CJCE, 6e ch., 13 février 1992, n° C-105/90
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Goldstar Co. Ltd
Défendeur :
Conseil des Communautés européennes, Commission des Communautés européennes, Committee of Mechophonics Producers and Connected Technologies
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Schockweiler
Avocat général :
M. Van Gerven
Juges :
MM. Kapteyn, Mancini
Avocats :
Mes Byrne, Hans-Juergen Rabe, Dietrich Ehle, Volker Schiller
LA COUR (sixième chambre),
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 avril 1990, la société Goldstar Co. Ltd, établie à Séoul, a, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation du règlement (CEE) n° 112-90 du Conseil, du 16 janvier 1990, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains lecteurs de disques compacts originaires du Japon et de la République de Corée et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 13, p. 21), dans la mesure où il concerne la société requérante.
2 Goldstar est une société du groupe sud-coréen Lucky Goldstar et fabrique des produits électriques et électroniques destinés aussi bien au marché coréen qu'à des marchés étrangers. En juin 1987, Goldstar a fait l'objet d'une plainte déposée auprès de la Commission par une association de fabricants européens de lecteurs de disques compacts, le Committee of Mechophonics Producers and Connected Technologies (ci-après "Compact"), qui l'accusait de vendre ces produits dans la Communauté à des prix de dumping.
3 La procédure antidumping engagée par la Commission sur la base du règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après "règlement de base"), a conduit d'abord à imposer à Goldstar un droit antidumping provisoire de 32,5 % du prix net franco frontière communautaire non dédouané. Le Conseil, sur proposition de la Commission, a ensuite fixé le droit antidumping définitif à 26,1 %, par son règlement n° 112-90, contre lequel Goldstar a introduit le présent recours.
4 L'enquête sur les pratiques de dumping a porté sur la période comprise entre le 1er juin 1986 et le 31 mai 1987 (ci-après "période de référence"), au cours de laquelle Goldstar a vendu en Corée et dans la Communauté cinq modèles de lecteurs de disques compacts (ci-après "LDC"). Il s'agit, en premier lieu, des modèles GCD 613 et GCD 616, distribués en Corée sous la propre marque de Goldstar et que celle-ci a vendus dans la Communauté tant sous sa propre marque qu'à des Original Equipment Manufacturers (ci-après "OEM"). Il s'agit, en second lieu, des modèles GCD 603, GCD 605 et GCD 606, dont la production a été arrêtée en 1985. L'ensemble de ces modèles vendus dans la Communauté pendant la période de référence y avait été exporté avant le 1er juin 1986.
5 La Commission et le Conseil ont déterminé la valeur normale de ces cinq modèles selon trois méthodes. Selon la première de ces méthodes, la valeur normale a été établie sur la base du prix moyen pondéré pratiqué sur le marché intérieur pour toutes les ventes à des acheteurs indépendants. Cette méthode concernait les modèles GCD 603, GCD 605, GCD 606 et GCD 616, dont les ventes sur le marché coréen représentaient plus de 5 % des ventes de ces modèles à l'exportation vers la Communauté.
6 La deuxième méthode a été appliquée au modèle GCD 613, dont les ventes sur le marché intérieur étaient inférieures aux 5 % des ventes correspondantes vers la Communauté. Selon cette méthode, la valeur normale a été construite conformément à l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement de base. Les montants utilisés pour la valeur construite ont été les moyennes pondérées des dépenses supportées et des bénéfices réalisés par Goldstar pour la vente en Corée des modèles GCD 603, GCD 605, GCD 606 et GCD 616.
7 La troisième méthode concerne les modèles GCD 613 et GCD 616 que Goldstar a vendus dans la Communauté à des OEM. Leur valeur normale a été construite, puisque de telles ventes n'avaient pas eu lieu sur le marché coréen. Cette valeur construite a été fondée sur les mêmes montants que ceux retenus dans le cadre de la deuxième méthode, à l'exception des montants relatifs aux bénéfices. Ceux-ci ont été estimés, pour les ventes aux OEM, à 30 % de ceux réalisés sur les ventes effectuées sous la marque de Goldstar.
