minimums. En l'espèce, il n'est pas exclu que la pratique de tarification nationale unique soit visée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ainsi que la l'article 81 du traité CE. "

2. L'EXCLUSIVITÉ DE FAIT DE GNEPF POUR L'EXÉCUTION DES CONTRATS

19. Malgré l'absence de clause d'exclusivité dans les conventions funéraires conclues par le GNEPF respectivement avec le Crédit Lyonnais, la Caisse d'Epargne et La Poste, le Conseil de la concurrence a estimé, dans sa décision n° 05-D-21 qu'il existait une exclusivité de fait du GNEPF pour l'exécution des obsèques, " en raison des modalités d'agrément du GNEPF par les organismes financiers en cause (à l'issue d'une procédure d'appel d'offres), de la pratique de l'acceptation du bénéfice de l'assurance par le GNEPF ainsi que du fait de l'absence de solution alternative pour le souscripteur, en cas de demande de changement d'opérateur funéraire. "

20. Afin d'éviter le risque de rétablissement d'un monopole sur le marché des prestations funéraires, supprimé par la loi du 8 janvier 1993, que pourraient induire ces contrats, la loi 2004-1343 du 9 décembre 2004 insère deux articles dans le Code général des collectivités territoriales qui imposent aux contrats de prévoyance obsèques de : " prévoir explicitement la faculté pour le contractant ou le souscripteur de modifier la nature des obsèques, le mode de sépulture, le contenu des prestations et fournitures funéraires, l'opérateur habilité désigné pour exécuter les obsèques et, le cas échéant, le mandataire désigné pour veiller à la bonne exécution des volontés exprimées au sens de l'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 relative à la liberté des funérailles, le ou les changements effectués ne donnant droit à la perception que des seuls frais de gestion prévus par les conditions générales souscrites ".

21. Ces dispositions ont mis fin à la commercialisation de nouveaux contrats de prévoyance obsèques par les bancassureurs et le GNEPF dès la fin de l'année 2004.

III. Discussion

A. SUR LE MARCHÉ PERTINENT

22. Dans sa décision n° 05-D-21 du 17 mai 2005, le Conseil de la concurrence distingue le marché des prestations funéraires du marché de la prévoyance funéraire. Alors que le premier a une dimension locale et que la demande y est souvent formulée dans l'urgence et à la demande de la famille du défunt, le second a une dimension nationale et la demande émane du futur défunt, a priori en l'absence de contraintes de temps, ce qui laisse la possibilité de s'informer plus amplement.

23. Dans son avis n° 05-A-12 du 21 juin 2005 relatif aux conditions de commercialisation des contrats de prévoyance funéraire au regard du droit de la concurrence, le Conseil envisage en outre de distinguer, au sein du marché de la prévoyance funéraire, le marché des contrats de prévoyance en capital sans mention de prestations funéraires et le marché des contrats en prestation.

24. Le marché des contrats de prévoyance en prestation peut à son tour se subdiviser en deux sous-marchés : celui des contrats " personnalisés " et celui des contrats " standardisés ". Les contrats personnalisés sont principalement souscrits par des personnes d'âge relativement élevé qui exigent une définition précise des prestations funéraires ; les contrats standardisés sont principalement souscrits par des personnes plus jeunes (en majorité, des actifs de plus de 50 ans) qui cherchent une formule de financement des obsèques à l'avance afin d'en épargner le coût à leur famille, sans exiger une identification précise des prestations funéraires.

25. Les contrats commercialisés par le Crédit Lyonnais, la Caisse d'Epargne et La Poste en partenariat avec le GNEPF sont des contrats de prévoyance funéraire standardisés.

26. L'existence d'éventuelles restrictions par objet dans les contrats litigieux est de nature à porter atteinte aux conditions d'exercice de la concurrence sur le marché de la prévoyance funéraire. Ce marché est de dimension nationale.

