Livv
Décisions

Ministre de l’Économie, 21 avril 2008, n° ECEC0814160S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils du Groupe L'Oréal

Ministre de l’Économie n° ECEC0814160S

21 avril 2008

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 17 mars 2008, vous avez notifié le passage d'un contrôle conjoint par le Groupe L'Oréal (50 % du capital et des droits de vote) et le groupe 3 Suisses International (50 % du capital et des droits de vote) au contrôle exclusif par le Groupe L'Oréal (ci-après " L'Oréal "), de plusieurs sociétés (1) constituant une seule et même entité, le Groupe Beauté Créateurs, agissant sous le nom commercial " Le Club des Créateurs de Beauté " (le Groupe Beauté Créateurs sera ci-après dénommé " CCB "). Cette acquisition a été formalisée par un contrat de cession signé le 3 mars 2008.

1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION

L'Oréal est un groupe français coté sur Euronext Paris et actif dans la recherche, le développement, la production, le marketing et la distribution de produits cosmétiques au niveau mondial. Il compte parmi ses principales marques L'Oréal Paris, Lancôme, Biotherm, Helena Rubinstein, Kérastase, Maybelline. Son capital et ses droits de vote sont répartis de la manière suivante : Madame Liliane Bettencourt et sa famille (29 % et 30,7 %), Nestlé (27,9 % et 29,4 %), actions publiques (37,8 % et 39,9 %), autocontrôle (5,3 % et 0 %).

L'Oréal a réalisé en 2007 un chiffre d'affaires consolidé hors taxes mondial d'environ 17,1 milliards d'euro, dont environ 2, 2 milliards d'euro en France.

CCB est également actif dans le secteur des produits cosmétiques sous les marques Agnès B., Cosmence, Franck Provost, Professeur Christine Poelman, Natural Sea Beauty, Michel Klein, Marina Marinof et Corinne Cobson. CCB assure lui-même la distribution de ses produits par le biais de la vente à distance (catalogue et Internet). Le capital de chacune des sociétés composant CCB est détenu à 50 % par L'Oréal et à 50 % par 3 Suisses International.

CCB a réalisé en 2007 un chiffre d'affaires hors taxes mondial d'environ 111,2 millions d'euro, dont environ [> 50] millions d'euro en France.

La présente opération consiste en l'acquisition par l'Oréal de 50 % du capital et des droits de vote de chacune des sociétés formant CCB. En ce qu'elle entraîne le passage d'un contrôle conjoint de L'Oréal et de la société 3 Suisses International sur CCB à un contrôle exclusif de L'Oréal sur CCB, l'opération notifiée constitue bien une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire, et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

2. LES MARCHÉS CONCERNÉS

2.1. Les marchés de produits

2.1.1. Fourniture de produits cosmétiques

Le secteur des produits cosmétiques a été analysé à plusieurs reprises par les autorités de concurrence française (2) et communautaire (3). Dans leurs décisions, elles ont retenu une double segmentation du marché en fonction de l'usage auquel les produits sont destinés (4) et du canal de distribution (5), ce que l'instruction de la présente opération n'a pas permis de réfuter.

Au cas d'espèce, les parties sont simultanément présentes dans les secteurs (1) du maquillage, (2) des produits de soin de la peau qu'on peut subdiviser conformément à la pratique communautaire en produits de soin pour le corps (2.1) et produits de soin pour le visage (2.2), (3) des produits capillaires, (4) des produits de protection solaire, (5) des produits de toilette pour le corps qu'on peut subdiviser conformément à la pratique (6) en produits pour le bain (5.1), produits pour la douche (5.2), savons (5.3), déodorants (5.4) et eaux de Cologne (5.5), et enfin (6) des produits de parfumerie. En tout état de cause, la question des catégories exactes à retenir pour la segmentation du marché de produits en fonction de leur utilisation peut être laissée ouverte car, quelle que soit la catégorie retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

Concernant une éventuelle segmentation des marchés de produits par canal de distribution, tout en laissant la question ouverte, les autorités de concurrence ont établi une possible distinction entre les produits destinés à être commercialisés dans des réseaux de distribution sélectifs (parfumeries et grands magasins), ceux destinés à être vendus dans des circuits spécialisés (pharmacies et parapharmacies) et les produits destinés à être vendus sans distinction particulière, qu'on pourrait qualifier de produits cosmétiques de masse (grandes et moyennes surfaces et vente directe par exemple). En l'espèce, les produits des parties ne sont pas distribués au sein de circuits spécialisés, et il n'existe pas de chevauchements d'activités entre elles concernant les produits vendus auprès de la distribution sélective, CCB étant absent de ce canal de distribution. En tout état de cause, la question d'une éventuelle segmentation du marché de produits en fonction du canal de distribution peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit l'option retenue.