8 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
9 A l'appui de son recours, Goldstar invoque trois moyens qui concernent respectivement les trois méthodes retenues par le Conseil pour la détermination de la valeur normale.
Sur le moyen concernant les ventes ayant eu lieu au cours d'opérations commerciales normales ou permettant une comparaison valable
10 Goldstar fait valoir que le Conseil a enfreint l'article 2, paragraphe 3, sous b), du règlement de base, dans la mesure où il a considéré que les modèles GCD 603, GCD 605, GCD 606 et GCD 616 étaient vendus en Corée au cours d'opérations commerciales normales et que ces ventes permettaient une comparaison valable. Goldstar estime que la valeur normale de ces modèles n'aurait pas dû être fondée sur les prix pratiqués sur ce marché, mais sur la valeur construite. A l'appui de ces affirmations, Goldstar invoque en substance deux arguments.
11 Goldstar soutient, en premier lieu, que les notions d'opérations commerciales normales et de comparaison valable supposent un volume de ventes suffisant en termes absolus sur un marché intérieur représentatif. Le Conseil aurait méconnu ces exigences à deux égards. D'abord, il n'aurait apprécié le volume de ces ventes qu'en termes relatifs, dans la mesure où il aurait appliqué la règle dite des 5 %, qui exprime le volume des ventes sur le marché intérieur en pourcentage des exportations vers la Communauté. Ensuite, il aurait omis de prendre en considération les caractéristiques et la taille du marché coréen de LDC qui se limitait, lors de la période de référence, à 5 000 exemplaires vendus.
12 A cet égard, il y a lieu de constater tout d'abord que, selon le texte et l'économie de l'article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement de base, c'est le prix réellement payé ou à payer au cours d'opérations commerciales normales qu'il faut prendre en considération en priorité pour établir la valeur normale (voir arrêt du 5 octobre 1988, Canon/Conseil, point 11, 277-85 et 300-85, Rec. p. 5731). En effet, il ressort de l'article 2, paragraphe 3, sous b), du règlement de base qu'il ne peut être dérogé à ce principe que lorsqu'aucune vente du produit similaire n'a lieu au cours d'opérations commerciales normales ou lorsque de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable.
13 Il convient d'observer que la notion d'opérations commerciales normales concerne le caractère des ventes considérées en elles mêmes. Elle vise à exclure, pour la détermination de la valeur normale, les situations dans lesquelles les ventes sur le marché intérieur ne sont pas conclues à des conditions commerciales normales, notamment lorsqu'un produit est vendu à un prix inférieur aux coûts de production ou lorsque des transactions ont lieu entre des partenaires qui sont associés ou qui ont conclu un arrangement de compensation.
14 Or, force est de constater que Goldstar n'a jamais affirmé que ses ventes de LDC sur le marché intérieur pendant la période de référence avaient été conclues à des conditions commerciales qui n'étaient pas normales.
15 Il convient donc d'examiner si les ventes réalisées sur le marché intérieur permettaient une comparaison valable. Cette exigence concerne la question de savoir si ces ventes étaient suffisamment représentatives pour servir de base à la détermination de la valeur normale. Les transactions conclues sur le marché intérieur doivent en effet refléter un comportement normal des acheteurs et résulter d'une formation normale des prix.
16 Le Conseil et la Commission ont pour pratique de considérer qu'il est satisfait à cette exigence, dès lors que les ventes réalisées par le producteur concerné sur le marché intérieur excèdent 5 % des ventes à l'exportation vers la Communauté. En l'espèce, le Conseil a estimé que les ventes sur le marché intérieur dépassaient effectivement 5 % des exportations vers la Communauté et qu'il n'y avait pas lieu de déroger à la pratique suivie à cet égard.
17 En ce qui concerne cette pratique, il convient de constater qu'elle offre aux opérateurs économiques intéressés une certaine sécurité juridique pour ce qui concerne l'appréciation de la représentativité des ventes sur le marché intérieur par les institutions communautaires. En raison de cette garantie, le critère des 5 % mérite d'être retenu et il ne peut y être dérogé que dans des circonstances exceptionnelles.
