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Décisions

CJCE, 5e ch., 10 mars 1992, n° C-172/87

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mita Industrial Co. Ltd, Gestetner Holdings plc

Défendeur :

Conseil des Communautés européennes, Commission des Communautés européennes, Committee of European Copier Manufacturers

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Joliet

Avocat général :

M. Mischo

Juges :

Sir Gordon Slynn, MM. Grévisse, Moitinho de Almeida, Zuleeg

Avocats :

Mes Bellis, Tritton, Lasok, Fergus Randolph, Hans-Juergen Rabe, Schuette, Dietrich Ehle, Volker Schiller

CJCE n° C-172/87

10 mars 1992

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 juin 1987, la société Mita Industrial Co. Ltd (ci-après "Mita"), ayant son siège à Osaka, a, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation des articles 1er et 2 du règlement (CEE) n° 535-87 du Conseil, du 23 février 1987, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon (JO L 54, p. 12, ci-après "règlement attaqué"), dans la mesure où ils concernent la requérante.

2 Mita est une société qui fabrique des photocopieurs à papier ordinaire (ci-après "PPC") qu'elle exporte vers la Communauté par l'intermédiaire de Mita Europe, d'une part, à des importateurs indépendants qui les revendent sous la marque Mita et, d'autre part, pour 50 % de ces ventes, à des Original Equipment Manufacturers (fournisseurs sous leur propre marque de produits fabriqués par d'autres entreprises, ci-après "OEM"), et notamment à Gestetner, Océ, Triumph-Adler, Utax, Olympia et Develop. Au Japon, où elle ne procède à aucune vente OEM, Mita vend les PPC sous la marque Mita à des revendeurs et à des consommateurs finals par l'intermédiaire de ses propres filiales de vente.

3 En juillet 1985, Mita a fait l'objet, avec d'autres producteurs japonais, d'une plainte déposée auprès de la Commission par le comité des fabricants européens d'appareils de copie qui l'accusait de vendre ses produits dans la Communauté à des prix de dumping.

4 La procédure antidumping engagée par la Commission sur la base du règlement (CEE) n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1), a conduit à l'adoption du règlement (CEE) n° 2640-86 de la Commission, du 21 août 1986, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon (JO L 239, p. 5). Le taux du droit antidumping provisoire a été fixé à 13,7 % du prix net franco frontière de la Communauté pour les importations de PPC fabriqués et exportés par Mita. Par le règlement attaqué, pris sur proposition de la Commission, le Conseil a ensuite fixé le droit antidumping définitif à 12,6 %.

5 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

6 A l'appui de son recours, Mita invoque deux moyens tirés, d'une part, de la construction erronée de la valeur normale des produits vendus aux OEM et, d'autre part, du calcul erroné du prix à l'exportation.

Sur le moyen tiré de la construction erronée de la valeur normale des produits vendus aux OEM

7 Mita fait valoir que si, lors de la construction de la valeur normale des produits vendus aux OEM, conformément à l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement n° 2176-84, les institutions ont correctement tenu compte du fait que le bénéfice de ses ventes aux OEM était inférieur à celui réalisé dans les ventes de produits qu'elle opère sous sa propre marque, c'est à tort qu'elles ont inclu dans la valeur normale tous les coûts de distribution, de promotion et de service après-vente qu'elle supporte en réalité uniquement sur son marché intérieur et non pas dans ses ventes aux OEM.

8 Mita fait valoir, à cet égard, que les institutions auraient dû prendre en considération les éléments d'information qu'elle avait fournis à la Commission, et qui démontraient la différence de coûts susmentionnée, même si ces éléments concernaient les ventes à l'exportation. Elle estime que ces éléments constituaient les seules "informations disponibles", au sens de l'article 2, paragraphe 3, sous b), ii), du règlement n° 2176-84, dont les institutions pouvaient tenir compte pour construire la valeur normale.