2.1.2. Vente au détail de produits cosmétiques

Les autorités de concurrence communautaires, tout en laissant ouverte la question de la définition du marché de service de vente au détail de produits cosmétiques, ont également envisagé deux segmentations, l'une en fonction de l'usage auquel les produits sont destinés, l'autre en fonction du canal de distribution (7). Cependant, avec seulement quatre magasins mono-marque à Paris et des ventes marginales sur Internet de produits de la marque Lancôme, L'Oréal est quasi-absent du marché de la vente au détail de produits cosmétiques. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner au cas d'espèce l'ensemble des différents segments procédant de ces distinctions, ni de fermer la question de la définition exacte du marché de service. Cependant, à titre informatif, l'analyse concurrentielle examinera les parts de marché de CCB sur le seul canal de distribution sur lequel il opère, qui est celui de la vente à distance (8).

2.2. Les marchés géographiques

2.2.1. Fourniture de produits cosmétiques

Il ressort de la pratique décisionnelle de la Commission européenne et du ministre de l'Economie (9) que les marchés des produits cosmétiques ont une dimension au moins nationale, et peut-être européenne (EEE). En l'espèce, la question de la délimitation géographique exacte des marchés des produits cosmétiques peut être laissée ouverte, dans la mesure où quelle que soit la définition retenue les conclusions de l'analyse concurrentielle sont inchangées. L'analyse concurrentielle fournira en l'espèce des parts de marché au niveau national, sachant que les parties considèrent détenir sur les différents segments envisageables des parts de marché nationales supérieures à leurs parts de marché européennes.

2.2.2. Vente au détail de produits cosmétiques

Les autorités de concurrence communautaires (10) ont considéré que les marchés de la vente au détail de produits cosmétiques pouvaient être de dimension locale (correspondant aux différentes zones de chalandise des points de vente) ou nationale, notamment dans le cas où plusieurs opérateurs disposent d'une chaîne de magasins sur le territoire national et où la concurrence s'exerce entre eux au niveau national. Cependant, en l'espèce, dans la mesure où l'une des parties, CCB, opère exclusivement par le biais de ventes à distance au travers d'Internet et de catalogues distribués sur l'ensemble du territoire national, il n'apparaît ni pertinent ni possible d'opérer une segmentation du marché géographique en fonction de zones de chalandise. Au cas d'espèce, l'analyse concurrentielle sera donc effectuée au niveau national.

3. L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

Les parties sont toutes les deux présentes sur les secteurs de la production et de la distribution de produits cosmétiques, mais elles ont cependant des positionnements commerciaux très différents. Ainsi, L'Oréal a une assez forte position sur le marché amont des produits cosmétiques, mais intervient très peu sur le marché aval du commerce de détail de produits cosmétiques. Pratiquant la vente directe par le biais de ventes à distance (catalogues et Internet), CCB se positionne sur le marché aval du commerce de détail, avec une clientèle constituée de consommateurs finaux. Dès lors, les additions de parts de marché résultant de la présente opération s'avèrent marginales. En outre, quelle que soit la segmentation envisagée, les parties ne sont pas les substituts les plus directs sur les marchés en cause, ce qui permet d'écarter le risque d'éventuels effets unilatéraux emportés par l'opération. En effet, en cas de tentative d'augmentation unilatérale des prix d'une des parties à la concentration, les reports de demande s'adresseraient prioritairement à ses concurrents les plus proches et non à l'autre partie.