18 Une telle circonstance pourrait se présenter lorsque le volume global du marché intérieur n'est pas suffisamment important pour que les prix de vente résultent du jeu de l'offre et de la demande. Goldstar affirme, à cet égard, que le volume du marché de LDC pendant la période de référence se limitait à 5 000 exemplaires vendus et qu'un tel volume n'est pas suffisamment important.
19 Afin d'apprécier cette affirmation, il convient d'observer que les marchés de l'appareillage domestique électrique et électronique connaissent généralement plusieurs phases de développement pendant lesquelles le volume des ventes s'accroît graduellement, alors que le niveau des prix se caractérise parallèlement par une tendance à la baisse. Dans chaque phase de développement, le jeu de l'offre et de la demande dicte un niveau de prix différent. C'est ainsi qu'au cours des premières phases un volume de vente relativement faible entraîne généralement un niveau de prix relativement élevé.
20 Or, durant la période de référence, le marché coréen se caractérisait par un volume de vente relativement limité et un niveau de prix relativement stable.
21 A la lumière de cette observation, le Conseil était en droit d'estimer qu'un volume global de ventes de 5 000 LDC permettait une formation normale des prix sur le marché coréen et qu'il n'y avait pas lieu de déroger à la pratique des 5 %. Par ailleurs, le chiffre de 5 000 exemplaires représente un pourcentage considérable des exportations de LDC coréens vers la Communauté pendant la période de référence, à savoir 14 %.
22 Un autre circonstance exceptionnelle pouvant justifier une dérogation à la pratique des 5 % était, selon Goldstar, le très faible volume de ses ventes réalisées sur le marché coréen en termes absolus. En ce qui concerne cet argument, il y a lieu d'observer que l'importance du volume de ventes en termes absolus peut varier d'un secteur de l'économie à l'autre. Il est, de ce fait, impossible de fixer un seuil minimal absolu de portée générale, en dessous duquel les ventes sur le marché intérieur ne permettraient plus une comparaison valable. L'importance du volume de ventes en termes absolus ne peut donc être appréciée qu'en fonction des particularités de chaque cas d'espèce.
23 Or, le fait d'admettre une dérogation à la pratique des 5 % en raison des particularités de chaque cas d'espèce reviendrait à compromettre la sécurité juridique que cette pratique vise précisément à apporter dans l'appréciation de la représentativité des ventes réalisées par un exportateur sur son marché intérieur. Un faible volume des vente en termes absolus ne constitue donc pas en soi une circonstance permettant de déroger à la pratique des 5 %.
24 En outre, il convient de constater que la part du marché coréen de LDC occupée par Goldstar pendant la période de référence n'était certainement pas insignifiante. Cette part dépassait en effet 5 % de l'ensemble des ventes effectuées sur ce marché.
25 C'est donc à juste titre que le Conseil a estimé que le nombre de LDC vendus par Goldstar sur le marché coréen et la taille globale de ce marché ne permettaient pas de déroger à sa pratique normale des 5 %.
26 Goldstar fait valoir, en second lieu, qu'elle a abandonné la production des modèles GCD 603, GCD 605 et GCD 606 en 1985, soit avant la période de référence. Le prix auquel ces modèles périmés ont été vendus sur le marché intérieur au cours de cette période ne permettrait donc pas une comparaison valable.
27 A cet égard, il suffit d'observer que l'article 2, paragraphe 3, sous b), du règlement de base ne fait référence qu'aux ventes. La date de production des modèles vendus est, en principe, sans incidence sur le calcul de la valeur normale.
28 Sur ce point, Goldstar n'a aucunement démontré que la date de production ait eu une incidence sur le prix auquel les modèles périmés ont été vendus sur le marché coréen.
29 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.