9 Il y a lieu de rappeler tout d'abord que, statuant sur un moyen similaire invoqué aux fins d'annulation du même règlement que celui visé par le présent recours, la Cour a, dans l'arrêt du 14 mars 1990, Nashua/Commission et Conseil, point 33 (C-133-87 et C-150-87, Rec. p. 719), constaté que les institutions avaient pris en considération la différence entre les coûts et les bénéfices réalisés dans le cadre des ventes aux OEM et ceux correspondant aux autres ventes et que c'est dans ce but et compte tenu de l'impossibilité dans laquelle elles se sont trouvées d'évaluer cette différence avec précision que, dans le cadre de la construction de la valeur normale des OEM, elles ont fixé la marge bénéficiaire à 5 %, et non pas au taux moyen de celle-ci estimé à 14,6 % qu'elles ont appliqué aux ventes réalisées sous la marque des fabricants. En outre, Mita n'a pas apporté la preuve que le niveau de l'ajustement retenu par les institutions était insuffisant pour couvrir l'intégralité des différences alléguées.

10 Par ailleurs, les chiffres produits et tendant à prouver les différences de coûts susmentionnées ne concernaient que les ventes sur le marché communautaire.

11 Or, il résulte de la jurisprudence de la Cour, établie notamment par l'arrêt du 5 octobre 1988, Brother/Conseil, point 18 (250-85, Rec. p. 5683), que la construction de la valeur normale vise à déterminer le prix de vente d'un produit, tel qu'il serait si ce produit était vendu dans son pays d'origine ou d'exportation, et que, par conséquent, ce sont les frais afférents aux ventes sur le marché intérieur qui doivent être pris en considération. Dès lors, il convient de reconnaître que c'est à juste titre que les institutions ont refusé d'utiliser des données relatives à un autre marché que le marché intérieur du pays d'origine ou d'exportation.

12 Mita fait également valoir que la méthode utilisée par les institutions, consistant à retenir la même marge bénéficiaire de 5 % dans le cadre de la valeur normale construite des produits vendus aux OEM par tous les exportateurs japonais concernés, au lieu de retenir la marge bénéficiaire réelle réalisée par ces exportateurs sur les ventes de produits sous leur propre marque, est discriminatoire et favorise les exportateurs qui ont de faibles coûts et réalisent une marge bénéficiaire élevée sur les ventes intérieures des produits sous leur marque.

13 Cet argument ne peut pas être accueilli. En effet, la prise en considération d'une marge bénéficiaire unique résulte du fait que, ainsi qu'il a été relevé ci-avant, les institutions ne disposaient pas des données nécessaires pour évaluer avec certitude la marge de chaque exportateur.

14 Il résulte des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la construction erronée de la valeur normale des produits vendus aux OEM doit être rejeté.

Sur le moyen tiré du calcul erroné du prix à l'exportation

15 Mita fait valoir tout d'abord, en ce qui concerne les ventes à des importateurs OEM, que le prix à l'exportation a été déterminé non pas, comme le Conseil le soutient, en application de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84, mais sur la base de l'article 2, paragraphe 8, sous a), du même règlement. Or, cette dernière disposition ne permettrait pas la déduction de 5 % qui a été opérée au titre de commission d'agent de Mita Europe.

16 Mita fait valoir ensuite, en ce qui concerne les ventes à des importateurs indépendants de PPC portant la marque Mita, que le Conseil aurait dû retenir comme prix à l'exportation, conformément à l'article 2, paragraphe 8, sous a), du règlement n° 2176-84, les prix payés à Mita Europe et non pas construire le prix à l'exportation sur la base de l'article 2, paragraphe 8, sous b), de ce même règlement et déduire 6 % pour les coûts supportés par Mita Europe et 5 % pour la marge bénéficiaire.

17 En tout état de cause, selon Mita, l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84 ne serait pas applicable en l'espèce, étant donné que, dans les deux catégories de ventes indiquées ci-avant, les PPC ont été importés par des clients indépendants de Mita et que Mita Europe n'importe ni ne revend de produits dans la Communauté. Les frais intervenus entre l'importation et la revente sont supportés par les seuls importateurs indépendants qui achètent les PPC à Mita et non pas par Mita et, dès lors, les déductions opérées sont illégales.