3.1. Analyse horizontale

3.1.1. Produits cosmétiques

3.1.1.1 Marché global

Au niveau national, les parts de marché des parties sur un marché tous produits de beauté-hygiène et tous canaux de distribution confondus sont selon les parties de [20-30] % en valeur et de [20-30] % en volume pour L'Oréal, et de [0-10] % en valeur et [0-10] % en volume pour CCB, soit une part de marché cumulée de [20-30] % en valeur et de [20-30] % en volume. Ainsi, le marché apparaît affecté en volume et en valeur, ce qui ne résulte cependant pas de la présente opération de concentration qui aboutit à des additions de parts de marché en valeur et en volume inférieures à [0- 10] %.

En tout état de cause, les parties devront faire face à des concurrents, eux aussi spécialistes de la beauté comme Beiersdorf ou Yves Rocher affichant respectivement, selon les parties, des parts de marché de [10-20] % et [0-10] % en valeur, spécialistes du luxe comme LVMH qui récolte [0-10] % du marché en valeur ou enfin diversifiés tel Henkel qui a une part de marché d'environ [0-10] % en valeur.

3.1.1.2 Segmentations du marché des produits cosmétiques en fonction de l'usage des produits

Les tableaux suivants présentent les parts de marché actuelles des parties, leurs parts de marché cumulées suite à l'opération ainsi que les parts de marché de leurs concurrents sur les différents segments du marché des produits cosmétiques découpé en fonction de l'usage des produits (estimations des parties).

3.1.1.2.1 Produits capillaires

<emplacement tableau>

Il ressort du tableau précédent que le marché des produits capillaires n'est pas affecté par l'opération dès lors que l'addition de part de marché qui en résulte s'avère marginale.

3.1.1.2.2 Produits de maquillage

<emplacement tableau>

Il ressort de ce tableau que l'opération n'emporte pas de risque concurrentiel sur un marché global des produits de maquillage comme sur chacun de ses segments, puisque les additions de parts de marché qui en découleront seront limitées et qu'il existe par ailleurs plusieurs concurrents sérieux.

3.1.1.2.3 Produits de protection solaire

<emplacement tableau>

En dépit du fait que ce marché des produits solaires soit affecté, l'incrément de part de marché qui résulte de l'opération apparaît minime. La présente opération de concentration ne pose donc pas de problème de concurrence sur le marché des produits de protection solaire.

3.1.1.2.4 Produits de soin pour la peau

<emplacement tableau>

Il ressort du tableau précédent que le marché global des produits de soin de la peau ainsi que ses segments ne seront pas affectés. En outre, les additions de parts de marché résultant de l'opération demeurent minimes et la nouvelle entité devra faire face à la concurrence d'un acteur de marché de taille équivalente, Yves Rocher, et d'opérateurs de taille moindre mais non négligeable. Ainsi, Beiersdorf, avec sa marque Nivéa, disposera après l'opération d'une part de marché en volume supérieure à celle de la nouvelle entité sur le segment des soins du corps (soit [20-30] % contre [10- 20] %).

3.1.1.2.5 Produits de parfumerie

<emplacement tableau>

Ainsi que le montre ce tableau, la part de marché cumulée des parties n'excèdera pas [10-20] %. La nouvelle entité sera devancée par son concurrent LVMH, et suivie de peu par plusieurs acteurs parmi lesquels Yves Rocher dont la part de marché en volume est supérieure à celle de la nouvelle entité (soit [10-20] % contre [10-20] %).

3.1.1.2.6 Produits de toilette pour le corps (11)

Sur ce marché et ses différents segments, l'addition de parts de marchés résultant de l'opération est quasi-nulle. Ainsi, du fait de leur faiblesse, les parts de marché de CCB n'apparaissent pas dans le panel Euromonitor. Il convient dès lors d'estimer qu'elles sont en tout état de cause plus faibles que celles des dernières sociétés citées par le panel (Nivéa pour les produits de bain avec [0-10] %, Bolton Group pour les produits de douche avec [0-10] %, L'Oréal pour les savons avec [0-10] % et Procter&Gamble pour les déodorants avec [0-10] %). Sur un marché englobant tous les produits de toilette pour le corps, la part de marché de L'Oréal avoisine ainsi les [10-20] %, et celle de CCB les [0- 10] %, soit une part de marché cumulée d'environ [10-20] %.