Sur le moyen relatif à la détermination de la marge bénéficiaire pour la valeur construite
30 Goldstar fait valoir que le Conseil a enfreint l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement de base, en déterminant la valeur construite du modèle GCD 613 par référence aux marges bénéficiaires réalisées lors des ventes sur le marché coréen des modèles GCD 603, GCD 605, GCD 606 et GCD 616, puisque ces bénéfices ne correspondaient pas aux bénéfices normalement réalisés sur ce marché. Goldstar précise, à cet égard, que le Conseil aurait dû se référer aux bénéfices d'autres producteurs coréens, en interprétant ladite disposition à la lumière de l'article 2, paragraphe 4, de l'accord relatif à la mise en œuvre de l'article 6 du GATT (JO 1980, L 71, p. 90, ci-après "Code antidumping de 1979").
31 Sur ce point, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1979,
"lorsqu'aucune vente du produit similaire n'a lieu au cours d'opérations commerciales normales sur le marché intérieur du pays exportateur ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la marge de dumping sera déterminée par comparaison avec un prix comparable du produit similaire lorsque celui-ci est exporté à destination d'un pays tiers, ce prix pouvant être le prix le plus élevé mais devant être un prix représentatif, ou avec le coût de production dans le pays d'origine majoré d'un montant raisonnable pour les frais d'administration, de vente et autres et pour les bénéfices. En règle générale, la majoration n'excédera pas le bénéfice normalement réalisé lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d'origine ".
32 Cette disposition, rédigée en termes généraux, ne précise pas si le bénéfice normalement réalisé lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d'origine se rapporte aux bénéfices réalisés par l'exportateur concerné ou s'il s'agit du bénéfice moyen réalisé par l'ensemble des producteurs sur le marché intérieur.
33 Il y a lieu de rappeler ensuite que, selon l'arrêt du 7 mai 1991, Nakajima All Precision Co. Ltd/Conseil, point 37 (C-69-89, Rec. p. I-2069), l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement de base est conforme à l'article 2, paragraphe 4, du Code antidumping de 1979, dans la mesure où, sans méconnaître l'esprit de cette dernière disposition, il se borne à concrétiser, pour les différentes situations susceptibles de se présenter en pratique, les méthodes raisonnables de calcul de la valeur normale construite.
34 L'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), est libellé comme suit :
"... la valeur construite, établie par addition du coût de production et d'une marge raisonnable. Le coût de production est calculé sur la base de l'ensemble des coûts, tant fixes que variables, se rapportant aux matériaux et à la fabrication, au cours d'opérations commerciales normales, dans le pays d'origine, augmentés d'un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux. Le montant des frais de vente, des frais généraux et des dépenses administratives ainsi que les bénéfices sont calculés par référence aux frais supportés par le producteur ou l'exportateur et aux bénéfices réalisés par celui-ci sur les ventes bénéficiaires de produits similaires réalisés sur le marché domestique. Si de telles données ne sont pas disponibles ou manquent de fiabilité ou sont inutilisables, le calcul est effectué par référence aux frais exposés et aux bénéfices réalisés par d'autres producteurs ou exportateurs dans le pays d'origine ou d'exportation sur les ventes bénéficiaires du produit similaire. Si aucune de ces deux méthodes ne peut être appliquée, les frais supportés et les bénéfices réalisés sont calculés par référence aux ventes effectuées par l'exportateur ou les autres producteurs dans le même secteur d'activité économique dans le pays d'origine ou d'exportation ou bien sur toute autre base raisonnable ".
35 Dans l'arrêt du 7 mai 1991, C-69-89, précité, il a été jugé que les trois méthodes de calcul de la valeur normale construite ainsi prévue à l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement de base devaient être envisagées dans l'ordre de leur présentation.
36 La marge bénéficiaire doit donc être calculée par priorité en fonction du bénéfice réalisé par le producteur sur les ventes bénéficiaires de produits similaires effectuées sur le marché intérieur. Ce n'est que si les données ne sont pas disponibles ou manquent de fiabilité ou sont inutilisables que la marge bénéficiaire est calculée par référence aux bénéfices réalisés par d'autres producteurs sur les ventes. .. du produit similaire.
