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Décisions

Cass. com., 20 mai 2008, n° 06-19.234

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Prodim (Sté), CSF (Sté)

Défendeur :

GPE (SARL), Gouilleux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Pietton

Avocat général :

M. Raysséguier

Avocats :

Me Odent, SCP Gatineau

Douai, 2e ch. sect. 2, du 15 juin 2006

15 juin 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 juin 2006), que la société GPE a conclu avec la société Prodim un contrat de franchise pour l'exploitation d'un fonds de commerce à l'enseigne Shopi; qu'aux termes de l'article 8 de ce contrat, le franchisé s'engageait, durant une période de trois ans suivant la fin de l'accord et dans une zone géographique de cinq kilomètres, à ne pas s'affilier à une enseigne de renommée régionale ou nationale; que la société GPE a conclu avec la société Prodim, aux droits de laquelle se trouve la société CSF, un contrat d'approvisionnement; que la société GPE a dénoncé ces contrats le 29 septembre 1998 pour le 4 mai 1999; que les sociétés Prodim et CSF ont assigné la société GPE et la caution, Mme Gouilleux, aux fins de voir résilier les contrats aux torts exclusifs de la société GPE et en paiement de cotisations de franchise, de factures de marchandises impayées ; qu'en outre, la société Prodim a sollicité le retrait de la nouvelle enseigne ou, à défaut, le paiement de dommages-intérêts;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Prodim et CSF font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en paiement de cotisations et marchandises impayées, alors, selon le moyen : 1°) que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a énoncé que les sociétés Prodim et CSF avaient reconnu la nécessité de diligenter la mesure d'expertise sollicitée par la société GPE, quand elles en avaient toujours contesté l'utilité, a, au mépris des prescriptions de l'article 1134 du Code civil, dénaturé les conclusions des sociétés Prodim et CSF; 2°) que le refus de consigner la provision due à l'expert, dont la charge incombe à la partie demanderesse, n'autorise pas le juge à en tirer toutes conséquences, au détriment de l'autre partie, défenderesse à la mesure d'expertise; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a fait supporter aux sociétés Prodim et CSF, défenderesses à la mesure d'expertise sollicitée par leur adversaire, la carence de la société GPE, qui s'était abstenue de consigner la provision due à l'expert et de provoquer l'organisation de la mesure qu'elle avait sollicitée, a violé l'article 271 du Code de procédure civile ; 3°) que des factures et décomptes qui n'ont pas été contestés en temps utile, et dont le bien-fondé a été reconnu par le débiteur, font la preuve de créances commerciales; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a retenu que les factures et décomptes produits par les sociétés CSF et Prodim ne pouvaient faire la preuve de leurs créances de marchandises et de cotisations de franchise impayées, en s'abstenant de rechercher si ces factures et décomptes avaient été contestés en temps utile (les conditions générales de vente des marchandises prévoyaient notamment un délai de contestation de 48 heures, pour les factures) par la société GPE et si celle-ci n'avait d'ailleurs pas reconnu, dans ses propres écritures, avoir sciemment laissé ces factures impayées pour procéder à leur compensation avec des sommes prétendument dues par les sociétés CSF et Prodim, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la créance des sociétés Prodim et CSF n'était en l'état établie que par quelques bons de commandes et factures, incluait aussi des sommes diverses, n'était récapitulée que sur du papier de commerce de Prodim, sous la forme invérifiable d'une sorte de compte courant, et qu'elle avait fait l'objet d'évaluations très variables par la société Prodim elle-même d'un courrier à l'autre, ou même à l'intérieur d'une même mise en demeure, l'arrêt retient que les sociétés Prodim et CSF ne font pas la preuve de ce qui leur serait dû ; qu'ayant apprécié souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux, surabondants, visés aux deux premières branches, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que les sociétés Prodim et CSF font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en indemnisation du préjudice découlant d'une rupture abusive par la société GPE des contrats de franchise et d'approvisionnement, alors, selon le moyen : 1°) que les juges du second degré qui motivent leur décision par référence à la motivation des premiers juges, sans répondre aux moyens nouveaux présentés en appel par la partie perdante, privent leur décision de motifs; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est cru en droit, en motivant sa décision par référence aux motifs des premiers juges, de négliger tous les moyens présentés en appel par les sociétés Prodim et CSF, relativement à la résiliation des contrats de franchise et d'approvisionnement, a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile; 2°) que la motivation par référence au jugement de première instance ne permet pas aux juges du second degré de se dispenser de répondre aux moyens présentés en appel par la partie perdante; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, sur la rupture abusive du contrat de franchise, s'est bornée à adopter purement et simplement les motifs des premiers juges, au demeurant très insuffisants, en s'abstenant de répondre au moyen de la société Prodim, tiré d'une faute de la société GPE qui, ayant annoncé son changement d'enseigne le 1er mai 1999, soit avant le terme du contrat, avait forcément déjà conclu un nouveau contrat de franchise avec une enseigne concurrente, cette question ayant d'ailleurs donné lieu à une injonction de communication de pièces, de la part du conseiller de la mise en état, injonction à laquelle la société GPE avait refusé de déférer, a méconnu les prescriptions de l'article 455 du Code de procédure civile; 3°) que le défaut de paiement des marchandises livrées pendant la période de préavis constitue un manquement contractuel grave du franchisé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui sous prétexte d'une adoption pure et simple des motifs des premiers juges, a négligé de répondre au moyen de la société CSF, tiré du défaut de paiement des marchandises livrées pendant le préavis contractuel, ce qui constituait indéniablement un manquement contractuel grave de la société GPE, justifiant la résiliation du contrat à ses torts, a violé l'article 455 du Code de procédure civile; 4°) qu'une demande d'indemnisation pour rupture abusive d'un contrat d'approvisionnement ne peut être écartée au moyen d'une motivation inopérante; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a débouté la société CSF de sa demande en indemnisation pour résiliation abusive, à la charge de la société GPE, du contrat d'approvisionnement qui les liait, en se fondant sur un grief de la franchisée, datant de 1994, soit cinq ans avant la rupture du contrat, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil;