<emplacement tableau>

Ainsi, sur un marché confondant tous les produits cosmétiques aussi bien que sur des marchés segmentés par type de produits, il apparaît que la présente opération ne porte pas atteinte à la concurrence, notamment du fait de l'addition souvent marginale de parts de marché qui en résulte et de la présence de nombreux concurrents compétitifs. En outre, il s'avère au vu des informations communiquées par les parties que l'Oréal est l'un des principaux fournisseurs de CCB en termes de produits. Ainsi, les incréments de part de marché qui résultent de la présente opération sont en réalité plus faibles que ceux qui ont été évoqués.

3.1.1.3 Segmentation du marché des produits cosmétiques en fonction du canal de distribution auxquels ils sont destinés

Comme précisé au stade de la définition des marchés, quelle que soit la catégorie de produits en cause, L'Oréal et CCB ne peuvent pas être considérés comme des substituts proches étant donnée leur présence sur des canaux de distribution très différents. En particulier, le canal de la vente à distance sur lequel CCB est présent impose certaines contraintes au consommateur final, comme le paiement de frais de port et le cas échéant d'accès à Internet.

Cependant, dans la mesure où il n'a pas été démontré que la nature des produits différait selon qu'ils sont destinés à l'un ou l'autre de ces canaux, il convient de considérer que les activités des parties se chevauchent sur la fabrication de produits à destination des canaux de distribution non sélectifs et non spécialisés, soit les GMS et la vente directe, qui peuvent constituer un marché des cosmétiques de masse.

3.1.1.3.1 Vente de cosmétiques de masse (GMS et vente directe)

Sur un marché confondant tous les produits cosmétiques confondus, la part de la nouvelle entité sera de [30-40] % en valeur, résultant de l'addition des parts de marché de L'Oréal ([30-40] %) et de CCB ([0-10] %).

Sur le segment des produits de maquillage, la nouvelle entité recueillera [50-60] % de parts de marché en valeur, dont [40-50] % pour L'Oréal et [0-10] % pour CCB. Sur la base d'une segmentation plus fine encore, la plus forte addition de parts de marché se retrouve sur le segment du maquillage pour les yeux ([0-10] %), aboutissant à une part de marché de la nouvelle entité à [50-60] %.

Sur le segment des produits capillaires, la part de marché en valeur de la nouvelle entité sera de [50-60] %, résultant de l'addition des parts de marché de L'Oréal ([50-60] %) et de CCB ([0-10] %).

Concernant les produits de soin pour la peau, l'addition de parts de marché résultant de l'opération apparaît très faible. Ainsi, les parts de marché en valeur de L'Oréal et de CCB sur cette activité sont respectivement de [20-30] % et de [0-10] %, soit une part de marché cumulée de [20-30] %. De plus, la nouvelle entité devra affronter plusieurs concurrents notamment Yves Rocher qui détient [20-30] % du marché et Nivéa qui recueille [10-20] % de parts de marché. Sur le segment des produits de soin du corps sur lequel les parties sont les plus fortes, l'addition de parts de marché n'excède pas [0-10] %, aboutissant à une part de marché cumulée de [20-30] % en valeur.

En matière de parfumerie, l'addition de parts de marché est quasi-nulle, CCB n'apparaissant pas dans le panel Secodip. L'Oréal recueille [10-20] % de parts de marché, et se situe loin derrière Yves Rocher qui détient selon le panel [40-50] % du marché en valeur.

Enfin, en matière de produits de protection solaire, la nouvelle entité recueillera [40-50] % de parts de marché en valeur, dont [40-50] % pour L'Oréal et [0-10] % pour CCB.

Les parties n'ont pas fourni de données relatives aux produits de toilette pour le corps. Ces produits s'apparentent toutefois à des cosmétiques de masse, avec une prépondérance des groupes actifs dans le secteur de la chimie ou diversifiés (Henkel, Unilever...) sur les groupes issus de l'industrie du luxe. Les produits concernés n'ont donc pas a priori de nombreux débouchés au sein de la distribution sélective. L'analyse confondant tous les canaux de distribution des produits de toilette pour le corps doit donc permettre une appréhension fidèle du segment et des positions qu'y occupent les parties.