37 En favorisant de cette façon l'utilisation des données relatives au producteur individuel concerné, l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement de base vise à assurer que la valeur normale construite correspond le plus possible à la situation qui aurait existé si le producteur avait effectivement vendu le produit en cause sur le marché intérieur en quantités suffisantes. Cette disposition garantit donc que chaque entreprise soit jugée en fonction de caractéristiques qui lui sont propres.
38 A cet égard, il y a lieu de préciser qu'il faut compter au nombre de telles caractéristiques la politique de prix menée par le producteur concerné sur le marché intérieur et que les données relatives aux bénéfices générés par une telle politique ne sauraient être ignorées du simple fait que la marge bénéficiaire est particulièrement élevée par rapport à celle réalisée par d'autres producteurs sur ce marché.
39 Il s'ensuit que le Conseil était tenu de calculer la marge bénéficiaire de la valeur normale construite du modèle GCD 613 en fonction des bénéfices réalisés par Goldstar lors des ventes des autres modèles sur le marché coréen.
40 Le deuxième moyen doit dès lors être rejeté.
Sur le moyen concernant le calcul de la marge bénéficiaire aux fins de la détermination de la valeur normale construite des modèles vendus dans la Communauté aux acheteurs OEM
41 Goldstar soutient que le Conseil a enfreint l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement de base, dans la mesure où il a évalué, pour la valeur construite des modèles GCD 613 et GCD 616 vendus aux acheteurs OEM dans la Communauté, la marge bénéficiaire applicable à 30 % de la marge bénéficiaire applicable aux ventes réalisées en Corée sous la marque de Goldstar. Cette façon de procéder méconnaîtrait le fait qu'il n'y a aucun lien entre des ventes à des OEM et des ventes sous la marque du producteur. Elle serait non seulement arbitraire, mais aussi contraire à la pratique suivie par les institutions communautaires dans d'autres affaires, dans lesquelles elles auraient retenu un pourcentage forfaitaire de 5 % pour toutes les sociétés concernées. Enfin, le Conseil aurait violé le principe d'égalité de traitement en appliquant des taux de bénéfice différents pour les producteurs coréens concernés, alors que ceux-ci se trouvaient tous dans la même situation du fait qu'ils n'ont procédé à aucune vente à des OEM sur le marché coréen.
42 Avant d'apprécier la pertinence de ces griefs, il convient de constater que, pendant la période de référence, aucun producteur coréen n'avait vendu ses produits à des OEM sur le marché coréen et que les institutions communautaires ne disposaient, par conséquent, d'aucune information relative à ce genre de vente sur ce marché. Ces institutions ont donc procédé à la construction de la valeur normale sur la base des données relatives aux ventes des produits de marque. Toutefois, pour tenir compte des différences entre les prix de ces ventes et ceux des ventes à des OEM, elles ont appliqué pour Goldstar un taux de bénéfice correspondant à 30 % de celui réalisé sur les ventes de produits de marque.
43 Il y a donc lieu d'examiner, à la lumière des griefs de Goldstar, si ce taux de 30 % constitue un montant raisonnable au sens de l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), dernière phrase, du règlement de base.
44 A cet égard, il faut examiner d'abord si le Conseil a dûment pris en compte les différences entre les ventes aux OEM et celles des produits de marque, en déterminant la marge retenue pour les ventes aux OEM en fonction des bénéfices réalisés sur les ventes de produits de marque.
45 Pour ce qui concerne la relation entre les deux types de vente, il convient d'observer que la différence essentielle se situe au niveau de la commercialisation. En effet, les deux types de ventes s'adressent à des clientèles différentes qui opèrent généralement à des stades de commercialisation différents, mais le produit vendu au consommateur final par un OEM est similaire à celui vendu sous la marque du fabricant. Les coûts de production sont donc comparables pour les deux types de vente.
46 Par conséquent, les ventes aux OEM et les ventes traditionnelles reflètent deux possibilités d'écoulement de la production d'un même fabricant. Le choix de l'une ou l'autre de ces possibilités est opéré en fonction de critères de rentabilité identiques, propres à l'entreprise concernée.