27. Au contraire, le dénouement du stock de contrats litigieux commercialisés entre 2002 et 2004 est susceptible d'affecter le marché des prestations funéraires. Ce dernier marché comprend l'ensemble des produits et services funéraires (prestations relevant du service intérieur, extérieur ou libre) et, conformément à la jurisprudence constante du Conseil de la concurrence, il est de dimension locale.

B. SUR L'ABSENCE DE RESTRICTION PAR OBJET DES CONTRATS LITIGIEUX

28. Les contrats de prévoyance funéraire en prestations constituaient au début des années 2000 un produit innovant assimilable à un " package " de deux services nécessitant la conclusion de partenariats entre un distributeur de produits d'assurance (un assureur ou une banque) et un prestataire funéraire.

29. Ces produits de prévoyance funéraire s'adressent à une demande particulière de personnes souhaitant sécuriser le financement de leurs obsèques sans considération immédiate des modalités précises de ces dernières. De fait, la vente de ces produits mixtes à un guichet de banque a principalement intéressé des personnes encore actives, dont la demande est sensiblement différente de celle, plus classique, dirigée vers les prestataires de services funéraires, seuls à même de donner des indications techniques précises sur la nature exacte des prestations funéraires contractuelles.

30. La distribution de contrats " packagés ", du fait qu'elle nécessite un partenariat, est susceptible d'induire des restrictions anticoncurrentielles sur le marché de la prévoyance funéraire, puis sur le marché aval des prestations d'obsèques. Elle peut, tout d'abord, conduire à la captation de l'ensemble des circuits de distribution au profit d'un opérateur funéraire unique s'il apparaît que ce dernier est le seul en mesure d'être un partenaire crédible des banques pour offrir des prestations sur l'ensemble du territoire national. Si une telle situation de monopole de fait n'est pas constatée, un opérateur détenant un réseau national de services funéraires pourrait néanmoins parvenir à verrouiller l'accès au marché en passant des contrats d'exclusivité avec les principaux circuits bancaires intéressés par ce type de produits, réduisant le nombre de partenaires potentiels que ses concurrents pourraient solliciter pour entrer sur le marché.

31. En l'espèce, l'exclusivité de fait des partenariats conclus par GNEPF-OGF était limitée à trois bancassureurs et n'empêchait nullement des réseaux d'opérateurs funéraires concurrents de conclure des partenariats de même nature avec d'autres bancassureurs.

32. D'ailleurs, des réseaux d'opérateurs funéraires alternatifs, comme le Voeu Funéraire et le Choix Funéraire, ont effectivement conclu de tels partenariats avec des bancassureurs pour la commercialisation de contrats de prévoyance funéraire en prestations. De même, des réseaux de bancassurance autres que la Poste, le Crédit Lyonnais et la Caisse d'Epargne, comme par exemple ceux du Crédit Mutuel ou du Crédit Agricole, disposent d'une capillarité territoriale suffisante pour diffuser efficacement des contrats de prévoyance.

33. En conséquence, il existait bien, entre 2002 et 2004, une concurrence potentielle entre contrats " packagés ". On ne peut donc soutenir que les contrats passés entre 2002-2004 par GNEPF-OGF, dont l'objet principal était le lancement d'un produit innovant, avaient pour objet de préempter le marché de la prévoyance funéraire dans le but ultime de créer à terme un verrouillage du marché aval des prestations funéraires, même si la multiplication de ces contrats pouvait, à terme, avoir de tels effets dans le cas où un même opérateur aurait été seul en mesure de les souscrire à grande échelle.

C. SUR L'EFFET POSSIBLE DE L'EXÉCUTION DU STOCK DE CONTRATS

34. Comme l'avait indiqué le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 05-D-21 déjà citée, l'absence d'effet immédiat des pratiques en cause sur le marché de la prévoyance funéraire résultait de la modification du cadre législatif, ce qui limite l'analyse des effets dans le temps du stock des contrats passés entre 2002 et 2004. L'existence d'une exclusivité de fait du GNEPF pour l'exécution des contrats litigieux pendant cette période est susceptible d'induire, au moment de leur dénouement, des effets d'éviction sur les marchés locaux des prestations funéraires en raison de la captation durable des clients par le GNEPF.