En conclusion, il apparaît que la présente opération ne porte pas atteinte à la concurrence sur un marché global des produits cosmétiques de masse pas plus que sur ses différents segments par type de produits notamment du fait que l'addition de parts de marché qui en résulte est souvent marginale. En outre, dans la décision précitée L'Oréal/The Body Shop, la Commission européenne a souligné l'existence de quelques nouvelles entrées récentes sur ce marché. Enfin, il convient de relever que sur le canal de la GMS, le pouvoir de marché de L'Oréal est en partie limité par le contrepouvoir de la demande, constituée sur ce marché d'acteurs de la distribution tels que Carrefour, Leclerc, Intermarché, Auchan ou encore Système U.

3.1.1.3.2 Vente directe

Sur la base d'une segmentation plus fine ne prenant en compte que les produits à destination de la vente directe, il s'avère que le chevauchement entre les activités des parties est quasi inexistant, l'Oréal étant essentiellement un grossiste. Cependant, à titre indicatif, nous indiquerons que les parts de marché de CCB sont selon les parties de [0-10] % en valeur sur un marché des cosmétiques tous produits confondus, de [0-10] % en valeur sur un marché des produits de soin pour la peau, de [10- 20] % en valeur sur un marché des soins capillaires, de moins de [0-10] % en valeur sur un marché des produits de parfumerie, et de [20-30] % sur un marché des produits de maquillage (12).

3.1.2. Vente au détail de produits cosmétiques

Comme cela a été indiqué supra, L'Oréal réalise l'essentiel de son activité sur le marché amont de la production et de la vente en gros de produits cosmétiques. Il exerce une activité marginale de vente au détail par le biais de The Body Shop, d'un nombre réduit de boutiques mono-marque et de ventes par Internet de produits Lancôme. Les activités des parties à l'opération se recoupent donc de manière marginale dans le secteur de la vente au détail de produits cosmétiques, ainsi que le montre le tableau suivant.

<emplacement tableau>

Ainsi, la présente analyse permet de conclure à l'absence de risque pour la concurrence horizontale emporté par l'opération, tant en ce qui concerne un marché des cosmétiques tous produits et tous canaux de distribution confondus qu'en ce qui concerne tous les éventuels segments de ce marché par type de produit ou par canal de distribution.

3.1.2.1 Vente à distance

L'Oréal n'exerce aucune activité de vente à distance de produits cosmétiques, à l'exception de ventes par Internet de produits Lancôme pour un total de [...] euro. Selon les estimations des parties, ces ventes ne représentent en toute hypothèse qu'une part de marché sensiblement inférieure à [0- 10] %, et leur caractère marginal ne permet pas de les répartir entre les différentes catégories de produits précédemment évoquées. CCB détient une part de marché de [10-20] % en valeur sur un marché des cosmétiques tous produits confondus, de [0-10] % en valeur sur un marché des soins pour la peau, de [10-20] % en valeur sur un marché des soins capillaires, de moins de [0-10] % en valeur sur un marché de la parfumerie et de [30-40] % en valeur sur un marché des produits de maquillage (13). En outre, à l'issue de l'opération, le groupe Yves Rocher demeurera de loin le leader de cette activité avec environ [70-80] % de parts de marché sur un marché des cosmétiques tous produits confondus et d'environ [50-60] % sur le segment du maquillage.

[...]

* Évolution des parts de marché de CCB sur les marchés de la vente à distance

<emplacement tableau>

3.2. Effets verticaux et congloméraux

Du point de vue d'éventuels effets verticaux, les activités de vente au détail de L'Oréal resteront inchangées après l'opération selon les déclarations des parties. En effet, les boutiques sous enseigne The Body Shop continueront à commercialiser uniquement les produits vendus sous la même marque, de même que les autres boutiques mono-marque du groupe L'Oréal.

Étant donné l'importance limitée du canal de distribution de CCB, il ne serait pas rationnel de la part de L'Oréal de distribuer les produits de ses marques uniquement par ce biais. Les vendeurs de cosmétiques au détail n'ont ainsi pas à craindre une restriction de leur approvisionnement. Par ailleurs, aucun effet de forclusion en termes de débouchés pour les fabricants concurrents de L'Oréal ne peut résulter de l'opération, vu la taille réduite du canal de distribution de CCB ([0-10] % du marché total de la vente au détail de cosmétiques). En conséquence, l'opération n'est pas de nature à emporter de risque d'atteinte à la concurrence lié à des effets verticaux.