47 Il y a donc forcément un lien entre les ventes aux OEM et celles effectuées sous la marque du producteur, de sorte que le Conseil pouvait raisonnablement déterminer la marge bénéficiaire des ventes aux OEM en fonction de celle obtenue sur la vente des produits de marque.
48 Il convient d'examiner ensuite si le Conseil a commis une erreur d'appréciation en fixant une marge bénéficiaire individuelle pour les ventes de Goldstar aux OEM, alors que dans des affaires précédentes il avait retenu une marge moyenne identique pour tous les producteurs concernés.
49 A cet égard, il y a lieu de rappeler que la valeur normale construite vise à déterminer le prix de vente d'un produit, tel qu'il serait si ce produit était vendu sur le marché intérieur, et que l'utilisation des données relatives au producteur individuel concerné répond le mieux à cet objectif, notamment lorsque ces données diffèrent considérablement de celles relatives aux autres producteurs.
50 Pour ce qui concerne la construction d'une marge bénéficiaire pour les ventes aux OEM, il faut donc constater qu'une marge uniforme appliquée à l'ensemble des producteurs concernés est contraire à cet objectif, lorsque les marges bénéficiaires réalisées sur les ventes de produits de marque, qui ont servi de base de calcul pour la marge uniforme, diffèrent considérablement. En effet, le producteur qui n'aurait réalisé qu'une faible marge se verrait appliquer une marge moyenne supérieure, tandis que le producteur qui aurait obtenu une marge réelle élevée profiterait d'une marge moyenne inférieure.
51 Or, dans le cas d'espèce, Goldstar a réalisé, lors de ses ventes de produits de marque sur le marché coréen, une marge bénéficiaire réelle particulièrement élevée. En revanche, dans les affaires auxquelles Goldstar se réfère et qui sont évoquées au point 26 des conclusions de l'avocat général, les entreprises concernées avaient obtenu des marges réelles qui étaient très proches les unes des autres.
52 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le Conseil a agi correctement en retenant pour Goldstar une marge bénéficiaire individuelle pour les modèles GCD 613 et GCD 616 qu'elle a vendus à des acheteurs OEM dans la Communauté.
53 Il convient d'examiner, enfin, si le Conseil a fixé de façon arbitraire cette marge bénéficiaire individuelle à 30 % de la marge obtenue par Goldstar sur les ventes de produits de marque, compte tenu du fait qu'il a retenu une marge forfaitaire de 5 % dans des affaires de dumping antérieures.
54 A cet égard, il y a lieu de préciser d'abord que la marge forfaitaire de 5 %, retenue par le Conseil dans une de ces affaires, correspondait approximativement à un tiers de la marge bénéficiaire moyenne réalisée par les producteurs concernés sur leurs ventes intérieures, alors que dans les deux autres la marge de 5 % représentait plus d'un tiers de cette marge bénéficiaire moyenne.
55 Il convient de constater ensuite que, au cours de la procédure administrative, Goldstar a proposé elle-même aux institutions communautaires un rapport de 30 %, étant entendu toutefois que ce pourcentage devait être calculé sur la base des bénéfices moyens réalisés par l'ensemble des producteurs.
56 Par conséquent, on ne saurait reprocher au Conseil d'avoir fixé la marge bénéficiaire en cause de façon arbitraire.
57 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le Conseil n'a pas enfreint l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement de base en évaluant, pour la valeur construite des modèles GCD 613 et GCD 616 vendus aux acheteurs OEM dans la Communauté, la marge bénéficiaire à 30 % de la marge bénéficiaire applicable aux ventes de produits de marque.
58 Le troisième moyen doit dès lors être également rejeté comme, par conséquent, l'ensemble du recours.
Sur les dépens
59 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux de la partie défenderesse. La Commission et Compact, intervenus à l'appui de la partie défenderesse, supporteront, conformément à l'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens, à l'exception de ceux des parties intervenantes.