35. Toutefois, le probable éparpillement dans l'espace et dans le temps du dénouement des contrats en cause rend nécessaire une étude plus fine des effets potentiels sur les marchés locaux des prestations funéraires pour apprécier d'éventuelles restrictions de concurrence sur ces marchés.

1. ANALYSE STATISTIQUE DES EFFETS DE L'EXÉCUTION DU STOCK DE CONTRATS

a) Estimation d'une projection du dénouement des contrats

36. Dans le cadre de l'instruction, OGF a transmis les données relatives au nombre de contrats souscrits par an, par âge et par sexe, auprès de chacun des trois bancassureurs (contrats standardisés) et auprès d'Auxia (contrats personnalisés). La répartition du nombre de contrats souscrits chaque année auprès de ces mêmes opérateurs par département a également été transmise.

37. La même demande a été formulée à chacun des trois bancassureurs concernant leur propre stock de contrats de prévoyance funéraire en partenariat avec le GNEPF. Cependant, dans la mesure où les données transmises par les bancassureurs, à la différence de celles fournies par OGF, ne déduisent pas les contrats qui ont été résiliés, rachetés ou ayant fait l'objet d'un renoncement, de petites différences existaient et l'instruction a choisi d'exploiter les données fournies par OGF pour conserver l'homogénéité des données.

38. Afin d'estimer l'année de décès de chaque souscripteur, à partir de son âge et de l'année de souscription, des projections statistiques ont été réalisées en utilisant notamment la table de mortalité de l'Institut national d'études démographiques pour 2003-2005.

39. De son côté, OGF a versé au dossier une étude intitulée " Impact des contrats d'assurance obsèques " réalisée par le cabinet Towers Perrin. A partir de tables de mortalité et des données d'OGF relatives au nombre de contrats souscrits chaque année, par âge et par sexe, cette étude estime, à l'instar des projections établies par l'instruction, les échéanciers probables des contrats en cause.

40. Les résultats de l'analyse statistique réalisée par la rapporteure et ceux de l'étude du cabinet Towers Perrin sont très proches. Les deux études s'accordent sur le fait que 2015 sera l'année pendant laquelle le plus grand nombre de contrats devrait être exécuté, ce nombre restant toutefois modeste et inférieur à 5 000 selon l'étude réalisée par la rapporteure. La faiblesse de ce chiffre est liée à l'étalement des prestations funéraires sur une période relativement étendue, à savoir 2006-2045 pour la quasi-totalité du stock, en raison de l'hétérogénéité de l'âge des souscripteurs.

41. Les résultats des deux études sont présentés ci-après sous une forme graphique :

<emplacement tableau>

42. On constate que les études convergent sur les points principaux : le dénouement des contrats de la Caisse d'épargne est le plus précoce avec un pic dès la période 2005-2007, les contrats du Crédit Lyonnais, qui sont les plus nombreux, connaissent un maximum d'exécutions à partir de 2020 et les contrats de La Poste, qui sont les moins nombreux, se dénouent principalement entre 2010 et 2015.

b) Estimation de l'impact des contrats sur le marché des prestations funéraires

43. Afin d'estimer la part du marché des prestations funéraires représentée par le stock de contrats, le nombre de contrats exécutés chaque année a été rapporté au nombre total de décès prévus pour cette même année. L'estimation retenue du nombre de décès par an entre 2005 et 2050 est issue du scénario démographique central de l'Insee.

44. Plus précisément, pour chaque année de décès, le nombre total de contrats standardisés exécutés a été rapporté au nombre de décès estimé en France par le scénario démographique central de l'Insee. Afin d'estimer un majorant des effets restrictifs de concurrence du stock de contrats, l'étude retient l'hypothèse qu'OGF exécute 100 % des contrats standardisés qui arrivent à échéance.