Enfin, l'opération n'est pas susceptible de créer des effets de gamme dans la mesure où les parties n'ont pas les mêmes clients. En effet, L'Oréal intervient en tant que grossiste auprès de distributeurs, tandis que CCB vend directement ses produits au consommateur final.

[...]. Pour autant, cette éventuelle extension du portefeuille des marques distribuées par CCB ne pourrait avoir d'effet sensible sur la concurrence entre distributeurs à distance compte tenu de la part de marché limitée de ce dernier opérateur sur la plupart des segments et de la capacité compétitive des autres distributeurs sur les autres segments. Inversement, la présente opération pourrait permettre à l'Oréal de proposer une gamme de produits plus étendue à ses revendeurs, intégrant la gamme CCB. Toutefois, compte tenu de la faible notoriété des marques de CCB au regard de celles des concurrents et de L'Oréal lui-même, le risque que cette extension de gamme ait des effets anticoncurrentiels peut également être écarté. Par conséquent, l'opération n'est pas susceptible d'emporter un risque d'atteinte à la concurrence par effet congloméral.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes, et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes :

1 Beauté Créateurs SAS (France), Club des Créateurs de beauté SA (Belgique), Club des Créateurs de Beauté Japon, Club des Créateurs Taiwan, Le Club des Créateurs KG (Allemagne), Le Club des Créateurs GmbH (Allemagne).

2 Voir la lettre du ministre de l'Economie C2006-40 du 27 avril 2006 au conseil de la société Johnson & Johnson relative à une concentration dans le secteur des produits cosmétiques, BOCCRF n° 7 bis du 15 septembre 2006.

3 Voir notamment les décisions de la Commission du 31 mars 2006, M.4193 L'Oréal/The Body Shop, du 15 mars 1993 M.312 Sanofi/YSL et du 23 février 1992 M.186 Henkel/Nobel.

4 Ainsi, dans sa décision L'Oréal/The Body Shop précitée, tout en laissant ouverte la question de la délimitation exacte des marchés de produits, la Commission a raisonné sur dix marchés : (1) les produits capillaires, (2) le maquillage, (3) les produits solaires, (4) les produits de soin du visage, (5) les produits de soin du corps, (6) les produits de soin des mains, (7) les produits de toilette, (8) les produits de soin pour hommes, (9) les déodorants et (10) les parfums. Le ministre de l'Economie a évoqué quant à lui dans sa décision relative à l'acquisition du groupe Vendôme S.A. cinq catégories, sans toutefois fermer la question de la définition du marché de produits. Il s'agissait (1) des produits de toilette pour le corps, (2) des produits de soin de la peau, (3) des produis d'hygiène dentaire, (4) des produits capillaires et (5) des produits parapharmaceutiques.

5Voir décisions précitées M.312 Sanofi/YSL et C2006-40 Jonhson & Johnson.

6 Voir décision Johnson & Johnson précitée.

7 Décisions de la Commission du 7 avril 2005, M.3716 AS Watson/Marionnaud et du 9 mars 2005, M.3643 Sephora/El Corte Inglès.

8 Pour une décision évoquant ce canal de distribution en particulier, voir la décision de la Commission européenne M.2951, AS Watson/Kruidvat, du 27 septembre 2002.

9 Décision L'Oréal/The Body Shop précitée, et Lettre du Ministre C2006-40, Johnson & Johnson/Vendôme précitée.

10 Décisions de la Commission AS Watson/Marionnaud et L'Oréal/The Body Shop précitées.

11 Les données communiquées par les parties et retranscrites dans le tableau suivant proviennent du panel Euromonitor, elles concernent les parts de marché exprimées en valeur des principaux acteurs du marché pour les produits pour la peau, les produits de douche, les savons et les déodorants en 2007 pour la France. L'Oréal ne dispose pas d'éléments sur le marché des eaux de Cologne, qui n'est pas suivi précisément.

12 Les parties affirment ne pas disposer de données sur ce segment de marché en matière de produits solaires. Elles ne fournissent pas de données non plus sur le segment des produits de toilette.

13 Les parties affirment ne pas disposer de données sur ce segment de marché ni en matière de produits solaires, ni en matière de produits de toilette pour le corps.