18 Mita soutient enfin que l'application de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84, à la fois aux ventes de PPC Mita à des importateurs indépendants et aux ventes de PPC à des acheteurs OEM, a abouti à ce que le prix à l'exportation soit déterminé en opérant une double déduction de bénéfices, à savoir, d'une part, un bénéfice de revente ou une commission de 5 %, et, d'autre part, le bénéfice normal que tirent les importateurs indépendants et les acheteurs OEM de la vente de leurs produits dans la Communauté.

19 Il y a lieu de rappeler tout d'abord que, dans l'arrêt du 14 mars 1990, Gestetner/Conseil et Commission, point 27 (C-156-87, Rec. p. 781), concernant les ventes de Mita à l'importateur OEM qu'est Gestetner, la Cour a relevé que les PPC produits par Mita étaient vendus par l'intermédiaire de Mita Europe, qui traite les commandes des clients concernés, leur envoie les factures et reçoit les paiements correspondants, et que le prix payé par les acheteurs à Mita Europe ne coincïde pas avec le prix facturé par Mita Japon à Mita Europe.

20 Il résulte de cet arrêt que c'est en raison de l'intervention de Mita Europe que le prix à l'exportation a été déterminé sur la base de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84, étant donné que ni le prix payé par Mita Europe à Mita Japon ni le prix payé par Gestetner à Mita Europe ne pouvaient servir de référence, compte tenu respectivement de l'association existant entre le fabricant exportateur et sa filiale et de l'activité déployée par celle-ci pour les ventes. En effet, les frais inhérents à une telle activité réduisent effectivement le montant perçu par le fabricant exportateur dans la mesure où ils sont normalement supportés par l'importateur (point 31). Dans ces conditions, il a été admis qu'il convenait de construire le prix à l'exportation sur la base du prix payé par le premier acheteur indépendant, en ajustant ce prix en fonction des frais et bénéfices inhérents au rôle de Mita Europe (point 34).

21 Il résulte, en outre, du même arrêt que le fait que les frais exposés par Mita Europe soient relatifs à une activité déployée avant l'importation ne s'oppose pas à l'application de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84, qui n'exclut pas les ajustements exigés lorsque, pour d'autres raisons que celles y visées, le prix à l'exportation doit être construit (points 32 et 33).

22 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure qu'en l'espèce le Conseil a correctement déterminé le prix à l'exportation en ce qui concerne les ventes aux OEM, en construisant ce prix sur la base du prix payé par le premier acheteur indépendant et en l'ajustant en fonction des frais et bénéfices inhérents au rôle de Mita Europe.

23 Il en est de même en ce qui concerne la détermination du prix à l'exportation pour les ventes de Mita, par l'intermédiaire de Mita Europe, aux importateurs indépendants de PPC portant la marque Mita. En effet, ainsi que le Conseil l'a relevé au point 15, troisième alinéa, des considérants du règlement attaqué, Mita Europe assume dans tous ces cas des fonctions typiques d'une filiale d'importation similaires à celles exercées dans le cas des OEM.

24 Compte tenu de ce qui précède, l'argument selon lequel en appliquant l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84 aux ventes à des importateurs indépendants (OEM et autres) le Conseil aurait déterminé le prix à l'exportation en opérant une double déduction de bénéfice ne peut pas être accueilli.

25 Il ne résulte ni des pièces du dossier ni des débats menés devant la Cour que le niveau de l'ajustement ait été excessif. Dès lors, le moyen tiré du calcul erroné du prix à l'exportation doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

26 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante CECOM qui a conclu en ce sens. La Commission supportera, conformément à l'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, ses propres dépens. La société Gestetner, intervenue au soutien des conclusions de la partie requérante, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux exposés par la partie intervenante CECOM. La société Gestetner supportera ses propres dépens.