45. L'étude de Towers Perrin effectue un calcul similaire, mais fournit également une estimation de la part de marché d'OGF en supposant celle-ci égale à 80 % de l'impact sur le marché précédemment estimé, au motif que, selon OGF, 20 % des contrats commercialisés par les bancassureurs sont finalement exécutés par d'autres prestataires funéraires qu'OGF, par exemple si les familles ignorent l'existence de ce contrat ou choisissent délibérément de ne pas faire exécuter les obsèques par OGF.

46. Les deux études parviennent à des résultats totalement similaires qui montrent que l'impact des contrats commercialisés par les trois bancassureurs est étalé dans le temps avec un effet très limité sur le marché des prestations funéraires au niveau national. Au maximum, l'impact annuel de l'exécution des contrats commercialisés par les trois bancassureurs atteindrait 0,8 % autour de 2015 comme le montre le graphique ci-après.

<emplacement tableau>

47. OGF étant également l'exécutant des contrats de prévoyance funéraire personnalisés commercialisés par Auxia (1), une seconde estimation a été réalisée en prenant en compte la somme de ces contrats et de ceux commercialisés par les trois bancassureurs.

48. La prise en compte des contrats personnalisés commercialisés par Auxia, et dont le prestataire funéraire associé est également OGF, fait passer l'impact marché maximum de 0,8 % lorsque seuls les contrats standardisés sont pris en compte, à 1,5 %, ce qui reste négligeable. En outre, la répartition dans le temps du dénouement des contrats ne s'en trouve pas sensiblement modifiée. <emplacement tableau>

c) Répartition géographique des contrats

49. Afin de s'assurer que l'exécution des contrats de prévoyance funéraire commercialisés en partenariat avec le GNEPF n'est pas concentrée sur un petit nombre de départements, portant ainsi préjudice à la concurrence locale, la répartition des contrats par département de souscription a également été analysée. Bien que ce ne soit pas systématiquement le cas, on peut raisonnablement considérer qu'une part importante des contrats est exécutée dans le département où ils ont été souscrits.

50. La répartition par département des contrats commercialisés par chaque bancassureur montre une distribution homogène sur le territoire national. La plus forte concentration concerne les contrats commercialisés par la Caisse d'Epargne dans le Nord : 11,5 % des contrats de la Caisse d'Epargne sont concernés, ce qui représente 3 759 contrats. Au total, le département dans lequel le plus grand nombre de contrats ont été commercialisés par les trois bancassureurs est également le Nord, avec 6 607 contrats. L'exécution de ces contrats devrait s'étaler dans le temps, a priori de manière similaire au reste du stock, c'est-à-dire entre 2006 et 2045 pour la quasi-totalité. Dans la mesure où le Nord comptait 2 576 000 habitants au 1er janvier 2005 et que 21 895 décès y ont été enregistrés cette année-là, il est clair que l'étalement sur 40 ans de l'exécution de 6 607 contrats ne représentera chaque année qu'une part très marginale des obsèques.

51. Étant donné le nombre modeste de contrats litigieux qui devraient être exécutés par OGF au regard du nombre total de décès attendus sur la même période, et en l'absence d'une concentration significative à la fois temporelle et géographique des dates d'exécution de ces contrats, les pratiques dénoncées par les associations saisissantes ne sont donc pas susceptibles de porter atteinte à la concurrence sur les marchés des prestations funéraires, en violation des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce. A fortiori, on peut considérer que ces pratiques ne sont pas non plus susceptibles de constituer une violation des articles 81 et 82 du traité CE, et cela sans qu'il soit besoin d'examiner leurs effets potentiels sur les échanges entre les États membres.

Décision

Article unique : Il n'est pas établi que, le Crédit Lyonnais, La Poste, la Caisse d'Épargne et la société OGF aient enfreint les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 81 et 82 du traité CE.

Note :

1 Les contrats de prévoyance funéraire commercialisés par les trois bancassureurs sont des contrats dits standardisés.