Mais attendu, en premier lieu, que si les conclusions d'appel des sociétés Prodim et CSF contenaient des arguments nouveaux, elles n'énonçaient aucun moyen auquel les premiers juges n'aient déjà répondu;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant retenu, pour écarter la demande en dommages-intérêts pour rupture abusive de contrat d'approvisionnement en l'absence de faute démontrée de la société GPE, qu'aucune date ne figurait sur le décompte de sa créance, lequel n'était pas justifié, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux surabondants critiqués à la quatrième branche, légalement justifié sa décision; d'où il suit que le moyen qui ne peut être accueilli en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Prodim fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en indemnisation de la violation, par le franchisé, de la clause de non-réaffiliation post-contractuelle stipulée au contrat de franchise, alors, selon le moyen : 1°) que la motivation par référence à la décision des premiers juges, ne dispense pas les juges du second degré de répondre aux moyens nouveaux présentés par les parties, ainsi que d'examiner les pièces nouvelles versées en appel; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est cru en droit, en motivant sa décision par référence aux motifs des premiers juges, de négliger tous les moyens et pièces nouveaux présentés en appel par les sociétés Prodim et CSF, relativement à la violation de la clause de non-réaffiliation stipulée au contrat de franchise, a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que la motivation par référence au jugement de première instance ne permet pas aux juges du second degré de se dispenser de répondre aux moyens présentés en appel par la partie perdante; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, en se bornant à adopter les motifs des premiers juges, a omis de répondre au moyen - appuyé sur des pièces éditées pour la période prévue pour l'application de la clause de non-réaffiliation de la société GPE - de la société Prodim, par lequel elle avait démontré la renommée nationale, et au moins régionale, de l'enseigne " G20 " a méconnu les prescriptions de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) qu'une clause de non-réaffiliation, limitée dans le temps et dans l'espace, est valable, lorsqu'elle n'interdit pas au franchisé la poursuite d'une activité commerciale similaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a estimé que la clause de non-réaffiliation insérée dans le contrat de franchise conclu entre les sociétés Prodim et GPE, était illicite, alors qu'elle n'interdisait nullement à la société GPE de se rétablir dans la même activité, mais sous une enseigne locale ou sous la sienne propre, a violé les articles 1134 du Code civil et L. 420-2 du Code de commerce; 4°) que le franchiseur d'un réseau de distribution alimentaire dispose incontestablement d'un savoir-faire spécifique; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher, en ayant, à la suite des premiers juges, estimé que la société Prodim n'avait fait la preuve d'aucun savoir-faire spécifique qu'il importait de protéger, si, en tant que franchiseur d'un réseau de distribution alimentaire, elle ne délivrait pas à ses franchisés un savoir-faire indéniable, fondé sur un modèle de gestion des magasins franchisés, un agencement spécifique des locaux, ainsi que des rayons des magasins, de référencement et d'assortiment des produits commercialisés, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 420-2 du Code de commerce;

Mais attendu qu'ayant, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, retenu, pour écarter l'application de la clause de non-réaffiliation mise à la charge du franchisé, que la preuve de la renommée nationale ou régionale de l'enseigne "G20" au moment de la réaffiliation n'était pas rapportée, la cour d'appel, qui a ainsi répondu aux conclusions prétendument omises et qui n'était pas tenue de procéder à la recherche, visée à la quatrième branche, que ses constatations rendaient inopérante, a, par ses seuls motifs, abstraction faite des motifs surabondants visés à la troisième branche, légalement justifié sa décision; que le moyen qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.